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esprit etque la ressemblance qui existe entre nos principes de 1817, et nos principes de 1815, est au moins aussi grande que la dissemblance qui existe entre l'administration actuelle, et l'administration qui prépara le retour de Bonaparte (1).

(1) M. l'avocat du Roi, après avoir loué hautement les principes que nous défendîmes à l'époque du débar quement de Bonaparte, a donné à entendre que nous en avions changé depuis. Il a cité, en preuve, deux écrits qui furent saisis immédiatement après la seconde restauration de la famille royale. Ces écrits sont le septième volume du Censeur, et la quatrième édition de la brochure intia tulée : De l'impossibilité d'établir une monarchie cons→ titutionnelle sous un chef militaire, et particulièrement sous Napoléon.

Au moment où ces deux écrits furent imprimés, tous les peuples de l'Europe, persuadés que la masse de la nation française avait favorisé l'invasion de Bonaparte ↓ venaient nous châtier de notre bonapartisme prétendu. Le parti que depuis on a nommé ultra-royaliste, était exaspéré contre les hommes qu'il accusait aussi de bonapartisme; il mettait dans cette classe, d'abord les deux chambres, ensuite l'armée, et enfin ceux qu'il nommait Jes fédérés, c'est-à-dire une grande partie de la classe ouvrière.

L'accusation de bonapartisme, portée contre un aussi grand nombre de citoyens, nous parut tout à la fois impolitique et injuste. Elle était impolitique; parce qu'il était évident que les puissances alliées exerceraient sur la Cens. Europ. Toм. V.

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» Les passages tirés de la partie de notre vo lume, relative aux finances, ne prouvent done pas que nous ayons voulu affaiblir l'autorité royale, par des injures et par des calomnies. It

France une vengeance terrible, si on leur persuadait qu'un nombre aussi considérable de français avait approuvé la conduite de l'ex-empereur. Elle était injuste ; parce qu'elle tendait à faire verser sur des hommes qui s'étaient opposés à Bonaparte, la haine ou le châtiment réservé à ses complices. Nous crâmes donc qu'il serait utile au public et aux personnes qui étaient injustement accusées, de démontrer l'injustice de l'accusation et de nous opposer, autant qu'il était en notre pouvoir, à la réaction qui commençait à se manifester; ce fut là la cause de la saisie des deux écrits dont a parlé M. l'avocat du Roi.

En rendant compte des séances des deux chambres, nous nous étions attachés à démontrer qu'elles n'avaient ni amené, ni proclamé Bonaparte; qu'elles s'étaient opposées à lui et à son système de tout leur pouvoir, en n'élisant pour membres de leurs bureaux que les hommes connus par leur ancienne opposition, et en le forçant d'abdiquer au moment où il venait demander de nouveaux secours.

Nous primes dans un ouvrage de M. de Montlozier tout ce qui était rélatif à l'armée, et qui pouvait la jus tifier des reproches qui lui étaient adressés. « Passons, disions-nous, au jugement de M. de Montlozier sur l'ar mée franchise. Telle est la sottise des partis, qu'ils sont toujours disposés à voir dans le parti contraire des légions

s'agit de savoir si l'on peut faire résulter cette preuve de la réimpression du manuscrit venu de Saint-Hélène.

» Si les raisonnemens faits par M. l'avocat du

de monstres et de démons. Il est bien peu de gens assez raisonnables pour ne s'étonner de rien de la part de la multitude, pour remonter aux causes naturelles qui la font agir, et pour réserver leur haine et leur indignation au petit nombre d'hommes coupables qui travaillent à la séduire, ou qui négligent tous les moyens légitimes de la satisfaire, ou qui enfin l'irritent et la soulèvent par des injustices et des efforts journaliers.

Examinons franchement, dit M. de Montlozier, ce que c'est qu'un soldat et qu'une armée. Quand un citoyen se trouve placé à côté d'un homme mis comme lui, il doit être naturellement disposé à reconnaître dans cet homme l'égalité ou la supériorité des lumières. Il n'en sera pas de même quand il se trouvera auprès d'un soldat en uniforme. Celui qui doit se battre pour nous, a pour premier devoir de penser comme nous; qu'il ne se plaigne pas d'un partage où nous lui laissons la première des supériorités, celle du courage; car la France est ainsi faite : les sentimens y sont par-tout au-dessus des idées. Les forces de l'esprit ont beau avoir de l'importance, il faut qu'elles s'abaissent auprès des forces du cœur.

» L'armée française a, plus qu'aucune autre armée au monde, marqué ces dispositions. Jamais elle n'a su ce que c'était qu'un principe, qu'un système de gouvernement. Jamais elle n'a été vouée à une faction ou à un parti.

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Roi, pour prouver qu'en insérant cet écrit dans notre ouvrage, nous nous sommes rendu сопраbles d'injures ou de calomnies envers l'autorité du Roi, étaient justes, il s'ensuivrait qu'il n'y

Toute en action, peu en pensée, peuple particulier dans le peuple, elle en suit toujours les couleurs et les nuances. Aristocrate sous le maréchal de Broglie; constitutionnelle sous M. de la Fayette; Girondine sous Dumouriez; Jacobine sous Robespierre; elle a toujours été ce qu'a été l'état; elle le sera toujours. Faute de connaître ce caractère, j'entends tous les jours s'informer de l'opinion de l'armée. L'armée a des sentimens : elle a des impressions; elle n'a pas d'opinion. La nation, l'état, le gouvernement, voilà ce qui est chargé de penser pour elle. La pensée publique se maintient-elle sur un point, la sienne se maintiendra de même; change-t-elle, elle changera aussitôt.

» Au premier moment du retour de la maison de Bourbon, lorsque je traversai, à Orléans, les rangs de cette armée, il me sembla voir des lions hérissés; je n'eus pas de peine à entendre très-distinctement, et à plusieurs reprises, prononcer le nom du souverain de l'île d'Elbe. Mauvaise armée, me disait-on. Excellente; ces lions sont devenus des agneaux. On leur demande leurs drapeaux, ils se laissent arracher leurs drapeaux; on leur demande leurs cocardes, ils les donnent. Ce n'est pas tout, on leur envoie, de toutes parts, des hommes nouveaux, et pour eux en quelque sorte, d'une autre espèce; ils reçoivent ces hommes nouveaux, ils leur por

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aurait presque pas d'écrivain qui ne pût être poursuivi comme calomniateur par les hommes même qu'il aurait voulu défendre, et qu'il ne paraîtrait' pas une feuille de journal qui ne pût donner lieu

tent obéissance et respect. Si ce ne sont pas là de bons soldats et de bonnes gens, je ne m'y connais pas. »

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Après avoir rapporté ce passage de M. de Montlozier nous ajoutions : « Les derniers événemens n'affaiblissent point la vérité de ce jugement..... Après nous être élevés, comme nous l'avons fait sous Napoléon, contre la force' militaire, nous ne serons point suspects en déclarant que' nous ne croyons pas à la possibilité d'un gouvernement militaire chez les nations modernes qui sont civilisées..... Mais aujourd'hui sur-tout nous nous garderons bien de répandre un pareil soupçon sur une armée en deuil de la moitié de ses braves, et qui vient enfin de sauver la' France, en dépit de tout le monde, par sa contenance noble et ferme, par des sacrifices sublimes qu'on n'aurait' pas dû lui imposer. »

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Au premier abord, disions-nous un peu plus loin, en citant M. de Montlozier, si on sait manier comme il faut cette troupe de jeunes officiers, amoureux de dan-' gers, d'avancement et d'aventures, je ne doute pas que tout cela n'aille à l'aveugle et à corps perdu où on les conduira. Toutefois, prenez garde de n'avoir à combattre' ainsi que des intérêts partiels et momentanés; car si tout n'est pas comprimé au moment; s'il faut entrer en campagne dans sa propre patrie; s'il faut contester, hésiter temporiser, qui que vous soyez, sachez que cette armée

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