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Les chefs de l'armée sentaient le besoin de se retrancher dans une organisation forte qui n'offrit, de toutes parts, qu'un front d'épées, et où le petit nombre de sujets qu'on admettrait au conseil, seraient enveloppés et sans action. Ils prirent seize hommes parmi les sujets, et, sous la direction de sept des leurs, ils leur attribuèrent les fonctions de la chambre des communes. Ge conseil, qu'ils appelèrent comité de salut (1), devait remplacer la chambre avec autant de fruit et moins de danger pour les maîtres. A côté, ils établissaient un conseil de guerre composé de soldats de tous les corps (2). Les sujets s'attristaient à la vue de ces dispositions hostiles; leurs liens se resserraient, leur joug devenait plus pesant; avec l'espérance d'être libres, ils perdaient le pouvoir de se plaindre, seul et triste dédom magement de leurs maux.. Des événemens im prévus vinrent subitement interrompre et re tarder leur désespoir.

Le 29 d'octobre 1659, le comité de salut reçut des dépêches envoyées par George Monck colonel, qui occupait l'Ecosse à la tête d'un dé-,

(1): Committee of safety.

(2) Hume's history, chap. LXII.

tachement de l'armée. Cet officier se plaignait de la violence qu'on venait de faire à l'assemblée des communes, et de ce que les sujets étaient maintenant à la merci des maîtres, sans défense sans avocats. Il annonçait que ni lui, ni ses sol, dats, ne voulaient partager les fureurs de l'armée d'Angleterre, et qu'ils se mettraient en marche, pour aller rendre au parlement détruit son existence et sa liberté (1). Cette résolution d'un agent des vainqueurs, contre l'intérêt des vain queurs, surprit étrangement ceux qu'elle menaçait et ceux qu'elle devait servir. Tous les esprits furent en suspens....

George Monck n'était pas né sujet ; issu d'une famille des anciens conquérans, suivant les mœurs de sa caste, il s'était fait un métier de porter les armes. D'abord, il avait prêté son épée à ses chefs naturels dans leurs expéditions de Cadix et de l'ile de Rhé (2); ensuite, il s'était loué aux Hollandais; ensuite, il était venu en །” Angleterre se réunir à sa nation, contre la ré

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(1) That he would not follow the english army in their made counsels, and their fanatick courses; and he declare'd his resolution to restore the parliament to a freedom of seeting and acting against all opposition.

(Echard's history of England, liv. 11, chap. 1)) • (2) En 1627, sous le commandement de Charles Ier.

volte des sujets. Tombé dans les mains de ceuxci, après une défaite, il avait passé deux ans à Londres, pauvre et prisonnier. Quand les Anglais furent mis sous le joug par l'armée anglaise, Monck se vendit à cette armée; il reçut l'emploi de tuer pour elle ou des sujets, ou des hommes de sa race; il battit en Irlande un de ses premiers chefs (1), et en Ecosse, son roi (2). Chargé de réduire l'Ecosse, il avait dompté ce peuple jusqu'à l'épuisement (3). On savait que, jamais, Monck n'avait trahi personne tant qu'il avait été payé (4); on savait que, jamais, il n'avait témoigné à la race des vaincus, que la haine d'un ennemi, ou une froideur impitoyable; et voilà que tout d'un coup il démentait son caractère et sa conduite; l'on se perdait en conjectures. Cependant, Monck, de son autorité privée,

(1) Le marquis d'Ormond.

(2) Hume's history, chap. LXI.

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(3) Which country he had sufficiently humbled and reduced to a degree of subjection before unknown to that people.

(Echard's history of England, liv. r, chap. fi.)

(4) Ludlow appelle Monck un homme avare, ambitieux, sans principes, ou n'en ayant que de mauvais. (Voy. ses mémoires, tom. 1er., page 209.)

rassemble des représentans de toutes les provinces d'Ecosse, et il les oblige de contribuer une sommę d'argent qu'il partage à ses troupes (1). Il achète les officiers qui l'accompagnent, emprisonne ceux qui refusent de se vendre, et, laissant derrière lui quelques régimens pour contenir le peuple, il s'avance en Angleterre (2)..

Au nom du parlement qu'il attestait, les sujets s'empressaient de l'aider dans sa marche; ils nourrissaient volontairement l'armée de Monck, et résistaient aux impôts que levait l'autre armée. Les soldats de celle-ci, chassés par la famine, allaient en foule se joindre aux troupes d'Ecosse. Les subjugués reprenaient courage, et les villes que, les maîtres vidaient pour se mettre en campagne, fermaient leurs portes, et se déclaraient

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(1) He called together a general assembly somewhat ressembling a convention of the states of Scotland; which he had subdued to all imaginable tameness. Upon the meeting of the convention he let them know, a that he had receiv'd a call from heaven and earth, to march with his army into England, for the better settlement » of the government there. He press'd them <« that they would pay in a present sum out of the arrears of their taxes for the supplying the necessities of the » army. » (Echard's history, liv. 11, chap. 11.)

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(2) Hume's history, chap. LXII.

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terre libre. Londres, malgré ses garnisons, se constitua en cité indépendante (1). On vit même des soldats abdiquer leur emploi de maîtres et rede-, venir citoyens (2). On eût dit, à ce mouvement, universel, que le pays allait être rendu à lui-même.

(1660). Dans cette extrêmité, le conseil des officiers rappela encore le long parlement (3), craignant toujours moins cette assemblée qu'une autre, et espérant, à la fois, arrêter Monck et désarmer les sujets. Mais le long parlement refusa de rien voter pour l'armée avant qu'elle fut retirée et paisible dans ses cantonnemens; les sujets demanderent un parlement libre, et Monck no audiozo'berboI poursuivit sa marche (4).

Arrivé à Saint-Albans, il fit'signifier aux garnisons de la ville qu'elles livrassent leur place à ses régimens. Elles cédèrent avec peine. L'armée de Monck campa à Westminster (5);

(1) Hume's history, chaport. saindom ob (2) They agreed among themselves, that the officers) might fight with one another if they pleased, but the soldiers would fight for none of them.

(Coke's detection, etc., tom. 11.) (3) Le même qui avait été épuré par l'arinée, et chasse par Cromwell.

(4) Hume's history, chap. Lxford)

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