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mais la cour ajoute que ces faits lui étaient connus alors que, d'après la loi, il était appelé à faire ses observations sur la demande et à nommer ses témoins (1). Il est certain que s'il n'a aucun motif pour ne pas proposer en première instance les faits de provocation qu'il allègue en appel, il doit être déclaré non recevable. Mais si l'une des parties invoquait des faits nouveaux, faits pertinents et capables d'influer sur la décision de la cause, nous ne voyons pas pourquoi la cour n'en admettrait pas la preuve. Conçoit-on que le juge refuse de s'éclairer? Il y a des arrêts en ce sens, en matière de séparation de corps (2).

248. L'époux contre lequel le divorce a été prononcé par le jugement de première instance peut-il y acquiescer? peut-il se désister de l'appel qu'il avait formé? Il y a des arrêts en sens divers. La cour de cassation a décidé que l'acquiescement ainsi que le désistement étaient valables (3). Ce qui rend la question douteuse, c'est que le divorce est d'ordre public et ne peut certes pas être l'objet d'une transaction. Ne serait-il pas à craindre d'ailleurs que le divorce n'eût lieu par consentement mutuel, en dehors des formes prescrites par le code civil? Malgré ces aisons qui ont entraîné M. Demolombe ainsi que plusieurs cours, nous croyons que rien ne s'oppose à ce que le défendeur acquiesce ou se désiste de son appel (4). Le défendeur en divorce peut acquiescer tacitement en n'interjetant pas appel : si l'acquiescement tacite est valable, pourquoi l'acquiescement exprès serait-il nul? et pourquoi le défendeur ne pourrait-il pas se désister d'un appel qu'il aurait pu ne pas former? Vainement dit-on que le divorce ne peut pas être volontaire. Est-il plus volontaire quand il y a acquiescement exprès que quand il y a acquiescement tacite? A vrai dire, le divorce n'est volontaire ni dans un

(1) Arrêts du 28 février 1853 (Pasicrisie, 1853, 2, 280) et du 6 avril 1833 (Pasicrisie, 1833, 2, 219).

(2) Dalloz, Répertoire, au mot Séparation de corps, nos 301, 302 et 305. La jurisprudence est divisée (ibid., nos 303, 304).

(3) Arrêt du 11 mai 1853 (Dalloz, 1853, 1, 158).

(4) Demolombe, t. IV, no 488, p. 591. Dalloz, au mot Acquiescement, n° 189.

cas ni dans l'autre. On oublie qu'il y a un jugement qui a admis le divorce. Si donc le divorce a lieu, c'est parce que le juge l'a admis; l'acquiescement vient seulement confirmer ce que le juge a fait; le divorce résulte non pas du consentement du défendeur, mais de la sentence du magistrat.

249. Le code civil admet le pourvoi en cassation; il doit être formé dans les trois mois à compter de la signification de l'arrêt. Par exception aux principes généraux, l'article 263 décide que le pourvoi sera suspensif. S'il ne l'était pas, le divorce pourrait être prononcé, et par suite les époux pourraient contracter une nouvelle union; et si la cour de cassation cassait l'arrêt qui a admis le divorce, le premier mariage subsisterait d'où résulterait que le même homme se trouverait avoir deux femmes, ou la même femme deux maris à la fois. Par la même raison, la requête civile n'est pas admise en matière de divorce, parce que ce moyen extraordinaire de recours ne suspend jamais l'exécution du jugement. Aussi le code civil n'en parle-t-il pas.

250. Quand le jugement est rendu en dernier ressort ou passé en force de chose jugée, l'époux qui a obtenu le divorce est obligé de l'exécuter dans les deux mois; à cet effet, il doit se présenter, dans ce délai, devant l'officier de l'état civil, pour faire prononcer le divorce (art. 264). L'article 265 détermine d'une manière précise le jour à partir duquel le délai commence à courir; nous y renvoyons. Il n'est pas nécessaire que le défendeur soit présent, il suffit qu'il soit dûment appelé. Son refus de se présenter ne peut pas arrêter l'exécution du jugement.

Ces dispositions sur l'exécution forcée du jugement dans un délai fatal dérogent au droit commun. Celui qui a obtenu gain de cause est en général libre d'user de son droit quand il veut. La loi ne laisse pas cette faculté à l'époux qui a obtenu le divorce. Pendant le cours du débat, elle prescrit une sage lenteur. Mais quand le divorce est admis par une sentence définitive, il n'y a plus de raison de retarder l'exécution du jugement; il importe, au contraire, de mettre fin à ces affligeants débats le plus tôt

possible (1). Le délai de deux mois est fatal; si le demandeur ne fait pas prononcer le divorce dans ce délai, il est déchu du bénéfice du jugement qu'il avait obtenu. Le mariage subsiste donc, et les époux devront reprendre la vie commune. C'est une réconciliation tacite qui a les effets de toute réconciliation. L'époux qui a renoncé au bénéfice du jugement ne pourra reprendre l'action en divorce que pour cause nouvelle; auquel cas il pourra néanmoins faire valoir les anciennes causes (art. 266). Il faut appliquer ici ce que nous avons dit plus haut des nouvelles causes. Seulement il faut remarquer que les causes nouvelles dont parle l'article 265 doivent être postérieures aux deux mois, et non, comme le dit Zachariæ, au jugement. C'est le silence pendant ces deux mois qui équivaut à une réconciliation; et le pardon qui en résulte efface toutes les offenses, même celles qui seraient postérieures au jugement (2).

La déchéance suppose l'inaction complète de l'époux qui a obtenu le divorce. S'il a appelé l'autre époux devant l'officier de l'état civil pour le faire prononcer, et que l'époux ait formé opposition à la prononciation, il ne peut plus être question de déchéance, car il n'y a pas de réconciliation (3).

Toutes les dispositions du code qui concernent l'exécution du jugement parlent du demandeur en divorce, de l'époux qui l'a obtenu. Si le demandeur ne poursuit pas l'exécution du jugement, le défendeur pourrait-il requérir l'officier de l'état civil de prononcer le divorce? La cour de Cologne a décidé avec raison qu'il ne le pouvait pas (4). En effet, le jugement donne un droit au demandeur en divorce, droit auquel il peut renoncer, droit auquel il renonce tacitement par cela seul qu'il garde le silence, et s'il y renonce, le jugement tombe; il n'y a donc plus lieu de faire prononcer le divorce.

251. La loi ne dit rien des formes qui doivent être

(1) Treilhard, Exposé des motifs, no 27 (Locré, t. II, p. 570).

(2) Willequet, du Divorce, p. 228, no 5.

(3) Arrêt de Bruxelles du 17 novembre 1847 (Pasicrisie, 1849, 2, 185). (4) Arrêt du 25 avril 1828 (Belgique judiciaire, t. XVII, p. 1381, art. 264).

observées pour la prononciation du divorce. Elles résultent de la nature même des choses. Au jour fixé par la citation qui doit être faite à l'époux défendeur, l'époux demandeur se présente devant l'officier de l'état civil; il lui remet le jugement qui autorise le divorce avec une copie de l'exploit de signification qui en a été fait, ainsi que de l'assignation donnée au défendeur. Il doit aussi constater, dans les formes prescrites par le code de procédure (art. 548), qu'il n'y a ni opposition ni appel (1). L'officier de l'état civil déclare ensuite, au nom de la loi, que le mariage est dissous. Il dresse acte de cette déclaration. C'est un acte de l'état civil qui doit être reçu dans les formes ordinaires (2). Si l'un des époux est commerçant, le jugement et l'acte de divorce doivent être rendus publics (code de commerce, art. 66; code de procédure, art. 872).

§ V. Des mesures provisoires auxquelles peut donner lieu la demande en divorce pour cause déterminée.

N° 1. PRINCIPES GÉNÉRAUX.

252. Pendant le cours de l'instance et jusqu'à la prononciation du divorce, le mariage subsiste avec toutes ses conséquences légales. Le mari conserve donc la puissance maritale, la femme ne peut faire aucun acte sans son autorisation (3). Il conserve également la puissance paternelle. Il en est de même des effets que le mariage produit quant aux biens des époux. Leurs conventions matrimoniales subsistent. En l'absence d'un contrat de mariage, la communauté légale continue à exister entre les époux; par suite, le mari a toujours l'administration des biens de la femme (4). Il n'y a pas à distinguer si le mari est de

(1) Arrêt de Bruxelles du 17 novembre 1847 (Pasicrisie, 1849, 2, 185). (2) Toullier, le Droit civil français, t. I, 2, p. 35, no 701, édition de Duvergier.

(3) Arrêt de la cour de cassation du 11 juillet 1809 (Dalloz, au mot Séparation de corps, no 446).

(4) Arrêt de La Haye du 14 janvier 1818 (Pasicrisie, 1818, p. 11).

mandeur ou défendeur en divorce. Toutefois la loi prescrit quelques mesures provisoires que la nature de la demande en divorce rend nécessaires. Mais ces mesures ne portent aucune atteinte aux droits du mari, elles les modifient seulement; en dehors de ces modifications, le mari peut exercer tous les droits qui dérivent du mariage et des conventions matrimoniales.

253. Nous trouvons une application de ces principes dans l'article 271. La loi suppose que les époux sont mariés sous le régime de la communauté. Sous ce régime, le mari peut aliéner les biens, meubles ou immeubles, qui composent la communauté, et il a un pouvoir illimité de l'obliger. Conserve-t-il ce pouvoir étendu pendant la durée de l'instance? La loi décide la question affirmativement, car elle donne sculement à la femme une action en nullité, dans le cas où le mari aurait contracté une dette ou consenti une aliénation en fraude des droits de la femme; et c'est à la femme, qui prétend qu'il y a fraude, à la prouver (1). C'est dire que le mari reste maître et seigneur de la communauté. Quant au droit que l'article 271 reconnaît à la femme, c'est l'application d'un principe général posé par l'article 1167, au profit de tous créanciers quand le débiteur fait un acte en fraude de leurs droits. C'est ce qu'on appelle l'action paulienne.

La loi ne parle que de l'aliénation des immeubles. Fautil en conclure que la femme n'aurait pas le droit d'attaquer la vente des meubles, si elle était frauduleuse? Non, certes; le principe posé par l'article 1167 est général et s'applique à tous actes frauduleux. Il va sans dire que la femme doit prouver la fraude non-seulement du mari, mais aussi des tiers qui ont contracté avec lui; toujours par application des principes généraux (2).

La rédaction de l'article 271 soulève encore une autre difficulté. Il parle des actes faits par le mari postérieure

(1) Jugement du tribunal de Lyon du 26 janvier 1867 (Dalloz, 1867, 5, 392, n° 8).

(2) Arrêt de Bruxelles du 9 août 1818 (Pasicrisie, 1818, p. 73). Jugement du tribunal de Bruxelles du 23 janvier 1856 (Belgique judiciaire, t. XIV, p. 188).

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