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LETTRE AU MÊME.

Il le remercie de son zèle pour défendre dans sa personne la cause de l'épiscopat, et lui rend compte de son entretien avec M. l'intendant.

Je reçois, monseigneur, la lettre du 28, de votre éminence, et je vois les remerciments que je lui dois, et pour l'épiscopat en général, et pour moi en particulier. Je ne manquerai pas de me rendre auprès de vous après la fête, à peu près dans le même temps qu'on reviendra de Marly, c'est-à-dire, vers le 8 novembre.

Vous croyez bien, monseigneur, que je ne suis pressé de voir mon livre paroître que par son utilité, pour faire connoître le dangereux caractère de l'auteur; car, du reste, je différerai tant qu'il sera utile, et selon vos ordres.

M. Phelipeaux, notre intendant, étant arrivé à Meaux samedi dernier, je n'ai pas cru pouvoir me dispenser de lui parler du mauvais traitement que M. le chancelier me faisoit. Je n'ai point cru devoir lui parler d'autre chose que de ce que j'aurois dû attendre en particulier d'un chancelier ami, en suivant l'exemple de ses prédécesseurs du reste, j'ai évité exprès de dire un mot de la cause de l'épiscopat, que nous avons à traiter devant un tribunal plus haut et moins prévenu. Quoique je n'aie prétendu autre chose que de donner à M. Phelipeaux, qui agissoit bonnement avec moi, une ouverture pour M. le chancelier à me faire un commencement de justice, j'avoue pourtant que j'aurois parlé avec plus de circonspection, si j'eusse reçu votre lettre. Mais après tout, n'ayant point parlé de la cause de l'épiscopat, je l'ai réservée toute entière, et je prendrai garde à ne mollir point sur l'intérêt commun, quand on me donneroit satisfaction en particulier pour cette occasion: car aussi bien, si on ne va à la source, ce sera à recommencer. J'ai donné un mémoire à M. Phelipeaux, conforme à cette intention, et je vous rendrai compte de tout ce qui pourra en arriver, vous assurant que je ne ferai rien qui affoiblisse la cause. Respect, soumission et obéissance. † J. BÉNIGNE, év. de Meaux.

A Meaux, ce 30 octobre 1702.

LETTRE AU MÊME.

Sur la défense qu'avoit reçue Anisson, et les raisons alléguées par M. le chancelier pour empêcher que l'ordonnance du prélat ne parût.

Pour rendre compte de tout à votre éminence, j'aurai, monseigneur, l'honneur de lui dire qu'outre tout ce qui s'est passé, Anisson a eu une nouvelle défense de laisser sortir une seule feuille de mon ordonnance et de mon livre, jusqu'à ce que M. le chancelier en eût

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conféré avec moi il n'y avoit plus qu'à tirer le placard, qui est composé. On a poussé la défense jusqu'à ôter la faculté de m'en envoyer à moi un imprimé. On me considère beaucoup, dit-on; mais c'est qu'il y a quelques termes, dans le préambule de l'ordonnance, qui le regardent et qui le blessent. Ce ne peut être autre chose que ce que j'ai dit, conformément à votre ordonnance, sur la prohibition du concile de Trente, d'imprimer sans la permission de l'ordinaire. Ainsi M. le chancelier entrera dans l'intime de nos ordonnances, et il faudra lui en rendre compte. Je n'ai fait que répéter en abrégé ce que porte votre ordonnance: on n'ose s'en prendre à vous, on retombe sur la partie foible, et vous serez censuré en ma personne. Il faut donc, monseigneur, plus que jamais avoir recours à Dieu, et espérer que celui qui tourne, comme il lui plaît, les cœurs des rois, fera trouver à l'Eglise, si violemment attaquée, un protecteur dans le nôtre, qui est si disposé à lui rendre justice.

Je prendrai garde, monseigneur, plus que jamais, à tout concerter avec votre éminence, jusqu'aux moindres demandes; et je me rendrai à Paris le plus tôt qu'il me sera possible, pour avoir le loisir de convenir de tout. Vos sentiments, que la piété et la prudence inspirent, seront des ordres pour moi. Je finis, monseigneur, en vous assurant de mon obéissance.

Si votre éminence voit le roi avant Marly, elle saura bien ce qu'elle aura à lui dire. Quoi, il ne nous sera pas permis d'alléguer le concile de Trente! Cela est dur et inconcevable.

Je ne doute point du secours de madame de Maintenon.

A Meaux, ce 31 octobre 1702.

J. BENIGNE, év. de Meaux.

Je sais que les magistrats flattent M. le chancelier, sur ce que l'endroit du concile dont il s'agit, n'est pas reçu dans l'ordonnance de Blois. C'est sur cela qu'il faut combattre de toute sa force, pour ne point abandonner l'Evangile à la fantaisie des Simon, et des docteurs qui leur passent tout.

LETTRE A M.***

Il lui témoigne ses dispositions sur la conduite qu'on tient à son égard, et lui montre la nécessité de son livre, pour réprimer l'audace de Richard Simon.

Je reçois votre lettre du 31 octobre, et j'avois appris la même chose de M. Anisson par une lettre reçue hier. Je n'ai pas tardé un moment à en donner avis à M. le cardinal. Enfin, monsieur, on se déclare nos ordonnances seront sujettes à l'examen, comme nos autres ouvrages, et on me fera un crime d'avoir suivi les sentiments de mon métropolitain : ce sera lui qui sera censuré sous mon

nom. Dieu soit loué! et puisqu'on pousse tout à bout contre nous, c'est le temps d'attendre le secours d'en haut contre l'Eglise oppressée. Je sais le fait de M. de Châlons-sur-Saône : mais c'est autre chose L de supprimer un livre de statuts, quand il y a quelque chose contre. l'ordonnance, ce qui pourroit être arrivé à M. de Châlons; ce que pourtant je ne sais pas : autre chose, que pour exercer nos fonctions il nous faille prendre l'attache de M. le chancelier, et achever de mettre l'Eglise sous le joug. Pour moi, j'y mettrois la tête : je ne relâcherai rien de ce côté-là, ni je ne déshonorerai le ministère dans une occasion où la gloire de mon métropolitain, autant que l'intérêt de l'épiscopat, se trouve mêlée.

Je ne doute pas que M. Simon ne trouve de la protection dans les états protestants, où l'on ne demande pas mieux que de voir exercer une liberté sans bornes. Au lieu de se juger indigne d'écrire, il ne songe plus qu'à donner une version corrigée : mais le service de Dieu demande qu'on lui ôte le moyen de nuire, en lui ôtant celui d'écrire. Il faut pour cela le faire connoître : c'est à quoi mon livre et mon ordonnance sont bons, et c'est aussi la seule raison qui m'obligeoit d'en presser la publication : mais il faut prendre les moments propres, et souffrir avec patience le retardement. Je vous remercie de tous vos soins. Je suis à vous, comme vous savez, de tout mon cœur. + J. BENIGNE, év. de Meaux.

A Meaux, ce 1er novembre 1702.

LETTRE

A M. LE CARDINAL DE NOAILLES.

Sur l'écrit de Simon contre l'ordonnance de M. le cardinal: et l'injustice des procédés de M. le chancelier.

Je reçois, monseigneur, votre lettre du 3, de Conflans. L'Eglise est attaquée dans le plus intime; Dieu nous aidera. J'avois commencé un mémoire; mais il a fallu l'interrompre par quelques remèdes, plus par précaution que par maladie. L'écrit est d'une insolence parfaite, et mériteroit une animadversion publique. Il se vante des dois du royaume : mais ce n'est pas la loi du royaume qu'on s'élève Ouvertement contre la doctrine du prélat ; les arrêts y sont contraires. M. de La Reynie disoit autrefois que de telles gens devoient être renfermés comme des pestes publiques : c'étoit au sujet de la critique du vieux Testament. Pour joindre l'instruction à l'autorité, je médite une préface à mon livre, qui ne laissera aucune réplique : mais il faudroit auparavant la main-levée : on permet aux moindres parties d'imprimer un factum. Il faut toujours parler avec respect d'un magistrat de cette importance mais l'état de l'Eglise seroit bien

VIII.

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triste, si elle ne pouvoit pas même se défendre. C'est un scandale. public, qu'on ose publiquement écrire contre une censure d'un prélat de votre autorité; au lieu qu'il n'y auroit qu'à se soumettre. Je compte être jeudi à Paris, s'il n'arrive quelque accident. Respect et obéissance.

A Germigny, ce 5 novembre 1702.

+J. BENIGNE, év. de Meaux.

LETTRE

A MADAME DE MAINTENON.

Il lui envoie ses mémoires en réponse à M. le chancelier, et les lettres de ce magistrat à M. le cardinal de Noailles, et lui recommande son affaire.

Voici, madame, les deux mémoires : le premier, qui est trèscourt, est celui qui fera connoître au roi la manière de juger des livres, si sa majesté daigne y jeter les yeux.

Le second contient les extraits des lettres de M. le chancelier, que M. le cardinal de Noailles souhaite que vous voyiez.

J'y joins en tout cas les pièces entières, pour un plus grand éclaircissement, si vous croyez, madame, en avoir besoin.

Je dois, madame, vous avertir que ces lettres sont un secret que M. le cardinal vous recommande.

Il est pourtant bien nécessaire que vous vous donniez la peine d'entendre les prétentions et procédures inouïes de M. le chancelier, pour en rendre au roi le compte que vous trouverez à propos, n'y ayant rien au fond de plus convaincant. Respect et obéis

sance.

7 J. BENIGNE, év. de Meaux.

A Versailles, ce jeudi 16 novembre 1702.

LETTRE

AU CARDINAL DE NOAILLES,

Sur la difficulté qu'opposoit M. le chancelier à la publication de son ordonnance

contre Simon.

Le roi vient de me dire, monseigneur, que M. le chancelier met à présent la difficulté en ce que nous nous sommes servis du terme de permission; ce qui ne convient qu'à l'autorité royale : les évêques peuvent examiner et approuver; le roi seul peut permettre. Ni M. de Péréfixe, ni aucun autre évêque n'ont permis; ils ont seulement examiné et approuvé. C'est une nouvelle chicane, qui réduiroit la question à une dispute de mots.

Venez, monseigneur; votre présence, s'il plaît à Dieu, déterminera. Prenez la peine de vous munir de la censure première de M. de

!

Péréfixe contre Mons, pour voir de quel terme il s'est servi. Il faut aussi avoir les versions d'Amelotte, de Godeau et de Bouhours, pour voir pareillement quels termes on a employés. Je vous supplie de faire chercher les formules où nous nous servons du mot de permettre.

J'ai bien dit au roi que nos permissions ne faisoient aucun tort aux siennes. Nous permettons selon la conscience, et lui selon le temporel: nous permettons de faire les fonctions de vicaires en telle paroisse, de lire les livres défendus, de manger des viandes défendues, d'absoudre de l'hérésie et des autres cas réservés; cela s'entend pour la conscience.

Le roi m'a commandé de faire un mémoire : je le tiendrai prêt, si votre éminence me fait la grâce de m'envoyer les censures et permissions de M. de Péréfixe si je puis les avoir dès aujourd'hui, votre éminence trouvera le mémoire fait. Je la supplie de n'oublier pas la permission donnée par votre éminence au catéchisme de Montpellier.

Le roi ne croira qu'aux faits constants. J'espère que, se réduisant à ces chicanes, M. le chancelier sera confondu. Respect et obéis

sance.

+J. BENIGNE, év. de Meaux.

A Versailles, samedi matin, 18 novembre 1702.

Il faudroit l'arrêt de 1667, cité dans l'ordonnance de son éminence, pour voir si le mot de permission y est formel, comme il paroit.

LETTRE AU MÊME.

Sur le même sujet.

Je viens, monseigneur, de trouver l'équivalent de la censure de Mons, et il ne manque que la date : ainsi j'espère mettre demain matin le mémoire en état d'être présenté lundi prochain. J'espère en Dieu, et je crois qu'il déterminera le roi, sur qui la vérité et la justice peuvent beaucoup. Plus je recevrai de mémoires, plus je fortifierai le raisonnement. Je rends compte à votre éminence, afin qu'elle prenne son temps plus elle sera proche, plus je ferai tôt : mais elle peut venir en assurance qu'elle trouvera, s'il plaît à Dieu, le mémoire. Il faudra le revoir, le fortifier, le polir. Respect et obéis

sance.

+ J. BENIGNE, év. de Meaux.

A Versailles, samedi soir, 18 novembre 1702.

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