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les parents ne peuvent pas être reprochés, à plus forte raison les alliés ne sont-ils pas reprochables. L'article 251 ajoute que les enfants et descendants des parties ne peuvent pas être témoins. C'est le cri de la nature qui a dicté cette disposition. S'étend-elle aux enfants et petits-enfants nés d'un précédent mariage? L'affirmative ne souffre aucun doute; le texte est conçu en termes généraux, et l'esprit de la loi exclut tout enfant de l'un ou de l'autre des époux. Il en est de même des enfants naturels de l'un des conjoints; la loi ne limite pas l'exclusion aux enfants légitimes, et il n'y avait pas lieu de faire une distinction; le motif pour lequel les enfants sont reprochables s'applique aux uns comme aux autres (1).

La jurisprudence étend l'exception établie par l'article 251 pour les parents et serviteurs des parties, aux autres témoins, qui peuvent être reprochés, d'après le droit commun, par d'autres motifs (2). Cette application extensive d'une disposition exceptionnelle est inadmissible. Les exceptions ne s'étendent pas, pas même par raison d'analogie, et, dans l'espèce, il n'y a pas même analogie. C'est parce que les parents et serviteurs sont le plus souvent les seuls témoins des faits sur lesquels se base la demande en divorce, que le législateur a dû les admettre; encore ne les admet-il qu'à regret. Les motifs qui justifient la disposition de l'article 251 sont étrangers aux autres causes de reproche que le code de procédure admet; donc ces causes doivent être admises dans la procédure en divorce comme dans la procédure ordinaire. C'est la doctrine de tous les auteurs (3).

235. L'article 250 veut que les parties proposent de suite les reproches contre les témoins qu'elles veulent écarter; le tribunal statue sur les reproches après avoir entendu le ministère public. Cette disposition impérative

(1) Arrêts de Bruxelles du 20 février 1858 (Pasicrisie, 1858, 2, 60) et de Douai du 16 août 1853 (Dalloz, 1854, 5, 689).

(2) Arrêt de la cour de cassation du 8 juillet 1813 (Dalloz, Répertoire, au mot Séparation de corps, no 220). Arrêt de Bruxelles du 28 décembre 1815 (Pasicrisie, 1815, p. 554).

(3) Voyez les auteurs cités dans Zachariæ, édition de Massé et Vergé, t. Ier, p. 259, note 20.

paraît impliquer une défense de proposer les reproches plus tard. Il ne faut cependant pas l'appliquer avec une sévérité outrée qui irait certes contre l'intention du législateur. L'un des époux apprend qu'un témoin a été suborné par la partie adverse; il n'a pas proposé immédiatement ce reproche, par l'excellente raison qu'il ignorait le fait; peut-être la subornation n'a-t- elle eu lieu que dans le cours de l'enquête; et on lui défendrait de signaler au tribunal un témoin corrompu, parce qu'il n'a pas proposé le reproche alors qu'il ne pouvait pas le proposer? Le législateur peut-il jamais exiger l'impossible? La cour de Liége a jugé, et avec raison, que les reproches pouvaient même être proposés en appel, pourvu que la partie prouve qu'elle n'en avait pas connaissance au moment où la loi veut qu'on les fasse valoir (1).

Le code de procédure (art. 289) dit que, si les reproches proposés avant la déposition ne sont pas justifiés par écrit, la partie en doit offrir la preuve et désigner les témoins; autrement elle n'y sera plus reçue. Il a été jugé que cette disposition n'est pas applicable en matière de divorce (2). Il est de jurisprudence, en effet, que le code Napoléon ayant réglé les formes de l'enquête en matière de divorce, il n'y a pas lieu d'appliquer les dispositions du code de procédure, en ce sens du moins que les nullités établies pour les enquêtes ordinaires ne peuvent être étendues au divorce (3).

236. L'article 252 porte que le jugement qui admet une preuve testimoniale doit dénommer les témoins qui seront entendus et déterminer le jour et l'heure auxquels les parties les présenteront. Aux termes de l'article 253, les dépositions sont reçues par le tribunal séant à huis clos, en présence du procureur impérial, des parties, de leurs conseils ou amis, jusqu'au nombre de trois de chaque côté. Ainsi, à la différence du droit commun (code de procédure, art. 255), les témoins ne sont pas entendus devant un juge-commissaire, c'est le tribunal qui reçoit les dépo

(1) Arrêt du 20 avril 1822 (Pasicrisie, 1822, p. 112).

(2) Arrêt du 6 juillet 1815 de la cour de Bruxelles (Pasicrisie, 1815, p. 431) (3) Voyez les arrêts dans Dalloz, au mot Séparation de corps, no 475, 1 et 2o

sitions. Quel tribunal? Naturellement celui devant lequel l'instance est engagée. Cela résulte à l'évidence de la combinaison des articles 234 et 253. Mais le tribunal ne pourrait-il pas commettre un autre tribunal, à l'effet d'entendre des témoins qui seraient dans l'impossibilité de se déplacer? Le code de procédure admet les commissions. rogatoires (art. 255 et 1035). Il a été jugé que ces dispositions ne sont pas applicables en matière de divorce (1). C'est une de ces décisions formalistes qu'il nous répugne d'admettre. Le code Napoléon ne parle pas des commissions rogatoires; donc il faut les rejeter. Est-ce bien là l'esprit de la loi? Sans doute, il importe que les témoins soient entendus par le tribunal appelé à prononcer sur le divorce, et en présence des parties. Mais quand la chose est impossible, ne vaut-il pas mieux que les témoins soient entendus par un autre tribunal que de ne pas être entendus? Pourquoi refuser à la justice un moyen de s'éclairer dans ces graves débats? La question a été décidée en ce sens par la cour de cassation de Darmstadt (2). Si le témoin résidait à l'étranger, il y aurait une difficulté qui est du domaine de la diplomatie. Nos tribunaux n'ont pas le droit de commettre un tribunal étranger, à moins que ce droit ne soit consacré par des traités.

237. Sur quels faits les témoins peuvent-ils être entendus? L'article 247 dit que le jugement qui ordonne l'enquête admettra le demandeur à la preuve des faits pertinents par lui allégués, et le défendeur à la preuve contraire. Il résulte de là que l'enquête est définie, circonscrite dans les faits déclarés pertinents par le jugement. D'où suit que les témoins ne peuvent pas être entendus sur d'autres faits allégués par l'une des parties. Dans notre opinion, chacune des parties peut toujours alléguer de nouveaux faits, qu'elle aurait ignorés, ou qui se seraient produits après que l'instance est engagée (voyez n° 230); mais pour que ces faits puissent faire l'objet d'une enquête, il faut un nouveau jugement qui les déclare pertinents et admette l'autre partie à la preuve contraire.

(1) Arrêt de Bruxelles du 7 janvier 1833 (Jurisprudence, 1833, 2, 268). (2) Arrêt du 5 mai 1829 Belgique judiciaire, t. XVII, p. 1380, no 254).

Ces principes s'appliquent aux faits de provocation allégués par le défendeur. Il a été jugé qu'il ne pouvait faire entendre des témoins sur l'inconduite du demandeur, alors que le jugement l'admettait seulement à la preuve contraire des faits allégués par le demandeur. En effet, la preuve contraire consiste à établir que les faits allégués n'existent pas. Autre est la preuve qui tend à établir qu'il y a provocation de la part du demandeur; elle ne combat pas les faits allégués, elle en reconnaît au contraire l'existence; mais elle prétend que ces faits, quoique constatés, sont détruits par la provocation. C'est donc une vraie exception que le défendeur oppose à la demande; par suite, il devient demandeur quant à cette exception; partant il faut qu'il articule les faits, que ces faits soient déclarés pertinents, et que l'autre partie soit admise à la preuve contraire (1). Il y a des arrêts dans un sens opposé. On a jugé que le mari est admis à prouver, dans l'enquête, que les excès dont on l'accuse ont été provoqués par l'inconduite de la femme, quoiqu'il n'ait point parlé de cette inconduite avant le jugement interlocutoire, et que ce jugement ne l'admette pas à en faire preuve. Il n'est pas défendu, dit la cour de Toulouse, aux magistrats d'examiner les causes qui ont pu porter le mari à maltraiter sa femme; il est même de leur devoir de considérer toutes les circonstances qui s'y rattachent, pour se fixer sur le véritable caractère des faits (2). Rien de plus vrai, mais cela ne prouve qu'une chose, c'est que la provocation peut toujours être articulée et par suite prouvée; seulement, pour être admis à la prouver, il faut un jugement qui déclare les faits pertinents, et qui admette le demandeur originaire à la preuve contraire.

238. Le code contient quelques dispositions sur les formes de l'enquête. Aux termes de l'article 254, les parties, par elles ou par leurs conseils, peuvent faire aux té

(1) Arrêt de Bruxelles du 23 février 1830 (ou, d'après d'autres recueils, du 4 mars), dans la Jurisprudence du XIXe siècle, 1830, 111, 117). Arrêt de Bruxelles du 27 février 1833 (Pasicrisie, 1833, 2, 75). Arrêt de Poitiers du 21 janvier 1808 (Dalloz, au mot Séparation de corps, no 253).

(2) Arrêt du 9 janvier 1824 (Dalloz, au mot Séparation de corps, no 198, 3o), et arrêt de Paris du 15 mars 1841, au mot Enquête, no 191).

moins telles observations et interpellations qu'elles jugeront à propos, sans pouvoir néanmoins les interrompre dans le cours de leurs dépositions. Le droit d'interpellation doit être limité, d'après ce que nous venons de dire, aux faits déclarés pertinents par le jugement qui ordonne l'enquête.

Chaque déposition est rédigée par écrit, ainsi que les dires et observations auxquels elle aura donné lieu. L'article 255 ajoute que le procès-verbal d'enquête sera lu tant aux témoins qu'aux parties, que les uns et les autres seront requis de le signer, et qu'il sera fait mention de leur signature ou de leur déclaration qu'ils ne peuvent ou ne veulent signer. A s'en tenir au texte, il faudrait que le procès-verbal tout entier fût lu en présence de tous les témoins; dans la pratique, on suit le code de procédure qui se contente de la lecture de chaque déposition; ce qui est plus rationnel, chaque témoin ne pouvant savoir et contrôler que ce dont il a déposé. Y aurait-il nullité de l'enquête si l'on avait observé les articles 271 et 272 du code de procédure? Non, certes, car le but de la lecture est atteint dès que chaque témoin entend lire la déposition qu'il a faite. La lettre du code Napoléon est, à la vérité, contraire. Mais ne serait-il pas absurde d'annuler une enquête parce que les témoins n'auraient pas entendu lire les dépositions de tous ceux qui ont déposé dans l'enquête (1)?

239. Le code de procédure prescrit beaucoup d'autres formes; faut-il les observer, et cela sous peine de nullité, quand le code prononce la nullité? Il a été jugé que les formalités du code de procédure s'appliquaient aux enquêtes en matière de divorce, qu'ainsi les témoins devaient déclarer leur âge et profession, à peine de nullité (2). Ces décisions sont contraires au principe que la doctrine et la jurisprudence suivent en cette matière. Le code Napoléon établissant une forme spéciale pour les enquêtes, dans la procédure en divorce, il n'y a pas lieu de recourir au code

(1) Ainsi jugé par arrêt de Gand du 2 avril 1858 (Pasicrisie, 1858. 2, 242). (2) Arrêts de Nancy du 15 avril 1813 et de Lyon du 18 avril 1810 (Dalloz, au mot Séparation de corps, no 474)

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