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Expédition maritime. - Capitaine.-Gestion. — Reddition de compte.-Intéressés.-Action.

L'armateur qui a confié à un mandataire la gestion d'une expédition maritime, dans laquelle il a plusieurs intéressés ou co-participes, est-il seul recevable à exiger du mandataire une reddition de compte? (Rés. aff.)

En d'autres termes : Les intéressés ou co-participes dans une expédition maritime sont-ils recevables à exiger une reddition de compte du capitaine à qui la gestion en a été confiée par l'armateur seul? (Rés. nég.)

N'ont-ils d'action, à raison de leur intérêt dans l'expédition, que contre l'armateur, lors méme que le capitaine ne lui aurait pas encore rendu son compte de gestion? (Rés. aff. )

(Benet contre Syndics Rebecqui)

DANS le mois de vendémiaire an xi (octobre 1802), les sieurs Bouisson frères et Mopinot, négocians à Marseille, avaient expédié le brigantin le Commerce à Saint-Domingue, de compte à tiers entr'eux, le sieur Xavier Benet et le sieur Jacques Rebecqui.

Ils avaient confié le commandement du navire

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et la gestion de l'expédition au capitaine Jacques Cristophe Benet, frère de Xavier.

Le capitaine Benet avait souscrit une reconnaissance de réception des marchandises qui composaient la cargaison; il s'était obligé de les vendre au Port-au-Prince, d'en employer le produit et d'en faire le retour à Marseille en denrées coloniales, de se conformer aux ordres qui lui seraient donnés par les sieurs Bouisson frères et Mopinot, et de leur remettre, au retour du voyage, les livres, journaux et papiers relatifs à l'expédition.

Le capitaine avait contracté ces engagemens envers les sieurs Bouisson frères et Mopinot, seuls désignés comme armateurs du navire. Il était demeuré étranger aux accords sociaux passés entre -les trois intéressés.

Arrivé au Port-au-Prince, le capitaine Benet y avait vendu sa cargaison, et en avait chargé les retours partie sur son navire, partie sur un autre bâtiment.

Pendant que ces deux navires faisaient route pour Marseille, la survenance de la guerre, entre la France et l'Angleterre, avait déterminé les capitaines à se diriger vers les Etats-Unis.

Le capitaine Benet s'était rendu à Philadelphie, et l'autre capitaine à Charles-Town.

Les marchandises de l'expédition avaient été vendues, dans ces lieux, ainsi que le navire le Commerce.

A cette époque, le capitaine Benet avait fait passer aux sieurs Bouisson frères et Mopinot une

somme de 158,000 fr., à compte des fonds dont il avait eu la gestion.

Il paraît qu'ensuite et dans l'année 1808, après son retour en France, il leur rendit un compte définitif, et leur remit ses livres et pièces justificatives.

Le 18 janvier 1809, les sieurs Bouisson frères et Mopinot firent citer le sieur Rebecqui devant le tribunal de commerce de Marseille, en paiement d'une somme de 2,000 fr., pour solde de son compte en participation dans l'expédition qui avait été confiée au capitaine Benet.

Celui-ci ne fut point appelé dans cette instance.

Depuis lors, dix-neuf ans se sont écoulés sans qu'aucune réclamation ait été élevée contre le capitaine Benet, à raison des opérations dont il avait été chargé dans son voyage en Amérique avec le navire le Commerce.

En cet état des choses et en 1827, le sieur Rebecqui tombe en faillite.

Le 20 mars 1827, les syndics de cette faillite assi gnent le capitaine Benet devant le tribunal de commerce de Marseille.

Ils demandent que ce capitaine soit tenu de leur rendre compte de la gestion du brick le Commerce et de sa cargaison, avec toutes les pièces justificatives à l'appui, sous réserve de prendre ensuite telles fins qu'il appartiendrait, pour le paiement du tiers revenant au sieur Rebecqui sur les sommes dont le capitaine Benet était demeuré reliquataire à raison des opérations dont il s'agit.

Le capitaine Benet soutient que la demande des syndics est non-recevable, en ce qu'il n'avait de compte à rendre qu'aux sieurs Bouisson frères et Mopinot, de qui seuls il avait reçu le mandat de gérer l'expédition; qu'au surplus, il avait rendu ses comptes aux sieurs Bouisson frères et Mopinot, après son retour en France, et leur avait remis toutes les pièces justificatives, aux termes des engagemens qu'il avait contractés avec eux, en leur qualité d'armateurs du navire le Commerce.

Peu importe, ajoute le capitaine Benet, que le sieur Rebecqui ait été effectivement le co-participe des sieurs Bouisson frères et Mopinot dans l'expédition de ce navire : il n'en est pas moins vrai que le capitaine n'avait mandat que de la part de ces derniers, et, cela étant, les co-intéressés n'ont action, pour la reddition des comptes relatifs à l'expédition, que contre les sieurs Bouisson frères et Mopinot qui l'avaient dirigée.

reçu

JUGEMENT.

«Attendu que l'intérêt que le sieur Jacques Rebecqui avait sur le brick le Commerce n'a pas été dénié par le capitaine Benet; qu'il résulte même des documens qui ont été fournis à l'audience que non-seulement ledit Benet avait, dans le temps, reconnu le droit que sa qualité d'intéressé donnait au sieur Rebecqui de demander compte de la gestion qu'avait eue le capitaine Benet de ce brick et de sa cargaison, mais qu'il avait même promis de le lui rendre;

Que ce capitaine ne justifiant pas avoir rempli cette promesse, mais même ne fournissant pas la preuve que le compte a été rendu, dans le temps, aux sieurs Bouisson frè

res et Mopinot, armateurs dudit navire, il ne saurait être fondé aujourd'hui à contester aux syndics du sieur Rebecqui le compte que ceux-ci exigent de lui;

«Attendu, au fond, que la contestation n'est pas de nature à pouvoir être traitée sur plaidoiries à l'audience,

« LE TRIBUNAL ordonne que, dans la quinzaine de la signification du présent jugement, le sieur Benet sera tenu de remettre entre les mains du sieur Chabaud, rapporteur à cet effet nommé, le compte de la gestion qu'il a eue du brick le Commerce et de sa cargaison, appuyé des pièces justificatives, pour, sur les débats qui seront faits par les syndics, être statué ce qu'il appartiendra; les dépens joints au fond. »

Du 11 juin 1827. — Prés. M. Alexis ROSTAND, chev. de la lég. d'honneur.--Plaid. MM. COURNAND pour les syndics, AUDIFFRET pour Benet.

Le capitaine Benet a émis appel de ce jugement devant la cour royale d'Aix.

ARRÊT INFIRMATIF.

<< Sur les conclusions conformes de M. de St-JULLIEN, conseiller auditeur, portant la parole pour et au nom du procureur-général:

<< Attendu que l'action en reddition de compte intentée par les syndics de la faillite Rebecqui contre le sicur Benet, ancien capitaine marin, est non-recevable, parce que la facture du 26 vendémiaire an xr ( 18 octobre 1802) et les accords dudit jour ne furent consentis qu'au profit des sieurs Bouisson frères et Mopinot seulement, qualifiés armateurs du brigantin le Commerce;

<< Que le capitaine Benet n'était que le mandataire des armateurs, et qu'il est de principe que le mandataire ne doit compte qu'à son mandant;

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