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de décrier par leurs impostures; et comme si tout cela ne suffisait pas pour les convaincre qu'il n'agissait que par l'Esprit de Dieu, ils demandent quelque chose de nouveau. Mais voici quelle fut la réponse de Jésus : « Cette race corrompue et adultère demande un prodige, et on ne lui en donnera point d'autre que celui du prophète Jonas. >>

Jonas, un prophète qui, ayant été envoyé de Dieu déclarer aux habitants de Ninive que dans quarante jours leur ville serait détruite, au lieu d'obéir à cet ordre, s'était embarqué pour aller ailleurs; mais une tempête s'étant élevée, il avoua qu'elle n'était que la peine de sa désobéissance, et, pour l'apaiser, il se fit jeter dans la mer. Il fut aussitôt englouti par un gros poisson qui le jeta au bout de trois jours sur le rivage, d'où il alla à Ninive prêcher ce que Dieu lui avait ordonné. Les Ninivites crurent à sa parole, firent des jeûnes extraordinaires, et évitèrent par leur pénitence le châtiment dont il les avait menacés de la part de Dieu. Jésus proposa donc aux pharisiens le signe de Jonas, en fit deux rapports, l'un à lui et l'autre à eux. Car il dit que, comme ce prophète avait été trois jours dans le ventre d'un poisson qui l'avait dévoré, de même le Fils de l'homme serait trois jours dans le sein de la terre: par où il marquait qu'il serait enseveli dans le tombeau, et qu'il en sortirait vivant au troisième jour. Il ajouta, pour le second rapport, que, comme Jonas fut un signe pour ceux de Ninive, ainsi lui-même en serait un pour les pharisiens.

Comme il confondait ainsi la malice de ses ennemis, une femme éleva la voix du milieu de l'assemblée et lui dit : « Heureuses les entrailles qui vous ont porté, et les mamelles qui vous ont nourri ! »

Il lui répondit : « Mais plutôt heureux sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la pratiquent ! »

Ce qui n'était pas rabaisser le bonheur de la maternité de la sainte Vierge, mais seulement préférer à ce bonheur celui de sa fidélité, qui le surpasse, en effet, puisqu'elle ne serait pas la plus heureuse de toutes les créatures si elle n'avait pas été la plus fidèle.

Et Jésus ajouta, comme on lui parlait de sa mère et de ses frères « Ma mère et mes frères sont ceux qui entendent la parole de Dieu et la pratiquent, et qui font la volonté de mon Père. »

Cette instruction n'était pas pour Marie, trop éclairée pour ignorer la vérité qu'elle renferme, trop humble pour penser à se prévaloir de sa maternité, et en même temps trop fidèle observatrice de la volonté du Père céleste pour avoir besoin de s'étayer de quelque autre mérite. Ceci regardait les autres parents du Seigneur, qui ne croyaient pas encore en lui, et le gros de la nation juive, qui ne devait jamais y croire.

Le même jour, Jésus sortit de la maison et s'en alla sur le bord du lac de Génésareth, et entrant dans une barque, il instruisit le peuple resté sur le rivage. Il lui proposa la parabole suivante :

Un homme alla semer, et une partie du grain qu'il semait, étant tombée le long du chemin, y fut foulée aux pieds et mangée des oiseaux; une autre partie, étant tombée dans les pierres, fut brûlée par la chaleur du soleil; la troisième rencontra des épines qui l'étouffèrent; et la quatrième, une bonne terre, où elle porta du fruit en abondance.

Quand ils furent seuls avec lui, les disciples de Jésus lui demandèrent l'explication de cette parabole. Il la leur donna ainsi : Le grain, c'est la parole de Dieu; que ceux qui, après l'avoir écoutée, n'y font plus attention et se dissipent aussitôt, ressemblent à ces terres qui sont le long du chemin, et que le démon, figuré par les oiseaux,

leur enlève promptement du cœur cette parole qui pouvait les sauver. Qu'il y en a qui la reçoivent avec joie, mais la première tentation leur en fait perdre le fruit. Que d'autres l'étouffent par l'avarice, par l'amour des plaisirs et toutes les autres passions, qui sont autant d'épines qu'il fallait arracher pour profiter de cette divine semence. Enfin, que la bonne terre marque ces âmes bien disposées qui reçoivent et conservent fidèlement la parole de Dieu, et qui, par leur patience et leur fermeté, lui font porter tout le fruit dont ils sont capables. Le Sauveur proposa encore plusieurs autres paraboles. Il compara le monde à un champ dont le maître, après y avoir fait semer de bon grain, le voit ensuite infesté d'ivraie, que son ennemi y avait semée pendant la nuit. Ses gens la veulent arracher, mais il les en empêche, de peur qu'ils n'arrachent le bon grain avec le mauvais, et il attend la moisson pour les séparer. Jésus compara ensuite le royaume de Dieu à du grain qui, ayant une fois été semé dans la terre, croît sans que celui qui l'a semé y fasse rien de plus; puis à du sénevé qui, ayant la graine très-petite, devient néanmoins plus grand que les autres légumes; enfin, à du levain qu'on laisse dans la pâte jusqu'à ce qu'elle soit toute levée.

Il dit ensuite à ses disciples qui lui demandaient l'explication de la parabole de l'ivraie, qu'elle nous marquait que, dans ce monde, les bons doivent supporter les méchants avec qui ils sont mêlés, jusqu'à ce qu'à la fin des siècles il se fasse une séparation entière des uns et des autres. Il leur apprit la même vérité sous la figure des pêcheurs, qui prennent dans leurs filets indifféremment toutes sortes de poissons, mais qui, étant assis sur le rivage, mettent à part les bons qn'ils veulent emporter, et rejettent les mauvais.

Quant aux trois paraboles qui suivent celle de l'ivraie,

elles signifient: Le prédicateur de l'Evangile répand le grain de la parole, et ce grain croît peu à peu par l'opération secrète de la grâce dans le cœur de celui qui l'a reçu. Le prédicateur sème, plante et arrose: Dieu donne l'accroissement. Il n'y a rien eu de plus méprisé d'abord que la doctrine de l'Evangile, mais, aussi bien que le grain de sénevé, elle a crû et elle a rempli toute la terre. Enfin il faut cacher et conserver avec soin dans le fond du cœur la parole de l'Evangile, afin que ce levain sacré fasse lever toute la pâte, et réforme, par sa vertu secrète, toutes les pensées, tous les désirs et toutes les passions humaines.

Sur ces entrefaites, Jésus fut avec ses disciples à Nazareth, où il avait été conçu et élevé. Il entra selon sa coutume, un jour de sabbat, dans la synagogue, où s'étant levé pour lire, on lui présenta le livre d'Isaïe; il l'ouvrit et y lut le passage où le prophète dit que le Messie est envoyé par l'Esprit de Dieu pour prêcher l'Evangile aux pauvres, pour guérir les malades, pour publier le temps des miséricordes du Seigneur, et pour annoncer le jour de son jugement. Jésus ferma le livre, le rendit au ministre; puis, s'étant assis, il expliqua cette prophétie et fit voir qu'elle était accomplie en sa personne. Les auditeurs se demandaient les uns les autres : « D'où est venue à cet homme la grande sagesse qu'il fait paraître ? N'est-ce pas là le fils de cet artisan nommé Joseph, le fils de Marie, et le frère (c'est-à-dire le cousin) de Jacques, Joseph, Simon et Judes, et n'avons-nous pas ses parents parmi nous? Où a-t-il donc pris tout ce que nous lui voyons ? »

Le Sauveur ne leur fut pas seulement un objet d'étonnement, mais encore de scandale, ce qui fit que, connaissant leur pensée, il leur dit que sans doute ils lui appliqueraient le proverbe : « Médecin, guéris-toi

toi-même, » pour lui reprocher de ne pas faire dans son propre pays d'aussi grands miracles qu'il en avait fait à Capharnaum, mais qu'il les assurait qu'un prophète n'était ni bien reçu ni honoré dans son pays. Il leur prouva cette vérité par deux exemples, l'un d'Elie, qui, dans une famine, n'avait point été envoyé de Dieu aux veuves de sa patrie, mais à une veuve étrangère, pour en recevoir l'assistance dont il avait besoin; et l'autre d'Elisée, qui avait guéri de la lèpre un seigneur étranger, pendant que tant de lépreux de son pays ne lui demandaient point leur guérison. Ces vérités irritèrent ceux de la synagogue; ils le menèrent hors de la ville sur la pointe d'une montagne, pour le précipiter. Mais, comme il ne devait mourir que dans le temps et en la manière qu'il lui plairait, il sut bien se dérober à leur fureur, et passa au milieu d'eux sans qu'ils le pussent prendre.

Ayant quitté Nazareth, le Sauveur parcourut de nouveau la Galilée, allant de tous côtés dans les villes et dans les villages, enseignant dans les synagogues, prêchant l'Evangile, et guérissant toutes sortes de maladies. Il avait avec lui ses douze apôtres, et quelques femmes qu'il avait délivrées des malins esprits, et guéries de leurs maux, entre lesquelles étaient : Marie-Madelaine, une pécheresse; Jeanne, femme de Cusa, intendant de la maison d'Hérode; Suzanne, et plusieurs autres qui croyaient en lui. En parlant à cette grande multitude de peuple à qui il devait annoncer l'Evangile, il dit à ses disciples « Voici une grande moisson, mais il y a bien peu d'ouvriers priez donc le maître de la moisson qu'il en envoie. » Comme il était lui-même le maître de cette moisson, et que ses apôtres étaient ceux qu'il avait déjà destinés pour y travailler, il leur donna le pouvoir de guérir les malades, de chasser les démons, et les envoya

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