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TESTAMENT

De Noftre Seigneur

JESUS CHRIST,

Traduit en François

Selon Pedition Vulgate, avec les differences
du Grec.

Nouvelle edition, revuë & corrigée.

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IXAFIDES

A MONS,

Chez GASPARD MIGEOT,
à l'enfeigne des trois Vertus.

MDCLXXII.

Avec Privilege Approbation..

PREMIERE PARTIE.

De l'excellence de l'Evangile & des livres du Nouveau Teftament. Avec quel respect on doit lire la parole de Dieu Et que la pieté en donne l'intelligence.

Left tellement propre & effentiel à tous les Chreftiens d'avoir de l'amour & de la veneration pour le Nouveau Teftament, qu'on peut dire qu'ils ne fçauroient laifler éteindre ces fentimens en eux amoins que d'oublier le nom qu'ils portent,& de renoncer à ce qu'ils font. Nous fommes les enfans & les difciples de JESUSCHRIST, puifqu'il nous a rendu de nouvelles creatures en nous regenerant par fon fang, & qu'il eft venu nous enfeigner la doctrine toute celefte qu'il a apprise de son Pere. Si nous aimons donc veritablement ces deux admirables qualitez & que nous les regardions comme faifant toute noftre dignité & noftre gloire, combien ce Livre facré nous doit-il eftre precieux, puifqu'il eft tout enfemble le recœuil des divins enfeignemens de noftre Maiftre, & le Teftament qui nous affure l'heritage de noftre Pere?

Il est vrai que la Loy nouvelle, que S. Paul appelle la Loy de l'Efprit de vie & qu'il oppofe toujours à la loy ancienne comme à un miniftere de mort, n'eft pas la fimple lettre du Nouveau Testament, mais l'amour de Dieu que le Saint Efprit écrit dans le cœur des Chrétiens comme une loy vivante & interieure qui les rend proprement enfans de la nouvelle alliance, ainfy que les appelle Saint Auguftin. Mais il eft certain auffy que cette loy interieure a une telle liaison avec la loy exterieure contenue dans le livre du Nouveau Teftament, que tous les Saints en ont toujours confideré les paroles comme le principal inftrument dont Dieu fe fert pour écrire dans les cœurs cette loy d'amour & degrace, & que c'eft pour cette raifon qu'ils ont toujours fait confifter un des principaux devoirs de la pieté chrestienne à mediter fans ceflè les veritez que Dieu nous enfeigne par ce divin Livre. Car ils n'en ont pas confideré les paroles comme feparées du Saint Efprit, mais comme eftant toutes remplies de fon feu, de fon onction & de fa force; ce qui les rend capables de produire dans les ames bien difpofées les mêmes effets de grace qu'elles ont produits dans toute la terre par la converfion de tous les peuples.

Il ne faut donc pas s'étonner que les faints Peres le plaignent fi fouvent du peu de foin qu'avoient les fidelles de s'acquitter d'un devoir fi important. L'Evangile, difent ces Saints, eft la bouche de JE SUSCHRIST. Il eft affis dans le ciel; mais il parle continuellement fur la terre. Comment donc celuy-là ofe-t-il fe dire ferviteur de JESUSCHRIST qui ne fe met point en peine de savoir ce A 2

qu'il

qu'il luy ordonne? Et comment fera-t-il preft de luy obeïr s'il neglige de l'écouter? Les preceptes de l'Evangile, dit S. Cyprien, font le fondement de noftre confiance & la nourriture de noftre cœur. C'est dans cette lecture que nous trouvons la lumiere qui nous conduit, la force qui nous foûtient, & les remedes qui nous gueriffent.

Ce Saint fait voir enfuite, & les autres Peres aprés luy, le grand avantage que l'Evangile a fur tous les livres de l'Ancien Teftament. Car encore que JESUSCHRIST foit la fin de la loy, & qu'il y ait ellé figuré en une infinité de manieres; neanmoins il y eft tellement caché qu'il fe trouve peu de perfonnes, principalement dans ces derniers temps où l'Ecriture eft fi peu leuë, qui aient affez de lumiere pour l'y découvrir. Mais dans l'Evangile celuy que predifoient les Prophetes fe prefente luymême à nous. C'eft là que Dieu defcend du ciel pour nous y conduire, dit S. Cyprien ; & nous ne recevons plus comme autrefois les oracles de Dieu dans les paroles de fes Saints, mais nous adorons la verité de Dieu dans la bouche de Dieu même.

LA viede JESUSCHRIST qui y eft décritte, dit S. Auguftin, eft une inftruction continuelle pour le reglement de la noftre. Nous y voyons dans les malades & les poffedez qu'il guerit tout ce qui fe pafle dans les maladies & dans la guerifon de nos ames. Et afin de içavoir ce qui eft neceflaire pour ne pecher point, il n'y a qu'à confiderer, ajoûte ce Pere, les biens qu'il a rejettez & les maux qu'il a foufferts. Car on ne peche qu'en deux manieres; ou en fouhaittant ce qu'il a méprife, ou en fuyant ce qu'il a bien voulu fouffrir. NoN enim ullum peccatum committi poteft, nifi dum appetuntur ea qua ille contempfit, aut fugiuntur quæ ille fuftinuit.

QUE fi Dicu avoit commandé autrefois à fon peuple de lire fans cefle la loy qu'il luy avoit donnée & de la mediter jour & nuit; & fi les Religieux fe croient obligez, de lire tous les jours la Regle qu'ils ont reçue de leur Inftituteur: comment pouvons-nous negliger de lire la loy de JESUS CHRIST, dont les paroles font efprit & vie; puifqu'eftant entrez par le baptême dans la Religion catholique & univerfelle dont JESUS CHRIST cft le fondateur, nous devons regarder l'Evangile comme noftre Regle, qui nous fait connoiftre fa volonté; qui nous affure de fes promelles; qui eft noftre lumiere en ce monde, & qui nous doit un jour juger dans l'autre. Sermo quera locutus fum, ipfe vos judicabit in noviffimo die.

C'EST ce qui a fait dire à S. Cefaire Evêque d'Arles, que ceuxmêmes qui ne fçavent pas lire ne font pas excufables pour cela d'ignorer ce que l'on apprend par la lecture de l'Evangile. Car fi les per Jonnes les plus fimples & les plus groffieres non feulement des villes mais des villages, trouvent bien moyen, dit ce Saint, de fe faire lire & d'apprendre des chanfons profanes & mondaines; comment pretendront-ils aprés cela s'excufer fur leur ignorance de ce qu'ils n'ont jamais rien appris de l'Evangile? Vous avez affez d'inventions, ajoûte-t-il, pour apprendre fans fçavoir lire ce que le demon vous enfeigne pour vous perdre ;

& vous

&vous n'en avez point pour apprendre de la bouche de JESUSCHRIST la verité qui vous doit fauver.

CE feroit une chofe infinie que de rapporter tout ce qu'ont dit les SS. Peres de l'excellence de l'Evangile. Tous leurs ouvrages font pleins des marques du refpect qu'ils avoient non feulement pour cette hiftoire facrée de la vie de JE sus CHRIST, mais aufly pour tous les autres livres qui compofent le Nouveau Teftament. Nous pourrions faire voir de quelle maniere ils en parlent, mais comme nous en avons marqué quelque chofe au commencement de ces livres, nous dirons seulement icy; que les Actes font l'accompliffement de l'Evangile, puifqu'on y voit la defcente du Saint Esprit que JESUSCHRIST avoit promis; la formation de l'Eglife, & la charité, la patience, & la parfaite union des premiers fidelles; que S. Paul eft le premier interprete de l'Evangile, qu'il explique tous les myfteres de JESUSCHRIST, & qu'il nous inftruit de toutes les regles de la morale & de la vertu chreftienne; que les Epiftres de Saint Pierre & des autres Apoftres font remplis du feu & de l'ontion du Saint Efprit; & que l'Apocalypfe dans fon obfcurité prophetique & divine a des étincelles de lumiere qui frappent le cœur, & qui impriment un profond refpect de la grandeur de Dieu dans les ames humbles.

C'A efté fans doute dans cet Efprit que la Faculté de theologie de Louvain entreprit dans le fiecle pafle de donner à l'Eglife une traduction françoise de toute la Bible, dont les fidelles fe font fervis utilement, pour s'inftruire des veritez chreftiennes, fans cftre en danger de tomber dans les pieges de Calvin & de fes premiers difciples, qui en ont alteré & falfifie quelques endroits pour feduire les peuples, en mélant le poifon de leurs erreurs avec le pain des enfans de Dieu. On ne fçauroit affez louer le zele & le travail de ces fçavans Docteurs, dont la fuffifance extraordinaire s'eft encore fignalée dans la revue tres-exacte qu'ils ont faitte de tous les ouvrages de S. Auguftin. Mais il faut auffy reconnoiftre, que les changemens qui font arrivez dans noftre langue depuis leur temps, & qui font ordinaires à toutes les langues vivantes avant qu'elles aient efté portées jufqu'à un point de perfection où elles s'arreftent, ont tellement defiguré leur ouvrage, qu'encore que de temps en temps on ait changé dans leur verfion certaines expreffions qui n'eftoient plus intelligibles, elle eftoit neanmoins devenue fi étrangement éloignée de noftre ufage, que fi elle fubfiftoit encore ce n'eftoit plus que par l'impuifiance où l'on eftoit de s'en pafler jufqu'à ce qu'on en euft donné une nouvelle.

C'EST un effet qu'on ne fçauroit attribuer qu'au feul changement de la langue, & qui ne diminue rien de l'obligation qu'on a à ceux qui ont fait cette verfion. Ils ont fervi l'Eglife de la nicilleure maniere qu'ils le pouvoient, & ils n'ont pu écrire que comme ils ont fait. Si nous avions efté de leur temps, nous aurions parlé com

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