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l'oppression, sauf à renoncer aux abus. Il se peut que l'administration actuelle se consolide au point d'ôter tout espoir à l'opposition de se mettre à sa place. Alors l'opposition se jeterait dans le parti du bien public. Il faut attendre aussi beaucoup des progrès lents, mais infaillibles, de l'opinion. Une foule de gens indépendans, et qui ne prennent pas leur part des abus, les soutiennent encore pour se préserver des maux plus grands qu'ils appréhendent. Cette terreur peut diminuer par degrés. Les maux causés par une révolution aussi violente que la révolution française, par un despotisme militaire aussi sanglé que celui de Bonaparte, sont une garantie que les mêmes maux ne se renouvelleront pas. Les passions populaires sont fatiguées; les esprits les plus violens sont devenus modérés ; tout le monde a acquis plus d'expérience pour se garantir des excès; et si le despotisme se rend trop redoutable, bientôt on le redoutera plus qu'une révolution. Parmi ceux qui le soutiennent eux-mêmes, il y a un grand nombre de personnes qui, privées de ce que nous avons appelé probité politique, ne sont pas privées de probité naturelle. Elles justifient à leurs propres yeux, par différens sophismes, l'appui intéressé qu'elles prêtent à une adminis

tion

tration anti-nationale. Une autre administradisent-elles, ne vaudrait pas mieux; ce seraient de nouveaux abus mis à la place de ceux-ci, et la nation ne se trouverait pas soulagée. Autant soutenir ceux dont je profite.

Mais une fois que les yeux plus ouverts, les mêmes personnes ne peuvent plus croire aux belles protestations de ceux qui dirigent; lorsqu'elles s'aperçoivent que d'éclatans succès ne peuvent pas être attribués à leur habilité, et que ces succès n'ont procuré à la nation, ni la gloire, ni le profit dont on l'avait bercée; lorsqu'elles voient qu'il n'y a pas d'autre plan que de bâtir un despotisme pur et simple sur l'abrutissement de la nation pour l'exprimer plus à l'aise, alors il peut arriver que la probité naturelle l'emporte sur la probité politique, et que trop de gens cessant de soutenir ce qui n'est plus soutenable, tout pouvoir insensé et pervers tombe de lui-même laisse enfin respirer le bon sens.

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dans l'un, ni dans l'autre, personne ne s'informe si l'on a suivi à son égard les règles prescrites par les lois.

Qu'un homme condamné par l'opinion réclame l'observation des formes prescrites par les lois, on est fâché que les lois mettent des entraves à son supplice: on voudrait, s'il était possible, le punir, d'abord à cause du crime qu'on lui impute, et ensuite à cause des efforts qu'il fait pour échapper au châtiment qu'on croit qu'il a mérité. Que l'exécution des formes prescrites soit réclamée par un homme dont le caractère est sans reproche: on s'indigne encore; on est fâché qu'un tel homme s'abaisse à de pareils moyens, et ne veuille pas se fier à son innocence et à l'intégrité de ses juges. La persévérance qu'il met à demander la rigoureuse observation des lois, fait douter si en effet il ne se sentirait pas coupable; ou, s'il est impossible qu'on élève un doute pareil, on l'accuse tout au moins d'être un petit esprit, de recourir à ce qu'on appelle des chicanes de procureur, à des moyens indignes d'un honnête

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homme.

D'où naît cette disposition? Hélas! de notre ignorance. Nous demandons à grands cris qu'on nous donne la liberté, et nous n'en connaissons pas même les élémens; nous voulons être libres,

et nous avons tous les préjugés, toutes les habitudes, toute l'ignorance de l'esclavage. Qu'est-ce donc qui distingue un pays libre d'un pays esclave? N'est-ce pas les manières de procéder, ou ce qu'on appelle, avec tant de mépris, les formalités? On perçoit des impôts aux États-Unis, comme on en perçoit en Turquie ; dans un pays comme dans l'autre, on emprisonne, on fait mourir ; mais dans l'un, on observe des règles ou des formes qu'on n'observe point dans l'autre ; et l'observation de ces règles ou de ces formes met les Américains à l'abri des vexations ou de l'arbitraire, tandis que les Turcs, pour lesquels aucune forme n'est observée, demeurent exposés à tous les caprices, à tous les excès du pouvoir.

Depuis notre arrestation, nous avons élevé devant les tribunaux un grand nombre de questions. Parmi ces questions, il en était une dont la solution n'était pour nous d'aucun intérêt actuel, mais qui avait une haute importance pour le public, puisque les seules lois qui garantissent la liberté individuelle étaient mises en question. Hé bien la partie du public qui a mis le plus d'intérêt à cette cause, n'y a seulement pas pris garde un avocat du roi a professé, et une cour a implicitement décidé qu'on ne pouvait jamais se plaindre de détention arbitraire, lorsqu'on se

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