Page images
PDF
EPUB

du code de commerce et l'opinion de tous les auteurs, les frais du déchargement, pour alléger le navire et entrer dans un havre ou dans une rivière, ne sont avaries grosses qu'autant que le navire est contraint de le faire par tempête ou par la poursuite de l'ennemi (1).

Supposons donc qu'on eût allégé le navire pour entrer à Tunis : dans ce cas, les frais du déchargement ne seraient pas avaries grosses, puisque ce navire n'a été contraint ni par tempête, ni par la poursuite de l'ennemi.

Or, peut-on concevoir que les frais d'entrée soient avaries particulières et que les frais de séjour soient avaries communes?

Mais, dit-on, le navire a trouvé dans le port de Tunis un corsaire algérien qui retenait une prise française: il ne pouvait donc pas sortir de Tunis sans s'exposer à être poursuivi et capturé par ce corsaire; dès-lors, il a été nécessaire, pour le salut commun, de rester à Tunis pour y attendre une escorte.

Cet argument déplace entièrement la question et ne la résout pas.

En effet, la question n'est pas de savoir si, une fois entré à Tunis, le capitaine pouvait et devait en sortir sans escorte, mais bien s'il a été contraint d'y entrer pour le salut commun du navire et de la cargaison.

(1) Voy. Emérigon, Traité des assurances, tom. 1, pag. 556; Pothier, Traité des avaries, n° 151; Valin, Casaregis.

Sur ce point, la négative n'est pas douteuse. Le capitaine Vasseur est entré à Tunis en absence de nécessité il y est donc entré à ses risques et périls il a donc pris sur lui toutes les suites de la relâche il s'est donc volontairement placé sous le canon du corsaire algérien.

Si la relache n'a pas été faite pour le salut commun, qui n'était pas antérieurement en péril, les suites de cette relâche ne peuvent pas constituer une avarie commune.

La présence du corsaire algérien à Tunis a bien pu influer sur le, séjour : il n'a pu déterminer la relâche. Et c'est ici le cas d'appliquer la maxime : ad primordium totus refertur eventus.

Pour fixer le véritable caractère de la relâche, il faut apprécier, non ses suites, mais les circonstances et les motifs qui l'ont déterminée.

la

Or, on le répète, le navire n'a été contraint de relâcher à Tunis ni par tempête, ni par poursuite de l'ennemi; donc point de péril actuel et imminent; donc la relâche n'est point et ne peut point être considérée comme un sacrifice fait au salut commun.

S. II.

En supposant que la relâche ait eu lieu pour le bien et le salut communs, les loyers et la nourriture des matelots, pendant le séjour, ne seraient point avaries grosses, mais avaries particulières, puisque le navire était affrété au voyage.

L'art. 400 du code de commerce dispose.

<< Sont avaries communes,

......

6o Les panse

<«< mens et nourriture des matelots blessés en dé«fendant le navire, les loyers et nourriture des << matelots pendant la détention, quand le navire <«< est arrêté en voyage par ordre d'une puissance, << et pendant les réparations des dommages volon«tairement soufferts pour le salut commun, si « le navire est affrété au mois. »

Et l'art. 403 ajoute :

.....

4o La nourri

<<< Sont avaries particulières, «<ture et le loyer des matelots pendant la déten« tion, quand le navire est arrêté en voyage par << ordre d'une puissance, et pendant les réparations «< qu'on est obligé d'y faire, si le navire est affrété « au voyage. »

Il résulte de ces deux textes une différence bien marquée entre l'affrétement au voyage et l'affrétement au mois, en ce qui concerne la nourriture et le loyer des matelots. En effet, dans les mémes circonstances, c'est-à-dire, pendant la détention ou pendant les réparations, la nourriture et le loyer des matelots sont avaries communes ou avaries particulières, suivant que le navire est affrété au voyage ou au mois.

Au premier abord cette différence paraît singulière, bisarre et inexplicable. On serait même tenté de croire qu'elle s'est glissée inaperçue dans la loi.

Mais, en y réfléchissant, on demeure convaincu qu'elle est le résultat des méditations les plus profondes et les mieux appropriées à la nature des choses.

La charte-partie engendre des obligations réciproques entre le chargeur et l'armateur.

Le chargeur de marchandises contracte l'obligation de payer le fret, soit le prix du transport d'un lieu dans un autre lieu.

L'armateur contracte, à son tour, l'obligation de faire opérer le transport et de fournir tout ce qui est nécessaire, savoir : le navire et l'équipage il contracte donc aussi l'obligation de nourrir cet équipage et de payer ses loyers.

Ainsi, le fret est le contre-poids de l'usage du navire, des services, de la nourriture et des loyers de l'équipage.

Cela posé, il devient facile d'expliquer l'anomalie apparente qu'on remarque entre le § 6 de l'art. 400 et le S 4 de l'art. 403 du code de

commerce.

Lorsque le navire est affrété au mois, le fret n'est censé dû que pour les mois de navigation effective. Le temps de la détention et le temps employé aux réparations ne compte donc pas pour la computation du fret. (Art. 300 du code de commerce.)

Or, si l'armateur ne reçoit pas de fret pendant la détention par ordre d'une puissance ou pendant les réparations des dommages volontairement

soufferts pour le salut commun, il ne doit pas payer, non plus, la nourriture et les loyers de l'équipage, puisque cette charge est inhérente à la perception du fret. Il est donc naturel, dans ce cas, de déclarer avaries communes la nourriture et le loyer de l'équipage.

Mais, au contraire, lorsque le navire est affrété au voyage, le fret est payé en bloc pour tout le voyage, et le temps de la détention ou le temps employé aux réparations fait partie de ce voyage : dans ce cas, l'armateur reçoit donc le fret pour le temps de la détention ou des réparations : les charges de ce fret doivent donc retomber sur lui : les loyers et la nourriture de l'équipage ont donc, dans cette circonstance, le caractère d'avaries particulières.

Cette théorie n'est point nouvelle on la retrouve clairement exprimée dans Pothier, Traité de la charte-partie, no 84, 85, et Traité des avaries, n° 151. Elle ne laisse rien à désirer sur le véritable sens du § 6 de l'art. 400 et du § 4 de l'art 403 du code de commerce.

Dans l'espèce, le navire était affrété au voyage. Le propriétaire recevait donc le fret pour tout le voyage: il devait donc payer la nourriture et les loyers de l'équipage pendant tout le voyage, et même pendant la durée du séjour fait à Tunis, qui faisait partie du voyage. Cette nourriture et ces loyers ne sont donc point avaries communes, mais simplement avaries particulières.

Si la solution n'était pas calquée sur ces prin

« PreviousContinue »