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sonne devant l'officier de l'état civil, pour faire prononcer le divorce. Ce délai passé, le jugement demeurera comme non avenu. La loi parle de l'arrêt, mais il faut évidemment y comprendre le jugement de première instance. L'officier de l'état civil dresse acte du divorce. Il est rendu public, si l'un des époux est commerçant (code de procéAure, art. 872).

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287. Le divorce est la dissolution du mariage. Donc du moment que le divorce est prononcé, le mariage cesse d'exister avec tous les effets que la loi ou les conventions matrimoniales lui donnent. C'est la loi qui règle les rapports des époux, leurs droits et leurs obligations. Ces droits et ces obligations cessent après le divorce. Il n'y a plus d'époux; donc la femme n'a plus le droit de porter le nom de celui qui fut son mari. Il n'y a plus de puissance maritale; la femme reprend sa pleine et entière capacité juridique. Il ne peut plus être question de devoirs de fidélité, de secours, d'assistance. Si l'un des époux divorcés venait à mourir, l'autre ne lui succéderait pas, car ils ne sont plus époux. Les conventions matrimoniales sont également dissoutes. Si les époux étaient communs en biens, la communauté se partage, comme en cas de mort. Si les époux s'étaient mariés sous un autre régime, ce régime cesse aussi de produire ses effets; la femme reprend ses biens, le mari n'y a plus aucun droit.

Faut-il conclure de là que le mariage est considéré comme s'il n'avait jamais cxisté? Non. Le mariage est

dissous, il n'est pas annulé. Quand le mariage est annulé, c'est à raison d'un vice radical qui l'infecte, vice à raison duquel il ne pouvait être contracté, vice, par conséquent, qui empêche le mariage de produire aucun effet. Le divorce implique au contraire un mariage valable, et devant produire ses effets, puisque l'un des époux se plaint que les obligations qui en résultent ont été violées à son préjudice. De là suit que le mariage n'est pas dissous rétroactivement. Il a existé valablement jusqu'au moment où l'officier de l'état civil en prononce la dissolution; donc jusqu'à ce moment il produit ses effets, et si ces effets sont de nature à se perpétuer malgré la dissolution du mariage, ils subsisteront après le divorce. Des enfants sont nés du mariage; le fait de leur conception pendant le mariage leur a donné la légitimité, le divorce ne peut la leur enlever; ils conservent donc tous les droits des enfants légitimes contre leurs parents divorcés, le droit d'éducation, le droit aux aliments, le droit de succession. Par la même raison, les parents divorcés conservent la puissance paternelle sur leurs enfants, car ils ne cessent pas d'être père et mère; or, la puissance paternelle dérive de la paternité et de la maternité; à vrai dire, c'est un devoir de protection établi en faveur des enfants, plutôt qu'un droit appartenant aux parents, et il n'y a certes pas de raison pour que le divorce dégage les père et mère d'un devoir. Toutefois le divorce modifie, à certains égards, l'exercice de la puissance paternelle et les droits qui en résultent sur les biens des enfants.

De même, le divorce n'abolit pas les empêchements au mariage qui sont résultés du mariage dissous. Pour les empêchements fondés sur la parenté, la chose est évidente, car le divorce ne rompt pas les liens du sang. Il faut appliquer le même principe aux empêchements fondés sur l'alliance les beaux-frères et belles-sœurs ne pourront pas se marier. Vainement dirait-on que le mariage étant dissous, il n'y a plus ni beaux-frères ni belles-sœurs. Il est vrai qu'il n'y a plus d'alliance; mais l'alliance qui a existé a produit un effet qui tient à la moralité publique et qui se perpétue. S'il s'agissait de nouveaux effets que

l'alliance devrait produire après le divorce, alors on appliquerait le principe que, la cause cessant, les effets doivent cesser telle serait l'obligation alimentaire. Mais le principe ne reçoit pas son application aux effets déjà produits (1).

288. Nous avons supposé que le mariage est dissous à partir de la prononciation du divorce par l'officier de l'état civil. Zachariæ enseigne que cette prononciation rétroagit au jour du jugement. Il prétend que le jugement prononce le divorce sous condition suspensive; la déclaration de l'officier public n'est que l'exécution du jugement qui admet le divorce. Cela est contraire aux textes et aux principes. Les articles 264, 290 et 294 disent de la manière la plus formelle que le tribunal renvoie les époux devant l'officier de l'état civil pour faire prononcer le divorce; jusqu'à ce moment donc, le mariage subsiste. Il ne peut pas être question d'une condition suspensive; car il n'y a d'autres conditions que celles qui sont stipulées par les parties ou sous-entendues par la loi. En matière de divorce, les parties ne peuvent rien stipuler, puisque le mariage est d'ordre public. Il faudrait donc que la condition fût écrite dans la loi. Or, le législateur s'est bien gardé d'établir une condition; un état conditionnel, c'està-dire incertain, ne se conçoit pas en cette matière; le mariage ne peut pas plus se dissoudre sous condition qu'il ne peut se contracter sous condition. Par la même raison, on ne peut appliquer au jugement qui admet le divorce le principe que tout jugement rétroagit au jour de la demande; d'abord parce que ce n'est pas le jugement qui prononce le divorce; puis le principe de la rétroactivité des jugements suppose que le juge ne fait que déclarer des droits préexistants, droits pécuniaires qui sont déjà dans le patrimoine du demandeur, tandis que le divorce vient détruire un état et en créer un nouveau.

289. Un des effets les plus considérables du divorce, c'est que les époux divorcés peuvent contracter un nouveau mariage. C'est à raison de cette liberté de se rema

(1) Zachariæ, traduction de Massé et Vergé, t. Ier, p. 268, § 147.

rier que les auteurs du code ont préféré le divorce à la séparation de corps (1). Toutefois le droit de contracter une nouvelle union reçoit des restrictions, qui different d'après les causes de divorce; nous les exposerons plus loin. L'une de ces restrictions s'applique à tout divorce, pour quelque cause qu'il soit prononcé; les époux divorcés, dit l'article 295, ne pourront plus se réunir. Les auteurs du code ont emprunté cette disposition à Montesquieu qui l'a trouvée dans les lois du Mexique; il dit que la loi qui défend aux époux de se réunir entre mieux dans les vues de l'indissolubilité du mariage que la loi qui le leur permet (2). Treilhard développe cette pensée dans l'Exposé des motifs : « Le divorce ne doit être prononcé que sur la preuve d'une nécessité absolue, et lorsqu'il est bien démontré à la justice que l'union entre les deux époux est impossible: cette impossibilité une fois constante, la réunion ne pourrait être qu'une occasion nouvelle de scandale. Il importe que les époux soient d'avance pénétrés de toute la gravité de l'action qu'ils vont intenter, qu'ils n'ignorent pas que le lien sera rompu sans retour, et qu'ils ne puissent pas regarder l'usage du divorce comme une simple occasion de se soumettre à des épreuves passagères, pour reprendre ensuite la vie commune, quand ils se croiraient suffisamment corrigés.

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La disposition fut vivement combattue au sein du conseil d'Etat. Nous croyons que les opposants avaient raison contre Montesquieu. Si les époux sont libres de contracter un nouveau mariage, pourquoi n'auraient-ils pas cette liberté entre eux, c'est-à-dire entre personnes qui doivent naturellement se préférer? Si le divorce est nécessaire, il n'en est pas moins un scandale; on doit donc désirer que le mariage, destiné à durer toujours, reprenne sa perpétuité. On craint de nouveaux désordres. Nous répondons que le désordre peut aussi se produire et s'est produit dans les unions nouvelles que le code permet aux époux divorcés. Par contre, il peut y avoir repentir :

(1) Treilhard, Exposé des motifs, no 33 (Locré, t. II, p. 572). (2) Montesquieu, de l'Esprit des lois, XVI, 15.

pourquoi ne pas lui laisser une porte ouverte? Vainement Portalis dit-il que c'est par respect pour le mariage qu'il faut défendre aux époux de se réunir, afin qu'ils ne se jouent pas du divorce comme ils se sont joués du mariage, afin qu'ils ne divorcent pas légèrement et avec l'arrièrepensée de se réunir. Nous répondrons avec Bérenger qu'il n'y a pas à craindre que l'on divorce par légèreté ou par calcul; ceux qui divorcent le font dans un esprit de perpétuité aussi bien que ceux qui se marient; si, malgré cela, on permet aux époux de se désunir, pourquoi ne leur permettrait-on pas de se réunir? Dire, comme Treilhard, que les époux, au moment où ils divorcent, pourraient spéculer en quelque sorte sur leur réunion, c'est ne pas tenir compte des passions qui provoquent le divorce (1). Non, au moment où ils rompent leur mariage, les époux pensent certes que ce sera pour toujours; c'est pour cela qu'ils demandent le divorce, au lieu de se contenter de la séparation de corps. Mais si le repentir les corrige, s'ils ont pitié de la triste condition de leurs enfants, pourquoi ne pas permettre une réunion qui est dans le vœu de la nature et dans l'intérêt de la société?

SECTION II. Des effets du divorce quant aux époux.

§ Ier. Du divorce pour cause déterminée.

290.Il résulte du divorce pour cause déterminée deux empêchements au mariage. La femme divorcée ne peut se remarier que dix mois après le divorce prononcé (art. 296). C'est une disposition analogue à celle de l'article 218 et fondée sur les mêmes motifs. Quand le divorce est prononcé pour cause d'adultère, l'époux coupable ne peut jamais se marier avec son complice (art. 298). Rien de plus moral que cet empêchement; malheureusement il est, comme tous les empêchements naissant du divorce, sim

(1) Séance du conseil d'Etat du 16 nivôse an x (Locré, t. II, p. 540-542,

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