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que l'exemple encourage; un ennemi qui s'élève contre l'industrienx ne lui suscite que des défenseurs; il trouve des amis, comme dit un publiciste au sein même de ses ennemis. »

‹ [L'auteur, parlant de l'honneur national, observe que les nations placent différemment leur honneur selon le degré de civilisation auquell elles sont parvenues. Pour l'homme tout-à-fait barbare, l'honneur est tout entier dans la force des muscles; pour l'homme un peu plus avancé,› dans les forces du coeur, dans le courage; pour l'homme tout-à-fait civilisé, dans les, forcés del l'esprit, dans l'intelligence. Au premier rang sont les hommes habiles et sages; au second les hommes intrépides; au dérnier les hommes robustes: Hercule, aujourd'hui, ne serait plus un homme distingué qu'à la halle. «Toutes les nav. tions, dit M. Thierry, n'ont long-temps tiré vanité que de leurs généraux et de leurs victoires; c'était la ce que chacune enviait aux autres. L'Espagne aurait acheté, de tout ce qu'elle avait, l'honneur d'avoir produit Bayard, et la France› l'honneur de la journée de Pavie. Aujourd'hui, silain, peuple envie quelque chose au peuple anglais, ce n'est ni son général, ni sa victoire de Waterloo...

¿» Laitter de corps, poursuit-il, c'est le propre›

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des enfans, ou bien des hommes qui restent en fans malgré l'age! Les hommes formés, les honr mes vraiment hommes, ne luttent que des forces de l'esprit. Les nations de l'Europe sont mainte nant à l'âge d'homme toute lutte corporelle! n'est plus pour elles un exercice ; leur honneurs n'est plus dans leurs bras. Les objets présens de dispute, de concurrence, d'ambition, de gloire, au lieu d'un peu de famée à payer de beaucoup de sang, ce sont tous les biens de l'humanité à produire au sein de la paix ; nos facultés à perfectionner, nos sciences à agrandir ? nos jouis-[ sances à niultiplier. Les peuples doivent désor mais placer là tout leur honneur.& huoli ese

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» Loin que ces rivalités paisibles aient rien del commun avec le tumulte des armes et la fureur des guerriers; l'aspect seul des guerriers est im portin; plus on les tiendra éloignés, plus les efforts qu'ils gênent seront grands et utiles. Si les nations de l'Europe ont encore à faire la guerre, c'est pour bannir la guerre du sein de l'Europe.co Bei znoj ob » Un jour que le Sénat de Rome était divisé sur l'une des plus hautes questions d'état, ét que chaque orateur déployait son énergie pour faire triompher son éloquence et son parti", "deux-gla...” diateurs se battaient à la porte pour l'honneur et

pour un diner. Ges braves, entendant la dispute, crurent le Sénat disposé à se battre ; chacun d'eux aussitôt s'élance au milieu de la salle, voulant prendre parti dans l'assemblée, et vider ainsi les deux querelles à la fois. A leur aspect, la discussion s'arrête, et le Sénat, tout d'une voix, ordonne aux licteurs de chasser plus loin ces misérables. »

Cela

M. Thierry, dans un dernier chapitre, traite du bonheur national. Il considère ce sujet d'une manière très - élevée. Il pense, et il s'étudie à prouver que le bonheur, pour l'homme, consiste sur-tout dans l'exercice, dans l'action de ses facultés. Plus le cercle dans lequel il peut les exercer utilement pour ses semblables est étendu, plus le plaisir de l'action a pour lui de vivacité, plus son bonheur est grand et pur. conduit M. Thierry à considérer combien le bonheur des hommes devait nécessairement être restreint dans ces premiers âges, où le bonheur de chaque peuple était en opposition avec celui de tous les autres, où l'ame était de nécessité rétrécie par l'égoïsme national, où ce qu'un citoyen, un homme public faisait pour son pays, il le faisait contre tous les autres, où il ne pouvait trouver des concitoyens au-delà des bornes de la patrie, qu'en commençant par y faire des

vaincus. Il finit par montrer combien l'industrie place les hommes dans une situatiou plus douce combien elle élargit la sphère dans laquelle ils peuvent exercer leurs facultés sans nuire, combien, par conséquent, elle étend leur bonheur(1)." « Le citoyen industrieux, dit-il, n'a pas besoin, s'il jette les yeux hors de sa nation, de trouver des vaincus pour trouver des concitoyens ; il en trouve partout où il y a des hommes industrieux comme lui. Que l'homme d'état ne craigne pas désormais d'agrandir ses vues et son ame, qu'il ne craigne pas que son bonheur s'accorde mal avec son devoir; le bien de sa patrie est le bien de l'Europe, le bien de l'Europe est le bien de sa patrie.

» Tout ce qui se produit de richesse et de liberté au-dedans d'une nation, est gagné pour celles qui l'entourent; tout ce qui s'en produit autour d'elle, est gagné pour elle-même. Citoyens, travaillez pour le monde, le monde travaille pour vous.

» Vos armes, ce sont les arts et le commerce; vos victoires, ce sont leurs progrès; votre patriotisme, c'est la bienveillance et non la haine.

(1) M. Thierry aurait dû dire aussi combien elle le rend plus assuré.

Voulez-vous joindre à ces vertus douces les vertus fortes et mâles auxquelles le Lacédémonien se formait en combattant ? O citoyens! vous avez des ennemis, des ennemis plus acharnés que les Perses, L'IGNORANCE et ceux qu'elle fait vivre. »

Voilà comment M. Thierry a considéré l'industrie. Voilà comment il a montré qu'en elle se trouvait la sûreté, l'honneur, le bonheur, tous les biens que l'homme recherche en s'assoeiant à d'autres hommes; et c'est ainsi qu'il a fait voir quel était l'intérêt auquel les peuples devaient se rallier, la base sur laquelle devait se reconstituer l'Europe, le seul principe capable d'en former une nation.

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