communiquer aux autres quand Dieu m'en donne l'occafion. Cette priere ne doit pas feulement faire le fond de ces exercices 'de pieté c'est encore un exercice particulier qui doit commencer & finir tous les autres, à l'exemple de l'Eglife, qui commence & finit toûjours par là toutes les prieres, fes louanges, & fes ceremonies facrées. Ce ne font pas feulement fes miniftres qui l'ont continuellement en la bouche, c'est même prefque la feule priere qu'elle donne aux plus fimples de fes enfans. Heureux fi en la recevant de la main de leur Mere, ils ne s'en fervoient jamaisi que dans fon efprit, & qu'ils la récitassent avec plus d'attention, plus de refpect, & plus de fentiment de Religion / Car en verité il eft difficile de n'être pas émû ou d'indignation ou de compaffion, quandi on voit le commun des fideles dire cette priere fi fainte, fans foi, sans goût, sans reflexion, par une pure routine, & d'une maniere tout-à-fait indigne & de la Majefté du Dieu à qui ils offrent ce facrifice de leurs levres, & de la bonté du Sauveur qui la leur a donnée, & de la fainteté de l'efprit qui a été envoyé dans leurs cœurs pour former en eux l'adoration & le ge miffement dont elle devroit toûjours être animée. Eft-ce donc qu'ils n'ont jamais remar qué comment l'Eglife, l'Eglife même de Jefus-Chrift; cette Epoufe qu'il aime uniquement, qui par lui a droit de s'appro cher de Dieu & de lui parler avec une pleine confiance, & que Dieu ne fçauroit ne point écouter, parce que c'eft fon Efprit qui prie en elle : comment, dis-je, il femble qu'elle n'ofe ouvrir la bouche pour prononcer cette priere auguste, au milieu même des faints Myfteres où JeLus-Chrift rendu prefent fur les Autels par fon miniftere & comme la victime, lui doit donner une plus grande liberté, qu'elle ne le fait qu'avec une veneration profonde & une crainte religieuse, & qu'en s'excufant par une préface pleine d'humilité & de tremblement, de fa hardieffe, fur le commandement falutaire que Dieu lui a fait de s'en fervir, & fur ce qu'il a plû à Jefus-Chrift la composer & la lui apprendre lui-même pour lui donner un moyen de s'addreffer à fon Pere dans fes befoins, & de lui rendre les de voirs? Je conjure donc tous ceux qui liront seci, de fe fouvenir de ne dire jamais cete te priere qu'après s'être recueillis pour s'élever à Dieu, s'unir à Jesus-Christ, & lui demander fon Efprit; afin d'entrer dans le refpect qu'on doit à celui qu'on prie, comme à son Dieu, & dans la confiance qu'on doit avoir pour lui, comme pour fon Pere. Saint Jean l'Evangelifte difoit du précepte de la charité chrétienne, que c'eft le commandement du Seigneur, & qu'il fuffit feul pourvû qu'on l'accompliffe. Je dis la même chofe & avec autant de verité du PATER: C'est la priere du Seigneur, & elle fuffit feule pourvû qu'on la life bien. §. 4. Quel temps eft plus propre CBUX qui voudront fe fervir de ces Exercices, prendront le temps qui leur fera le plus commode, & où ils pourront plus facilement fe féparer de ce qui les peut diffiper. Mais je goûte fort l'avis que donne fur ce fujet le livre divin de l'Imitation de Jesus-Chrift: Qu'il eft bon de travailler vers les principales Fêtes à fe renouveller dans fes exercices, implorant pour cela avec plus d'ardeur le fecours des des Saints. Nous devons, ajoûte-t-il, faire de faintes réfolutions de fête en fête, comme fi nous étions affurez d'être alors rappellez du fiecle prefent pour paffer à la fête de l'éternité. C'est pourquoi il faut avoir grand foin de nous y préparer dans les temps de pieté, en menant une vie plus fervente & plus fainte, & nous appliquant à remplir avec plus d'exactitude & de pieté tous nos devoirs, comme étant fur le point d'aller recevoir de Dieu la récompenfe de nos travaux. Que fi notre rappel eft differé, croyons que c'eft parce que nous n'y fommes pas affez bien préparez, & que nous fommes encore trop indignes de cette gloire fi grande & fi incompréhensible, qui doit être manifestée en nous dans le temps que Dieu a marqué: Et que cette pensée nous infpire un nouveau zele pour nous difpofer à la mort d'une maniere plus parfaite. Heureux, dit l'Evangile, heureux le ferviteur què fon maître trouvera veillant lorsqu'il viendra. Je vous dis, en verité, qu'il l'établire fur tous fes biens. Entre les folemnitéz de l'Eglife, celles avec qui ces exercices ont plus de rapport, font la Fête de la Naiffance de notre Seigneur Jetus-Chrift, & celle de fa Réfurrection glorieufe & triomphante. Le temps de l'Avent qui nous prépare à recevoir Jefus-Chrift dans fon premier avenement, est bien propre à nous préparer auffi à le recevoir venant une feconde fois au monde pour le juger, ou venant à nous pour nous délivrer par une sainte mort des miferes de la vie prefente. L'Eglife même applique les fideles en ce faint temps à ces deux avenemens du Sauveur. Elle leur fait entendre dès le premier jour cette parole confolante pour ceux qui attendent leur liberateur: Regardez en baut, & levez la tête, parce que votre rédemption & votre délivrance eft proche. Enfin, c'eft un temps de ferveur, de defirs de notre renouvellement, un temps de prieres, de gémiffemens & de foupirs, tel qu'est cette vie à ceux qui en attendent une autre. Le temps de Carême, qui, felon les Peres de l'Eglife, nous reprefente le fiecle prefent, peut bien être un temps de préparation au fiecle à venir pour ceux à qui la Fête de Pâque & le temps pafcal font une image de la vie du ciel. C'eft par cette même raison que ce faint temps confaeré à la vie reffufcitée de notre Sauveur, & qui eft affurément le plus faint temps |