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la glėbe les peuples du midi de l'Europe; qu'eux ou leurs descendants les ont exploités pendant quatorze siècles; que les Français ont fait depuis vingt-cinq ans tant d'horreurs et de sottises, etc. Nous l'avons dejà dit vingt fois; nous le répéte→ rons mille fois encore: l'objet de l'homme n'est point le gouvernement, le gouvernement ne doit être à ses yeux qu'une chose très-secondaire, nous dirons presque très-subalterne; son objet, c'est l'industrie, c'est le travail, c'est la production de toutes les choses nécessaires à son bonheur.

Dans un état bien ordonné, le gouvernement ne doit être qu'une dépendance de la produc→ tion, qu'une commission chargée par les pro ducteurs, qui la paient pour cela, de veiller à la sûreté de leurs personnes et de leurs biens pen+ dant qu'ils travaillent. Dans un état bien or donné, il faut que le plus grand nombre pos sible d'individus travaillent, et que le plus petit nombre possible gouvernent. Le comble de la perfection serait que tout le monde travaillât et que personne ne gouvernât. Au lieu de cela, il arrive que personne ne veut travailler, et que tout le monde veut gouverner.

Si la chose était rigoureusement vraie ; s'il était vrai qu'au lieu de faire son objet de la pro→ duction, le monde entier voulût faire son objet

pra

du pouvoir; qu'au lieu de vouloir être indus-. trieux il voulût être noble; qu'au lieu de vouloir travailler il voulût gouverner, le monde périrait à l'instant même; car toute production venant à cesser, et la nature ne lui fournissant gratuitement qu'une très-petite partie des choses nécessaires à ses besoins, il est évident qu'il ne lui resterait plus le moyen de vivre. Heureusement, quoique les peuples se prétendent souverains dans la théorie, une bonne partie des individus dont ils se composent restent industrieux dans la tique. On peut, dans leur état actuel, comparer ces peuples à des essaims mi-partis de frelons et d'abeilles, essaims dans lesquels les abeilles consentent à distiller des torrens de miel pour les frelons, dans l'espoir d'en conserver au moins quelques rayons pour elles. Malheureusement il ne leur en reste pas même toujours une faible partie. Aussi arrive-t-il que beaucoup d'abeilles, se lassant de travailler sans jouir, aspirent à passer du côté des frelons où l'on jouit sans travailler ; c'est-à-dire que beaucoup d'industrieux voyant combien le métier des gouvernans est bon, et combien, par suite, celui des producteurs est ingrat et pénible, sont excités à abandonner leurs utiles travaux pour aller grossir la foule des hommes dévorans ou inutiles.

C'est cette abondance dans laquelle vivent les hommes qui gouvernent, aux dépens des hommes qui travaillent, qui, de tout temps, ont provoqué dans les rangs de l'industrie ces défections nombreuses, ces fréquentes désertions à l'ennemi, et dans la masse des peuples, cette disposition universelle à se jeter dans le pouvoir, que nous venons de faire remarquer. Il suffit d'avoir bien caractérisé cette tendance, pour faire sentir à l'instant même combien elle est funeste à la Nation des industrieux, combien elle est propre à diminuer ses forces et à accroître celles de ses ennemis..

Le pouvoir s'enrichit de toutes les pertes que fait la Nation des industrieux; plus le nombre de ses auxiliaires croît, plus il peut exercer sur elle une action violente. Ce n'est pas tout quand le nombre des prétendans au pouvoir est devenu très-grand, et qu'il n'est plus possible à l'Industrie de produire assez pour assouvir l'avidité de tous, il arrive toujours qu'ils se divisent pour savoir à qui appartiendra le droit de la faire contribuer, et leurs discordes lui sont encore plus fatales que leur union. Après chaque révolution, elle se trouve, comme nous l'avons fait voir, plus faible et plus asservie qu'elle ne l'était auparavant; toutes les mesures violentes que que chaque faction prend contre ses

rivales tournent à son préjudice; et de plus, comme la faction triomphante n'est jamais sûre de conserver long-temps le pouvoir, elle est excitée par cela même à en user le plus largement possible, et cela tourne encore à sa ruine. On ne finirait pas si on voulait entrer dans le détail de toutes les suites fàcheuses qu'ont pour elle la disposition des peuples à entrer dans le pouvoir. Elle doit donc appliquer toutes ses forces à changer cette aveugle disposition: ce doit être là sa principale tâche. Jusqu'ici, les habitans de l'Europe avaient fait consister leur gloire à obtenir un grand empire les uns sur les autres; elle doit faire que leur ambition se propose désormais un but à la fois plus élevé et plus profitable, celui d'exercer ensemble une grande action sur les choses; le mouvement de la civilisation avait été de tourner graduellement tous les regards vers le pouvoir, elle doit travailler à les ramener insensiblement vers elle, en s'efforçant d'ôter au pouvoir les moyens de lui ravir ses trésors et d'agir sur les hommes par l'attrait des richesses en même temps que par celui de la vanité.

Ainsi, rappeler les hommes au travail et à l'industrie, les détourner de la recherche du pouvoir, diminuer ainsi les forces des tyrans qui

en abusent, ou des factions qui se le disputent, empêcher que la guerre n'éclate entre ces factions, et que le pouvoir ne se fortifie par leurs discor→ des; telle doit être, dans chaque état et à l'égard de chaque gouvernement, la conduite de la Nation des industrieux. Nous examinerons, dans un autre article, quelle doit être sa politique à l'égard de tous les gouvernemens pris ensemble, et nous rechercherons particulièrement en quoi consiste, pour elle, l'indépendance nationale, et jusqu'à quel point elle doit s'intéresser à l'indépendance de chaque état, dans le sens qu'on attache vulgairement à ce mot.

D.....R.

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