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COULOMMIERS

Imprimerie PAUL BRODARD.

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SCIENCES POLITIQUES

Publiée avec la collaboration des professeurs et des anciens élèves
de l'École libre des Sciences politiques

PARAISSANT TOUS LES DEUX MOIS

COMITÉ DE RÉDACTION

M. EUGENE D'EICHTHAL, de l'Institut, Directeur de l'École libre des Sciences Politiques;
M. RENÉ STOURM, de l'Institut, ancien Inspecteur des Finances et Administrateur
des Contributions indirectes, Secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences morales et politiques;
M. AUGUSTE ARNAUNE, de l'Institut, Ancien directeur de l'administration des Monnaies,
Conseiller maître à la Cour des Comptes;

M. A. RIBOT, de l'Académie française, Sénateur, Ministre des Finances;
M. LOUIS RENAULT. de l'Institut, Professeur à la Faculté de droit de Paris:
M. ROMIEU, Conseiller d'État;

M. ÉMILE BOURGEOIS, Professeur à la Faculté des lettres de Paris;

M. CHRISTIAN SCHEFER;

M. MAURICE CAUDEL, Secrétaire général de l'École libre des Sciences Politiques;
M. CHARLES DUPUIS, Sous-directeur de l'École libre des Sciences Politiques;
M. ACHILLE VIALLATE, ancien Rédacteur en chef des Annales des Sciences Politiques,
Professeurs à l'École libre des Sciences Politiques.

RÉDACTEUR EN CHEF:

M. MAURICE ESCOFFIER, Professeur à l'École libre des Sciences Politiques.

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I. Les difficultés propres aux sciences morales et politiques. Les économistes déplorent à toute époque, et plus que jamais à l'heure présente, l'ignorance profonde des expériences du passé et des résultats acquis par leur science que dénotent beaucoup des mesures prises et un bien plus grand nombre de propositions discutées, comme si elles étaient sérieuses, par les pouvoirs publics de tous les pays. Sans méconnaître les dangers terribles de cette ignorance, il faut bien admettre que, comme tout ce qui est, elle doit avoir sa raison d'être, et que la légèreté et les préoccupations électorales n'en sont probablement pas les seules causes. Il est difficile de nier que l'autorité de l'Économie politique soit singulièrement ébranlée, aux yeux de tout homme qui serait disposé à en faire une étude rapide et superficielle, par le défaut d'entente qui persiste sur le sens des mots qu'elle emploie le plus constamment, comme ceux d'utilité et de valeur, par les désaccords profonds qui ne paraissent pas s'atténuer entre protectionnistes et libre-échangisies, entre partisans et adversaires de l'intervention de l'État, entre individualistes et socialistes, sans parler des opinions qui n'ont plus de défenseurs, mais qu'ont soutenues autrefois des penseurs éminents, par exemple celle que l'esclavage serait la condition de toute civilisation.

Tant d'obscurités et de controverses ne constituent pas des difficultés propres aux études économiques; il y a là un caractère commun à toutes les sciences morales et politiques. Les principes essentiellement opposés sur lesquels reposaient les grands systèmes édifiés par les philosophes de l'antiquité ont encore, aujourd'hui,

1. M. Colson, qui prépare actuellement une refonte complète de son Cours d'Économie politique, a bien voulu détacher de son manuscrit, pour les lecteurs de la Revue des Sciences politiques, les pages qui suivent. Nous lui en adressons ici nos plus vifs remerciements. (N. D. L. R.)

REV. DES SC. POLIT.. XXXV.

FÉVRIER 1916.

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chacun leurs défenseurs. L'histoire elle-même, qui prétend trouver des fondements solides dans l'étude critique des documents, arrive rarement à mettre fin à toute discussion sur l'importance de tel ou tel élément dans la marche d'une civilisation ou, simplement, sur le rôle joué par tel individu, ou par telle tendance dans un événement récent.

Cette persistance des controverses n'ébranle pas seulement la confiance des politiciens intéressés à se libérer de tout scrupule théorique; elle fait naître, dans les esprits habitués à l'étude des sciences. mathématiques ou physiques, des doutes singulièrement graves sur le caractère scientifique de cette partie des connaissances humaines. Il est vrai que, dans toutes les sciences, il y a des points controversés; des découvertes nouvelles viennent constamment rectifier ou compléter les notions antérieures, parfois même renverser les hypothèses au moyen desquelles on expliquait les phénomènes connus. Mais, dans les sciences exactes ou expérimentales, à côté des points douteux, sur lesquels la science est en voie de formation, il existe une quantité de résultats acquis, dont il ne viendrait à personne l'idée de contester la certitude. Dans les controverses mêmes, on sait presque toujours exactement sur quoi porte la difficulté et par quels moyens on peut chercher à la résoudre.

Dans les sciences morales, il n'en est pas de même ou, du moins, à côté des vérités incontestées, les questions controversées restent très nombreuses et, sur beaucoup d'entre elles, il ne semble nullement qu'on s'achemine méthodiquement vers un accord. En Économie politique, particulièrement, l'enseignement classique est attaqué constamment avec une extrême violence et garde cependant de nombreux défenseurs. C'est pourquoi Renan appelait les sciences dont fait partie celle qu'il cultivait lui-même « de petites sciences conjecturales ». Certains écrivains ont pu nier, avec quelque apparence de raison, que ces prétendues sciences fussent des sciences véritables et les considérer seulement comme des branches spéciales de la littérature, plus ou moins documentées; M. Thiers appelait même l'Économie politique « la plus ennuyeuse des littératures ».

Pour se rendre compte de ce qu'il y a de fondé ou d'excessif dans ces appréciations, il faut tout d'abord rappeler la place qu'occupe,

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