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met ensemble tous ceux qui ont le même poids, et leur nombre pour former un demikilogramme donne le numéro de ce fil. Ainsi une livre de coton no 200 contient 200 éche veaux, ou, ce qui revient au même, a une longueur de 200,000 mètres ou de 50 lieues. Gray, A treatise on spinning machinery, in-8°,

1819

Vautier, l'Art du filateur de coton, 1 vol. in-8°, Paris, 1820.

Guest et Maiseau, Histoire descriptive de la fila tare et du tissage du coton, 1 vol. in-8° et un atlas in-4, de 26 planches, Paris, 1827.

Paris, 1828.

Molard et Leblanc, Système complet de la filature du coton, avec un grand nombre de planches, L. Séb. L. et M. * FILCHIUS ou FILCHINS (BENOIT), capucin anglais, né au sein du protestantisme en 1560, fit abjuration à l'âge de 24 ans, vint à Paris, entra dans l'ordre des capucins et se fit remarquer par sa ferveur, ses austérités et la pratique de toutes les vertus chrétiennes. Son zèle l'engagea à retourner en Angleterre en 1599, époque où des lois sévères proscrivaient le catholicisme peut-être espérait-il y cueillir la palme du martyre; mais ses désirs ne furent exaucés qu'en partie; il fut seulement jeté en prison par ordre d'Élisabeth, et ne dut sa liberté, après une détention de 3 ans, qu'aux instances réitérées de Henri IV. De retour à Paris, Filchius fut chargé de la direction spirituelle des personnes attachées à la maison du roi et de la conduite du noviciat de son ordre. On a de lui, entre autres ouvrages: Regula perfectionis continens breve ac lucidum compendium totius vitæ spiritualis redacta ad unum punctum voluntatis divinæ, etc., écrite d'abord en anglais, puis en flamand et en français et enfin en latin, et imprimée à Rome, 1625 et 1628, à Paris, 1650, à Lyon, 1658; traduite en espagnol, Saragosse, 1648, et en italien, Rome, 1650, et Viterbe, 1667; Eques christianus, Paris, 1609, ouvrage qui contribua à la conversion de M. Thayer, ministre protestant, etc. Sa vie a élé écrite par différents auteurs, entre autres, par Agathe Wismann, religieux de Saint-Benoit, en petits vers latins rimes.

FILELFO. Voyez PHILELPHE.

1638, a laissé, entre autres ouvrages, un savant traité intitulé: De l'ancienneté de l'origine de la faculté de théologie de Paris et de ses anciens statuts. Ses œuvres ont été réunies sous les titres suivants : Opera varia, Paris, 1614, 2 vol. in-8°; Opera selecta, ibid., 1621, in-4o.

* FILHOL (N.), graveur, mort à Paris en 1812, avait publié depuis 1801 près de 100 livraisons d'une collection intitulée : Cours historique et élémentaire de peinture, avec texte explicatif. Cette entreprise importante, qui devait offrir une galerie complète du Muséum, a été poussée jusqu'à la 120 livraison par la veuve de Filhol, et forme 10 vol. grand in-8°. Cet artiste a encore publié Concours décennal, Paris, 1812, in-4°.

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FILICAIA (VINCENT de), un des meilleurs poètes lyriques italiens, membre de l'Académie de la Crusca, né à Florence en 1642, vivait refiré à la campagne, partageant son temps entre l'éducation de ses enfants et la culture des belles-lettres et de la poésie, lorsqu'il apprit que Vienne, assiégée par 200,000 Turks, venait d'être délivrée par Jean Sobieski, roi de Pologne, et par Charles V, duc de Lorraine. Cedant à l'enthousiasme que la nouvelle de ce grand événement produisit sur lui, il écrivit d'inspiration six odes ou canzoni qui excitèrent l'admiration universelle, lui valurent la dignité de sénateur, le gouvernement de la ville de Volterre, puis celui de Pise, et enfin la charge de secrétaire du tirage des magistrats, charge très-importante à cette époque. Il s'occupait à recueillir ses poésies, quand la mort le surprit au milieu de ce travail en 1707. Ce recueil a été terminé par son fils et publié sous le titre suivant

Poesie toscane di Vincenzo da Filicaia, etc., Florence, 1707, in-4o, et 1720, avec une vie de l'auteur par Thomas Bonaventuri. FILICAIA (Louis de), capucin florentin au 16e siècle, a laissé les ouvrages suivants la Vita del nostro Salvatore J.-C., etc., Venise, 1548, in-4o; gli Atti degli apostoli secondo san Luca, ibid., 1549, in-fol. Ces deux ouvrages sont en vers.

* FILLASTRE (GUILLAUME), doyen de * FILESAC (JEAN), docteur de Sorbonne, l'église de Reims, cardinal, puis archevêcuré de Saint-Jean-en-Grève, doyen de la que d'Aix, né à La Suze en 1344, mort en faculté de théologie de Paris, professeur 1428, après avoir assisté aux conciles de d'humanités et de dialectique au collège de Pise et de Constance, et fait rebâtir les La Marche, procureur de la nation de écoles de théologie de Reims, est connu France et recteur, né à Paris, mort en comme traducteur de quelques livres de

Tome 11.

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Platon, et de la Cosmographie de Ptolomée. FILLASTRE (Guillaume), évêque de Verdun et de Tournay, président du conseil d'état, chancelier de l'ordre de la Toisond'Or, né vers 1400, mort en 1473 à Gand, après avoir été employé dans plusieurs négociations délicates, et député par Philippe-le-Bon vers Pie II, pour obtenir de ce pontife la dispense du vou qu'il avait fait d'aller dans la Terre-Sainte. În a de lui une Chronique de l'histoire de France, 1517, 2 vol. in fol.; la Toison-d'Or, etc., Paris, 1517, 2 vol. in-fol.

FILLEAU (JEAN), professeur en droit et ensuite avocat du roi à Poitiers, où il était né en 1600, et où il mourut en 1682, acquit quelque célébrité par sa Relation juridique de ce qui s'est passé à Poitiers touchant la nouvelle doctrine des jansenistes, Poitiers, 1654, in-8°. On a encore de lui un Traité de l'université de Poitiers, ibid., 1644, in-4°; un recueil des arrêts notables du parlement de Paris, Paris, 1631, 2 vol. in-fol.; les Preuves historiques de la vie de sainte Radegonde, etc., Poitiers, 1643, in-4°.

* FILLEAU DE LA CHAISE (JEAN), écrivain français, né à Poitiers vers 1630, mort à Paris en 1693, avait été chargé d'écrire l'Histoire de saint Louis, avec les pieces recueillies par Tillemont. Cet ouvrage parut en 15 livres, Paris, 1688, in-4o, et produisit dans le public une sensation telle que l'édition fut enlevée en peu de jours. On a en outre du même auteur: Discours sur les pensées de Pascal, 1672, in-12, et Discours sur les preuves des miracles de Moïse; ces deux opuscules ont été réimprimés dans plusieurs éditions des Pensées de Pascal. FILLEAU DE SAINT-MARTIN, frère cadet du précédent, mort vers 1695, n'est connu que comme traducteur du chefd'œuvre de Cervantes, imprimé sous ce titre: Histoire de l'admirable Don-Quichotte de la Manche, 1677, 4 vol. in-12, et souvent réimprimée. — FILLEAU des BILLETTES (Gilles), frère des précédents, membre de J'Académie des sciences, né à Poitiers en 1634, mort en 1720, a laissé des descriptions d'Arts dans le recueil de l'Académie. Son éloge a été fait par Fontenelle.

* FILLEUL (NICOLAS), poète français, ne à Rouen vers 1530, a composé les ouvrages suivants : le Discours, recueil de sonnets moraux, Ronen, 1560, in-4°; Achille, tragédie, Paris, 1564, in-4", re

présentée au collège d'Harcourt en 1563; plusieurs autres pièces de théâtre qu'il a recueillies sous le titre suivant : les Théatres de Gaillon, Rouen, 1566, in 4o; la Couronne de Henri-le-Victorieux, roi de 1 Pologne, Paris, 1573, in-4°, etc.

* FILMER (ROBERT), écrivain politique i anglais, né en 1604, mort en 1647, est auteur des ouvrages suivants : Anarchie d'une monarchie limitée et mixte, 1646, réimprimé i en 1652 et 1679 il le donna en réponse i au Traité de la Monarchie de Hunton; Patriarcha, écrit où il prétend que tout gouvernement fut d'abord monarchique, et que tous les titres légaux pour régner sont originairement dérivés des chefs de famille, etc. Plusieurs publicistes ont réfuté les principes de ce dernier écrit, notamment Locke, et Sidney dans ses Discours sur le gouvernement.

FILS MÉTALLIQUES. Voyez TOILES MÉTALLIques.

FILTRE. (Technologie.) L'épuration des liquides s'effectue par filtration comme pour les sirops, les huiles, les essences, etc. Cette opération qu'on fait dans les laboratoires de chimie, à l'aide de simples filtres en papier non collé, ne peut avoir lieu dans les manufactures qu'avec des appareils plus grands et différemment disposés. Tantôt ce sont des châssis garnis d'étoffes de laine ou de toiles, tantôt des vases à plusieurs fonds percés de trous, et recouverts d'une ou plusieurs couches, soit de paille, soit de coton, soit de sable ou charbon pile. Les acides et autres matières corrosives qui attaquent les substances organiques, ne peuvent être filtrés qu'à travers une couche de verre pilé, ou de sable siliceux et non calcaire. Sans nous arrêter à ces diverses modifications d'un même procédé, passons à l'examen des moyens nouvellement proposés pour accélérer la filtration.

On a essayé en Angleterre de faire le vide sous les filtres, de manière que la pression atmosphérique, n'étant plus contrebalancée, chasse avec force le liquide à travers les interstices de l'appareil, et active ainsi considérablement la transfusion. Cette méthode exige en conséquence des filtres plus forts et mieux ajustés, et des pompes d'un service dispendieux. Aussi, n'a-t-elle encore donné de bons résultats que pour le terrage du sucre, où elle est du reste trèsavantageuse

Au lieu de faire le vide, M. le comte Real

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ཟླ་

avait imaginé d'exercer une pression directe sur le liquide à filtrer. L'appareil qu'il a conçu à cet effet, et qu'il a appelé filtrepresse, se compose d'un cylindre dont la base est un diaphragme percé de trous, et dont le haut communique à volonté avec un réservoir supérieur. La matière à filtrer, étant introduite dans le cylindre, se trouve pressée par la colonne d'eau venant du réservoir; le liquide qu'elle contient passe rapidement à travers le diaphragme, sans qu'il en reste une goutte dans le résidu solide, parce qu'il est complétement refoulé et remplacé par l'eau affluente. Cette réaction a lieu sans que les deux liquides se mêlent, de manière que l'on peut recueillir exactement et isolément toute la portion provenant du premier.

Par ce procédé, on peut préparer aisément les extraits concentrés de toute espèce de végétaux. Après avoir pulvérisé les substances, on en forme, à chaud ou à froid, une infusion épaisse que l'on verse dans le cylindre du filtre, et qui ne tarde pas à s'écouler, quelle que soit sa consistance ou sa viscosité. On peut obtenir ainsi des solutions entièrement concentrées, ou, pour mieux dire, des essences de café, de hou*blon, de tan, de garance, de campêche et autres plantes tinctoriales. En faisant même évaporer quelques-uns de ces extraits jusqu'à siccité, on peut les obtenir et les livrer au commerce sous forme solide. On sent aisément les grands avantages qui résulteraient de ces opérations : les bois de teinture, par exemple, que l'on est obligé de faire venir à grands frais d'Amérique, dans des navires qui en sont encombrés, fourni raient toute leur matière colorante dans quelques flacons ou quelques boites qui n'occuperaient pas la centième partie du volume primitif, et un seul navire ferait plus pour l'approvisionnement de nos teintures, que ne le font cent navires actuels. 11 en serait de même pour les autres substances volumineuses qui, comme la garance, le tan, le houblon, sont susceptibles d'être transportés au loin. Dans ce nouvel état, elles seraient bien moins sujeltes aux alterations spontanées ou accidentelles, et qn y trouverait l'avantage de pouvoir les conserver bien plus long-temps ou même indéfiniment. L. Seb. L. et M.

FIMBRIA, partisan fougueux de Marius, toa de sa main le consulaire Lucius Cesar. Après la mort de Marius, ayant été

envoyé en Asic comme lieutenant du consul Valerius Flaccus, il souleva l'armée contre ce général, le fit périr pour se mettre à sa place, remporta plusieurs avantages contre Mithridate, et, fier de ses succès, parcourut l'Asie, exerçant ses vengeances contre les partisans de Sylla; mais bientôt, poursuiv¡ lui-même par ce général, il fut réduit à se donner la mort l'an de Rome 668 (85 ans avant Jésus-Christ).

* FIMIANI, carme, né en 1740 à SanGiorgio dans le royaume de Naples, enseigna le droit canonique à l'université de cette ville, et, en 1791, il fut élevé à l'évêché de Nardo ; il mourut en 1799. On a de lui : Hist. juris canonici, Naples, 1763, in-8°; Adnotationes in Petri de Marcá concordiam et opuscula, ibid., 1771, 5 vol. in-4°; de Ortu et progressu metropol. ecclesiastic. in regno neapolit., ibid., 1776, in-4o ; Elementa juris canonici, ibid., 1777, 2 vol. in-8°; ad Petri de Marcá concordiam sacerdotis et imperii, supplementum, ibid., 1781, in-40; Elementa juris privati neapolit., ibid., 1782, 2 vol. in-8°; Elementa juris feudalis, ibid., 1787, in 8o.

FINANCES. (Économie politique. ) Ce mot comprenait autrefois toute l'economic politique; c'était la science du numéraire, et l'argent était alors l'unique capital connu. Aujourd'hui les trois industries, agricole, manufacturière et commerciale, créent par le travail une production qui constitue la masse des capitaux d'un pays; ces produits mis en circulation par le commerce intérieur ou extérieur, d'importation ou d'exportation, et livrés à la consommation, forment la somme des richesses. La constitution po litique, la forme du gouvernement, ses lois, ses actes, dans ce qu'ils ont de favorable, d'inoffensif, de gênant ou d'oppresseur pour la production, la circulation, la consommation, rentrent dans le domaine de la science économique. Comme elle embrasse ainsi les lois fondamentales, les formes politiques, la paix, la guerre, les traités de commerce, le droit des gens et le droit politique, l'administration, les douanes, les impôts, les priviléges, la tolérance, la liberté, ou peut dire que l'économie publique compose une grande partie de la politique proprement dite. Plusieurs économistes même, reconnaissant que tout gouvernement n'a pour origine et pour sanction que le bonheur commun, et plaçant tout le bien-être dans la richesse, en ont déduit

que l'économie politique était la politique tout entière. C'était sans doute une erreur; mais elle touchait de si près à la vérité, elle était exposée et développée avec tant de bonne foi, qu'elle a ouvert à la science du gouvernement une route nouvelle. Il est désormais impossible de ne pas reconnaître que tout pouvoir est illegitime, qui n'a pas le bonheur public pour objet unique et permanent; il est désormais impossible de nier la funeste influence que l'ignorance et la misère ont toujours exercée sur l'independance et la prospérité des nations.

Les finances qui, jadis, composaient cette prospérité tout entière, ne sont plus aujourd'hui qu'un instrument d'échange et plutôt un moyen qu'un signe de fortune. Jadis même le numéraire formait toute la richesse; aujourd'hui le crédit public et privé émettent un papier-monnaie qui, sous le nom d'effets publics ou d'effets de commerce, supplée à l'argent avec avantage, et dépasse de beaucoup le numéraire circulant dans les États où ce crédit est établi. Ainsi le mot finances, déchu de sa vieille importance, ne forme plus que la science de l'argent ou la chrysologie proprement dite; il est sorti de la langue économique pour entrer dans le langage parlementaire et ministériel, où la statistique financière, l'état des finances d'un État, est périodiquement livrée à la discussion publique par un compte rendu, auquel on donne le titre anglais de budget.

En prenant ce nom de budget, la France a pris et outré tout ce que ce compte avait de dérisoire, de vicieux et de mensonger dans la Grande-Bretagne. Lorsque jadis les rois d'Angleterre demandaient aux trois ordres, à deux ou à l'un d'entre eux, une somme ou un impôt quelconque, il annonçait l'emploi ; ce qui prouve que le système des spécialités est plus ancien que ne l'ont pensé quelques-uns de nos ministres, de nos pairs, de nos députés, de nos publicistes. Ceux qui devaient accorder ou refuser le subside, examinaient s'il était nécessaire, si l'on avait la puissance de le supporter sans aggraver la misère ou sans nuire à la prospérité, et enfin s'il fallait l'accorder en totalité ou en partic. Certains, par l'expérience, que les gouvernements demandent toujours plus qu'il ne faut, détournent toujours une portion des fonds qu'ils demandent, et offrent toujours un déficit, lors même qu'on devait atten

dre un résidu ou des économies, ils accordaient bien rarement la somme entière qu'on sollicitait de leur munificence, et rarement aussi ce don était-il autre chose qu'un échange de plus ou moins d'argent contre plus ou moins de liberté. Le subside voté, on pouvait alors, comme aujourd'hui, s'en reposer de l'emploi sur la sagesse ministérielle, et croire l'intérêt public bien protégé contre les dilapidations royales et la convoitise des courtisans, par cette garantie dérisoire, appelée vulgairement responsabilité ministérielle. Mais les vieux Bretons n'étaient pas illuminés par le progrès des lumières et l'éclat de la civilisation moderne : dans ce siècle de probité, on croyait à la corruption; or, comme tout le monde n'était pas corrompu, la dilapidation des fonds publics n'était pas un point convenu de politique; et les gens de bien, sachant et osant signaler les grands dilapidateurs, nommaient des commissaires pour surveiller l'emploi des fonds votés. Cette surveillance était une garantie réelle; elle forçait le ministère à faire beaucoup avec peu, et tout au meilleur marché possible; elle rassurait les citoyens dont le nécessaire n'allait pas alimenter les prodigalités ou les folles entreprises de la couronne. Alors le gouvernement n'offrait pas d'abord le budget de ce qu'il voulait depenser, afin de contraindre les députés à voter selon ses goûts de dépense; et les députés, avant d'examiner la somme que le gouvernement voulait prendre, supputaient d'abord celle que le peuple pouvait payer. Cette manière de délibérer était la même dans les états-généraux de France; elle y avait été introduite par l'exemple des pays d'États, où les subsides et les dons volontaires étaient votés, non selon les demandes ministérielles, mais d'après les besoins et les facultés des contribuables. C'est ainsi que le peuple ne payait jamais au delà de son pouvoir, excepté dans ces grandes crises où la nécessité de vivre passe avant le désir de la richesse et du bien-être. Hors ces cas rares où le salut de l'État n'est pas seulement la loi suprême, mais l'unique loi, les députés du peuple ne s'attribuaient pas le mandat de voter selon les prétendus besoins d'un gouvernement toujours disposé à confondre le superflu dans le necessaire; mais ils envisageaient la position actuelle du pays, ses nécessités annuelles; ce qu'il pouvait sacrifier au bien public,

sans nuire au bien privé; aux besoins présents, sans tarir les sources de la prospérité future, et ils ne composaient le nécessaire de la cité que du superflu de la fortune des citoyens. Ils semblaient reconnaître que, les petites républiques exceptées, tout gouvernement est à charge, qui envahit pour ses besoins les capitaux réclamés par les besoins des contribuables.

Mais le gouvernement représentatif s'établit d'abord, par malheur, dans le pays le plus oligarchique de l'Europe. Toute discassion réelle et sérieuse, entre les convoitises du pouvoir et les ressources du peuple, cesse aussitôt. Dès lors, on ne balance plus entre ce que le premier veut et ce que peut le second; seulement une lutte interminable commence entre les ambitieux qui se sont déjà saisis du pouvoir, et d'autres ambitieux qui multiplient les intrigues, les coalitions, les partis, pour envahir ce même pouvoir. Ces mesquines personnalites firent naître les orages et l'éloquence de la tribune, le besoin d'accroître par les faveurs les partisans du ministère, et l'obligation de colorer, de toutes les apparences du bien public, les attaques coutumieres de l'opposition. S'opposer au pouvoir était le grand moyen d'envahir le pouvoir : et, comme l'opposition était la route du ministère, on vit s'y précipiter les talents et les illustrations. Les députés qui, la veille, criaient à la corruption, devenus ministres, furent les corrupteurs du lendemain. Ce désir effréné de se maintenir ou d'arriver au ministère, détermina la forme des budgets actuels.

Les ministres y virent les moyens de cacher, sous la vérité des masses, les concussions de détail, de détourner les fonds demandés pour une dépense nécessaire et de les appliquer à une dilapidation arbitraire ou mystérieuse, d'offrir aux representants un vaste et inextricable dédale dont le fil demeure toujours entre les mains des agents du pouvoir, et qui ne peut par conséquent être parcouru qu'avec leur aide. Possédant seuls les pièces à l'appui pour ce qui doit être public, pouvant se retrancher derrière la nécessité des secrets d'État pour ce qu'ils veulent taire, les ministres échappent ainsi à toute vérification réelle, à l'œil de toutes les commissions, à l'éloquence de toutes les tribunes, au patriotisme ou à la haine de toutes les oppositions; et cette apparence de comptes rendus est un mer

veilleux artifice pour se dispenser de rendre réellement des comptes.

On croit pouvoir refréner la déloyauté ministérielle par l'introduction de deux budgets, dont l'un, comprenant les dépenses réellement nécessaires et permanentes, serait voté de force, pour ainsi dire, et sans examen ; et dont l'autre, qui n'aurait pour objet que les dépenses réputées utiles mais variables, serait soumis à un examen plus sévère, et à une plus rigoureuse discussion. L'adoption de ce moyen n'aurait qu'un seul avantage, celui de contraindre plus tard à la spécialité. Jusque. là, tout resterait dans l'état actuel, et les dilapidations iraient peut-être croissant, même dans le budget nécessaire. Si l'on vote une somme quelconque pour l'armée, on la suppose composée de tant de régiments, ces régiments au complet, officiers et soldats sous les drapeaux. Mais le ministre de la guerre n'est-il pas toujours le maitre de déranger, quand et comme il lui plaît, l'ordre de ces suppositions ? Les nécessités ne servent alors qu'à voiler des concussions, et ce que je dis pour un fait et pour un ministère peut s'appliquer à tous les ministères et à tous les faits.

L'opposition, d'ailleurs, préfèrera toujours le budget tel qu'il est : s'il offre le compte faux, mais complet des dépenses, il présente aussi implicitement le tableau général des actes et des projets de l'administration, et le champ est vaste pour la lutte ; le ministère est traduit tout entier à la barre, attaqué corps à corps, et toujours vaincu dans l'opinion publique, parce que l'éloquence qui attaque possède une bien autre puissance que celle qui se défend; parce qu'il existe dans les mots économie et liberté, opposés à oppression et dilapidation, une force qui groupe les mécontents, une magie qui séduit les imaginations mobiles, et un noble courage qui entraîne les esprits sages et les cœurs droits. Toutefois, l'opposition n'est triomphante que dans les attaques générales, parce que c'est là seulement qu'elle a raison sur les masses, même lorsqu'elle a tort sur presque tous les détails. Elle est toujours moins heureuse quand elle spécialise son hostilité : les ministres ont les faits à leur discrétion; ils peuvent démentir ce qu'ils veulent faire croire faux, atténuer par des pièces officielles ou officieuses les vérités hostiles que l'opposition exagere, car la vérité, pres

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