1 , toute l'étenduë, de toutes les forces, & de toute la puissance du cœur; en un mot, s'en faite aimer sans bornes & fars me fure. Afin qu'ils ayent en eux ce même amour dont vous m'avez aimé, dit Jefus-Christ à fon Pere, & que je fois moimême en eux. (a) S'il a donné fon propre Fils pour ra cheter ce cœur esclave de l'amour de soimême & du monde, ce n'a été que pour le sanctifier par l'infusion de fon Esprit, & pour se le consacrer par cette charité éternelle par laquelle le Pere & le Fils s'aiment eux-mêmes éternellement. Mais ce divin Maître qui enseigne le cœur, a sa chaire dans le ciel (b): Cathedram habet in cælo, qui corda docet. Et quoi qu'il scache bien se faire entendre quand il lui plaît de ceux qui font encore éloignez de cette chaire celeste, l'ame neanmoins est devenuë tellement terrestre, pour ainsi dire, & est si fort appesantie par cette maffe de chair qui l'environne, que pendant qu'elle y est unie, elle n'apprend jamais bien cette leçon de l'amour de Dieu, & qu'elle ne parvient jamais à la sçavoir comme il faut en cette vie, en forte que la charité rempliffe toute la ca(2) Joan. 17. 16. (b) saiut Aug. pacité du cœur, & qu'il n'y reste pas la moindre place pour la cupidité. C'est dans le ciel (a), dit laint Augustin, que les hommes n'étant plus enseignez que de Dieu, éclairez, embrafez, & heureux de Dieu seul, n'aimeront que lui ne se nourriront que de lui, & ressembleront aux Anges, felon la promesse que JefusChrist en a faite aux fiens par ces paroles : Dans la vie ressuscitée ils feront comme les Anges dans le Ciel. (b) Autant que ces avantages nous doivent transporter de joye & d'impatience de les poffeder, autant devons-nous gémir de nous voir afsujettis à des neceffitez toutes opposées, que nous porterons tant que nous porterons le corps d'Adam, & qui nous doivent faire defirer de nous en voir déchargez. I. La premiere neceffité est de ne pouvoir écouter avec une application & une docilité parfaite ce divin Maître qui nous parle au fond du cœur, entraînez que nous sommes par des besoins infinis de cette vie malheureuse, & détournez par la voix de tant de paffions qui ne scavent que trop fe faire entendre & se faire obéir. (2) Aug. fam. fur la mort. 1. 2. 196. (b) Matth. 22, 19 Quand sera-ce donc, ô Esprit saint, que vous parlerez seul à mon cœur, que je n'écouterai plus que vous, & que vous m'apprendrez parfaitement cette grande leçon qui doit faire mon bonheur éternel? ce ne peut-être ici-bas. Il faut être separé du bruit de la terre; il faut être élevé jusqu'à ce divin Docteur qui a fa chaire dans le ciel; il faut que cette muraille de separation, qui est entre Dieu & notre ame, soit abatuë; que cette chair soit détruite, afin que les oreilles du cœur foient unies sans milieu à l'Esprit dont il doit être le disciple. Tirez-le donc à vous, ô Esprit faint, ce cœur qui est comme plongé dans la bouë de ma chair, qui le rend si souvent fourd, & qui fait qu'entendant votre voix il ne l'entend point, ou ne l'entend qu'à demi. Car il faut que mes os soient brisez & hus miliez jusques dans la terre, afin qu'ils puiffent avoir part à la joye dont le cœur fera comblé quand vous vous ferez en rendre à lui de près, & en vous répandant intimement dans sa substance: Auditui meo dabis gaudium & latitiam, & exultabunt ofsa humiliata. Pl. so. II. La seconde necessité est de ne pouvois aimer Dieu parfaitement & de tout notre cœur en cette vie, ce cœur étant partagé par tant d'objets differens, qui sont comme une glu qui l'attache à la terre & l'empêche de s'élever vers cette unité adorable dans laquelle il doit être consommé, C'est par nos sens que notre ame s'ouvre & s'attache à cette multiplicité d'objets qui ne sont point son Dieu, & qui ne peuvent par consequent la rendre heureufe. On a beau lui crier en cette vie : O mon ame ne te laisse pas aller au vain amour des creatures. Jusques à quand te laisseras-tu appesantir & entraîner vers la terre pour aimer la vanité & chercher le mensonge? Pourquoi te répans-tu dans les ouvrages du Createur, au lieu de t'attacher au Createur même uniquement ? Pourquoi fuis-tu les sens de ta chair qui ne cherchent qu'à te corrompre par l'amour des beautez perissables; au lieu de les obliger à te suivre yers cette beauté souveraine qui est seule ton veritable bien ? Quelques efforts qu'elle fasse pour fe détacher des creatures sensibles & corporelles, elle tient toûjours à quelqu'une pendant qu'elle est unie à celle qui est sa prison & qui fait sa servitude, sa tentas 1 i 1 tion, & fon inquietude ici-bas. Venez donc la délivrer, ô beauté seule aimable. Dieu tout puissant, changez ma demeu re, montrez-moi votre visage, & je serai sauvé. Mettez mon ame en état de ne dépendre plus de ces sens, & de n'en être plus captive. Puisqu'elle cherche son repos dans ce qu'elle aime, separez-la des choses qui paffent, & attirez-la à vous qui êtes éternel & immuable; afin qu'elle n'aime que vous & ne se repose qu'en vous. Car de quelque côté qu'elle se tourne ici bas, toutes les choses qu'elle cherche hors d'elle-même & hors de vous ne peuvent faire fon repos; & elle n'en aura point jusqu'à ce qu'elle ne soit plus occupée que de vous, qu'elle n'aime plus que vous qu'elle ne se repofe plus qu'en vous. ΙΙΙ. La troisieme necessité, est celle de por ter pendant toute la vie une volonté contraire à celle de Dieu; de sentir en nousmêmes un fond d'opposition à cette charité infinie, qui est Dieu même ; & de vivre avec son ennemi capital, non dans une même maison, mais dans un même corps. Car les plus saints tant qu'ils font ici-bas, éprouvent ces combats de la chair |