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comme on la vole quelquefois sur les grands chemins. A nos yeux, une acquisition ne sera pas plus valable que l'autre ; il n'y aura de différence que dans l'impunité. Il en serait autrement, si la propriété n'était qu'un droit existant en vertu des lois civiles.

N'ayant aucune notion sur la création des valeurs, les jurisconsultes romains se sont trouvé fort embarrassés, lorsqu'ils ont eu à décider de la propriété d'un objet fabriqué avec des matières qui appartenaient à un autre que le fabricant. Est-ce la matière qui doit l'emporter sur la forme? Est-ce la forme qui doit l'emporter sur la matière ? Il ne peut pas exister de forme sans matière, disait l'un. Il ne peut pas exister de matière sans forme, répondait l'autre; et là-dessus, grands débats, pour savoir lesquels des deux, de la forme ou de la matière, donne l'être à la chose. Les jurisconsultes français ne se sont pas jetés dans ces puérilités; mais ils auraient évité bien des embarras et bien des longueurs, s'ils avaient eu quelques connaissances sur la formation des valeurs.

Ceux-ci ont défini la proprité, le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les LOIS ou par les RÉGLEMENS.

Remarquons d'abord que cette définition n'a pas de sens; car il en résulte qu'on a la propriété de tout, et qu'on n'a la propriété de rien. On peut en effet jouir et disposer de tout, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage contraire aux lois ou aux réglemens; puisque chacun a le droit de faire tout ce que les lois ou les réglemens ne lui défendent pas. On n'a la propriété de rien, si les lois et les réglemens peuvent arbitrairement fixer l'usage qu'on doit faire des choses; si ceux par qui sont faits les réglemens et les lois ne reconnaissent pas qu'il existe des faits qu'ils sont obligés de respecter.

Si, au lieu de dire que la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses, on avait dit que les propriétés sont des choses dont on a le droit de jouir et de disposer, on aurait pu donner encore une définition peu exacte; mais du moins. on aurait vu, tout d'un coup, que les lois ne créent pas les propriétés, et que par conséquent on peut commettre des brigandages avec des lois, comme on le peut avec des jugemens, comme on le peut avec des armes. Les législateurs se voyant d'ailleurs obligés de remonter aux faits primitifs. qui donnent naissance aux propriétés, auraient trouvé que tout dérive du travail de l'homme sur les agens de la nature, et ils auraient senti l'ab

pro

surdité qu'il y a à proclamer le respect de la priété, et à mettre en même temps des entraves aux travaux qui lui donnent naissance.

Pour n'avoir pas connu la manière dont se forment, se distribuent et se détruisent les richesses, on a mis beaucoup de confusion dans les lois, et souvent on a manqué de principes pour les faire. A chaque pas qu'on fait en législation, il est question d'apprécier les choses; et comment les appréciera-t-on, si l'on n'a aucune connaissance de la théorie des valeurs et des monnaies? Comment un magistrat appelé à prononcer sur des dommages soufferts, pourra-t-il prononcer avec connaissance de causé, s'il ne connaît pas tous les élémens qui entrent dans la composition de la valeur ? L'ignorance dans laquelle on vit à cet égard est telle, que si les jugemens qu'on rend tous les jours étaient exa-` minés d'après les vérités établies par l'économie politique, on en trouverait bien peu qui ne présentassent quelque grande iniquité.

L'influence de l'économie politique sur l'organisation des sociétés, sera beaucoup plus considérable qu'on ne saurait l'imaginer. Si depuis quelque temps les publicistes donnent à leurs écrits une direction plus juste et plus élevée, s'ils voient mieux le but des gouvernemens, et la ma

nière dont il faut les organiser pour atteindre ce but, c'est à l'économie politique qu'il faut l'attribuer. Cette science, en faisant voir comment les peuples prospèrent ou dépérissent, a posé les véritables fondemens de la politique et détruit tous les préjugés qui servaient de base à une vieille routine; elle a mis tous les écrivains qui savent lire, à même de voir la différence qui existe entre l'état de la civilisation du premier et du moyen âges, et l'état de la civilisation des peuples modernes. C'est pour n'avoir pas su apprécier cette différence, qu'on a commis tant d'erreurs et tant de crimes en France, depuis le commencement de la révolution.

Enfin, l'économie politique doit produire entre les peuples les mêmes effets qu'elle produit entre les individus ; c'est de les unir ensemble en leur faisant voir qu'ils ont des intérêts communs, et la prospérité ou la ruine de l'un, est toujours un bien ou un mal pour les autres.

· que

On ne saurait donc trop inviter les jeunes gens à étudier cette science. Mais dans quelle ville iront-ils donc en faire une étude ? Nous pourrions leur indiquer plusieurs villes d'Allemagne, d'Angleterre, ou même d'Espagne. A Barcelone, par exemple, on en fait un cours qu'on dit fort bon. Nous regrettons de ne pouvoir pas leur ci

ter une ville plus voisine. Et, si nous nous permettions de donner un avis à ceux qui ne peuvent pas sortir de France pour aller suivre en pays étranger les écoles publiques où l'on enseigne des ouvrages traduits du français, nous leur conseillerions d'étudier les originaux.

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