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et dictent des décrets abhorrés. Dans un grand nombre de villes, des administrateurs, des Magistrats élus par le peuple et destitués par le Directoire sont remplacés par des inconnus, que leurs crimes et la haine publique avaient forcés de s'exiler de leur patrie. Les formes républicaines subsistent encore, mais ce n'est que pour donner aux actes du despotisme le plus arbitraire une vaine apparence de légalité. La Nation française n'est plus représentée, elle n'est plus gouvernée par ellemême, elle n'est plus libre; la démocratie est détruite, une oligarchie militaire, le gouvernement d'Alger lui a succédé.

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Il fallait encore aux Français cette dernière Révolution, pour les convaincre que, dans les Etats populaires, ce n'est jamais ni le peuple, ni la loi, mais toujours une faction et la force qui gouvernent. J'ignore quelles en seront les suites, car le nombre des combinaisons informes qui peuvent sortir du chaos révolutionnaire n'est pas épuisé : mais il n'est pas besoin de savoir lire dans l'avenir pour assurer qu'au point où en sont les choses, la France n'a plus à opter qu'entre la tyrannie et l'autorité légitime de son Roi,

C'en est fait de la République : le peuple n'en veut plus. Il rejette persévéramment toutes les institutions républicaines. Il est sourd aux proclamations et aux complaintes sans cesse réitérées du Directoire, et des corps administratifs. Il cédera peut-être à la violence; mais sa haine pour la République s'accroîtra par le culte qu'il sera forcé de lui rendre.

Le Directoire lui-même ne veut plus, ni de la

Constitution de 1795, ni de toute autre où le peuple exercerait quelque influence. Il a trop vu que l'opinion publique se prononçait hautement contre lui. Il sent trop que cette opinion publique qui, dans les élections de 1797 avait formé de ses ennemis la majorité des Conseils, ne manquerait pas de dicter des choix pareils à l'avenir. Il était perdu, si les assemblées primaires de 1798 eussent joui de quelque liberté. Outre qu'elles eussent été indubitablement animées du même esprit que les précédentes, elles avaient à venger l'attentat des Triumvirs contre la représentation nationale.

Semblable dans son origine à la République d'Angleterre, la République française lui ressemblera encore dans sa fin. Après la mort de Cromwel, l'Angleterre également lasse de l'anarchie parlementaire et de la tyrannie protectoriale, n'espera de repos qu'en plaçant sur le trône le fils de ce Roi qu'elle avait vu périr sur un échafaud. Le Directoire qui a subjugué le corps législatif, qui a détruit la représentation nationale, qui a dépouillé le peuple de tout ses droits constitutionnels, le Directoire est le Cromwel de la République française. Il tombera, et avec lui disparaîtra tout ce qui reste de la République, les dénominations et les formes. L'étendue de la France, sa population, sa position continentale, ses rapports avec le reste

de l'Europe lui permettent encore moins qu'à l'Angleterre de chercher ailleurs que dans la monarchie, la tranquillité au-dedans, la paix et la considération au-dehors.

Le Gouvernement monarchique est un principe restaurateur pour les Nations épuisées par les discordes civiles. Rome, la France, l'Angleterre n'ont pas de plus belles époques que les règnes d'Auguste, de Charles VII, d'Henri VII, d'Henri IV, et les premières années de Louis XIV, et de Charles II. Quel autre Gouvernement aurait assez de force et de vigueur, pour contenir les factions? Quel autre qu'un Monarque serait assez puissant, pour oser pardonner à tant de coupables, pour prendre confiance dans leur repentir, et leur en faire prendre dans sa clémence? Quelle autre main, que la main paternelle d'un Roi, peut toucher à des plaies si profondes et si douloureuses? Et, pour me servir d'une belle expression de l'Écriture Sainte, comment l'ordre et la paix se rétabliront-ils, dans un Etat bouleversé de fond en comble, sans l'intervention d'une providence royale ? Videbat enim sine regali providentia impossibile esse pacem rebus dari.

De quelque manière que se modifient les principes de la Révolution, on ne peut jamais en attendre la paix domestique. La République française sera toujours déchirée par deux partis irréconciliables, la

faction régnante, qui s'efforcera d'anéantir cette souveraineté du peuple, ce droit d'insurrection qui' peuvent la renverser du trône, encore plus facilement qu'ils ne l'y avaient placée, et le parti de l'opposition qui ne cessera d'invoquer ces principes désorganisateurs pour s'emparer de la puissance publique. S'il arrivait que dans une société composée d'élémens si discordans, il s'établit un état de calme et de repos, ce serait le repos de l'abattement et du désespoir. Ce serait la paix que donnent les tyrans, ubi solitudinem faciunt, pacem appellant. (1) Robespierre, après avoir décimé la convention, les Triumvirs, après avoir détruit le corps législatif, se ventaient d'avoir pacifié la France.

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Tant que subsistera le Gouvernement actuel (la République), la France ne doit pas espérer de paix avec les Nations étrangères. Une République puissante, fut-elle sagement constituée, et solidement affermie, nepeut conserver la paix domestique, que par des guerres extérieures. Le Sénat romain ne connaissait d'autre moyen de prévenir ou de calmer les séditions, que de proposer une guerre. Quand elle n'eut plus d'ennemis à combattre, Rome se déchira de ses propres mains.

Mais ce n'est pas seulement comme République

(1) Tacito.

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