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vastes édifices, où il payait les contributions personnelle et mobilière, et le droit fixe de patente, tandis qu'à Marseille il n'était qu'en location et n'avait laissé qu'un de ses fils pour gérer son établissement, bien moins considérable que celui de Choisy-le-Roi.

D'ailleurs, disent encore les syndics de Paris, ceux des créanciers du sieur Grimblot qui demeurent dans le ressort du tribunal de Paris, sont les plus nombreux, et le montant de leurs créances forme la majeure partie de son passif.

Enfin, c'est au greffe du tribunal de commerce de Paris que le sieur Grimblot a lui-même déposé son bilan; ce tribunal a donc été le premier saisi; le premier il a déclaré la faillite; donc il doit avoir exclusivement juridiction, à raison de cette faillite.

Les syndics de Marseille opposaient, en réponse, les moyens énoncés dans les motifs de l'arrêt ci-après.

ARRÊT.

<< Sur les conclusions de M. Lebeau, avocat :

« Attendu que, pour déterminer quel est le lieu où une faillite est ouverte, il est indispensable de connaître quel était le domicile du failli, au moment de l'ouverture de la faillite, puisque, d'après l'art. 59 du code de procédure, le tribunal de commerce dans l'arrondissement duquel était le domicile du failli est le seul compétent;

<< Attendu qu'aux termes des art. 102 et suivans du code civil, le domicile, une fois acquis dans un lieu, ne peut être changé que par le concours de l'intention

et du fait, et que si l'intention n'est pas déclarée dans les formes prescrites par l'art 104, elle résulte des circonstances;

«Attendu qu'en fait, on ne produit aucune déclaration en la forme prescrite par l'art. 104, qui apprenne que Grimblot, depuis long-temps domicilié à Marseille, de l'aveu de toutes les parties, ait annoncé qu'il transférait son domicile à Choisy;

«Attendu que toutes les circonstances de la cause se réunissent pour établir que Grimblot se qualifiait toujours domicilié à Marseille, s'adressait au Maire de cette ville et au Préfet des Bouches-du-Rhône pour obtenir des passe-ports à l'étranger; qu'il y avait un loyer et un mobilier considérables; qu'il y payait la patente et la contribution personnelle; de laquelle réunion de circonstances il résulte que Grimblot a toujours continué à résider à Marseille;

<< LA COUR ordonne qu'il sera procédé, pour toutes les opérations de la faillite Grimblot, devant le tribunal de commerce de Marseille; annule tous les actes et procédures faits au tribunal de commerce de Paris, autres que ceux qui ont eu pour objet des appositions de scellés ou autres actes et mesures conservatoires. >>

Du 22 février 1827. Cour de cassation. Chambre des requêtes.— Prés. M. VOYSIN DE GARTEMPE. Rapp. M. PARDESSUS. - Plaid. MM. GARNIER pour les syndics de Paris, JAQUEMIN pour les syndics de Marseille (1).

(1) Voy. ce Recueil, tom. VIII, 2o part. pag. 122.

Arbitres forcés. - Honoraires.

Les fonctions des arbitres forcés sont-elles gratuites, comme celles des juges de commerce, à la différence des fonctions des arbitres volontaires et des arbitres-experts? ( Rés. aff.) En conséquence, les arbitres forcés sont-ils sans action pour réclamer des honoraires des parties dont ils ont jugé les différends? (Rés. aff.)

(Barbot et consorts contre Constant et consorts.)

ARRÊT.

« Attendu qu'en fait de contestation entre associés, et à raison de leur société, il y a juridiction et attribution spéciale de compétence en faveur des arbitres (art. 51 du code de commerce); de telle sorte que les arbitres, choisis individuellement par chacune des parties litigantes, nommés par jugement du tribunal de commerce, mais investis, par la toute-puissance de la loi, du droit exclusif de terminer leurs différends, forment un tribunal forcé et légal qui participe de la nature du tribunal de commerce, dont il n'est, pour ainsi dire, qu'une section, et dont les jugemens ne sont pas soumis à la sanction des tribunaux de commerce; mais bien, au contraire, ne peuvent plus être attaqués que devant la cour, par la voie de l'appel, ou en cassation, et réformés ou confirmés par son autorité supérieure ;

«Que les arbitres forcés, ainsi considérés, sont donc réputés constituer eux-mêmes le tribunal de commerce, T. IX. - 2me P.

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pour les matières qui leur sont soumises; et, comme tous ses membres, doivent remplir les fonctions qui leur sont déléguées par une disposition expresse de la loi avec cette indépendance qui n'attache à l'exercice de ces mêmes. fonctions aucune rétribution, ni honoraire ;

Que telle a dû être nécessairement l'intention du législateur, lorsqu'après avoir institué des tribunaux de commerce, qui exercent leurs fonctions gratuitement, il a, par une exception, érigé les arbitres en tribunal forcé ;

«Q'en effet, en créant cette exception, il a dù considérer que, dans l'intérêt des justiciables et d'une prompte expédition des affaires commerciales, et vu leur multiplicité, les difficultés qu'elles présentent, le temps qu'elles exigent, il était impossible que les tribunaux de commerce seuls pussent suffire aux besoins de la société, et que, dès-lors, il était indispensable de créer auprès d'eux des juges spéciaux, qui, n'ayant à connaître que des affaires qui leur seraient particulièrement soumises, activeraient d'autant plus la marche de l'administration de la justice commerciale;

« Que, de plus, l'intérêt du commerce, et le maintien. du crédit et de la confiance qui en est la base, voulaient que les discussions qui pouvaient survenir entre associés fussent soumises à la juridiction toute paternelle des arbitres, qui, agissant dans le secret, hors des débats publics, pourraient bien mieux, sans compromettre aucun intérêt, rapprocher les parties, les concilier, et juger leurs différends;

<< Que si ces intentions, qui indiquent si bien la sagesse du légistateur, ont] déterminé l'institution des tribunaux d'arbitres, elles repoussent, aussi la pensée qu'il ait été également dans sa volonté que ces juges, choisis pour l'ordinaire parmi les négocians les plus recommandables,

appelés successivement et à leur tour à composer le tribunal de commerce lui-même, pussent, en cette qualité, réclamer un salaire qu'il leur refuserait comme membres des tribunaux de commerce, lorsque entr'eux il y a identité de pouvoir, de fonctions dont ils sont, les uns et les autres, investis par l'autorité de la loi et auxquels les parties ne peuvent se soustraire;

« Que, s'il en était autrement, il faudrait que le législateur, après avoir institué, par une disposition générale, les juges de commerce, auxquels nulle rétribution ne serait accordée, aurait immédiatement, par une disposition exceptionnelle, distrait les justiciables des juges naturels. qu'il venait de leur donner, pour les appeler forcément devant un tribunal d'exception que les parties elles-mêmes seraient tenues de salarier; disposition qui ne peut sans doute se concilier avec la volonté de la loi, qui a proclamé que l'administration de la justice était gratuite en France, et qui y aggraverait la condition des négocians, lorsque aucun texte de loi ne les prive de l'utilité de ce principe devenu une des bases essentielles du droit public qui nous régit;

« Attendu qu'à ces considérations, puisées dans le caractère légal des arbitres et la nature de leurs fonctions, identiques avec celles des juges des tribunaux de commerce, toutes essentiellement gratuites, vient se joindre celle, non moins puissante, déduite de l'inconvenance morale et publique que présenteraient des arbitres, qui, comme dans l'espèce, d'abord taxeraient eux-mêmes leurs honoraires, et, sous ce rapport, seraient, en même temps, et dans leur propre cause, juges et parties, et qui, encore à peine dépouillés de leur qualité de juges, prendraient immédiatement le rôle de demandeurs envers ces mêmes parties qu'ils viennent de juger, pour poursuivre contre elles, devant les tribuuaux civils, et par tous

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