lofophie humaine n'a scu comprendre jusqu'à present, quoiqu'elle ait fait quelquefois semblant de le croire pour s'en faire honneur. Mais vous sçavez, MADAME, que c'est une verité que le saint Esprit nous a révelée par le ministere de faint Paul, qui en fait un des premiers principes de notre Religion, & que l'exemple des Saints, éclairez de la foi, & animez de la grace de JESUSCHRIST nous force de regarder come me une maxime très-pratiquable. Car ne nous ont-ils pas fait voir par leur vie & par leur mort, qu'il est plus facile à un vrai Chrétien d'aimer la mort & d'en faire ses délices, que d'aimer la vie, & d'y trouver son plaifir & sa joye? Je dis à un vrai Chrétien, à une ame qui vit de la foi: car pour les hommes charnels qui font attachez à la terre, & qui vivent selon leurs passions, l'Ecriture nous apprend que la seule pensée de la mort est pour eux un fupplice. Mais un homme qui connoît pourquoi Dieu l'a créé, & pourquoi par une nouvelle création il l'a adopté pour un de ses enfans, en le faisant membre du corps mystique de JESUS-CHRIST Ion Fils; un Chrétien qui sçait ce que le Saint Esprit, qui lui a : été donné dans le Batême, veut faire de fon cœur; que ce Peintre adorable en veur... faire une vive image du Fils de Dieu même, en formant ici bas par la foi les premiers traits de fa ressemblance, pour l'achever dans le Ciel par la lumiere de la gloire; & qu'en devenant ainsi enfant de Dieu, il en devient aussi l'heritier; celui qui comprend ce qu'il doit à la justice de Dieu comme pecheur, & ce qu'il doit haïr en lui-même comme enfant d'Adam; celui qui fait profession de n'être point de ce monde, qui passe sa vie dans le gémissement comme un captif dans Babylone, & qui a toûjours les yeux de fon cœur tournez vers la Jerufalem celeste comme en étant citoyen; celui qui n'a que du dégoût pour les plaisirs & pour les richesses de la terre, & qui attend les joyes du ciel & les biens éternels; enfin celui qui peut dire avec saint Paul: Mihi vivere Chriftus est: Jesus-Christ est ma vie; celuilà n'aura pas de peine à ajoûter avec cet Apôtre: Et mori lucrum; La mort eft mon bien, mon avantage & mes délices. Heureux donc celui qui a travaillé toute sa vie à former celle de Jesus-Chrift dans son cœur, en crucifiant sa chair avec ses cupiditez! Heureuses les ames en qui a iij Jesus-Christ même a imprimé ses marques & ses stigmates, en les exerçant par de continuelles souffrances, par des persecutions interieures ou exterieures, par des contradictions & des traverses fréquentes, par de longues maladies ou par d'autres voyes, & à qui il a fait porter sa mortification & sa penitence dans leurs corps, comme il l'a portée lui-même dans le sien! Qu'ont-elles à defirer, ces ames choisies, finon que la mort de JesusChrift soit bien-tôt operée en elles, comme parle l'Apôtre, afin que sa vie reffufcitée s'y accomplisse auffi à son tour? Et quelle plus fainte & plus neceffaire occupation peuvent-elles avoir, que de travailler dans la retraite à entrer dans les dispositions de Jesus mourant, après s'être exercées dans celles de Jesus penitent, & de s'y exciter par la consideration de ces grandes qualitez que nous venons de marquer, & qui contiennent autant de puissans motifs & de raisons effentielles qui nous doivent rendre la mort désirable & délicieuse? P §. 2. Ce qui est contenu dans ces CES DESIRS ne sont solides & ve ritables que quand ils font accompagnez des vertus qui forment un vrai Chrétien. C'est pour cela qu'après avoir proposé à ceux qui defireront se préparer à la mort par une retraite de quelques jours, les veritez qui servent à la faire regarder comme defirable, on propose deux vertus chaque jour, l'une le matin, & l'autre le soir, afin que l'on travaille à les renou-. veller dans son cœur & à s'y établir plus folidement. Rien n'est plus capable de nous foutenir dans ce travail que la priere: & les modeles que le faint Esprit a eu soin de nous en former lui-même font fans doute les plus parfaits, & ceux qu'il y a sujet de croire qu'il accompagne plus volontiers de fon onction divine. C'est pourquoi l'on a fait choix de quelques Pireaumes qui contiennent des affections conformes aux veritez de chaque jour. Comme il n'y a rien de plus utile & qui soit plus du respect que l'on doit à l'Esprit de Dieu, que de faire une attention particuliere aux veritez qu'il a daigné nous reveler lui-même dans fes Ecritures sur un sujet si important, on a choisi les endroits que l'on s'est souvenu être les plus propres à ranimer la foi de ces veritez, & les plus capables d'en remplir le cœur dans la méditation. On n'a point diftingué les sujets de méditation du matin & du soir. Les veritez que l'on propose chaque jour font affez importantes & affez fécondes pour occuper l'esprit & remplir le cœur durant une journée; & il est peut-être plus utile de repasser en son esprit, & méditer de nouveau l'après - dînée, les mêmes veritez dont on s'est entretenu le matin, que de paffer à de nouvelles, & d'accabler en quelque maniere l'esprit par la multitude & la varieté des sujets, qui ne pouvant être envisagez que legerement & comme effleurez, ne peuvent jetter d'affez profondes racines dans le cœur, & avoir, pour ainsi dire, le temps d'y germer, & d'y porter des fruits de durée. Il y a nearmoins dequoi contenter les differens goûts; puisque la varieté ne laisse pas de fe trouver dans l'unité du sujet que l'on propose à méditer, & que l'on trouvera toûjours diftingué en trois articles, qui peuvent fervir à trois differentes heures de méditation. |