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Par suite, le capitaine qui charge du soufre, des cordages et des biscuits à bord de son na

vire, est-il exempt de faute, à raison du chargement de ces objets? ( Rés. aff.)

Par suite encore, les assureurs français sont-ils responsables de la prise faite pendant le voyage, assuré, nonobstant le chargement du soufre, des cordages et des biscuits, et nonobstant encore que le capitaine du navire soit étranger? (Rés. aff.)

(Julien Berardi et fils contre les sieurs Olive fils et Cie.)

Le 31 juillet 1824, les sieurs Julien Berardi et

fils, négocians à Marseille, font assurer la somme de 42,600 fr., savoir: 9,000 fr. sur corps et 33,600 fr. sur facultés du navire la Minerve, avec pavillon anglais, capitaine Jean Burone.

Les facultés sont déclarées consister en vius, cartes à jouer, et autres marchandises, s'il y en avait, chargées ou à charger.

Le voyage est fixé de sortie de Gênes jusques à Lima et Guayaquil, permis au capitaine de toucher partout ou bon lui semblerait, d'aller dans un ou plusieurs endroits de la Californie.

Le navire part de Gênes : il touche à Gibraltar, et il met à la voile de ce dernier port pour se rendre au lieu de sa destination.

Cinq jours après son départ de Gibraltar, il est rencontré par un corsaire colombien : il est

capturé et conduit à Porto-Cabello où la prise est déclarée valable par sentence du 21 octobre 1824.

Le 28 janvier 1825, les sieurs Julien Berardi et fils signifient aux assureurs le délaissement du navire et des facultés, et ils les assignent devant le tribunal de commerce de Marseille en paiement de la perte.

A l'audience du 13 septembre 1826, les assureurs déclarent vouloir user du bénéfice de l'art. 384 du code de commerce: ils offrent le paiement provisoire des sommes assurées, et, au fond, ils demandent que la cause soit remise à deux ans.

Le même jour, jugement qui ordonne le paiement provisoire, qui réserve les droits des parties au principal et qui remet la cause à un an pour être statué sur les fins des assurés tendantes au paiement définitif.

Le 8 août 1827, les sieurs Olive fils et Cie, assureurs pour 2,000 fr., assignent les sieurs Julien Berardi et fils devant le tribunal de commerce: ils demandent la restitution de la somme par eux provisoirement payée, avec intérêts depuis le jour du paiement.

Ils motivent cette demande sur ce que la prise du navire la Minerve n'aurait eu d'autre cause que des faits ou des fautes imputables aux commettans des sieurs Julien Berardi et fils, et dont les assureurs ne pouvaient répondre.

Ils soutiennent spécialement que le navire la Minerve avait été pris: 1° Parce que son équipage

était composé presqu'en totalité de matelots étrangers au pavillon qu'il devait porter; que cette circonstance, qui n'avait point été dénoncée par les assurés aux assureurs, constituait une réticence qui annulait l'assurance, aux termes de l'art. 348 du code de commerce; 2o Parce qu'il y avait à bord une quantité considérable de marchandises de contrebande, telles que munitions de guerre et de bouche, ce qui constituait, de la part du capitaine, une faute qui avait motivé la prise et dont les assureurs n'étaient pas responsables, dans l'hypothèse.

Les sieurs Julien Berardi et fils soutiennent, de leur côté, qu'il n'y a ni réticence, ni faute reprochable; que, par suite, la prise doit demeurer au compte des assureurs.

En conséquence, ils concluent à ce que la demande en restitution soit déclarée non-recevable et mal fondée, et à ce que le paiement provisoire soit déclaré définitif.

De là sont nés deux systèmes qui ont été developpés, de part et d'autre, avec autant de force que de talent, et dont voici l'analyse.

SYSTÈME DES SIEURS OLIVE FILS ET Cie.

Deux moyens principaux, disent les sieurs Olive fils et Cie, motivent l'annulation de l'assurance.

l'é

Le premier est tiré de la réticence commise par les assurés, en ce qu'ils n'ont pas déclaré quipage du navire la Minerve était composé, du

que

moins en majeure partie, de marins etrangers où non sujets anglais.

Le deuxième est tiré de la faute commise par le capitaine, en ce qu'il a chargé à bord du na-, vire des objets qui sont contrebande de guerre.

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Nullité de l'assurance pour cause de reticence et à raisor de la composition de l'équipage.

En fait, il résulte d'un certificat délivré par le consul anglais à Gênes, le premier février 1827, que l'équipage du navire la Minerve, au moment du départ de Gênes pour Lima, était, composé de vingt-six marins, compris le capitaine, lesquels étaient presque tous natifs de Génes.

Or, il est de principe que le navire ne peut réclamer la protection attachée au pavillon qu'il arbore qu'autant que l'équipage est composé, au moins à concurrence de deux tiers, de sujets de la nation à laquelle appartient le pavillon.

Telle est, à cet égard, la doctrine des auteurs et cette doctrine est uniforme (1).

Telle est la disposition précise du réglement du 26 juillet 1778, et tout récemment encore cette disposition a été reproduite dans les traités intervenus entre la France, le Mexique et le Brésil.

(1) Voy. Valin, tom. I, pag. 268 et 526; Emérigon, tom. I, pag. 375;— Azuni, dictionnaire de droit maritime verbo, bandiera.

En un mot, la condition essentielle pour la nationalité d'un navire et le privilége du pavillon, c'est que l'équipage soit composé de deux tiers, au moins, de nationaux.

Ainsi, le capitaine Burone, en composant exclusivement son équipage de Génois, a enlevé au pavillon porté par la Minerve toute la protection qu'il aurait obtenue avec un équipage anglais, ce qui constitue une faute dont les assureurs français ne sont pas responsables, puisque le capitaine est étranger.

Ainsi, par suite, les assurés ont commis une véritable réticence, aux termes de l'art. 348 du code de commerce, puisqu'ils n'ont point déclaré l'existence à bord d'un équipage entièrement génois, circonstance très aggravante du risque et de l'opinion du risque.

Mais, dit-on, le navire la Minerve a été expédié de Gibraltar et les navires qui partent de ce port peuvent, quoique navigant sous pavillon anglais, avoir un équipage entièrement étranger.

Cette raison ne saurait être d'aucune influence; car, il ne s'agit pas de savoir si, en expédiant le navire du port de Gibraltar, avec un équipage tout génois, le capitaine Burone a, ou non, commis une faute contre les lois anglaises et les réglemens de marine de ce pays; mais bien si, en agissant ainsi, il a diminué la protection due au pavillon anglais, ce qui est incontestable, et ce qui résulte même du certificat produit par les assurés où il est dit, en termes exprès, que les navires expédiés de Gibraltar, comme l'a été celui du capitaine

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