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provision, comme ordonnance de référé, nonobstant appel et sans y préjudicier ».

Le sieur Chériot appelle de ce Jugement et de celui du 15 nivose an 11.

Sur cet appel, les sieurs Lecouteulx soutiennent en première ligne, par leurs écritures signifiées, que la sentence arbitrale est entachée de ullités qui devraient, eût-elle été rendue en France, la faire déclarer comme non-avenue, et que le consul de France à New Yorck était incompétent pour l'homologuer; et ce n'est que subsidiairement qu'ils invoquent l'art. 121 de l'ordonnance de 1629.

Mais à l'audience, ils se restreignent à leur moyen subsidiaire, tel qu'il a été, disent-ils, accueilli par le jugement du 20 août 1806; et ils concluent à ce qu'en adoptant purement et simplement les motifs des premiers juges, il plaise à la cour d'appel confirmer ce Jugement et celui du 16 nivose an 11. Le 27 juillet 1807, arrêt qui pose en ces termes les questions à juger :

« 10 Une décision arbitrale rendue en pays étranger, par des arbitres étrangers, en faveur d'un étranger contre un Français, estelle ou non exécutoire en France?

» 2o L'homologation de cette décision pou. vait-elle être prononcée par le consul français en pays étranger; et cette homologation donne t elle à cette décision un caractère suffisant pour la rendre executoire en France?

» 30 Le Français doit-il être admis à débattre ses droits comme entiers devant les juges français, avant qu'il soit passé à aucune exécution contre lui »> ?

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Et après avoir posé des questions ultérieures sur lesquelles l'arrêt ne s'explique pas, « la cour, faisant droit sur l'appel des Jugemens rendus les 15 nivóse an 11 et 20 » août dernier ; adoptant les motifs des pre» miers juges, met l'appellation au néant, or» donne que ce dont est appel, sortira son » plein et entier effet ».

Recours en cassation contre cet arrêt, de la part du sieur Chériot.

«Deux moyens de cassation (ai-je dit à l'audience de la section des requêtes, le 15 juillet 1812) vous sont proposés par le demandeur : fausse application de l'art. 121 de l'ordonnance de 1629, et contravention à l'autorité de la chose jugée.

» Le demandeur fonde le premier de ces moyens sur un point de fait et sur un point

de droit.

» Et d'abord, vous dit-il, dans le fait, il n'est pas constaté que les arbitres nommés par le compromis du 24 novembre 1801,

soient étrangers. Leurs noms attestent qu'ils sont nés français; et s'ils sont nés français, l'art. 17 du Code civil veut qu'il soient présumés l'être encore, nonobstant l'établissement de commerce qu'ils ont à New-Yorck. On ne peut donc pas regarder le Jugement arbitral du 8 mars 1802, comme rendu par des juges étrangers contre des Français. L'art. 121 de l'ordonnance de 1629 ne s'applique donc pas à ce Jugement.

» Mais c'est comme étrangers que sont désignés, dans l'arrêt attaqué, les arbitres dont il s'agit; et nous ne voyons nulle part que, soit en première instance, soit en cause d'appel, le demandeur ait prétendu que ces ar bitres fussent Français. C'est donc comme étrangers que nous devons les considérer ici. Soutenir devant vous que l'arrêt attaqué leur en suppose gratuitement la qualité, c'est entreprendre de vous faire juger une question qui n'est pas de votre ressort.

» En second lieu, vous dit le demandeur, la disposition de l'art. 121 de l'ordonnance de 1629 est, dans le droit, inapplicable au Jugement arbitral du 8 mars 1802, 1o précisément parceque c'est un Jugement arbitral; 2o parcequ'il a été homologué par un Jugement du consul de France à New-Yorck, du 6 germinal an 10; 3o parceque l'exécution en a été permise à Paris par une ordonnance du president du tribunal de première instance du département de la Seine, du 7 fructidor de la même année.

>> De ces trois raisons, nous commencerons par écarter, quant à présent, la seconde et la troisième.

» En effet, si le Jugement arbitral du 8 mars 1802 était radicalement nul, la nullité président du tribunal de première instance n'en serait couverte, ni par l'ordonnance du du département de la Seine, du 7 fructidor an 10, ni par le Jugement d'homologation du consul de France à New-Yorck, du 6 germinal précédent.

» Elle ne le serait point par l'ordonnance du président du tribunal de la Seine, et la raison en est évidente : c'est que cette ordonnance n'a fait que déclarer exécutoire le Jugement arbitral du 8 mars 1802, et qu'elle a été frappée d'opposition par M. Lecouteulx de Canteleu; c'est qu'aux termes de l'art. 1028 du Code de procédure civile, lequel n'a fait, à cet égard, qu'ériger en loi votre jurisprudence, la nullité d'un acte indûment qualifié Jugement arbitral, peut être demandée incidemment à l'oppositiou formée à l'ordonnance d'exécution devant le tribunal du

président duquel est émanée cette ordon

nance.

» Elle ne l'est point par le Jugement d'homologation du consul de France à NewYorck, parcequ'il est décidé souverainement, par l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes, du 6 frimaire an 14, que ce Jugement ne peut pas être considéré comme un véritable Jugement

susceptible d'étre immédiatement réformé par la voie de l'appel, et que cette voie peut d'autant moins être prise pour le faire réformer, qu'il est question, entre les parties, de savoir si l'on peut appliquer à la cause les dispositions de l'ordonnance de 1629; ce qui signifie clairement que, si les dispositions de l'ordonnance de 1629 sont applicables à la

cause,

ce Jugement n'en peut pas empêcher l'application; ce, qui signifie clairement que, dans cette hypothèse, ce Jugement ne doit être considéré que comme l'ordonnance d'exequatur dont il est parlé dans l'art. 1028 du Code de procédure civile; ce qui signifie clairement enfin que ce Jugement doit tomber de lui-même, s'il est décidé en definitive que l'art. 121 de l'ordonnance de 1629 s'applique au jugement arbitral du 8 mars 1802.

» Et qu'on ne dise pas que M. Lecouteulx de Canteleu n'a pas formé opposition à ce Jugement; qu'on ne dise pas que, dès-lors ce Jugement subsiste dans toute sa force.

» Comment M. Lecouteulx de Canteleu aurait-il pu former opposition à ce Jugement? Ce Jugement avait été rendu contradictoirement avec lui; et l'on sait assez que l'opposi tion ne peut jamais atteindre un Jugement contradictoire. M. Lecouteulx de Canteleu n'avait donc, pour faire réformer ce Jugement, que la voie de l'appel. Eh bien ! Cette voie, il l'a prise ; et la cour d'appel de Rennes a jugé qu'il ne pouvait pas la prendre; elle l'a jugé, sachant très-bien, puisqu'elle avait sous les yeux le Jugement d'homologation du 6 germinal an 10, que ce Jugement n'avait pas été rendu sur la seule requête du sieur Chériot; elle l'a par conséquent jugé, sachant très-bien que ce Jugement n'était point passible d'op. position; et par une conséquence ultérieure, elle n'a pu le juger, que parcequ'il était dans son opinion, que pour faire tomber ce Juge ment, il suffirait de prouver qu'il rentre dans les dispositions de l'art. 121 de l'ordonnance de 1629.

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entre les parties; il demeure donc irrévocablement décidé entre les parties, que, si la nullité du Jugement arbitral du 8 mars 1802 est prononcée par l'art. 121 de l'ordonnance de 1629, cette nullité n'est pas couverte par le Jugement d'homologation du 6 germinal

an 10.

donnance de 1629 est applicable au Jugement

» Mais il reste à savoir si l'art. 121 de l'or

arbitral du 8 mars 1802; et sur cette question, il vous paraîtra peut-être difficile de partager l'opinion du tribunal de première instance et de la cour d'appel de Paris.

» Que porte l'art. 121 de l'ordonnance de 1629? Les Jugemens rendus, contrats ou obligations reçues ès royaumes et souverainetés étrangères, pour quelque cause que ce soit, n'auront aucune hypothèque ni exécution en notre royaume; ains tiendront les contrats lieu de simples promesses; et, nonobstant les Jugemens, nos sujets contre lesquels ils ont été rendus, pourront, de nouveau, débattre leurs droits comme entiers pardevant nos officiers.

» Vous voyez, Messieurs, que le législateur distingue, dans les actes faits en pays étrangers, entre ce qui appartient à la puissance publique et ce qui ne dépend que de la volonté privée des parties.

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» Dans les Jugemens, au contraire, la volonté privée des parties n'est comptée pour rien, la puissance publique agit seule; et voilà pourquoi le législateur veut que les Ju gemens rendus en pays étrangers, soient considérés, en France, comme non-avenus.

» Mais de là même, ne résulte t-il pas que,

par les mots Jugemens rendus ès royaumes et souverainetés étrangères, la loi n'entend que les Jugemens qui doivent toute leur existence à la puissance publique de ces royaumes, de ces souverainetés, c'est-à-dire, les Jugemens émanés des tribunaux de ces souverainetés, de ces royaumes? N'en résulte-t-il pas que ces Jugemens sont les seuls que la loi déclare comme non-avenus en France? N'en résultet-il pas que la loi conserve toute leur force en France aux décisions arbitrales rendues en pays étrangers?

» Pour que cette conséquence pût être critiquée, il faudrait deux choses: il faudrait que les arbitres fussent de véritables juges, que leurs décisions fussent des Jugemens proprement dits.

et

» Or, 1o il est certain que les arbitres ne sont pas de véritables juges, qu'ils ne tiennent point leur mission de la puissance publique du lieu où ils la remplissent, qu'ils ne la doivent qu'à la volonté des parties, et qu'ils ne sont eux-mêmes que des hommes privés. Arbitri compromissarii, dit Cujas sur la loi 2, D. de judiciis (1) nec notionem, nec jurisdictionem habent; privati sunt. Mornac, sur la loi 1, D. de receptis qui arbitrium, observe que les arbitres ne sont pas des juges, mais des singes de juges: non judices, sed simiœ judicum. Et Lafond, sur l'art. 125 de la coutume de Vermandois, remarque qu'un arbitre n'est que domesticus disceptator. Enfin, Brodeau sur Louet, lettre H, S. 25, dit que les arbitres, en la fonction et l'expédition de l'arbitrage, sont considérés comme personnes particulières et privées.

» 2o Il est également certain que les décisions arbitrales ne sont pas de véritables Jugemens. Cujas, sur la loi 1, D. de receptis qui arbitrium (2), le dit en toutes lettres: horum propriè judicium non est ; c'est même ce que dé clare expressément la loi 15, §. 5, D. de his qui notantur infamiá. Il y avait, chez les Romains, des Jugemens qui, de plein droit, notaient d'infamie ceux contre lesquels ils étaient rendus tels étaient, comme nous l'apprend la loi première du titre cité, ceux qui intervenaient à la suite des actions directes pro socio, tutelæ, depositi, mandati. Mais quelquefois ces actions, au lieu d'être portées devant les juges, étaient soumises à des arbitres; et a lors, les condamnations que les arbitres prononçaient contre ceux à la charge de qui elles étaient intentées, em

(1) Tome 9, édition de Naples, page 129. (2) Tome 10, page 395.

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» C'est d'ailleurs ce que vous avez décidé formellement sur le recours en cassation du sieur Merlino, contre un arrêt de la cour d'appel d'Aix, du 12 fructidor an 10, qui avait déclaré nulle une inscription hypothecaire prise le 14 messidor an 9, en vertu d'une sentence arbitrale du même jour, non encore homologuée.

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» Le sieur Merlino prétendait que, par cet arrêt, la cour d'appel d'Aix avait violé l'art. 3 de la loi du 11 brumaire an 7, qui permettait de prendre inscription en vertu de toute condamnation judiciaire. La sentence arbitrale du 14 messidor an 9, disait-il, était une condamnation judiciaire, même avant qu'elle fût homologuée. J'ai donc pu prendre inscription en vertu de cette sentence. Mais par arrêt du 25 prairial an 11 au rapport de M. Lombard-Quincieux, vous avez maintenu l'arrêt attaqué par le sieur Merlino, attendu que, pour que le créancier puisse prendre inscription dans les registres du conservateur des hypothèques, il faut qu'il ait une hypothèque conventionnelle, ou judiciaire, ou légale, acquise; que la décision des arbitres, du 4 messidor an 9, n'ayant pas été homologuée comme le prescrit l'art. 13 du tit. 4 de l'ordonnance du commerce de 1673, ne peut pas être considérée comme un condamnation judiciaire dont est résulté une hypothèque; d'où il suit que le tribunal d'appel séant à Aix, en déclarant nulle l'inscription prise par Merlino, en vertu de cette décision d'arbitres nommés volontairement, loin de contrevenir à laloi, s'y est conformée.

» Il n'est pas inutile de remarquer que l'art. 2123 du Code civil consacre formellement cette jurisprudence: après avoir dit que l'hypothèque judiciaire résulte des JUGE

MENS EN FAVEUR DE CELUI QUI LES A OBTENUS, il ajoute Les décisions arbitrales n'emportent hypothèque qu'autant qu'elles sont revêtues de l'ordonnance judiciaire d'exécu tion; expressions qui sont évidemment synonymes de celle-ci : les décisions arbitrales n'acquièrent le caractère de Jugemens, que

par l'ordonnance judiciaire qui les déclare exécutoires; avant cela, elles n'ont de Jugemens que le nom, elles ne l'ont même que très-improprement, elles n'en ont ni la vertu ni les effets.

si

» Mais si les décisions arbitrales ne sont pas par elles-mêmes, des Jugemens véritables, ce n'est que par un abus de mots qu'on leur donne la dénomination de Jugemens, sous quel prétexte voudrait-on les comprendre dans la disposition de l'art. 121 de l'ordondance de 1629?

» Sans doute, si une décision arbitrale rendue dans un pays étranger, y a été revêtue par un juge de ce pays, d'une ordonnance d'exécution, elle ne pourra pas être exécutée, dans le territoire français, en vertu de cette ordonnance. Sans doute elle ne pourra pas, même revêtue de cette ordonnance, servir de titre pour prendre une inscription hypothécaire dans le territoire français.

» Mais quel obstacle y aura-t-il à ce que la partie en faveur de laquelle cette décision aura été rendue, la présente à un juge français, pour la faire revêtir d'une ordonnance d'exécution? Quel obstacle y aura-t-il à ce qu'un juge français la déclare exécutoire?

>> Très-certainement un juge français peut déclarer reconnu et exécutoire en France, un contrat passé en pays étranger. Eh bien! Une décision arbitrale rendue en pays étranger, est-elle autre chose qu'un contrat? N'estelle pas la conséquence du compromis, par suite duquel les arbitres l'ont rendue? Ne se lie-t-elle pas essentiellement à ce compromis? Ne fait-elle pas, avec ce compromis, un seul et même corps? Que serait-elle sans ce compromis? Elle ne serait qu'un vain chiffon, elle ne serait rien. C'est le compromis qui lui donne l'être; c'est du compromis qu'elle tire toute sa substante; elle a donc, comme le compromis, le caractère de contrat; et dans l'exacte vérité, elle n'est que l'exécution du mandat que les parties ont confié aux arbitres; elle n'est même, à proprement parler, qu'une convention que les parties ont souscrite par les mains de ceux-ci, surtout lorsque, comme dans notre espèce, les arbitres ont été investis par les parties de la qualité et des pouvoirs d'amiables compositeurs.

» Une décision arbitrale qu'auraient rendue en France des arbitres étrangers, seraitelle valable? Oui, elle le serait incontestablement; et sur quoi, en effet, pourrait-on se fonder pour la déclarer nulle? Le choix des arbitres est parfaitement libre. L'étranger peut donc, comme le citoyen, être l'objet de ce choix. Et dans le fait, nous voyons TOME IX.

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qu'encore que la loi 19, C. de Judæis, déclarât les juifs incapables de toutes fonctions publiques, la loi 8 du même titre voulait que les sentences arbitrales auxquelles ils auraient concouru, fussent exécutées par juges ordinaires.

les

» Une décision arbitrale que des Français auraient rendue dans un pays étranger, où le compromis les aurait autorisés à se transporter pour cet effet, serait-elle valable ? Et pourquoi ne le serait-elle pas? Les arbitres n'ont point de territoire circonscrit par la loi. Ils peuvent donc remplir leur mission partout où ils le jugent à propos; ils peuvent donc notamment la remplir hors du territoire français, lorsque les parties consentent de les y suivre pour établir devant eux leurs moyens respectifs de défense.

» Mais, si une décision arbitrale peut être rendue en France par des arbitres étrangers, si elle peut être rendue hors de France par des arbitres français, comment pourrait-on regarder comme nulle une décision arbitrale rendue par des arbitres étrangers hors de France?

» Serait-elle nulle, parcequ'elle est l'ouvrage d'arbitres étrangers? Non, puisque, si ces arbitres étrangers l'avaient rendue en France, il serait impossible d'en contester la validité.

» Serait-elle nulle, parcequ'elle a été rendue hors de France? Non, puisque, si des arbitres français l'avaient rendue hors de leur patrie, elle n'en serait pas moins valable que s'ils l'eussent rendue dans leur patrie même. » Elle n'est donc nulle, ni à raison de la qualité des arbitres, ni à raison du lieu où elle a été rendue; elle est donc valable sous tous les rapports.

» Et de là, la conséquence nécessaire que, par l'arrêt attaqué, la cour d'appel de Paris

a,

non seulement fait une fausse application de l'art. 121 de l'ordonnance de 1629, mais encore violé les art. 2 et 4 du tit. 1er de la loi du 24 août 1790 et l'art. 3 de la loi du 27 ventose an 8, lesquels, à l'époque de la décision arbitrale du 8 mars 1802, commandaient, comme le fait encore aujourd'hui le Code de procédure civile, l'exécution de toutes les décisions arbitrales qui n'étaient ni entachées de nullité, ni sujettes à l'appel, ni attaquées par cette voie, lorsqu'elles y étaient sujettes.

» Il devient inutile, d'après cela, de nous occuper du deuxième moyen de cassation du demandeur. Et d'ailleurs ce moyen ne nous paraît nullement fondé.

» Il ne l'est point, en tant qu'il a pour

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objet d'établir que l'arrêt attaqué contrevient au Jugement d'homologation du consul de France, à New-Yorck, du 6 germinal an 10; car nous avons démontré que l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, du 6 frimaire an 14, avait paralysé ce Jugement.

que

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fructidor

» Il ne l'est point, en tant qu'il a pour objet d'établir l'arrêt attaqué contrevient à l'ordonnance d'exequatur du an 10; car cette ordonnance avait été frap. pée d'une opposition formelle par M. Lecouteulx de Canteleu; et c'est par suite de cette opposition, qu'ont été rendus les Jugemens contradictoires des 15 nivóse an II et 20 août 1806. A la vérité, ces Jugemens n'énoncent pas en termes exprès qu'ils statuent sur cette opposition; ils ne reçoivent pas, en termes exprès, M. Lecouteulx de Canteleu opposant à l'ordonnance du fruc7 tidor an 10. Mais ce qu'ils ne font pas en termes exprès, ils le font virtuellement. Eh! là où l'on trouve la Qu'importe le mot, chose?

» Du reste, la futilité du deux ième moyen de cassation n'atténue en rien la force du premier; et nous estimons en conséquence qu'il y a lieu d'admettre la requête du demandeur ».

La requête en cassation a été admise en effet, par arrêt du 15 juillet 1812, au rapport de M. Lasaudade.

L'affaire portée à la section civile, les sieurs Lecouteulx se sont attachés principalement à distinguer les sentences arbitrales rendues en matière ordinaire, d'avec celles qui interviennent en matière de commerce fait en société. Dans les premières, ont-ils dit, les arbitres peuvent n'avoir pas véritablement le caractère de juges; mais ils l'ont certainement dans les secondes; car c'est de la loi qu'ils tiennent leur pouvoir; aussi ne sont-ils pas, comme dans l'arbitrage volon taire, sujets à révocation. Leurs décisions sont donc des Jugemens proprement dits, et dès-lors, nul prétexte pour qu'étant rendues en pays étranger, elles ne soient pas soumises à la disposition de l'art. 121 de l'ordonnance de 1629. Enfin, il y a un arrêt de la cour de cassation, du 7 floréal an 5, qui casse un Jugement arbitral, par le seul motif que, quoique rendu en France, il l'avait été par un arbitre étranger.

Le sieur Chériot a répondu que les arbitres forcés n'ont pas plus que les arbitres volontaires le caractère de juges; que la preuve en est que, dans les matières de société commerciale, comme dans les affaires civiles ordi

naires, les décisions arbitrales ne sont rien par elles-mêmes, et qu'elles ne tirent leur force que de l'ordonnance d'exequatur dont elles sont revêtues; que l'arrêt de la cour de cassation, du 25 prairial an 11, a décidé nettement que, faute de cette ordonnance, elles n'emportent point hypothèque, et que par conséquent elles ne sont pas des Jugemens proprement dits; qu'à la vérité, les arbitres, en matière de société, ne sont pas révocables; mais que leur non revocabilité tient à des principes étrangers à la question actuelle; qu'elle a été introduite dans l'intérêt du commerce, et pour la plus prompte expédition des affaires; que leurs décisions ne changent pas pour cela de nature; que, dans l'espèce sur laquelle avait été rendu l'arrêt du 7 floréal an 5, il s'agissait de biens communaux; que la décision arbitrale qu'il avait annulée, était bien l'ouvrage d'un tiersarbitre étranger; mais que ce n'était point l'extranéité de ce sur-arbitre qui avait motivé l'arrêt (1); que l'arrêt ne s'était fondé que sur deux circonstances: l'une, que ce surarbitre n'entendait pas la langue française, et n'avait jugé que par un interprète, ce qui était (porte le bulletin de la cour de cassation) contraire aux lois qui veulent avoir, dans les Jugemens, l'ouvrage de juges seuls ; l'autre, que ce même sur-arbitre avait prononcé seul et sans le concours des arbitres qu'il avait été appelé à départager.

M. le procureur général Mourre, en portant la parole sur cette affaire, a d'abord écarté tous les moyens que les défendeurs opposaient à la demande en cassation; et il a établi, en reproduisant les conclusions qu'il

(1) Ici le sieur Chériot était évidemment dans l'erreur.

L'arrêt du 7 floréal an 5, dont le texte est rapporté au mot Arbitre, §. 14, art. 3, no 4, contient trois motifs; et le second porte précisément sur l'extranéité du tiers-arbitre.

Mais il n'en était pas pour cela plus justement opposé au sieur Chériot. En effet, ce sur-arbitre n'était pas, pour les parties, un mandataire de leur choix; c'était le juge qui, en le nommant d'office en vertu de la loi du 2 octobre 1793, le leur avait imposé malgré elles; on ne pouvait donc lui appliquer aucune des raisons qui justifient qu'un étranger peut être choisi pour arbitre volontaire ni plus ni moins que s'il était régnicole. Il était, contraire, tout naturel de le considérer comme un juge proprement dit, à l'instar des particuliers à qui, dans le droit romain comme on l'a vu à l'endroit cité, art. 8, no 4, le magistrat déléguait le jugement des affaires qu'il ne voulait pas ou ne pouvait pas expédier lui-même.

au

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