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qui régissent la chose jugée. Donc, dans toute hypothèse, le jugement ne fera foi qu'entre les parties (1).

SECTION VI.

Des mariages contractés à l'étranger.

§ Ier. Principes généraux.

20. Les Français peuvent contracter mariage à l'étranger. Sont-ils soumis à des conditions spéciales? D'après l'article 170, il faut distinguer entre les formes requises pour la célébration et les conditions intrinsèques. Quant aux formes, le code dit que le mariage contracté en pays étranger entre Français, et entre Français et étrangers sera valable, s'il a été célébré dans les formes usitées dans le pays. On enseigne d'ordinaire que cette disposition est une application du principe posé par l'article 47, aux termes duquel tout acte de l'état civil des Français et des étrangers, fait en pays étranger, fera foi, s'il a été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays (2). » A vrai dire, c'est une extension du principe plutôt qu'une application. L'adage locus regit actum concerne les actes, c'est-à-dire les écrits dressés pour constater un fait juridique; il ne s'applique donc qu'à l'acte que l'officier public rédige après avoir célébré le mariage. La célébration même est un fait différent de l'acte. Čela est si vrai qu'il y a des pays où la célébration du mariage n'est pas constatée par un écrit. Mais il y avait même raison d'appliquer au fait de la célébration le principe qui régit la forme des écrits. Tel est l'objet de l'article 170.

On demande si les futurs époux, quand ils sont l'un et l'autre Français, peuvent contracter mariage devant les agents diplomatiques ou les consuls. Nous avons enseigné l'affirmative au titre des Actes de l'état civil. Telle est, en effet, l'opinion générale. Il y a cependant une raison de douter. L'article 170 ne mentionne pas les agents diplomatiques, et l'article 48 que l'on invoque ne concerne que

(1) Demolombe, t. III, p. 599, no 419. Valette, Explication du livre Ier, p. 114. (2) Nous l'avons dit nous-même, au t. II, p. 19, no 11.

les actes de l'état civil proprement dits, c'est-à-dire les écrits. Il y a donc une lacune dans la loi. L'interprète peut-il la combler par voie d'analogie? C'est dans ces termes que la question doit être posée. Nous persistons à croire que les agents diplomatiques peuvent célébrer le mariage des Français. Compétents quant à l'acte de célébration, en vertu de l'article 48, ils le sont par cela même pour le fait de célébration, que l'acte est destiné à constater. Pour mieux dire, à leur égard le fait juridique et l'écrit se confondent. Toutefois il eût été plus régulier de le dire; car la compétence des agents diplomatiques en matière d'état civil est exceptionnelle; comme telle, elle devrait être définie par la loi.

21. L'article 170 ajoute : « Pourvu qu'il ait été précédé des publications prescrites par l'article 63. » Cette disposition est spéciale et exceptionnelle. Les publications se lient aux formalités requises pour la célébration du mariage. Puisque la célébration est régie par la loi du pays où l'union est contractée, le législateur aurait dû s'en rapporter à la loi étrangère en ce qui concerne les publications. Pourquoi donc veut-il que des publications soient faites en France? La publicité du mariage est un des principes essentiels de notre législation; les publications notamment ont pour objet de porter le projet de mariage à la connaissance de ceux qui ont le droit d'y former opposition et de prévenir par là un mariage contraire à la loi. C'est pour cette raison que le code exige que le mariage, bien que contracté à l'étranger, reçoive de la publicité en France. En ce sens, la disposition de l'article 170 est spéciale et exceptionnelle. La publicité de la célébration est régie par la loi du pays où le mariage est contracté; c'est encore la loi étrangère qui décidera si des publications doivent être faites à l'étranger. En tout cas, il doit y en avoir en France. Le mariage doit donc être publié en France avant de pouvoir être célébré à l'étranger. C'est le seul élément de publicité dont le législateur français dispose. Il résulte de là que les publications ont une plus grande importance pour les mariages contractés à l'étranger que pour les mariages célébrés en France. Quand les

futurs époux se marient en France, leur union a une publicité de fait et de droit indépendante des publications; tandis que s'ils se marient à l'étranger et s'ils ne font pas de publications en France, leur mariage sera le plus souvent clandestin. En ce sens, on peut dire que les publications sont de l'essence des mariages contractés à l'étranger.

22. L'article 170 veut que le mariage soit précédé des publications prescrites par l'article 63. Cette dernière disposition ne dit pas où les publications doivent se faire. Le code règle cette matière dans les articles 166-168. Fautil que les publications soient faites conformément à ces articles? C'est l'opinion générale. Elle se fonde sur le texte et sur l'esprit de la loi. L'article 63, auquel le code renvoie dans l'article 170, dit seulement ce que l'on entend par publications, comment elles se font; après cela viennent les articles 166-168 qui organisent le principe; renvoyer à l'article 63, c'est donc renvoyer implicitement aux articles 166-168; cela est si vrai que si on ne les appliquait pas aux mariages célébrés à l'étranger, on ne saurait pas où les publications prescrites par l'article 170 doivent se faire. L'esprit de la loi ne laisse aucun doute. Elle veut que le mariage contracté à l'étranger ait de la publicité en France; or, le seul moyen de le rendre public, c'est de faire des publications. Dès lors il faut les multiplier plutôt que d'en restreindre le nombre.

On demande si les publications prescrites par l'article 170 doivent toujours être faites en France? D'après le texte de la loi, la question ne peut pas même être posée, car il est général et ne comporte aucune exception. Il est vrai qu'au conseil d'Etat on a dit que si les futurs époux étaient établis depuis longues années à l'étranger, et s'ils n'avaient conservé aucune habitation en France, ils ne seraient pas tenus d'y faire des publications, à moins qu'ils ne fussent mineurs, auquel cas les publications doivent se faire au domicile de ceux sous la puissance desquels ils se trouvent. Mais ces dires n'ayant pas été consacrés par le code, il n'en faut tenir aucun compte. Les publications doivent donc toujours se faire. Il y a cepen

dant une exception qui résulte de la force des choses. Si les futurs époux n'avaient plus ni résidence de fait, ni domicile de droit en France, et s'ils étaient majeurs quant au mariage, les publications deviendraient impossibles, parce qu'on ne saurait pas à quel lieu elles devraient se faire (1).

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23. Le projet de code soumis aux délibérations du conseil d'Etat contenait la disposition suivante : « Néanmoins, le mariage contracté en pays étranger, entre Français, ne sera valable qu'autant qu'avant la célébration l'une des parties contractantes y résiderait depuis six mois. Cette disposition avait été proposée par plusieurs cours, notamment par celle de Bruxelles, dans le but d'empêcher la célébration du mariage à l'étranger, alors que les parties n'y auraient pas même une résidence de quelques jours. Elle fut retranchée, sur la proposition du premier consul, comme inutile; les publications devant toujours se faire en France, si les futurs époux y ont conservé leur résidence et leur domicile. Or, le but du législateur est de donner de la publicité au mariage en France, et ce but est atteint par les publications. Quant au lieu où le mariage peut ou doit se célébrer, lorsqu'il est contracté à l'étranger, c'est évidemment la loi étrangère qui décide cette question; elle n'intéresse pas la publicité du mariage en France, et le législateur français est incompétent pour la décider. Telle est aussi l'opinion générale (2).

24. L'article 170 prescrit encore une autre condition pour les mariages contractés à l'étranger: il dit que le mariage sera valable, pourvu que les futurs époux, s'ils sont Français, n'aient point contrevenu aux dispositions contenues dans le chapitre Ier, lequel prescrit les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage. Parmi ces conditions, il y en a une qui ne constitue qu'un empêchement prohibitif, ce sont les actes respectueux. Les termes de l'article 170 étant généraux, il faut décider que les Français qui contractent mariage à l'étranger doivent demander le conseil de leurs ascendants, alors

(1) Demolombe, Cours de code Napoléon, t. III, p. 336, no 221. Dalloz, Répertoire, au mot Mariage, no 390.

même que les lois du pays où ils se marient n'exigeraient pas cette formalité. Cela n'est point douteux, et quand même l'article 170 ne l'exigerait point, cela eût été de droit. En effet, l'article 170 ne fait qu'appliquer au mariage le principe posé par l'article 3: Les lois concernant l'état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étranger. »

Le chapitre Ier, auquel l'article 170 renvoie, ne parle pas des formalités relatives à la célébration du mariage : c'est l'objet du chapitre II. Quand le mariage entre Français est célébré à l'étranger, c'est naturellement la loi étrangère qui détermine les formalités que l'on doit observer pour la célébration. C'est donc cette loi qui décidera si le mariage doit être célébré publiquement. Mais alors même que la loi étrangère ne prescrirait pas la publicité, les futurs époux doivent rendre leur mariage public en France par la voie des publications.

25. Ñaît maintenant la question de savoir quelle est la sanction de l'article 170. Quand les futurs époux ont contrevenu à une disposition du chapitre Ier prescrite sous peine de nullité, alors il n'y a pas de doute; le mariage sera nul. C'est une conséquence évidente du principe établi par l'article 3 du code civil sur le statut personnel. Mais parmi ces dispositions il y en a une qui n'est pas prescrite sous peine de nullité. Si les futurs époux se marient en France sans demander le conseil de leurs ascendants par des actes respectueux, le mariage est néanmoins valable; sera-t-il nul s'ils se marient à l'étranger, au mépris de l'article 151?

Une question analogue se présente pour les publications. Quant aux formalités qui doivent être observées à l'étranger pour la célébration du mariage, il n'y a pas de difficulté. Le mariage est-il contracté devant un agent diplomatique, c'est la loi française qui devra être observée; et par suite la question de savoir si le mariage est valable se décidera par le code civil. Si c'est l'officier étranger qui a célébré le mariage, on suivra la loi étrangère. Mais que faut-il dire des publications qui, d'après l'article 170, doivent se faire en France? Si le mariage était célébré en

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