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d'enfant perdu, était l'homme de semblables.

fêtes.

C'est à Paris, c'est les 12, 13 et 14 juillet, que la révolution reçut sa sanction définitive. Dès que le peuple se fut mesuré avec l'armée; dès qu'il se fut organisé en gardes nationales; dès que le boulevart du despotisme, la Bastille, fut tombé entre ses mains, il fut avéré qu'il était le maître, et que le pouvoir exécutif subirait sa loi souveraine.

Ces grandes journées firent évanouir pour le moment tous les projets de la cour. L'émigration commença et délivra le prince de ses plus dangereux conseillers. L'assemblée, qui avait siégé jour et nuit dans de continuelles alarmes, obtint enfin le renvoi des troupes. Le roi luimême voulut venir lui donner cette nouvelle, qui fut accueillie par d'unanimes applaudissements. La prise de la Bastille l'avait glacé d'étonnement; il avait vu dans cet événement une révolte. Son grand-maître de la garde-robe, homme assez populaire, lui fit comprendre que c'était une révolution.

Lajoie des députés dévoués au peuple fut ex

trême, et telle était la haine qu'inspiraient les intrigues des courtisans à tous les hommes doués de quelque amour pour leur pays, que des membres de l'assemblée, connus par la timidité de leurs principes, comme Clermont et Mounier, partagèrent hautement notre ivresse, et proclamèrent le 14 juillet le plus beau jour de leur vie.

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CHAPITRE II.

Débuts de Robespierre à l'assemblée.

Tolendal.

Motion de Lally

Robespierre la combat. Ses discours dans les séances suivantes. Lettres saisies sur le baron de Castelnau.-Affaire du baron de Bezenval.-Séance du 4 août. - Principes de Robespierre sur la presse. — Sur l'impôt.-Motions diverses. Veto absolu, veto suspensif. Renouvellement de la représentation nationale. Journées des 5 et 6 octobre.

Je n'avais point encore pris la parole à l'assemblée. Pénétré de l'importance de mes fonctions, et frappé des grandes difficultés qu'elles présentaient, je laissai aux plus hardis, aux plus habiles, le soin d'habituer leurs collègues et le public aux formes graves et sévères des assemblées délibérantes, et je me recueillis en moimême, prêt à faire mon profit des succès et des échecs que la tribune devait offrir à ceux qui les premiers oseraient l'affronter.

Ce ne fut que quelques jours après le 14 juillet que je me hasardai à prendre la parole. Une motion faite par Lally-Tolendal m'en fournit l'occasion. Ce député, qui, au dire de Mirabeau, sentait là où il fallait penser, avait fait, dans la séance du 20, une motion tendante à ce que l'assemblée adressât aux Français une proclamation pour les inviter à maintenir l'ordre et la paix, à conserver le respect dû aux lois et au roi, et à ne pas cesser d'avoir confiance dans le zèle de leurs représentants. Il voulait de plus que l'assemblée statuat que quiconque troublerait désormais l'ordre public serait livré à la justice, et ne pourrait être puni que par elle. Il demandait enfin que le roi fût prié de donner sa sanction à cette proclamation, et d'ordonner qu'elle serait envoyée dans toutes les provinces, et lue au prône de toutes les paroisses.

Malgré les formes sentimentales dont Lally enveloppait sa proposition, malgré les éloges embarrassés qu'il adressait aux habitants de Paris, il n'était pas difficile de reconnaître qu'elle renfermait une désapprobation timide de la con

duite tenue par le peuple dans les glorieuses journées des 12, 13 et 14 juillet. Tout en vantant les grands résultats que l'énergie des Parisiens avait amenés, cette motion avait pour but de décourager les citoyens, de paralyser leur zèle, en faisant considérer comme criminel, et digne d'une répression. exemplaire, l'usage du plus sacré de leurs droits.

Quelques orateurs, en essayant de combattre M. de Lally, avaient tourné autour de la question; je ne craignis pas de l'aborder en face. << Il faut aimer la paix, dis-je à l'assemblée, mais << aussi il faut aimer la liberté avant tout. Analysons la motion de M. de Lally; elle présente «< d'abord une disposition contre ceux qui ont <<< défendu la liberté. Mais y a-t-il rien de plus

légitime que de se soulever contre une conju«<ration horrible, formée pour perdre la nation? « L'émeute a été occasionnée à Poissy, sous pré« texte d'accaparements; la Bretagne est en « paix, les provinces sont tranquilles, la procla«mation y répandrait l'alarme, et ferait perdre «la confiance. Ne faisons rien avec précipita«tion qui nous a dit que les ennemis de l'é

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