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cette époque, déposé au Sénat un projet aux termes duquel l'acte de protêt devait être fait seulement le surlendemain du jour de l'échéance. Des protestations se produisirent, il ne fut pas donné suite au projet. Retarder d'un jour la date du protêt, et dire qu'il sera fait seulement le surlendemain de l'échéance, c'est peut-être donner une prime aux débiteurs négligents, c'est inscrire dans la loi, en leur faveur, un délai de grâce et faire remise d'un jour d'intérêts au préjudice du créancier et de ceux qui tiennent à faire honneur à leur signature à l'instant même où elle leur est présentée. Mais si, comme dans le projet que nous avons l'honneur de déposer, et comme l'avait admis la commission du Sénat en 1879, la loi porte que le protêt pourra être fait dans l'un ou l'autre des deux jours qui suivent l'échéance, les mêmes objections ne peuvent plus être formulées; ce systéme, au contraire, présente de sérieux avantages.

«La règle, comme sous l'empire de l'article 162, est toujours que le protêt doit être fait le lendemain de l'échéance. La faculté de faire encore le protêt le deuxième jour après l'échéance, est une facilité donnée aux agents de la loi; mais elle ne peut jamais dégénérer en un délai de grâce laissé aux débiteurs. Ceux-ci savent que le protêt peut être fait le lendemain de l'échéance. Ils n'ont pas à se plaindre si la loi leur est appliquée.

« Et qu'on ne dise pas que, par l'extension du délai, les officiers publics ou ministériels se laisseront entraîner à des tolérances nouvelles, et ne commenceront leurs protêts que le dernier jour; dès qu'ils ont le temps nécessaire pour dresser leurs actes, les tolérances devront disparaître, les prescriptions légales devront être fermement maintenues. On ne pourra plus admettre que les actes soient dressés en dehors des délais légaux, ou que les dates en soient altérées. Soucieux de leur res

ponsabilité, les huissiers ou notaires n'accepteront pas que des effets de commerce leur soient remis, pour le protêt, à une date tardive, ils devront bénéficier de la totalité du délai, dont le seul but est de rendre possible l'application de la loi; l'attention qu'ils mettront à ne point s'exposer aux mesures disciplinaires par leur négligence ou leur tolérance injustifiée donne la certitude qu'ils ne laisseront point détourner de son but le délai que la loi leur accorde. »

Ces considérations nous ont paru déterminantes et nous avons maintenu la possibilité de faire le protêt le surlendemain de l'échéance, lorsqu'il n'aura pu être fait le lendemain. On a formulé contre cette disposition deux critiques qui, après nouvel examen, n'ont pas paru décisives. On s'est ému de l'arbitraire laissé à l'huissier qui a le choix entre deux jours pour régulariser le protêt. Nous n'apercevons pas le danger de cette situation. Le débiteur qui, à l'échance, ne fait pas face à ses engagements s'expose à toutes les sévérités permises par la loi, et, il ne doit pas l'ignorer, a encouru des poursuites; que l'acte préliminaire de ces poursuites, le profêt, qui sauvegardera les droits du porteur à l'encontre des endosseurs soit exercé dès le premier jour, ou seulement le lendemain, c'est un fait dont le tiré ne peut se plaindre. Si l'objection était exacte, le débiteur, actuellement, pourrait aussi se plaindre lorsque le protêt lui est signifié le matin du jour qui suit l'échéance et accuser l'huissier de malveillance pour n'avoir pas attendu la dernière heure du délai.

On objecte aussi que le banquier voudra percevoir l'escompte jusqu'au délai extrême, pour ne pas perdre un jour d'intérêt. Mais il faut remarquer à cet égard que le projet ne change en rien la date de l'échéance. Le délai de deux jours n'est pas une prorogation du terme du billet; c'est simplement un laps de temps accordé à l'huissier pour régulariser son acte.

Les arguments invoqués contre la solution que reprend l'article 162 n'ont donc pas, croyons-nous, une gravité réelle. D'autre part, il est indispensable que les prescriptions de la loi soient observées, et il n'est rien de plus dangereux que de conserver des dispositions légales imperatives dont la transgression est tolérée et imposée par la force des choses; il n'est pas moins nécessaire de protéger le Trésor contre les fraudes commises; sans léser aucun intérêt, nous en avons la conviction, la mesure proposée atteindra le but,

Ajoutons que son adoption mettrait la loi commerciale française en harmonie avec les dispositions correspondantes des législations étrangères. En effet, les nations voisines, cel

les-là même chez lesquelles le code français a été la loi commerciale, ont, dans leurs lois les plus récentes, adopté la règle que nous vous proposons.

En Belgique, la loi du 20 mai 1872, relative à la lettre de change et au billet à ordre, porte (art. 53):« Le refus de payement doit être constaté, au plus tard, le second jour après celui de l'échéance. »

En Italie, le nouveau code de commerce est en vigueur depuis le 1er janvier 1883. Aux termes de l'article 296, paragraphe 2, « le protêt faute de payement doit être fait au plus tard le second jour ouvrable après celui de l'échéance ».

En Allemagne, la loi générale sur le change, en vigueur dans tout l'empire (loi du 5 juin 1869 et constitution du 16 avril 1871) est ainsi conçue (article 41 in fine): « Le protêt peut être fait le jour de l'échéance; il doit être fait au plus tard le second jour ouvrable après l'échéance. »>

En Suisse, d'après l'article 162 du code fédéral des obligations, du 14 juin 1881, « le protêt ne peut être fait le jour même de l'échéance; il doit être dressé, au plus tard, le second jour non férié après celui de l'échéance ».

En Angleterre, les trois jours de délai de grâce ont été maintenus par la loi récente du 18 août 1882. Le protèt n'est d'ailleurs en usage que pour les effets de commerce tirés de l'étranger. La notification qui le remplace et qui est faite au tireur et aux endosseurs doit intervenir dans un délai raisonnable, c'est-à-dire de façon qu'elle soit adressée le lendemain du nonpayement (art. 14, 18, § 12, et 51, § 6).

La commission de la Chambre, pour assurer l'exécution des prescriptions de la loi, qui veut que les billets soient présentés à l'échéance, proposait d'obliger le porteur au cas de nonprésentation ou d'absence à laisser un bulletin d'avis. Nous n'avons pas cru devoir maintenir cette prescription, dont l'exécution ne pourrait être assurée par aucune sanction.

Une disposition additionnelle avait été ajoutée à l'article 162 par la commission à l'effet de déclarer jours fériés les lundis de Pâques et de la Pentecôte. Une disposition de cette nature qui doit être générale et non pas applicable seulement en matière de protêts ne peut être insérée que dans une loi spéciale. Un projet de loi avait été présenté en ce sens par le Gouvernement. Il vient d'être de nouveau soumis à la Chambre et adopté par elle.

L'article 165 nouveau abrège les délais établis par l'ancien texte pour l'exercice du recours exercé par le porteur contre son cédant, les endosseurs ou le tireur. Avec la facilité actuelle de communications, le délai de quinzaine fixé par ce recours est, dans tous les cas, bien suffisant, et il y a avantage à supprimer la complication des calculs à raison des distances. Cette réforme était au nombre de celles qui avaient été réclamées le plus énergiquement par les chambres de commerce lors d'une enquête faite en 1879 sur le point de savoir si on ne devait pas obliger le porteur d'un effet protesté ou l'huissier à donner au tireur un avis de protêt.

L'ancien article 167 est supprimé, et ses dispositions, fondues avec celles de l'ancien article 165, forment le nouvel article 165. Il a paru plus simple d'abréger la rédaction, sans changer d'ailleurs le fond du droit. Aujourd'hui, par dérogation à l'article 1206 du code civil, pour que son recours soit admissible, le porteur doit, dans le délai de quinzaine, dénoncer le protêt et citer en justice chacun de ceux contre lesquels il veut réserver ses droits. Le nouveau texte n'innove point: la dénonciation et la citation faites par le porteur n'auront toujours d'effet qu'à l'égard des signataires assignés.

Nous n'avons pas cru devoir accepter la modification proposée par la commission parlementaire, qui, dans le dernier paragraphe de l'article 165, substituait les mots « ou du remboursement fait amiablement »>, aux expressions « ou du payement » Le terme << payement » est dans la loi actuelle, il n'a jamais donné lieu à difficultés, et nous a paru être l'expression juridique.

Nous assimilons dans l'article 166, paragraphe 2, la Tunisie et l'Algérie: le délai du recours est aujourd'hui de deux mois; il sera réduit à un mois, comme pour l'Algérie. La situation nouvelle de la Régence devait amener cette modification.

Le projet de 1884, en vue de donner satisfaction & un vœu fréquemment exprimé, obligeait

le porteur d'un effet protesté à donner avis du protêt au tireur dans les deux jours. Cette disposition, réclamée en 1879 par quarante-trois chambres de commerce sur cinquante-huit qui avaient formulé leur opinion sur cette question, paraît n'être plus désirée aujourd'hui par le commerce. Un certain nombre de chambres de commerce ont même protesté contre son adoption. En conséquence, l'obligation des avis de protet n'est pas maintenue. Il est impossible, d'ailleurs, d'imposer cette correspondance d'intérêt purement commercial aux officiers ministériels chargés du protêt.

Nous adoptons, sous le n° 167, le principe d'une disposition proposée par la commission de la Chambre pour consacrer le droit de course. L'offre de payer est souvent faite par le débiteur au moment où l'huissier se présente pour notifier le protêt. Le débiteur, en ne se libérant pas à l'échéance et en rendant nécessaire l'intervention de l'officier ministériel, a commis une faute en raison de laquelle les frais doivent être mis à sa charge; c'est la solution admise par la jurisprudence. L'article 167 que nous vous proposons la consacre. Le règlement d'administration publique qui sera fait en exécution de la loi pour régler les questions de tarifs déterminera les droits perçus à l'occasion de cette course.

Aux termes de l'article 173 du projet de 1884, que nous reprenons, le protêt doit être fait «au domicile ou au lieu où la lettre de change était payable ». L'addition des mots « ou au lieu » qui ne se trouvent pas dans l'article 173 actuel, prévoit une hypothèse qui se rencontre parfois dans la pratique. Dans les campagnes un certain nombre de billets sont conçus payables en foire ». C'est ce genre de billets qui est visé par l'expression nouvelle.

L'article 173 supprime le protêt de perquisition, qui ne donne presque jamais de résultats et d'aboutit qu'à une augmentation de frais. Nous avons complété le dernier paragraphe de l'article par une phrase empruntée au projet de loi de la commission parlementaire, et qui vise les tiers indiqués pour payer au besoin. Le protêt devra constater leur absence comme il constate celle du tiré.

Au nombre des réformes les plus importantes que contenait le projet de 1884, figure la simplification des formes du protêt. L'exposé des motifs s'exprimait ainsi à ce sujet :

« L'une des causes qui rendent la signification des protêts difficile et souvent impossible dans les délais légaux, est la complication des écritures exigées par la législation actuelle. II est nécessaire, en effet, que l'officier ministériel fasse la copie entière du titre à protester, libelle longuement l'acte du protêt, et enfin le transcrive sur un registre spécial; il doit encore faire une copie de ce même acte pour le débiteur. De là, pour les huissiers, des frais considérables et une perte de temps qui ne leur permet pas toujours d'assurer la signification régulière d'un grand nombre d'actes.

« Pour le plus simple protêt, a-t-on dit à la Chambre des représentants de Belgique dans la discussion de la loi en 1876, pour le plus petit effet, il faut actuellement trois timbres, trois écritures complètes, se répétant l'une l'autre, sans aucune utilité pour personne. Cela dévoré un temps énorme. Dans les villes comme Bruxelles et Anvers, à la fin de certains mois, il y a des millions de protêts à faire, dans un bref délai, et sans rémunération équitable pour les huissiers chargés de les dresser. Il y a profit considérable pour les huissiers à avoir un émolument réduit et à rédiger un acte qui n'entraîne qu'une besogne presque nulle. »>

Ces inconvénients peuvent être évités par l'adoption d'une formule imprimée à l'avance, et dans laquelle l'huissier n'a plus qu'à remplir sommairement les énonciations indispensa

bles.

Ici encore, l'exemple des législations étrangères pourrait être utilisé avec fruit. Par la loi du 10 juillet 1877, la triple écriture prescrite par l'article 174 du code de commerce a été supprimée en Belgique. Le rêle de l'agent chargé de dresser le prôtet se borne à compléter par quelques énonciations très brèves et néanmoins suffisantes les indications de feuillets imprimés extraits d'un carnet à souche que délivre l'administration. Queiques minutes suffisent à dresser le prôtet, le bulletin d'avis qui doit être laissé au débiteur, et à porter sommairement sur la souche, qui remplace le registre actuellement en usage chez nous, les indications essentielles. Depuis le 1er septembre 1877, ce système fonctionne et les renseigne

ments qui ont été recueills permettent d'affirmer que l'innovation a pleinement répondu au but que se proposaient ses auteurs. Nous vous demandons d'introduire dans notre loi cette simplification. Il paraît inutile de conserver des formalités reconnues superflues. C'est là, d'ailleurs, le complément nécessaire de la réforme.

Le texte du nouvel article 174 et celui de l'article 3 du projet indiquent clairement les formalités nouvelles.

La souche du carnet est destinée à remplacer le registre sur lequel doivent être inscrits aujourd'hui tous les protêts dressés. C'est sur le vu de cette souche que seront perçus les droits d'enregistrement, et c'est elle qui devra être représentée aux agents de l'administration, pour leurs vérifications.

L'acte de protêt devient une simple feuille, extraite du carnet, sur laquelle l'huissier ou le notaire n'a plus qu'à inscrire une date, un chiffre et les noms du débiteur, du créancier, et de celui à qui l'effet protesté est présenté. Il pourra très aisément, après sa rédaction, être joint à l'effet protesté.

La copie du protêt est supprimée, et il n'est plus laissé qu'un simple bulletin d'avis.

Les formules des carnets à protêts seront préparées par l'administration, dans des conditions qui en faciliteront l'emploi et qui donneront des garanties complètes au public contre tous les abus. Elles seront livrées aux officiers ministériels moyennant un prix représentant le coût de revient de l'impression, et qui ne paraît pas devoir excéder un centime par acte de protêt.

Les modifications apportées à la forme de l'acte devaient entraîner un examen nouveau des perceptions fiscales auxquelles donne lieu le protêt.

L'état actuel des finances publiques ne permet pas au Trésor de faire un sacrifice important sur les taxes auxquelles donnent lieu les protêts. Mais il a paru possible de modifier la perception du droit d'enregistrement, de manière à dégrever sensiblement les petits protêts. Au lieu du tarif fixé et invariable de 1 fr. 50 en principal, qui s'applique actuelle. ment à ces actes, il est établi un tarif gradué, d'après le montant des effets contestés. De cette manière, plus de la moitié des protêts profiteront d'une réduction de taxe. Ceux qui concernent des effets de 100 fr. et au-dessous, et dont le nombre dépasse 400,000, sont tarifés à 0 fr. 50. Ceux de 100 à 200 fr. qui s'élèvent à 300,000, le seront à 1 fr. La différence est repartie en proportion de leur valeur sur les protêts d'effets supérieurs à 300 fr., sans que le maximum de la taxe puisse cependant dépasser 5 fr. en principal.

Cette modification est spéciale aux actes de protêt, elle ne s'éteud point aux actes de procédure tels que dénonciations, interveutions, assignations, qui seront la conséquence des protets. Ces actes demeurent soumis à l'application du droit commun.

Le mode actuel de perception de l'impôt du timbre ne permet pas une semblable graduation. Mais le Trésor a renoncé à une partie du droit qui lui était acquis sur le registre de protêts remplacé, dans le projet nouveau, par la souche des carnets.

Nous reproduisons dans lenr entier ces dispositions.

Les prescriptions nouvelles peuvent-elles, comme on l'a proposé. être combinées avec le maintien de la copie du protêt? Nous ne le pensons pas. Nous sommes convaincus, au contraire, qu'il y a lieu de supprimer la copie du protêt, et dans le protêt la copie du titre.

Une objection a été faite à cette suppression. Elle soustrait à l'examen du débiteur le titre qui lui est opposé. Dans les termes où elle est formulée, cette observation ne paraît pas

exacte.

Ce qui est indispensable au tiré, c'est de connaître le tireur, le porteur de l'effet, la somme à payer et la date de l'échéance. Or ces indications se trouvent dans le bulletin d'avis du protêt, laissé par l'huissier. Le tiré est donc suffisamment averti de toutes les circonstances qu'il a intérêt à connaître. S'il veut prétendre, comme on s'est plu à le supposer, que la signature apposée sur le billet est l'œuvre d'un faussaire, la copie ne lui sera d'aucun secours le procès en pareil cas sera plaidé sur le vu de l'original du billet.

Nous maintenons donc la suppression de là copie du titre et de la copie du protêt, soit obligatoire, soit facultative. Nous ne trouvons dans cette formalité aucun avantage. Nous mainte

le même recours, individuellement ou collectivement, dans le même délai.

nons également la nouvelle formule proposée pour les protêts. Elle est plus courte, en ce qu'elle supprime la copie du titre. Elle permet l'emploi de formules imprimées, abrégées, qui simplifieront la besogne de l'officier ministé-ment. riel. Nous ne croyons pas utile de conserver religieusement la forme de procédure prescrite par l'ordonnance de 1673, et nous pensons au contraire faire œuvre profitable en introduisant chez nous une pratique dont les avantages ont été révélés par une expérience de plusieurs années en Belgique.

L'article 2 du projet renferme deux innovations qui, dans la pensée du Gouvernement, sont l'application de principes qu'il conviendra de généraliscr et d'appliquer à d'autres actes de procédure; en attendant la revision complète du code de procédure, il est opportun, à l'occasion des protêts, d'introduire dans nos lois les innovations reconnues utiles.

La première de ces innovations a trait à l'institution des clercs assermentés. Dans les grandes villes, à Paris surtout, la multiplicité des actes qui leur sont confiés empêche trop fréquemment les huissiers de remplir l'obligation qui leur est imposée par l'article 45 du décret du 14 juin 1813, et de remettre euxmêmes les actes qu'ils rédigent. Quelques communautés d'huissiers ont exprimé le vœu qu'on leur permît de se faire assister de clercs assermentés, qui seraient autorisés à faire les significations en place de l'huissier. A cause de la nature spéciale de l'acte de protêt, qui doit être rédigé séance tenante, les clercs assermentés doivent, en outre, avoir le droit de rédiger ces actes.

Le second paragraphe de l'article 2 a pour but de remédier à un autre abus.

Les huissiers établis dans un chef-lieu d'arrondissement ont le droit d'instrumenter dans toute l'étendue du ressort du tribunal. Il arrive fréquemment que ces huissiers sont de préférence choisis pour signifier des actes, et spécialement pour notifler des protêts, dans les communes situées aux extrémités de l'arrondissement dans d'autres cantons. Une sorte de monopole peut ainsi se constituer au détriment des justiciables sur lesquels l'huissier perçoit des droits de transport plus élevés, et au préjudice des huissiers établis dans les simples chefs-lieux de canton, qui se voient privés d'émoluments légitimes. La disposition proposée mettra un terme à cette situation,

Si l'huissier réside dans une commune plus rapprochée du lieu de protêt que le chef-lieu de canton, le transport sera calculé sur la distance réelle. L'article 4 laisse à un règlement d'administration publique le soin de déterminer les mesures d'exécution de la loi et le nouveau tarif qui devra être établi pour fixer les émoluments des agents de la loi chargés de dresser le protêt.

Nous proposons, dans l'article 5, de rendre la loi applicable à l'Algérie. Il ne nous parait pas qu'elle puisse être immédiatement déclarée applicable dans les colonies, qui sont encore soumises, sur un grand nombre de points, et spécialement sur l'organisation des officiers ministériels, à des règles spéciales, et qui, d'ailleurs, ont chacune un régime particulier.

Telle est, messieurs, l'économie de la proposition que nous avons l'honneur de vous soumettre. Nous avons la confiance que ces dispositions sont de nature à corriger les abus de toute nature auxquels donne lieu la loi actuelle sur les protêts; elles réalisent un progrès incontestable, et nous vous prions de vouloir bien leur donner la sanction de la loi.

PROPOSITION DE LOI

Art. 1er, § 1er. Les articles 162, 165, 166, § 2; 167, 173, 174, 176 du code de commerce sont abrogés et remplacés par les dispositions sui

vantes :

« Art. 162. Le refus de payement doit être constaté le lendemain, ou, au plus tard, le surlendemain du jour de l'échéance par un acte que l'on nomme « protêt faute de payement ». « Les jours légaux fériés ne sont pas compris dans ce délai.

« Art. 165. Pour exercer son droit de recours, soit individuellement contre son cédant, un autre endosseur ou le tireur, soit collectivement contre tous les endosseurs et le tireur, le porteur doit dénoncer le protêt, et faire citer en justice, dans les quinze jours qui suivent la date de ce protêt, ceux contre lesquels il entend exercer son recours.

« Chacun des endosseurs a le droit d'exercer

« A leur égard, le délai court du lendemain de la date de citation en justice ou du paye« Art. 166, § 2. - D'un mois, pour celles qui étaient payables en Corse, en Algérie, en Tunisie, dans les Iles Britanniques, en Italie, dans royaume des Pays-Bas, et dans les Etats ou confédérations limitrophes de la France.

« Art. 167. — Le débiteur qui paye après l'échéance et avant protêt le montant d'une lettre de change entre les mains de l'huissier qui la présente, doit à ce dernier ses frais et honoraires de préparation et de présentation. « Art. 173. - Les protêts faute d'acceptation ou de payement sont faits par un notaire ou par un huissier.

« Le protêt doit être fait au domicile ou au lieu où la lettre de change était payable.

« Au domicile des personnes indiquées par la lettre de change pour les payer au besoin :

« Au domicile du tiers qui a accepté par intervention.

«Le tout par un seul et même acte.

« En cas d'indications fausses ou insuffisantes, l'acte constate que le débiteur et les tiers indiqués pour payer au besoin n'ont pas été trouvés.

-

« Art. 174. Le protêt comprend trois par

ties:

«1° La souche sur laquelle sont inscrits les noms et demeure de l'huissier ou notaire, le montant de l'effet et la date de son échéance, la date du protêt, le nom et l'adresse de celui qui doit payer, le nom et l'adresse du porteur; «20 L'acte du protêt qui porte les mêmes indications et indique, en outre, la personne à qui on a parlé, sa réponse, la constatation de l'absence du débiteur ou du refus de payement ou d'acceptation, les droits et émoluments perçus. Le protêt doit être signé de l'huissier ou notaire. L'acte d'intervention y sera mentionné ;

30 Le bulletin d'avis du protêt indiquant le notaire ou l'huissier qui a dressé le protêt, le nom du tiré, le montant de l'effet à la date de son échéance, le nom du tireur et le nom et l'adresse du porteur.

« En cas d'absence du tiré, le bulletin d'avis du protêt est laissé au lieu où le protêt doit être fait. S'il n'est trouvé personne, l'acte de protêt le constate. »

§ 2. Les dispositions précédentes seront appliquées dans tous les cas où le code de commerce et les lois spéciales se réfèrent aux articles abrogés.

Art. 2. Les huissiers peuvent, par décret, être autorisés à confier, sous leur responsabilité, la rédaction des actes de protêt et l'accomplissement des formalités prescrites par la loi, en cette matière, à des clercs assermentés.

En cas de transport, l'indemnité sera calculée sur la distance du chef-lieu de canton à la commune où le protêt est dressé.

Si l'huissier est domicilié à une moindre distance, l'indemnité sera calculée sur cette

distance.

Art. 3. L'acte de protêt est inscrit à sa date, par ordre de numéros, sur un carnet à souche, délivré par l'administration de l'enregistrement et du timbre. Les feuillets des actes de protêts sont numérotés à la presse et timbrés au droit de 1 fr. 50, décimes compris.

Les souches sont conservées par les officiers publics ou ministériels et communiquées, à toute réquisition, aux préposés de l'enregistrement.

Chaque feuillet non représenté donne lieu à une amende de 10 fr.

Les protêts qui ne sont pas rédigés sur les formules prescrites sont considérés comme non timbres.

Les actes de protêt sont assujettis à un droit gradué de 0 fr. 50 pour 100 fr. ou fraction de 100 fr. du montant total des effets protestés, sans que ce droit puisse excéder 5 fr.

Art. 4. Un règlement d'administration publique déterminera le mode d'organisation des clercs assermentés, les émoluments des notaires et des huissiers, la forme et le prix des carnets, ainsi que toute autre mesure d'exécution de la présente loi.

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ANNEXE N° 11

PROPOSITION DE LOI sur les conseils de prud'hommes, présentée par M. Edouard Lockroy, député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

devaient en plus être patentés depuis un an.
Pour l'éligibilité, l'âge, qui était de trente ans,
fut réduit à vingt-cinq ans et la durée de la ré-
sidence fut fixée à un an. Le nombre des mem-
bres de chaque conseil des prud'hommes devait
toujours être pair et celui des ouvriers égal à
celui des patrons.

La loi de 1848 établissait, d'autre part, un
mode d'élection absolument nouveau. Sous le
régime de la législation précédente, tous les
prud'hommes étaient élus par les patrons et
les ouvriers votant ensemble dans une même

Messieurs, la juridiction des conseils de prud'-assemblée. hommes est justement populaire; elle répond aux aspirations et aux besoins de la démocratie moderne, en assurant aux ouvriers et aux patrons, pour les questions de travail, une justice expéditive et à bon marché.

Les services que rend cette utile institution pourraient être encore plus nombreux et plus importants si la législation qui la régit était empreinte du caractère de précision et d'unité qui lui fait actuellement défaut.

Les règles législatives qui déterminent les conditions d'organisation et de fonctionnement des conseils de prud'hommes sont, en effet, disséminées dans un grand nombre de lois, décrets et ordonnances rendus à des époques très éloignées l'une de l'autre et inspirés par des tendances souvent différentes.

Le premier conseil de prud'hommes a été institué à Lyon par un décret du 18 mars 1806, Ce décret, édicté particulièrement en vue de l'industrie lyonnaise, contenait cependant certaines règles générales qui devaient s'appliquer aux autres conseils que le Gouvernement jugerait utile de créer ultérieurement.

Aux termes de l'article 6 du décret précité, « le conseil de prud'hommes est institué pour terminer, par voie de conciliation, les petits différends qui s'élèvent journellement, soit entre des fabricants et des ouvriers, soit entre des chefs d'ateliers et des compagnons ou apprentis. >>

A côté de ce rôle conciliateur, le même décret du 18 mars 1806 confiait aux conseils de prud'hommes le droit de « juger jusqu'à la somme de 60 fr., sans forme ni frais de procédure et sans appel, les différends à l'égard desquels la voie de conciliation aurait été sans effet. » Il contenait, en outre, des dispositions spéciales relatives à la conservation des dessins et modèles de fabrique qui sont encore en vigueur actuellement, et proclamait la gratuité des fonctions de prud'hommes.

Le décret du 18 mars 1806 étant incomplet sur bien des points, les décrets du 11 juin 1809 et du 20 février 1810 réglèrent d'une façon générale la composition des conseils de prud'hommes, le mode et l'époque du renouvellement de leurs membres, leurs attributions, leur juridiction, le mode de nomination et d'installation des prud'hommes. Ces actes réglementèrent aussi le fonctionnement des conseils et la procédure à suivre devant eux. Le mode de nomination restait le même que celui déterminé par un règlement d'administration publique du 3 juillet 1806 rendu en exécution du décret du 18 mars de la mème année, aux termes duquel tout marchand, tout chef d'atelier, était appelé à concourir à l'élection en justifiant de la patente. Pour être éligible, il fallait être âgé de trente ans, patenté et compter six années d'exercice.

Aux termes de la loi du 27 mai 1818, les patrons et les ouvriers étaient convoqués séparément pour procéder par scrutin de liste, à la majorité relative, à la désignation, dans leurs catégories respectives, d'un nombre de candidats triple de celui des membres à nommer.

La liste des candidats ainsi désignés était publiée et affichée. Dans les huit jours qui suivaient cette publication, les patrons et les ouvriers étaient convoqués de nouveau pour procéder séparément et sur la liste de candidats dressée conformément à l'article 5, les patrons à l'élection des prud'hommes ouvriers, et les ouvriers à l'élection d'un même nombre de prud'hommes patrons. Cette élection était faite à la majorité absolue.

La loi de 1848 contenait une autre innovation destinée à modifier profondément la composition des conseils de prud'hommes.

Pour la formation des listes électorales et pour l'éligibilité, tous ceux qui, depuis plus d'un an, payaient la patente et occupaient un ou plusieurs ouvriers, étaient considérés comme patrons et votaient dans l'assemblée des patrons; les contremaîtres et chefs d'atelier votaient également dans l'assemblée des patrons.

Enfin, en ce qui concerne la présidence des conseils, elle était déférée alternativement, pour trois mois, par voie d'élection, à un patron et à un ouvrier. Les patrons élisaient le président ouvrier à la majorité absolue; les ouvriers à leur tour élisaient dans la même forme le président patron.

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et révoqués par le préfet, sur la proposition du président.

La plupart de ces dispositions rétrogrades subsistent encore aujourd'hui; car les lois qui ont été promulguées depuis 1853 n'ont porté que sur des questions secondaires. C'est ainsi, notamment, que la loi du 4 juin 1864 a institué pour les conseils de prud'hommes un régime disciplinaire auquel il n'y a eu lieu que très rarement de recourir.

La loi du 7 février 1880 est relative à la présidence des conseils de prud'hommes. En conférant à ces tribunaux le droit d'élire leur président, vice-président et secrétaire, cette loi a abrogé la disposition de la loi du 1er juin 1853 qui portait le plus l'empreinte du régime impérial.

Enfin, les lois du 23 février 1881, 24 novembre 1883 et 10 décembre 1885, ont trait à des questions spéciales. La première a réglé l'organisation des conseils de prud'hommes en Algérie et la seconde concerne l'inscription des associés secondaires sur les listes électorales, la dernière est destinée à assurer dans certains cas le fonctionnement des conseils.

Il résulte de cet exposé rapide que l'organisation des conseils de prud'hommes n'a jamais été établie jusqu'ici sur des bases fixes, en harmonie avec le but de cette institution.

De louables tentatives ont sans doute été faites en ce sens sous la seconde République, mais la loi du 27 mai 1848 qui ouvrait à ces tribunaux une ère libérale n'a jamais reçu le complément nécessaire qui, dans la pensée du législateur de cette époque, devait lui être ultérieurement donné.

La législation de 1853 a, au contraire, violemment réagi contre l'œuvre entreprise par la République.

Les inconvénients qui résultent du défaut de précision de la loi, de ses lacunes, de l'opposition de quelques-unes de ses dispositions essentielles avec les principes politiques et écomiques de notre époque, se font chaque jour plus vivement sentir. La revision de cette législation s'impose donc comme une nécessité urgente. Elle est réclamée par les conseils de prud'hommes eux-mêmes, et elle est attendue avec impatience par les justiciables patrons et ouvriers.

Une loi du 6 juin 1848 vint établir les règles
spéciales relatives au mode d'élection et à la
composition des conseils de prud'hommes
dans les localités où les conditions générales
de la fabrication mettaient en présence trois
intérêts distincts. Dans ces localités, les con-
seils de prud'hommes devaient être divisés en
hommes ouvriers et de prud'hommes mar-
deux chambres composées l'une de prud'-
chands fabricants. A cet effet, trois assemblées
électorales devaient être formées: la première
composée de marchands fabricants; la se-
conde de chefs d'atelier; la troisième d'ou-
vriers. Etaient considérés comme chefs d'ate-
lier les travailleurs qui étaient à la fois sala-
riés et salariants. Chacune des trois assem-
blées ainsi composées devait former une liste
de candidats. Sur ces listes, les chefs d'atelier
devaient choisir les prud'hommes ouvriers et
marchands fabricants. Cette loi présentait des
difficultés d'application telles qu'elle n'a jamais
pu être exécutée; elle n'eût, d'ailleurs, comme
la loi du 27 mai 1848, qu'un caractère provi-dustries à l'élection des conseils.
soire.

Le projet de loi actuel a pour objet de donner satisfaction à ces vœux légitimes, en mettant les conseils de prud'hommes légalement à même de produire tout le bien que l'on est en droit d'attendre de leur fonctionnement dans des conditions régulières et normales.

Le Gouvernement de la République procéda à une enquête très complète à la suite de

10 aux attributions, à l'institution et à l'organiCe projet comprend sept titres consacrés : sation des conseils de prud'hommes; 2° à la procédure devant ces conseils; 3° à la discipline; 4° à des dispositions générales; 5° aux dépenses desdits conseils; 6° aux conseils de prud'hommes d'Algérie, et enfin 79 aux dispositions transitoires.

d'appeler le plus grand nombre d'industries La pensée dominante de la loi nouvelle est possible à bénéficier de la juridiction des prud'hommes et de faire participer tous les patrons et tous les ouvriers appartenant à ces in

Le projet pose donc en principe que ces conseils de prud'hommes sont institués pour terminer par la voie de la conciliation tous les

Mais un élément nouveau était introduit dans laquelle un projet de loi devait être dépose différends, quels qu'ils soient, qui peuvent, à

la composition des conseils. Alors que le décret de 1806 n'avait appelé aux élections et admis dans les conseils que les marchands, fabricants et chefs d'atelier, le décret de 1809 y appela les contremaitres, les teinturiers et ouvriers patentés, et leur donna entrée au Conseil. C'était un premier pas vers l'égalité absolue des deux éléments qui doivent composer et composent aujourd'hui les conseils de prud'homines. Sans doute les ouvriers pouvaient y figurer désormais, mais seulement ceux qui étaient patentés. En outre, afin d'assurer la prépondérance aux patrons dans les conseils, leur nombre devait toujours y être supérieur à celui des ouvriers.

C'est sous ce régime que les conseils de prud'homines fonctionnèrent jusqu'en 1848.

Une loi du 27 mai apporta alors des modifications profondes dans leur organisation. La composition des conseils et le mode d'élection furent entièrement changés. La patente précédemment demandée aux ouvriers pour être électeurs ne fut plus exigée. Il leur suffit d'avoir vingt et un ans et six mois de domicile dans la circonscription. Quant aux patrons, ils

pour codifier d'une façon rationnelle la législa-
tion sur les conseils de prud'hommes, mais le
coup d'Etat du 2 décembre empêcha ce travail
d'aboutir.

L'empire, prenant prétexte des difficultés
pratiques que pouvait soulever l'application de
la loi de 1848, supprima, par la loi du 1er juin
1853, la plupart des dispositions libérales, qui
avaient été introduites par le Gouvernement
républicain dans la législation des prud hom-

mes. L'ancien système électoral fut rétabli.
Pour être électeur, les patrons devaient être
âgés de vingt-cinq ans accomplis, patentés de-
puis cinq ans au moins et domiciliés depuis
trois ans dans la circonscription du conseil;
les cheis d'ateliers, contre maitres et ouvriers
devaient également être âgés de vingt-cinq ans
accomplis, exercer leur industrie depuis cinq
ans au moins et être domiciliés depuis trois
ans dans la circonscription du conseil. L'éligi-
bilité était reportée à trente ans. Les contre-
maîtres et chefs d'ateliers étaient de nouveau
classés parmi les électeurs ouvriers. Enfin les
présidents et vice-présidents étaient nommés
par l'empereur et pouvaient être pris en dehors
des éligibles. Les secrétaires étaient nommés

l'occasion du contrat de louage, s'élever entre les patrons et les ouvriers qu'ils emploient. Cette formule générale permettra aux conseils de prud'hommes de connaître de toutes les contestations nées du travail.

Il est spécifié que la juridiction de ces tribunaux pourra s'étendre à toutes les industries où un salarié exerçant une profession manuelle se trouve en présence d'un salariant. De cette façon, il sera désormais possible de faire ressortir aux conseils de prud'hommes certaines industries ou professions qui jusqu'à ce jour ne pouvaient bénéficier de cette juridiction spéciale, notamment l'industrie des mines.

C'est également dans le but de faciliter la création de ces tribunaux éminemment démocratiques que nous avons introduit dans l'article 2 une disposition aux termes de laquelle la création d'un conseil de prud'hommes serait de droit, lorsque le conseil municipal de la ville où il doit être établi, le ou les conseils d'arrondissement et le conseil général en feraient la demande, pourvu que cette demande soit accompagnée d'un avis favorable des conseils municipaux des autres communes qui devront

être comprises dans la circonscription dudit conseil.

Cette restriction était rendue nécessaire par les termes de l'article 136, paragraphe 15, de la loi municipale, qui stipule que toutes les communes comprises dans la circonscription d'un conseil de prud'hommes participent aux dépenses de ce conseil, proportionnellement au nombre des électeurs patrons et ouvriers inscrits dans chacune d'elles. Il ne serait pas équitable que le vœu d'une seule de ces communes pût, de plein droit et contre le gré des autres, grever le budget de toutes d'une dépense plus ou moins considérable.

Il n'a pas paru pratique de supprimer les catégories et d'admettre que les conseils de prud'hommes étendraient indistinctement leur juridiction à toutes les industries existant dans les localités de leur ressort, et que, par conséquent, leurs membres pourraient appartenir à l'une quelconque de ces industries. Si l'on procédait ainsi, on supprimerait, dans bien des cas, les garanties de compétence que présentent actuelfement, dans la plus large mesure possible, les conseils de prud'hommes. Dans presque tous les centres industriels, il existe une industrie dominante dont l'importance exclurait les autres professions. En maintenant des catégories proportionnelles à l'importance de chaque industrie, et en les composant de manière à représenter le plus grand nombre possible d'industries, chaque profession est certaine de rencontrer parmi les prud'hommes des juges compétents et impartiaux.

Le projet maintient donc les catégories et laisse au règlement d'administration publique qui organisera chaque conseil de prud'homines le soin de déterminer le nombre des catégories dans lesquelles seront réparties les industries, ainsi que le nombre des prud'hommes affectés à chaque catégorie.

Les membres des conseils de prud'hommes ont toujours été des juges élus, mais les conditions à remplir pour être électeur et éligible

ont varié.

A l'origine, les marchands fabricants et les chefs d'ateliers seuls étaient inscrits sur les listes électorales. Plus tard, en 1809, on y admit les ouvriers patentés. En 1848, le droit électoral fut complètement élargi, et on établit en réalité pour les prud'hommes le suffrage universel; mais on créa en même temps un système d'élections successives difficile à appliquer. La loi du 1er juin 1853, qui régit actuellement les prud'hommes sur ce point, restreignit le droit électoral par des conditions successives d'âge et de durée de séjour.

Le principe du suffrage universel nous a paru devoir servir de base au système électoral des prud'hommes. Aussi le projet contientil une disposition aux termes de laquelle seraient désormais, sous la seule condition de figurer sur les listes électorales municipales, électeurs ouvriers, les ouvriers contremaîtres ou chefs d'ateliers; et, électeurs patrons, les patrons occupant pour leur compte un ou plusieurs ouvriers et ceux qui gèrent ou dirigent, pour le compte d'autrui, une fabrique, une manufacture ou un atelier. On serait donc électeur à vingt et un ans, et, comme conséquence de cette disposition, l'âge de l'éligibilité se trouverait abaissé à vingt-cinq ans au lieu de trente. Les contremaitres et chefs d'ateliers continueraient toutefois à être inscrits sur la liste des électeurs ouvriers. Ces électeurs dirigent sans doute en fait un nombre plus ou moins grand d'ouvriers; mais ils ne possèdent pas à leur égard tous les caractères du patron. D'abord, ils ne font pas travailler pour leur compte et ils représenteraient comme patrons des intérêts qui ne sont pas directement les leurs. En outre, leur position n'est que temporaire, ils peuvent redevenir ouvriers, et, s'ils étaient compris parmi les patrons pour l'électorat et l'éligibilité, ils pourraient rentrer parmi les ouvriers pendant le cours de leurs fonctions de prud'hommes patrons.

Les ouvriers et les patrons inscrits sur les listes éliront directement, dans deux assemblées distinctes, les membres qui devront représenter leurs intérêts professionnels dans le sein du conseil.

Ce mode d'élection paraît préférable, soit au système qui consisterait à faire procéder à l'élection de tous les prud'hommes dans une assemblée générale composée à la fois des patrons et des ouvriers, soit au système pratiqué en 1948 et qui faisait élire les patrons par les ouvriers sur une liste de candidats dr-ssée par les patrons et réciproquement.

Dans le premier cas, en effet, n'est-il pas à craindre que l'un des deux éléments devant composer le conseil soit complétement annihilé par l'autre? Quant au mode électoral de 1848 l'expérience l'a absolument condamné. Cet enchevêtrement d'élections préparatoires et d'élections définitives a occasionné de fréquents embarras dans la pratique. Pour les hommes dont le travail est généralement rémunérés d'après le temps qui y est employé, l'obligation de s'assembler plusieurs fois, à des jours différents, finit par devenir une cause de négligence. Les électeurs ne se présentent plus au scrutin, et on rencontre de grandes difficultés pour constituer les conseils.

Le mode électoral actuel serait donc maintenu dans les conditions qui viennent d'être indiquées.

En ce qui concerne le corps électoral des conseils de prud'hommes particuliers aux mineurs qui doivent fonctionner dans des conditions spéciales, nous avons reproduit en partie les dispositions de l'article 3 de la loi votée par la Chambre des députés et actuellement soumise aux délibérations du Sénat.

En conséquence, chaque année, dans les quinze jours qui suivront la revision des listes électorales municipales, le maire de chaque commune du ressort d'un conseil de prud'hommes, assisté d'un électeur ouvrier et d'un électeur patron, inscrira, sur deux tableaux différents, le nom et la profession des électeurs ouvriers et des électeurs patrons. Ces tableaux seront transmis au préfet, qui dressera et arrêtera la liste de chaque catégorie d'électeurs.

Le renouvellement des membres des conseils de prud'hommes aura lieu, par moitié, tous les trois ans. Il devra porter sur la moitié des membres compris dans chaque catégorie du conseil et désignés par le sort. Actuellement le tirage au sort des membres composant chaque série sortante a lieu en bloc sur la totalité des membres du conseil. En changeant ce mode de tirage, toutes les industries justiciables des prud'hommes seront appelées, tous les trois ans, à se prononcer, par l'élection sur la composition du conseil chargé de statuer sur leurs différends et qui se ressentira ainsi plus complètement des modifications qui ont pu se produire, soit dans les industries, soit parmi les électeurs.

Aux termes de l'article 8 du projet de loi, les bureaux électoraux seront présidés par le juge de paix et par son suppléant. La composition du bureau électoral devant présenter les plus grandes garanties d'impartialité, il est préférable de désigner dans la loi elle-même le magistrat qui devra présider ce bureau plutôt que de laisser à l'autorité administrative la faculté de choisir ce président.

L'article 13 décide 1o que les règles relatives aux opérations électorales seront les mêmes que celles qui sont édictées pour les élections municipales; 2o que les règles concernant l'introduction, l'instruction et le jugement des réclamations auxquelles donnent lieu la confection des listes ou les élections aux conseils de prud'hommes, sont les mêmes qu'en matière d'élection pour les tribunaux de commerce. Les contestations concernant la confection des listes serort soumises aux juges de paix, qui sont les juges ordinaires en cette matière. Les protestations contre les élections seront soumises à la cour d'appel. Rattacher ainsi les conseils de prud'hommes à l'organisation judiciaire générale, c'est affirmer le caractère même de leur juridiction. Les contestations en cette matière sont d'ailleurs jugées sommairement et sans frais. L'intervention des conseils de préfecture et du conseil d'Etat eût entraîné une solution moins rapide.

L'article 14 stipule que le préfet devra procéder à l'installation des prud'hommes élus dans les quinze jours qui suivent l'élection. Cette installation devra avoir lieu, que l'élection soit contestée ou non. Les prud'hommes, en effet, étant des juges élus, leur installation par un représentant du Gouvernement n'est pas la consécration de leur qualité de prud'hommes, qu'ils tiennent uniquement des suffrages qu'ils ont obtenus; c'est la simple constatation du fait de leur élection. C'est pour cette raison que le projet ne maintient pas la formalité de la prestation du serment établie par l'article 20 du décret de 1809. Cette formalité n'est pas indispensable pour assurer l'intégrité et l'impartialité des prud'hommes, qui, s'ils manquent à leurs devoirs, tombent, comme juges, sous l'application des peines édictées par nos lois.

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D'un autre côté, certains prud'hommes ont refusé de prêter le serment exigé, et ce fait les a empêchés de siéger, bien que très régulièrement élus.

La situation dans laquelle se sont trouvés plusieurs conseils de prud'hommes par suite de la démission en masse d'un certain nombre de leurs membres a attiré tout particulièrement notre attention. Ces conseils ne peuvent plus fouctionner et le cours de la justice se trouve ainsi interrompu quelquefois pendant un temps très long. Sous l'empire de la législation actuelie le Gouvernement ne peut porter remède à une semblable situation que par la suppression du conseil. Mais cette mesure extrême aurait pour résultat de priver de la juridiction si avantageuse des prud'hommes non seulement les patrons et les ouvriers dont les représentants par leur démission systématique et réitérée entravent le cours de la justice, mais aussi ceux qui ne se sont en aucune façon mêlés à ces manifestations coupables.

En vue d'assurer, même dans ces circonstances, le fonctionnement de la justice industrielle, l'article 16 stipule que, s'il y a lieu de procéder à des élections complémentaires, soit parce que les premières élections n'ont pas donné de résultats suffisants pour la constitution ou le complément du conseil, soit parce qu'un ou plusieurs prud'hommes élus ont refusé de se faire installer, ont donné leur démission ou ont été déclarés démissionnaires par application de l'article 41, et si l'un de ces divers faits vient à se reproduire, il n'est pourvu aux vacances qui peuvent en résulter que lors du prochain renouvellement triennal et le conseil fonctionne, quelle que soit la qualité des membres régulièrement élus ou en exercice, pourvu que leur nombre soit au moins égal à la moitié du nombre total des membres dont il est composé.

Le même article ajoute que cette disposition est applicable au cas où une ou plusieurs élections ont été annulées pour causè d'inéligibilité des élus.

Il ne paraît pas nécessaire d'insister longuement pour justifier les dispositions contenues dans l'article 16. Elles sont, en effet, inspirées par les dispositions d'un article de la loi sur les prud'hommes mineurs qui a été récemment votée par la Chambre des députés à une majorité considérable, afin de ne point permettre, soit à des patrons, soit à des ouvriers, de faire échec à la loi et de suspendre le cours de la justice, dans le simple intérêt de leurs animosités personnelles.

Les articles 17, 18 et 19, qui ont trait à la nomination des membres du bureau, reproduisent les dispositions de la loi de 1880. Les protestations contre les élections aux conseils de prud'hommes devant être jugées, aux termes de l'article 13, par les cours d'appel, nous avons pensé qu'il était nécessaire d'indiquer que les contestations relatives à la nomination des membres du bureau relèveraient de la même juridiction.

L'article 22 innove en ce qui concerne la composition du bureau de jugement. Ce bureau se compose actuellement au moins de deux membres patrons et de deux membres ouvriers sous la présidence du président ou du vice-président du conseil, ce qui porte à un chiffre impair le nombre des membres qui y siègent. L'article 22 établit, pour le bureau de jugement comme pour le bureau de conciliation, l'équilibre entre l'élément patron et l'élément ouvrier. Dorénavant, le président serait compris dans les quatre membres qui composeront le bureau. Mais il conserverait voix prépondérante en cas de partage, afin qu'une majorité puisse s'établir pour le prononcé du jugement. On n'a pas pensé qu'il fût nécessaire de régler dans la loi le roulément, pour la présidence du bureau de jugement, entre l'élément patron et l'élément ouvrier. C'est un point qui sera déterminé par le règlement intérieur des conseils.

Les modifications introduites dans la procédure ont été principalement inspirées par le désir de faciliter la prompte expédition des affaires et de réduire les frais qu'elles peuvent occasionner.

C'est dans cet ordre d'idées que les articles 25 et 29 permettent aux parties, en cas d'absence ou de maladie, de se faire représenter non seulement par un parent, comme cela existe actuellement, mais aussi par une personne exerçant la même industrie, patron ou ouvrier comme le mandant, et munie d'une procuration spéciale.

Dans l'article 25, nous avons également cru

utile de spécifier, afin qu'il n'y ait plus de doute à cet égard, que les parties ne pourraient se faire assister ni par un avocat ni par un avoué, dont l'intervention ne nous paraît pas de nature à simplifier la procédure et à faciliter la solution amiable des différends.

salaire qui est leur propriété, puisqu'ils l'ont gagné par leur travail.

Afin de diminuer autant que possible les frais auxquels donnent lieu les contestations devant les prud'hommes, l'article 28 décide que désormais les parties seraient convoquées Les articles 31 et 32 règlent l'appel des juge-devant le bureau de jugement par une simple ments des conseils de prud'hommes. Ils por- lettre recommandée émanant du secrétaire du tent que cet appel aura lieu devant l'assem- conseil. Cette lettre remplacerait la citation blée générale du conseil, en stipulant que cette par huissier. assemblée devra comprendre un nombre égal de patrons et d'ouvriers; qu'elle sera composée de la moitié au moins des membres du conseil et que ceux d'entre eux qui auront pris part au premier jugement ne pourront y assister.

Actuellement, l'appel des jugements des conseils de prud'hommes est porté devant les tribunaux de commerce où l'élément patron est seul représenté, alors que les décisions prises en première instance sont rendues par un nombre égal de patrons et d'ouvriers. Il y a là une anomalie flagrante qu'il est urgent de faire disparaître.

Dans ce but, une proposition de loi, due à l'initiative parlementaire, vient d'être déposée

Quant aux taxes allouées aux secrétaires, elles ne paraissent pas réductibles. Le traitement des secrétaires est très faible en général et les quelques profits qu'ils peuvent réaliser en dehors de ce traitement ne sont qu'une rémunération bien méritée des services qu'ils rendent journellement.

Le titre III, relatif à la discipline de conseils de prud'hommes, reproduit presque littéralement les dispositions de la loi de 1864. On y a, toutefois, ajouté une disposition destinée à donner une sanction spéciale aux prescriptions, de l'article 16 concernant les démissions collectives, le refus de se faire installer et, en général, tout concert intervenu pour entraver le sur le bureau de la Chambre. D'accord avec fonctionnement régulier du conseil. Aux terson auteur sur la nécessité de modifier l'état de mes de l'article 47, tout prud'homme qui refuchoses actuel, nous n'avons pu nous rallier au serait de se faire installer, donnerait sa démission ou serait déclaré démissionnaire, ne poursystème qu'il proposait, lequel nous a paru trop coûteux et peu pratique. rait être réélu dans le délai de trois ans, à D'après ce système, des conseils d'appel pour-partir, soit du jour fixé pour l'installation, soit raient être institués dans chaque département; du jour de sa démission. ils seraient composés de membres choisis parmi les prud'hommes du ressort en exercice; les électeurs patrons éliraient un nombre égal de prud'hommes d'appel, patrons et ouvriers, et les électeurs ouvriers, un nombre égal de prud'hommes d'appel, ouvriers et patrons.

La nomination de ces prud'hommes d'appel nécessiterait une nouvelle série d'élections, et nous avons vu plus haut combien la fréquence des scrutins est une cause de négligence pour les électeurs. Cette juridiction d'appel n'étant pas, d'après la proposition déposée, obligatoire dans tous les départements, il y aurait inégalité de situation entre les justiciables, selon qu'ils seraient jugés en première instance, dans un département qui possèderait ou ne possèderait pas un tribunal d'appel. Une pareille inégalité serait en contradiction avec les principes mêmes de notre droit public, et ne peut être admise. En outre, le fonctionnement de ces tribunaux entraînerait pour les prud'hommes qui en feraient partie et dont la résidence serait parfois éloignée du siège du conseil d'appel, des frais de voyage et de séjour le plus souvent très onéreux, surtout pour les ouvriers. Cette institution imposerait, en outre, aux villes où elle serait créée des dépenses d'établissement peu en rapport avec le nombre des affaires qui seraient soumises à chaque conseil. Il ne faut pas oublier, en effet, et c'est d'ailleurs l'un des plus précieux avantages de la juridiction des prud'hommes, que la plus grande partie des affaires venant devant eux se terminent en conciliation. Parmi celles qui vont jusqu'au bureau de jugement, beaucoup ne sont pas susceptibles d'appel. Aussi, le nombre des affaires dépassant le premier ressort est-il très restreint. La statistique publiée par les soins du ministère de la justice nous apprend que, durant l'année 1883, 218 jugements de prud'hommes ont été portés en appel; il y en a eu 207 en 1882. Or, il existe actuellement 136 conseils de prud'hommes: c'est environ une moyenne de deux affaires pour chacun d'eux.

Ce nombre diminuera encore si vous élevez, ainsi que nous avons l'honneur de vous le proposer, de 200 fr. à 500 fr. le chiffre au-dessous duquel les jugements des conseils de prud'hommes sont définitifs et sans appel.

Le mode de procéder que nous vous proposons nous paraît avoir l'avantage d'être plus simple et de compléter heureusement la juridiction des prud'hommes sans en changer le caractère et sans créer un nouveau rouage judiciaire dont le fonctionnement présenterait, on l'a vu, de sérieux inconvénients pratiques.

Les articles 33 et 31 permettent aux femmes et aux enfants mineurs de concilier, demander et défendre devant les conseils de prud'hommes. Cette mesure est réclamée depuis longtemps par presque tous les conseils de prudhommes; elle se justifie facilement. Il ne faut pas, en effet, que l'absence ou le mauvais voufoir d'un mari 'ou d'un père puisse avoir pour résultat de priver la femme ou l'enfant d'un

Dans le titre IV, on a compris sous la rubrique « Dispositions générales », les articles relatifs à la rédaction, par le conseil, d'un règlement intérieur, aux assemblées générales, aux insignes, aux frais. Ces articles sont destinés à donner le caractère légal à certaines dispositions dont l'utilité est incontestable pour le bon

fonctionnement des conseils.

Le titre V contient les dispositions relatives aux dépenses des conseils de prud'hommes. Actuellement, le caractère de ces dépenses est déterminé par les articles 68, 69 et 70 du décret du 11 juin 1809, dont les termes un peu vagues peuvent donner lieu à des contestations de la part des communes intéressées. Nous n'avons, d'ailleurs, indiqué comme dépenses obligatoires que celles absolument indispensables au fonctionnement des conseils, laissant aux conseils municipaux le soin de voter, s'ils le jugent convenable, des jetons de présence pour les membres et un traitement pour le secrétaire.

tion des conseils de prud'hommes en Algérie. Le titre VI a pour objet de régler l'organisaLes articles qui le composent sont la reproduction de la loi du 23 février 1881, sauf en ce qui concerne les conditions d'électorat et d'éligibilité pour lesquelles la loi nouvelle fait application des règles contenues dans l'article 5 du projet, c'est-à-dire que tout Français ou tout musulman, électeur municipal, sera inscrit, à partir de vingt et un ans, sur les listes électorales des conseils de prud'hommes, et eligible en qualité de membre de ces tribunaux à partir de vingt-cinq ans.

Une disposition spéciale traite, en outre, la question des interprètes près des conseils d'Algérie.

Dans son ensemble, le projet que nous avons l'honneur de vous soumettre paraît réaliser plusieurs progrès sérieux sur la législation actuelle. D'autre part, il étend la juridiction des conseils de prud'hommes à tout différend résultant de l'exécution d'un contrat de louage, de travail industriel: d'autre part, il assimile, dans la mesure du possible, les élections des conseils de prud'hommes aux élections municipales. Dans un autre ordre d'idées, le projet assure mieux que par le passé le fonctionnement régulier des conseils de prud'hommes, puisqu'il affranchit ces tribunaux des entraves que le mauvais vouloir de quelques-uns des juges pouvait apporter à l'exercice de la justice. 11 complète en outre cette institution par l'organisation de la juridiction d'appel.

Les nouveaux conseils auront à la fois plus d'autorité et en même temps plus d'indépendance que les anciens; aussi doit-on concevoir l'espérance que la juridiction des prud'hommes ainsi réorganisée contribuera puissamment à rétablir l'accord si nécessaire dans les rapports des patrons avec ouvriers.

Nous avons la confiance que vous voudrez bien sanctionner ce projet qui constituera, pour ainsi dire, le code des conseils de prud'hom

mes.

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Ils exercent en outre les attributions qui leur sont confiées par des lois spéciales. Art. 2. - Les conseils de prud'hommes sont établis par décrets rendus en la forme des rẻglements d'administration publique, après avis des chambres de commerce ou des chambres consultatives des arts et manufactures dans les villes où l'importance de l'industrie en démontre la nécessité.

La création d'un conseil de prud'hommes est de droit lorsqu'elle est demandée par le conseil municipal de la ville où il doit être établi, le ou les conseils d'arrondissement du ressort indiqué, le conseil du département, avee avis favorable des conseils municipaux de toutes les communes qui seraient comprises dans sa circonscription.

Art. 3. Le décret d'institution détermine le ressort du conseil, les industries soumises à sa juridiction, le nombre des catégories dans lesquelles sont réparties ces industries et le nombre des prud'hommes affectés à chaque catégorie, sans que le nombre total des membres du conseil puisse être impair ou inférieur à douze.

Art. 4.

Les membres des conseils de prud'hommes sont élus pour six ans. Ils sont renouvelés par moitié tous les trois ans. Néanmoins ils conservent leurs fonctions jusqu'à la nomination de leurs successeurs.

Art. 5. Sont, à condition d'être inscrits sur les listes électorales municipales et d'exercer une profession justiciable du conseil :

Electeurs ouvriers les ouvriers, contremaîtres et chefs d'atelier;

Electeurs patrons les patrons occupant pour leur compte un ou plusieurs ouvriers, les associés en nom collectif et ceux qui gèrent ou dirigent, pour le compte d'autrui une fabrique, une manufacture ou un atelier.

En ce qui concerne les conseils de prud'hommes mineurs ou la catégorie spéciale à l'industrie dos mines dans un conseil dont la compétence s'étend à d'autres industries, sont à condition d'être inscrits sur les listes électorales municipales:

Electeurs ouvriers: les mineurs et les ouvriers attachés à l'exploitation d'une mine;

Electeurs patrons : les concessionnaires ou exploitants directeurs, membres des conseils d'administration, ingénieurs des travaux et chefs de services, chefs miueurs, chefs d'ateliers et surveillants des mines situées dans la circonscription du conseil. Art. 6. Sont éligibles les électeurs âgés de vingt-cinq ans et sachant lire et écrire. Art. 7. Les conseils de prud'hommes sont composés d'un nombre égal pour chaque catégorie d'ouvriers et de patrons.

Il doit y avoir au moins deux prud'hommes patrons et deux prud'hommes ouvriers dans chaque catégorie.

Art. 8.

Les prud'hommes ouvriers sont élus par les électeurs ouvriers, les prud'hommes patrons par les électeurs patrons réunis dans deux assemblées distinctes présidées chacune par le juge de paix ou son suppléant.

Dans le cas où, pour la commodité du vote, il est établi plusieurs bureaux de scrutin, le préfet peut désigner dans son arrêté un maire ou un adjoint pour présider l'un ou plusieurs de ces bureaux.

Art. 9. Les élections ont lieu au scrutin de liste et par catégories.

Au premier tour de scrutin, la majorité absolue des suffrages exprimés est nécessaire; la majorité relative suffit au deuxième tour.

En cas d'égalité de suffrages au second tour, le candidat le plus âgé est proclamé élu.

Art. 12. Chaque année, dans les quinze jours qui suivent la revision des listes électorales municipales, le maire de chaque commune du ressort, assisté d'un électeur ouvrier et d'un électeur patron, inscrit sur deux tableaux dif

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