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Du 23 mai 1828.-Prés. M. ROUGEMONT, juge.-Plaid. MM. NEGRE pour Vidal, COURNAND pour la compagnie générale d'assurances, ROUVIÈRE pour les assureurs particuliers.

Lettres de change. -Négociation. -— Acceptation. Preneur. Faillite du tireur. - Obligation.

lui en

Lorsque des lettres de change ont été négociées par le tireur, sous la condition que le preneur comptera la valeur après qu'elles auront été acceptées par le tiré, le preneur peut-il résilier la négociation, malgré l'acceptation donnée, si, depuis lors et avant l'échéance, le tireur est tombé en faillite? (Rés. nég.)

Le

preneur

est-il tenu, au contraire, nonobstant la faillite du tireur et lors méme que l'accepteur a laissé protester les traites, faute de paiement à l'échéance, de payer aux syndics du tireur le montant total de la négociation? (Rés. aff. )

(Syndics de Bruchon contre Séjourné et Gilly. )

LE 23 août 1827, le sieur Bruchon tire de Marseille sur les sieurs Berlioz frères, négocians à Lyon, une lettre de change de six mille francs, payable le 1er décembre suivant, à l'ordre du sieur Séjourné.

Le sieur Séjourné, preneur, s'oblige, dans

la note de négociation qui est dressée entre lui et le tireur, à en payer le montant, le 29 août, toutefois après acceptation, de la part des sieurs Berlioz frères, tirés.

Le 25 du même mois d'août, le sieur Bruchon tire deux autres traites sur les sieurs Berlioz frères, l'une de 5000 fr., l'autre de 4000 fr., payables le 3 décembre suivant, à l'ordre des sieurs Gilly et Cie:

La négociation de ces deux traites est également constatée par une note dans laquelle les sieurs Gilly s'obligent d'en payer le montant fin août, après acceptation de la part des tirés.

Les trois traites sont présentées aux sieurs Berlioz frères, et acceptées par eux avant les termes fixés aux preneurs pour le paiement du montant des notes de négociation.

Le 31 août 1827, le sieur Bruchon, tireur, est déclaré en faillite.

A cette époque, le sieur Séjourné et les sieurs Gilly et Cie n'avaient pas encore effectué le paiement des trois traites qui leur avaient été négo

ciées.

Les sieurs Berlioz frères, instruits de la faillite du sieur Bruchon, accourent à Marseille, et, le 3 septembre, en vertu d'une ordonnance qu'ils obtiennent, ils forment opposition au paiement que les sieurs Séjourné et Gilly pourraient faire du montant des négociations à l'agent de la faillite ou à tout autre.

Sur la poursuite des syndics provisoires, un jugement, rendu par défaut, ordonne le soulèvement de l'opposition.

Le 17 octobre 1827, un second jugement par défaut confirme le précédent.

Ces jugemens sont signifiés aux sieurs Séjourné et Gilly, avec injonction de payer en mains des syndics le montant des notes de négociation des trois traites dont il s'agit.

Les sieurs Séjourné et Gilly ne satisfont point à cette injonction.

Alors, et le 29 octobre 1827, les syndics les assignent en condamnation devant le tribunal de commerce de Marseille.

Le 13 novembre, jugement qui condamne par défaut les sieurs Séjourné et Gilly et Cie au paiement réclamé par les syndics. Ce jugement ordonne l'exécution provisoire sans caution, nonobstant opposition et appel.

En vertu de ce jugement, les syndics de la faillite Bruchon exercent des poursuites et des exécutions contre les sieurs Séjourné et Gilly et Cie.

Ceux-ci se décident à payer, comme contraints et forcés.

Ensuite, et les 19 et 20 novembre, ils se pourvoient par opposition envers le jugement par défaut rendu contr'eux.

Pendant l'instance engagée sur cette opposition, l'échéance des traites du sieur Bruchon arrive.

Les sieurs Berlioz frères, accepteurs, en refusent le paiement. Elles sont protestées, les 3 et 4 décembre 1827.

La réponse des sieurs Berlioz mentionnée dans les actes de protêts porte qu'ils ne paient point, attendu qu'ils n'ont pas reçu la moindre provision du tireur; qu'ils se réservent encore de demander l'annulation de leur acceptation comme ayant été surprise à leur bonne foi et à une époque où le sieur Bruchon, qui a fourni lesdites traites, était notoirement en faillite.

En cet état des choses, les sieurs Séjourné et Gilly et Cie plaident sur leur opposition.

Ils demandent la rétractation du jugement par défaut du 13 novembre.

Ils soutiennent que la faillite du sieur Bruchon, survenue après la négociation des traites, ayant détruit la sûreté qui résultait pour eux de la solvabilité du tireur, ils sont, par cela même, fondés à se considérer comme dégagés de l'obligation de payer le montant de la négociation, et en droit d'invoquer la résolution du contrat.

Et ce droit, ajoutent-ils, leur compète avec d'autant plus de raison que les traites n'ont point été acquittées, à l'échéance, et que la réponse des tirés aux protêts annonce, de leur part, l'intention de faire annuler l'acceptation; d'où il suit que lės: preneurs ont souffert, dans l'objet qui leur avait été cédé ou vendu, un trouble, une eviction qui les affranchit de l'obligation d'en payer le prix.

A l'appui de ce système, les sieurs Séjourné et Gilly et Cie invoquent les dispositions :

De l'art. 1184 du code civil, d'après lequél : la CONDITION RÉSOLUTOIRE est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des parties ne satisfera point à son engagement;

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De l'art. 1188, aux termes duquel : le débiteur ne peut plus réclamer le bénéfice du terme, LORSQU'IL A FAIT FAILLITE, ou lorsque, par son fait, il a diminué les sûretés qu'il avait données par le contrat à son créancier;

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Des art. 1610 et 1653 du même code, qui accordent à l'acheteur le droit de demander la résolution du contrat, pour défaut de délivrance dans le temps convenu, et celui de suspendre le paiement du prix, lorsque l'acheteur est troublé ou a juste sujet de craindre d'être troublé par une action en revendication.

Les sieurs Séjourné et Gilly et Cie invoquent enfin les dispositions des art. 118 et 164 du code de commerce, qui soumettent le tireur d'une lettre de change à la garantie solidaire de l'acceptation et du paiement, à l'échéance, et ils soutiennent que ces dispositions doivent être combinées avec celles des articles du code civil précités.

Ils demandent, en conséquence, au bénéfice de l'offre qu'ils font de restituer les traites, d'être dispensés de tout paiement, à raison du projet de négociation qui avait eu lieu entr'eux et le sieur Bruchon, et que, par suite, les syndics de la faillite de ce dernier soient soumis, tant comme syndics que personnellement, à leur rembourser les som

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