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>> fans. C'est même un bien pour le peuple que le >> Gouvernement devienne aisé, qu'il se perpétue >> par les mêmes lois qui perpétuent le genre humain, >> et qu'il aille, pour ainsi dire, avec la nature.

>> Ainsi, les peuples où la royauté est héréditaire, » en apparence se sont privés d'une faculté, qui est >> celle d'élire leurs Princes. Mais, dans le fond, c'est » un bien de plus qu'ils se procurent. Le peuple » doit regarder comme un avantage de trouver son >> Souverain tout fait, et de n'avoir pas, pour ainsi >> parler, à remonter un si grand ressort. De cette >> sorte, ce n'est pas toujours abandonnement, ou >> faiblesse de se donner des maîtres puissans. C'est » souvent, selon le génie des peuples et la Consti>>tution des Etats, plus de sagesse et de profondeur » dans les vues.

>> C'est donc une grande erreur de croire qu'on ne » puisse donner des bornes à la puissance souveraine » qu'en se réservant sur elle un droit souverain. Ce >> que vous voulez faire faible àvous faire du mal, >> par la condition des choses humaines, le devient >> autant à proportion, à vous faire du bien. Et >> sans borner la puissance par la force que vous >> pouviez réserver contre elle, le moyen le plus >> naturel pour l'empêcher de vous opprimer, c'est » de l'intéresser à votre salut (1). »

(1) Cinq. avertissem.

J'ai rapporté ce long passage, non-seulement pour répondre à la question du ministre Jurieu mais encore pour justifier la monarchie absolue et héréditaire contre les déclamations de tant d'écrivains inconsidérés, sans néanmoins en conclure que ce Gouvernement soit pour tous les peuples le meilleur et le plus parfait. Loin de donner une préférence exclusive à une certaine forme de Gouvernement, je voudrais que chacun demeura persuadé que le meilleur de tous les Gouvernemens est celui de son pays. Ce préjugé qui tend à conserver la tranquillité publique, vaut bien les prétendues découvertes de cette philosophie turbulente et séditieuse, qui ne sait corriger les abus politiques, qu'en détruisant les institutions sociales. Je voudrais que les citoyens de toutes les classes apprissent à se défier de l'esprit de système et d'innovation, à laisser au tems et aux événemens le soin d'amener les réformes utiles, graduellement et sans secousses et à sentir que leur intérêt leur fait un devoir de respecter, de chérir et d'affermir le Gouvernement établi.

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De ce que les sujets n'ont aucune action contre le Souverain, s'ensuit-il que le Souverain, affranchi de toute loi, puisse gouverner selon son caprice, et que les sujets doivent une obéissance aveugle à toutes ses volontés ?

Dans un Etat constitué, le Souverain n'est pas un despote, les sujets ne sont pas des esclaves. La puissance souveraine, toujours et nécessairement absolue, trouve ses bornes dans les lois de la nature et de la Religion, dans les lois civiles et dans les lois fondamentales de l'Etat, enfin dans son propre intérêt qu'elle ne peut séparer de l'intérêt des peuples, sans courir à sa perte.

1.o Le Souverain est obligé de fléchir sous les lois de la nature et de la Religion: lois sacrées, indépendantes des hommes, qui s'allient avec toutes les formes de Gouvernement, qui forment le titre primitif de l'autorité, et que le Souverain a plus d'intérêt de respecter que le dernier de ses sujets. Si le Prince ordonne quelque chose de contraire au

droit naturel, ou au droit divin, il agit sans pouvoir. Non-seulement on peut, mais on doit refuser d'obéir.

La maxime des Apôtres, qu'il faut obéir à Dieu. plutôt qu'aux hommes, obedire oportet Deo, magis quam hominibus, est d'une vérité évidente. On ne peut conférer à autrui aucun pouvoir sur soi-même, au préjudice d'un maître supérieur. Les hommes, en se soumettant à un Souverain, n'ont ni pu, ni voulu se soustraire à l'empire du Créateur. Il est encore moins permis d'obéir au Prince qui commande ce que Dieu défend, qu'il ne serait permis d'obéir à un officier subalterne, au mépris de la volonté connue du Souverain. Les droits de la conscience sont indépendans de la puissance civile.

Mais, en rendant à Dieu ce qui est à Dieu, il ne faut pas ôter à César ce qui est à César. Après avoir refusé d'obéir à un ordre que l'on ne pourrait exécuter sans crime, il faut, quoiqu'il puisse arriver, ne jamais opposer la force à l'autorité. Telle était encore la doctrine des Apôtres, si courageusement suivie par les premiers Chrétiens qui, placés par les ordonnances des Empereurs entre l'apostasie et la révolte, ne savaient que mourir. Et cette doctrine, la Religion chrétienne ne l'a consacrée, comme tant d'autres vérités morales auparavant méconnues, que parce qu'elle est fondamentale dans le droit public.

Par la nature du Contrat social, l'Etat acquiert sur nous et sur toutes nos actions un droit éminent de direction, autant qu'il est nécessaire au maintien de la tranquillité publique. L'Etat peut donc exiger de chacun de ses membres qu'il renonce au droit de résistance que donne la nature; et l'on ne peut douter qu'il ne l'exige en effet, quand on considère que ce droit de résistance est incompatible avec la paix et le bon ordre de la société. Mais, il faut l'avouer, cette soumission passive à des ordres manifestement injustes, ne peut être commandée efficacement que par la religion.

2.o Le Prince est soumis aux lois civiles de l'Etat, parce qu'il est le premier citoyen; quoiqu'il ne soit pas soumis aux peines de la loi, parce qu'il n'y a point de puissance coactive contre la puissance suprême.

Les Princes les plus absolus se sont fait gloire de rendre hommage à cette vérité. Je la trouve établie dans un écrit publié par ordre de Louis XIV : Traité des droits de la Reine très-Chrétienne, sur divers Etats de la monarchie d'Espagne. 1667: « Qu'on ne dise point que le Souverain n'est pas >> sujet aux lois de son Etat, puisque la proposition >> contraire est une vérité du droit des gens que la » flatterie a quelquefois attaquée, mais que les bons >> Princes ont toujours défendue comme une divinité

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