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AVANT PROPOS.

Le dépérissement graduel de nos forêts avait depuis long-tems fixé l'attention de l'ancien gouvernement. Les secours en nature dont il éprouvait de plus en plus la privation, jointe à la crainte de la cessation entière d'une branche de revenu si importante, dont l'état était menacé depuis plus d'un siècle, l'avaient déterminé à prendre des mesures pour arrêter le mal et le réparer: mais faute d'observations qui en fissent connaître les causes et indiquassent le remède, tous ses efforts se sont bornés à quelques essais trop dispendieux pour être

suivis.

Le gouvernement ayant manifesté l'intention de régénérer cette partie, quelques bons citoyens ont donné leurs vues sur cet objet. Invité moi-même par M. Cambri, ex-préfet du département de l'Oise, lors de son passage à Crépy, de lui donner des moyens pratiques l'amélioration de nos forêts, je lui ai fait paspour ser un petit mémoire, dont j'ai eu l'honneur de faire présenter copie à sa Majesté Impériale, par M. Duroc

Plusieurs personnes instruites m'ayant fait des reproches de n'avoir donné que des principes trop succints et m'ayant engagé à profiter de mes nombreuses observations, pour éclairer et approfondir davantage cette partie si peu connue et si essentielle de l'économie politique ; depuis ce temps, j'ai vérifié celles que j'avais anciennement faites; et cette vérification m'a procuré l'occasion d'en faire de nouvelles : mais comme elles ne peuvent être utiles, qu'autant qu'elles seront mûrement exami; pour m'en assurer, je n'ai trouvé d'autre moyen de les adresser au gouvernement.

nées

que

Dailleurs, sa Majesté en acceptant les rênes de l'état, a invité tous les français de se réunir à elle et de lui faire part de leurs observations relatives au bien général.

Cette franchise qui prouve la pureté de ses intentions, en leur inspirant la plus grande confiance, impose à chacun d'eux l'obligation de lui mettre sous les yeux les objets qui, par leur importance, doivent le plus efficacement remplir le but qu'elle se propose.

Ses vertus militaires ont étonné l'Europe, et l'Europe admirera le restaurateur de la France!

Les regards de sollicitude qu'elle porte en même tems sur tous les objets, au milieu du tumulte des armes qu'un ennemi sans foi l'a forcé de reprendre, prouvent que la France ne peut plus avoir de rivale ; et que, quelques puissent être les derniers efforts du désespoir des ministres anglais, elle saura les rendre inutiles.

De tous les grands projets de restauration qui occupent le gouvernement, les bois comme un des objets de première nécessité, comme base des forces navales et comme faisant partie essentielle des revenus publics, fixant plus particulièrement son attention; en lui rendant compte de mes observations suivies sur les causes de l'état désastreux de nos forêts, et en lui proposant des moyens d'amélioration indiqués par la nature ellemême, je m'acquitte d'un devoir envers la patrie, au bonheur de laquelle chaque citoyen doit contribuer autant qu'il est en lui.

Mais comme le gouvernement peut seul faire usage de ces moyens ; si après les avoir fait mûrement examiner, il trouve qu'ils soient capables d'opérer tout le bien qu'on doit en attendre, je dois désirer qu'ils lui par

viennent.

Si je m'étais trompé sur quelques résultats ; des observations faites et réitérées depuis plus de trente ans

iii

avec la plus grande exactitude, sur une matière qui ne peut être connue par aucun autre moyen, et qui, en démontrant les causes premières de dépérissement qui ne me paraissent pas avoir encore été aperçues, offrent en même tems des moyens aussi simples qu'efficaces et peu dispendieux pour l'amélioration générale de nos forêts; ces observations, dis-je, devant nécessairement être trèsutiles, ne fusse que comme simples observations, je ne doute pas que le gouvernement ne les fasse sérieusement

examiner.

Je l'invite aussi de se faire rendre un compte exacte de mes réflexions sur les plantations particulières; les faits qui y sont exposés, lui prouveront urgente nécessité de faire cesser des désordres qu'il aura peine à croire.

J'avais imaginé d'abord, que mon sujet exigeait de grands développemens, et mon ouvrage était commencé sur un plan beaucoup plus étendu : mais en réfléchisșant, j'ai sentis que ne voulant étre qu'utile, je devais me borner à poser les principes, exposer les faits, et leurs résultats, et à n'entrer que dans les détails absolument nécessaires, afin d'être assez clair et assez précis pour être entendu de tout le monde.

Si par la foiblesse de mes talens je n'ai pu parvenir à ce but, du moins telle a été mon intention; et c'est par la même raison, que j'ai fait un article séparé pour Les plantations particulières.

Je crois devoir prévenir que, quelque soit l'autorité des écrivains qui ont mis au nombre des causes principales de dépérissement des forêts, le luxe et les arts, on ne peut raisonnablement les admettre. Il n'en existe d'autre que leur mauvaise exploitation, jointe à un vice essentiel dans les emménagemens et aux dévastations plus ou moins grandes qui ont toujours existé. Fai de la peine à concevoir qu'on puisse sérieusemen

ν

proposer la réduction des forges et usines, des verreries, des martinets, des papeteries, des fours à chaux et à tuile, des filatures de soye et de la culture du murier; parce que cette branche de commerce de luxe, ainsi que toutes les manufactures où l'on emploie le feu consomment trop de bois, et ruinent nos forêts.

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Tous les terreins quelconques, n'ayant de valeur que par la consommation de leurs produits, les manufactures et plus particulièrement celles qui employent une plus grande quantité de matière du cru, étant une des sources. principales de la richesse et du commerce d'une nation agricole, qui, comme la France, possède un vaste territoire, aussi fertile que varié dans ses productions; il est du plus grand intérêt de chercher tous les moyens les-multiplier; et la régénération de nos forêts est sans contredit un des plus efficaces d'ailleurs l'expérience démontre que dans toutes les parties de l'agriculture » la consommation est le seul moyen de reproduction.

de

Si l'on n'eût pas laissé dépérir nos forêts, et qu'elles eussent toujours produit la quantité immense de bois qu'on a lieu d'en attendre; étant mieux exploitées et emménagées, loin de détruire, nous serions forcés d'angmenter les moyens de consommation utile, par de plus nombreuses manufactures qui, en alimentant le commerce extérieur par l'exportation de l'excédent de la consommation intérieure des objets manufacturés, enrichiraient l'état par de gros bénéfices, et donneraient au bois une valeur vénale, qu'aucune espèce de production du cru ne peut obtenir que par ce moyen.

Ce ne sont donc pas les manufactures qu'il faut diminuer pour épargner le bois; c'est au contraire le bois qu'il faut multiplier pour augmenter le nombre des manufactures.

On peut avancer avec certitude, que les produits de

nos forêts bien exploitées et emménagées avec des soins raisonnés, doivent nécessairement doubler; et en examinant avec attention le nombre infini de clarières et l'immensité des petites et grandes parties incultes dans l'intérieur et le pourtour des bois en général, on se convaincra facilement, que cette prétention n'est point du tout exagérée : quand à moi, d'après l'examen sérieux que j'en ai fait, je suis bien persuadé qu'ils doivent être encore beaucoup plus considérables,

Sans doute il est bien essentiel d'économiser une ma¬ tière qui est d'autant plus précieuse qu'elle devient tous les jours plus rare ; et l'extraction de tous les charbons fossiles doit être encouragée, non seulement dans ce moment de détresse, pour suppléer à la disette du bois, mais encore dans tous les tems; parce qu'en en diminuant la consommation intérieure, quelqu'en puisse être l'abondance par la suite, cette économie doit nécessairement augmenter la masse des richesses natio nales, en procurant à l'état des revenus plus considérables, et en fournissant au commerce des objets d'échange très-avantageux.

Depuis plus d'un siècle et démi, on ne cesse de craindre et d'annoncer la disette du bois, et au moment où elle commence à se faire sentir d'une manière trèsinquiétante, à peine avons-nous quelques notions sur les causes du dépérissement des forêts et sur les moyens. de les améliorer,

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On voit avec étonnement, que dans ce laps de tems les arts et les sciences, et particulièrement la phisique, ont fait les progrès les plus rapides; et que toutes les parties de l'agriculture touchent pour ainsi-dire à leur perfection; tandis que celle des bois est encore couverte des ténèbres de l'ignorance.

M. de Buffon écrivait, il y a à-peu-près to ans, que

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