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efface le vice qui dérivait du défaut de consentement.

Le code applique ce principe dans l'article 183. La femme mineure contracte mariage sans le consentement de ses père et mère. Il en résulte une action en nullité pour la femme à raison de son incapacité, et pour les parents parce que l'autorité paternelle a été méprisée. Mais si les ascendants confirment le mariage, la femme ne peut plus demander la nullité. Il y a analogie complète entre ce cas et celui où la femme fait un acte sans autorisation maritale. Dans les deux cas, il s'agit d'un incapable, qui peut demander la nullité à raison de son incapacité; dans les deux cas, la nullité est couverte par le consentement de celui dont l'autorité a été méconnue. Dès que ce consentement intervient, la femme cesse d'être incapable, elle ne peut donc plus invoquer son incapacité pour agir en nullité (1).

On objecte que l'acte fait par la femme sans être autorisée est nul; qu'il en résulte, pour la femme, le droit d'agir en nullité, que ce droit ne peut pas lui être enlevé par le mari. La réponse se trouve dans l'article 183; la femme qui se marie sans le consentement de ses ascendants a aussi l'action en nullité, ce qui n'empêche pas que la confirmation des ascendants lui enlève ce droit. Il y a de cela une raison très-simple. Pourquoi, dans l'un et l'autre cas, la femme a-t-elle le droit d'agir en nullité? Elle le tient du défaut de consentement de celui qui est appelé à couvrir son incapacité; si ce vice est effacé par un consentement postérieur, la femme cesse par là même d'être incapable; elle n'a donc plus de droit à exercer.

Merlin invoque la discussion du conseil d'Etat. Ce qui prouve combien la discussion est peu probante, c'est que Marcadé s'en prévaut en faveur de l'opinion que nous soutenons. Le projet soumis au conseil contenait, à la suite de l'article 217 actuel, un alinéa ainsi conçu : « Le consentement du mari, quoique postérieur à l'acte, suffit pour le valider. Cette disposition fut retranchée; donc, dit Mer

"

(1) C'est l'opinion de Zachariæ, t. III, p. 344-446, § 472, et des auteurs cités dans Dalloz, au mot Mariage, no 857, p. 415.

lin, la confirmation du mari ne valide pas l'acte à l'égard de la femme (1). C'est mal raisonner, dit Marcadé. Le conseil d'Etat adopta, au contraire, la disposition du projet. C'est la section de législation qui, sur un renvoi prononcé par le conseil, la supprima. Pourquoi? On l'ignore (2). Il y a une autre réponse à faire à Merlin. La disposition du projet ne concernait pas la confirmation; elle posait comme principe que l'autorisation pouvait se donner postérieurement à l'acte. C'est ce principe qui a été rejeté; quant à la confirmation, il n'en était pas question dans le projet; on ne peut donc pas dire que le conseil l'ait repoussée. Que l'on ne dise pas que c'est une querelle de mots; les conditions de la confirmation sont plus rigoureuses que celles de l'autorisation; la confirmation présente donc plus de garantie.

La jurisprudence est contraire; mais les arrêts ont peu de valeur doctrinale en cette matière, parce que la plupart ne discutent pas la question; ils se bornent à invoquer l'article 217, qui exige que l'autorisation soit donnée avant l'acte, ou au plus tard lors de l'acte; d'où ils concluent que l'autorisation ne peut pas être postérieure (3). Cela est évident, mais ce n'est pas là la question. Il s'agit de savoir si le mari peut confirmer; cette question est décidée, non par l'article 217, mais par l'article 1338.

Il n'y a qu'une objection sérieuse contre l'opinion que nous soutenons. Si le mari peut confirmer, dit-on, la confirmation peut aussi être tacite; or, elle est tacite dans le cas de l'article 1304, c'est-à-dire quand dix années se sont écoulées sans que le mari ait intenté l'action; donc si ces dix ans se sont écoulés pendant le mariage, la femme ne pourra plus agir; cependant l'article 1304 lui donne ce

(1) Merlin, Répertoire, au mot Autorisation maritale, sect. VI, § III, n° 2, et § IV.

(2) Marcadé, Cours élémentaire, t. Ier, p. 565. art. 225, no I. (3) Arrêts de Grenoble du 26 juillet 1828 (Dalloz, au mot Mariage, no 857, 1"); de Rouen, 18 novembre 1825 et de la cour de cassation du 12 février 1828 (Dalloz, au mot Contrat de mariage, no 1971, p. 444); de la cour de cassation du 22 mars 1831 (Dalloz, au mot Mariage, no 858) et du 26 juin 1839 (Dalloz, au mot Compétence commerciale, no 225); de Paris, 23 février 1849 (Dalloz, 1849, 2, 135); de Bruxelles du 1er juin 1857 (Pasicrisic, 1857, 2, 212).

droit pendant dix ans à partir de la dissolution du mariage (1). L'argument est spécieux, nous l'écartons comme prouvant trop. Il implique que la femme a un droit absolu d'agir pendant dix ans à partir de la dissolution du mariage. L'article 1304 ne dit pas cela; il règle seulement le point de départ de la prescription en ce qui concerne la femme. La prescription suppose qu'il y a encore un droit à exercer. Or, si le mari a confirmé l'acte, soit expressément, soit tacitement, il n'y a plus de droit, il n'y a plus d'action en nullité, dès lors il ne peut plus s'agir de prescription.

167. On demande si le mari peut encore confirmer après que la femme a intenté l'action en nullité? La négative ne souffre aucun doute. Confirmer, c'est approuver ce que la femme a fait, c'est donc consentir avec la femme. Cela suppose que le consentement de la femme subsiste. Si elle a révoqué son consentement, il est impossible que le mari approuve ce que la femme ne veut pas faire. Le mari ne peut pas imposer à la femme un acte dont celle-ci ne veut pas. Si donc la femme a rétracté son consentement, n'importe de quelle manière, il ne peut plus y avoir de confirmation (2). Quand la femme a révoqué son consentement en intentant une action en nullité avec autorisation de justice, il y a encore une autre raison de décider, c'est que la femme a usé d'un droit; son action est régulière et par suite valable (3).

168. La confirmation du mari a un effet rétroactif, comme toute confirmation. Dans l'ancien droit, on décidait que la confirmation n'avait d'effet que du jour où elle était donnée. On considérait l'acte fait par la femme sans autorisation comme absolument nul, comme n'existant pas aux yeux de la loi; or, ce qui n'existe pas ne peut pas être confirmé. La confirmation n'était admise que comme une nouvelle autorisation, elle ne pouvait donc valoir que pour l'avenir (4). Telle n'est plus la théorie du code. L'acte fait

(1) Valette sur Proudhon, t. ler, p. 467, note. Demolombe, t. IV, p. 261, n 211.

(2) Proudhon, Traité sur l'état des personnes, t. Ier, p. 467.

(3) Zachariæ, Cours de droit civil français, t. III, p. 345, note 85. (4) Pothier, Traité de la puissance du mari, no 74.

par la femme est seulement vicié par le défaut d'autorisation; la confirmation tient lieu d'autorisation; dès lors l'acte devient pleinement valable.

169. Le mari peut-il encore confirmer l'acte après la dissolution du mariage? Il peut certes renoncer à l'action en nullité qui lui appartient; mais cette confirmation n'a pas d'effet à l'égard de la femme ou de ses héritiers. En effet, à l'égard de la femme, la confirmation vaut autorisation; or, après la dissolution du mariage, il n'y a plus lieu d'autoriser, car autoriser, c'est consentir en vertu de la puissance maritale, et la puissance du mari cesse avec le mariage.

CHAPITRE VII.

DE LA DISSOLUTION DU MARIAGE.

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170. Aux termes de l'article 227, le mariage se dissout par la mort de l'un des époux et par le divorce légalement prononcé. Le code ajoute : « Par la condamnation devenue définitive de l'un des époux à une peine emportant mort civile. » En Belgique, ainsi qu'en France, la mort civile est abolie.

Quand le mariage est dissous par le divorce, les époux peuvent contracter un nouveau mariage. Ce droit est soumis à quelques limitations, que nous exposerons au titre du Divorce. Le droit du conjoint survivant de se remarier est aussi restreint par une condition spéciale, quand c'est la femme qui survit. Elle ne peut contracter un nouveau mariage qu'après dix mois révclus depuis la dissolution du mariage précédent (art. 228). Il en résulte un empêchement prohibitif, comme nous l'avons déjà dit en traitant des causes de nullité du mariage. Nous avons aussi examiné la question de savoir si l'article 228 peut être appliqué au

cas où le mariage est annulé (1). Nous verrons plus loin à quel père appartient, en cas de second mariage de la mère, l'enfant né avant les trois cents jours de la dissolution du premier mariage.

(1) Voyez le tome II de mes Principes, p. 475, no 362 et suiv., et p. 611,

n° 483.

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