Page images
PDF
EPUB

pas enfoncées à plus de deux pieds, et le plus grand nombre à dix-huit pouces ; malgré que celles des chênes le fussent très-profondément; aussi les ouvriers m'ontils dit que si les chênes eussent été en même puantité il en eut coûté beaucoup plus cher aux marchands pour les faire arracher.

[ocr errors]

En quittant la dernière vente que j'ai observée, j'ai fait un grand circuit dans la forêt; le hazard m'a fait rencontrer deux chênes et un hêtre déracinés par le dernier ouragan, dans une petite gorge qui tient à un taillis nouvellement coupé, ce qui me paraît avoir donné lieu à l'action extraordinaire du vent sur ces arbres. Le terrein est d'argile rouge tirant sur le roux vif.

J'ai observé que les racines' du hêtre ne s'étaient pas étendues à la superficie du terrein, mais qu'elles s'étaient enfoncées comme celles des chênes, avec cette différence, qu'elles avaient formé une espèce de chevelu en masse dont les plus grosses parties ne l'étaient guère plus que des asperges ordinaires, et qu'elles avaient enlevé tout le terrein à environ trois pieds de profondeur, sans qu'aucune de leurs extrêmités se soit rompue.

Ces dernières observations jointes à celles que j'ai faites dans la forêt de Compiègne, me semblent prouver bien évidemment que malgré l'assertion de M. de Buffon, il n'y aurait aucun inconvénient à ajouter le hêtre aux arbres qui courrent à la superficie, les preuves m'en paraissant bien solidement établies.

Du reste, la forêt de Villert-Cottret présente les mêmes inconvéniens que celle de Compiègne et pour les baliveaux et pour la quantité des clairières causées plus particulièrement dans la première, par les ouragans : car on y remarque peu d'arbres décrépits.

La petite exception que forme ces forêts pour la qualité du bois seulement, n'empêche pas que le tableau

de la forêt de Compiègne, qui est celui de toutes celles qui ont été exploitées de même, ne soit très-effrayant : mais malheureusement, il est d'après nature; et si au lieu de tant de systêmes fondés sur de brillantes hypothèses, toujours en contradiction avec la nature, ou de tant de déclamations vagues et dénuées d'observations, on l'eût mis, il y a cinquante ans, sous les yeux du Gouvernement, la frayeur salutaire qu'il lui eût inspiré, nous eut préservé des maux que nous ressentons déjà si vivement, et qui doivent nécessairement augmenter avec plus de rapidité qu'on ne pense. Je dis cinquante ans, parce que d'après les moyens indiqués, ce laps de tems suffit pour remettre nos forêts dans l'état le plus florissant ; indépendamment du produit des taillis avant cette époque.

[ocr errors]

Ce que je propose, n'est donc pas un systême fondé sur des hypothèses ; c'est le résultat de plus de trente ans d'observations faites avec exactitude : les réflexions qu'elles ont fait naître ne portent que sur des faits constants que tout le monde peut vérifier; les principes que j'ai posés émanent de la nature elle-même, et les conséquences que j'en tire étant absolument conformes à sa marche la plus ordinaire, les moyens sont aussi simples qu'elle ; et cette simplicité est d'autant plus utile, qu'en épargnant au Gouvernement des frais immenses, pour l'emménagement des forêts, elle le met à portée de réaliser plus promptement et plus efficacement ses projets d'amélioration.

[ocr errors]

Sans doute la guerre à laquelle nous forcent les injustices d'une nation sans foi, ne parait pas favorable à ces entreprises mais le sacrifice de quelques coupes extraor dinaires de ces forêts absolument décrépites, qui augmentent nos pertes d'autant qu'elles sont plus attendues ne peut être qu'un bien pour l'état, puisqu'elles avanceront les ressources en nature et les revenus en argent que

doivent nécessairement lui procurer les nouveaux plants : d'ailleurs, le Gouvernement doit être bien convaiucu de la nécessité absolue de le faire, et en reconnaître l'urgence; car ne le faisant pas, ce serait le calcul d'un labou reur qui, ayant fait une mauvaise récolte qui lui laisserait peu de grain de disponible, se déterminerait à ne pas ensemencer ses terres, pour en conserver une plus grande quantité.

L'objet étant d'un intérêt général et de la plus grande importance pour l'état, j'invite les bons citoyens qui ont des connaissances dans cette partie, à vérifier mes observations et à en comparer les résultats, et plus particulièrement les administrateurs forestiers à qui l'exercice ordinaire de leurs fonctions en facilite les moyens.

Il faut avouer que l'état déplorable de nos forêts, au moment où le Gouvernement leur en confie l'administration, doit être très-pénible et très-affligeant pour eux : mais ils ont l'espoir bien flatteur, que leur zèle et leurs lumières leur faisant vaincre les difficultés, ils jouiront de la satisfaction si douce, d'avoir été utile à la patrie, et de mériter à jamais la reconnaissance de leurs concitoyens.

NOTE.

J'ai omis de parler des moyens de regarnir les clairières dans les futaies et les taillis où il se trouve encore de grandes parties qui méritent d'ètre conservées ; mais une petite note suffit pour cet objet.

Si les clairières sont grandes, l'opération est la même que pour l'emménagement entier. En sondant le terrein et y plantant des arbres analogues, etc., etc.; l'opération se trouvera utilement faite mais dans les petites telles que celles qui se trouvent ordinairement dans les taillis, il suffira d'y arracher les ronces, les épines et autres plantes, d'en extirper absolument toutes les

[ocr errors]

racines, et d'y planter avant l'hyver des ormes de la grosseur de ceux qu'on plante ordinairement sur les routes.

Si le terrein a une certaine profondeur et qu'il soit léger, il n'y a pas d'inconvénient de les enfoncer de quinze à dix-huit pouces ; mais s'il a peu de profondeur et que le fond soit composé de matières calcaires, de tuf, de glaise ou de sable, il faut les planter à trois ou quatre pouces au dessus de ces matières, et faire une butte avec la terre des environs, pour que l'arbre se trouve enterré à douze ou quinze pouces au plus. (Je renvoie pour les détails, à mes réflexions sur les plantations particulières). En plantant ces arbres à environ quinze pieds de distance, on peut être certain que leurs racines qui s'étendent prodigieusement à la superficie, et qui fournissent une trèsgrande quantité de drageons, meubleront le terrein; et qu'en très-peu de tems, ces parties se trouveront parfaitement remplies et égaleront en hauteur le reste du taillis,

J'ai eu occasion d'observer, qu'au bas du village de Gondreville sur la route de Paris à Soissons, où finit le buisson de Tillet, il y avait, il y a environ 25 ans, un angle très-rentrant, absolument couvert de ronces et d'épines qui ont été remplacées par quelques ormes plantés à une distance beaucoup plus grande que celle que j'indique, et qu'aujourd'hui non-seulement ces arbres égalent en hauteur et en grosseur les plus grands chênes du taillis, mais qu'ils ont couvert le terrein d'une infinité de drageons dont la majeure partie forme déjà de beaux arbres. Cette observation fournit un moyen aussi simple que peu dispendieux pour replanter ces parties qui, dans trente ans peuvent nous fournir une grande quantité de bois de charronnage, dont la disette se fait sentir d'une manière effrayante car on ne peut trop le répéter, les moyens économiques bien raisonnés et qui s'accordent avec la bonne culture des bois, sont les seuls que le gouvernement doive employer pour parvenir plus promptement à une amélioration générale. (J'observe que cet angle rentrant tient immédiatement aux peupliers d'Italie plantés par M. Bezin et dont j'ai parlé; si l'on se souvient de la mauvaise qualité du terrein dont j'ai rendu compte, on ne peut douter du succès, dans ceux qui se trouveront meilleurs).

LES

REFLEXIONS

Sur les Plantations particulières.

LES plantations particulières doivent être régardées comme le complément de nos forèts, elles sont d'autant plus précieuses, qu'elles seules nous fournissent l'orme qui est le principal bois de charonnage, ainsi que la majeure partie des frênes qu'on employe dans cette partie si essentielle du labourage; et que l'élagage de leurs branches, celui des diverses espèces de peupliers et des saules dont les prairies sont toujours bordées procurent des échalats pour les vignes, les rames néces saires aux légumes des potagers et les treillages les plus ordinaires pour les espaliers; indépendemment d'une très-grande quantité de fagots, si utile aux habitans de la campagne en général, pour cuir le pain et se procurer le feu dont ils ont momentanément besoin dans toutes les saisons, en quittant le travail aux heures des repas.

[ocr errors]

Cette ressource deviendrait immense, si tous les petits terreins incultes tenant aux propriétés particulières, ainsi que les berges de beaucoup de pièces de terre et les larris, étaient plantés d'espèces analogues à ces divers terreins (*).

Mais les dévastations inouies qu'éprouve cette espèce

( * ) J'aurai occasion de traiter cette partie plus à fond, dans un mémoire sur les objets les plus essentiels de l'économie politique, que je me propose de publier in

cessamment.

« PreviousContinue »