د toûjours dans l'attente de ce bonheur que vous efperez & de cet avenement glorieux du grand Dieu notre Sauveur JesusChrift. Souvenez-vous que vous devez être tellement dégagez de la terre & détachez de la vie du corps corruptible que vous portez, que S. Paul dit en la perfonne de tous les Chrétiens (a), que nous vivons déja dans le ciel, comme en étant citoyens, parce que c'est de là que nous attendons le Sauveur de notre Seigneur Jesus-Chrift, qui doit transformer notre corps, tout vil & abjet qu'il est, afin de le rendre conforme à fon corps glorieux, par cette vertu efficace, par laquelle il peut s'assujettir toutes choses. C'est à quoi nous devons élever nos cœurs, nous fouvenant que nous ne sommes point faits Chrétiens pour cette vie, mais pour la vie du ciel & pour un royaume éternel: Regeneravit nos in spem vivam : Il nous a regenerez par la refurrection de Jesus-Christ, pour nous faire esperer une vie, un royaume, une couronne incorruptible, & incapable de se flétrir, mais qui nous est refervée dans les cieux. Que les hommes qui méprisent leur vie par l'esperance vaine d'une couronne (a) Philippe 3. 20. mortelle & pour beaucoup moins enco re, faffent rougir ceux que la foi & l'efperance d'un tel royaume & d'une telle gloire n'eft pas capable de détacher de la vie, & qui seroient peut-être fâchez que Jesus-Christ les prêt au mot, quand ils disent dans leurs prieres: Que votre regne arrive. Dilons-le de bon cœur & fincerement; afin que nous puissions chanter bien-tôt ce cantique nouveau (a): Vous êtes digne, Seigneur, de prendre & d'ouvrir le livre; parce que vous avez été mis à mort, & que nous ayant rachetez pour Dieu par votre fang, vous avez fait de nous un royaume pour Dieu, & nous regnerons dans la terre des vivans. Faisons donc un de nos principaux devoirs durant toute notre vie, de bien dire cet article du Pater. Regardons-y avec joye l'esperance du royaume de Dieu, de Jesus-Christ & de fon Eglife, & de nous dans ce corps admirable qui est la plenitude de Jesus-Christ, & le royaume de Dieu. Quand sera-ce, omon Dieu, que vous regnerez parfaitement en nous par Jesus-Christ, & que par lui-même nous regnerons en vous? Qu'il arrive, & qu'il arrive bien-tôt ce regne si desirable! Que (a) Apoc. 5. 2. votre regne arrive, ô Pere qui êtes dans le ciel! Que votre regne arrive, Ô JESUS, que nous attendons du ciel! Que votre regne arrive, Eglise sainte, Epouse de l'Agneau, qui êtes émanée de Dieu, & descenduë du ciel, & qui devez y remonterenyironnée & penetrée de la gloire de Dieu, pour y être à jamais son temple, sa ville & fon royaume ! Que nous gemissions fans cesse, dans votre sein pendant les jours de votre éxil & du nôtre fur la terre; afin que nous puissions chanter avec vous dans le sein de Dieu ce chant de joye (a): Enfin le royaume de ce monde est devenu le royaume de notre Seigneur & de fon Christ; & il regnera dans les fiecles des fiecles, Amen. Nous vous rendons graces, Seigneur, Dien tout puissant, qui êtes, qui étiez & qui ferez toûjours, de ce que vous êtes entré en possession de votre grande puissance & de votre regne, & de ce que c'est maintenant qu'est établi le falut, & la force, & le regne de notre Dieu & la puissance de son Christ. (a) Apoc. 11. 15. 17. (b) ibid. 11. 10, POUR LE MATIN Vertu. I L'ESPERANCE. L n'y a gueres d'ambition qui ne se bornât à la poffeffion d'un royaume & d'un empire; mais il n'y a gueres d'esperance humaine qui tende jusques-là, & qui se flatte d'y pouvoir arriver. Il n'est pas moins rare de vouloir bien partager Ton esperance avec un autre, quand il est question de regner; & il n'y a peut-être jamais eu que l'impuissance de regner seuls qui ait porté quelques Empereurs à en faire regner d'autres avec eux. Il n'y a que l'esperance chrétienne qui inspire en même tems à tous les membres de Jesus-Chrift le defir de regner & de regner tous ensemble sur un même trône. C'est cette esperance qui doit faire toute notre ambition. C'est à ce royaume éternel qu'il faut tendre par le mépris de toutes choses, & même de tous les empires de la terre, s'ils étoient en notre pouvoir. Rien ne rend plus méprisable ce que l'on poffede, que l'attenre de quelque chose de plus grand. Celui qui se voit def tiné à un empire, ne sçauroit être content de toute autre fortune. Rien auffi ne doit détacher plus efficacement une ame chrétienne des plaisirs de la vie, de l'enyvrement des fausses grandeurs & des richesses du monde, & de tout ce que l'ambition se peut figurer de plus grand, que l'efperance d'un royaume dont l'empire de l'univers ne merite pas d'être l'ombre, & que l'attente de cette joye celefte & souveraine qui fera le bonheur éternel. fi C'est ce que doit produire en nous l'efperance chrétienne. Et en vain nous nous flatons de l'avoir dans notre cœur, nous aimons les choses de la terre auffi vivement que si nous n'attendions pas le royaume de Dieu. Car elle n'est point dans notre cœur fi elle n'y fait rien; & elle n'y fait pas ce qu'elle y doit faire, fi elle ne le détache de l'amour de la vie presente; fi elle ne lui en donne du dégoût, si elle ne lui fait defirer d'en voir bien-tôt la fin; fi elle ne nous tient toûjours prêts à la quitter au premier ordre; semblables à ces anciens Peres de notre efperance auffi-bien que de notre foi, Abraham, Ifaac, & Jacob, qui demeuroient dans ce païs délicieux que Dieu leur avoit lui-même donné, comne dans ८ |