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adversaire en conciliation le deuxième jour entre parties incapables de transiger; et cet complémentaire an 2.

Une loi du 19 floréal an 6 portait, art. 2, que L'ACTION en rescision pour cause de lésion contre les ventes faites depuis le 1er janvier 1791, jusqu'à la publication de la loi du 14 fructidor an 3, ne serait plus recevable après l'expiration de l'année qui suivrait la publication de la présente. Cependant, par arrêt du 13 vendémiaire an 11, au rapport de M. Cassaigne, vous avez maintenu un arrêt de la cour d'appel de Paris, du 28 nivôse an 10, qui avait jugé que les sieurs Bron et Ory étaient censes avoir intenté leur action en rescision contre le sieur Schultz, dans l'année de la publication de la loi du 19 floréal an 6, par cela seul que, le 25 floréal an 7, quelques jours seulement avant l'expiration de cette année, ils avaient cité le sieur Schultz en conciliation; et vous l'avez maintenu par la considération que l'art. 6 du tit. 10 de la loi du̟ 24 août 1790, en statuant que la citation au bureau de paix à l'effet d'interrompre la prescription, dispose en général et pour tous les cas; que cette disposition ne peut recevoir d'exception que par une dérogation expresse et spéciale; que l'art. de la loi du 19 floréal an 6 ne contient point de dérogation à cette disposition générale ; qu'en réglant que l'action dont elle fixe la durée, ne sera recevable, si elle n'est exercée

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la

dans l'an qu'elle prescrit, cette loi ne fait qu'exprimer l'effet ordinaire de toute prescription; qu'enfin, il n'y est pas dit que citation au bureau de paix n'aura pas l'effet de proroger l'action; qu'on ne peut donc, sous aucun rapport, trouver dans le juge. ment attaqué, une contravention expresse à cette loi, ni une fausse application de celle du 24 août 1790.

» Mais, objecte en second lieu la demande. resse, la citation en conciliation que les héri tiers Brunet m'ont fait donner le 13 juin 1806, n'était point nécessaire, elle était inutile, et conséquemment elle ne pouvait produire aucun effet. Elle était inutile, et par l'objet du litige et par ma qualité de mineure: par l'objet du litige, car il s'agissait d'une question d'etat, c'est-à dire, d'une question d'ordre public, et l'art. 18 de la loi du 6-27 mars 1791 déclarait expressément que, dans les affaires qui intéressaient la nation, les communes et l'ordre public, on se pourvoirait directement devant les tribunaux, sans comparution préalable devant le bureau de paix ; par ma qualité de mineure, car l'art. 48 du Code de procédure civile dispense de la citation en conciliation les actions à former

article n'établit pas un droit nouveau, on en retrouve l'esprit dans l'art. 16 de la loi du 6-27 mars 1791, qui veut qu'aucun citoyen ne soit admis à représenter une partie devant le bureau de paix, s'il n'est revêtu de pouvoirs suffisans pour transiger.

» Reprenons les deux branches de cette ob. jection.

» Les questions d'état, dit-on, appartiennent à l'ordre public. Donc toutes les affaires dans lesquelles est agitée une question d'état, sont dispensées du préliminaire de la conciliation, par la loi du 6-27 mars 1791.

» Mais qu'entend la loi du 6-27 mars 1791, par les affaires qui intéressent l'ordre public? Elle désigne, par ces mots, les affaires dans lesquelles le ministère public est ou seule ou principale partie, les affaires dans lesquelles l'intérêt public tient le premier rang; et telles ne sont assurément pas les affaires dans lesquelles il s'agit de savoir si tel enfant est ou n'est pas né de tel mariage, si telle personne est ou n'est pas membre de telle famille. Dans celles-ci, la loi veille sans doute pour l'intérêt de la société, mais elle n'y familles qui l'occupe en première ligne. Priveille que secondairement ; c'est l'intérêt des mariò spectat utilitatem privatorum, et secundariò publicam. Aussi voyons-nous que, dans ces affaires, la loi admet des fins de non-recevoir, tant en faveur de ceux qui contestent ou réclament un etat, qu'à leur prejudice; ce qu'elles ne feraient certaine

ment

pas, ce qu'elles ne pourraient même pas faire régulièrement, si ces affaires interessaient véritablement l'ordre public, dans le sens de la loi du 6-27 mars 1791: privatorum pactis juri publico derogari non potest.

» La loi du 6-27 mars 1791 attache sûrement aux termes, affaires qui intéressent l'ordre public, le même sens que la loi du 24 août 1790, dont elle n'est qu'un appendice. Or, ces termes dans quel sens la loi du 24 août 1790 les emploie-t-elle ? Nous l'apprenons par la manière dont elle s'exprime, tit. 8, art. 5: Les commissaires du roi, chargés de tenir la main à l'exécution des jugemens, poursuivront d'office cette exécution dans toutes les dispositions qui INTÉRESSENT L'ORDRE PUBLIC. Et il est bien clair que, dans ce texte, les mots intéressent l'ordre public, ne se refèrent qu'aux jugemens qui ont pu être et ont eté rendus à la poursuite du ministère public. Il est bien clair qu'en vertu de l'article dont ces mots font partie, le ministère public n'aurait pas

pu, sous la loi du 24 août 1790, comme il ne pourrait pas encore aujourd'hui, poursuivre d'office l'exécution d'un jugement rendu entre des particuliers sur une question de paternité.

» Enfin, l'art. 83 du Code de procédure civile ordonne la communication au ministère public, 1o des affaires qui concernent l'ordre public....; 2o de celles qui concernent l'état des personnes et les tutelles. Les affaires qui concernent l'état des personnes, ne sont donc pas comprises, par leur nature, dans celles qui concernent l'ordre public. S'il en était autrement, le Code de procédure civile renfermerait un pleonasme.

» Les mineurs, dit-on encore, ne peuvent pas transiger donc la loi du 6-27 mars 1791 dispensait du préliminaire de la conciliation, toutes les affaires dans lesquelles des mineurs avaient intérêt. Donc l'art. 49 du Code de procédure civile, par lequel sont dispensées du préliminaire de la conciliation, les affaires qui intéressent..... les mineurs, n'est pas introductif d'un droit nouveau; donc cette disposition était obligatoire même avant le 1er janvier 1807, époque de la mise en activité du Code de procédure civile.

» Mais, si les mineurs ne peuvent pas transiger par eux-mêmes, ils le peuvent du moins par l'organe de leurs tuteurs, autorisés à cet effet par une délibération du conseil de famille. Rien n'empêchait donc, avant le Code de procédure civile, avant que l'art. 49 de ce Code en eût disposé autrement, qu'un tuteur ne citât ou ne fat cite en conciliation devant le bureau de paix; rien n'empêchait donc qu'en comparaissant devant le bureau de paix, il n'écoutât les propositions conciliatoires qu'on pouvait lui faire, et qu'il ne les soumit ensuite à un conseil de famille, pour les accepter ou les rejeter; rien n'em. pêchait donc alors que les affaires dans lesquelles un mineur était partie, ne fussent soumises à la règle générale qui commandait l'épreuve de la conciliation dans toutes les affaires non exceptées par la loi.

Nous disons que telle était la règle générale et en effet, les art. 2 et 5 du tit. 10 de la loi du 24 août 1790 voulaient expressément qu'aucune action principale ne fût reçue au civil, s'il n'y avait eu préalablement citation devant le bureau de paix et procesverbal de non-conciliation. Ces mots aucune action principale, excluaient manifestement toute exception. Depuis, il est vrai, la loi du 6-27 mars 1791 a excepté les affaires qui intéresseraient la nation, les communes et l'or

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dre public, ou qui seraient de la compétence des juges de commerce; mais elle s'est arrêtée là elle n'a pas étendu l'exception jusqu'aux affaires des mineurs; elle a donc laissé les affaires des mineurs sous l'empire de la règle générale.

» Les héritiers Brunet ne pouvaient donc pas se dispenser de citer la demanderesse en conciliation.

» Ils auraient donc intenté leur action en désaveu dans le délai fixé par l'art. 318 du Code civil, si un désaveu avait été nécessaire de leur part.

» Le premier moyen de cassation de la demanderesse est donc dénué de toute espèce de fondement.

» Le second moyen nous présente la question de savoir si, au fond, la cour d'appel de Poitiers a violé la loi romaine dans laquelle est écrite cette grande maxime, is pater est quem nuptiæ demonstrant, et le décret du 19 floréal an 2, qui rappelle cette loi comme ayant toujours fait partie des principes de notre législation.

» Mais avant de nous expliquer sur cette question, il faut en examiner une autre qui lui est nécessairement préalable: c'est celle de savoir si la réclamation d'état de la demanderesse a dû être jugée d'après le droit romain, ou si elle a dû l'être d'après le Code civil.

» Car, si cette réclamation avait dû être jugée d'après le Code civil, non seulement il serait inutile de la discuter ici dans ses rapports avec le droit romain, mais il ne serait pas possible d'élever le plus léger doute sur la necessité de maintenir l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers.

» En effet, nous avons déjà vu que, par l'art. 325 du Code civil, les tribunaux sont, relativement aux réclamations d'état faites par des enfans qui n'ont ni titre ni possession constante, investis de la plus grande latitude de pouvoir; et que, même pour juger qu'un enfant dont la maternité est prouvée autrement que par un acte de naissance, n'est pas le fils du mari de sa mère, ils peuvent s'attacher à tous les faits que leur conscience leur indique comme propres à justifier un pareil jugement.

» Or, telle serait précisément, dans cette hypothèse, la position de la demanderesse. `La demanderesse, qui n'a été inscrite sur les registres publics que comme fille de père et mère inconnus, la demanderesse qui n'a jamais reçu de celui qu'elle nomme son père, le moindre traitement de paternité, qui même n'en a jamais été connue, que jamais on n'a

cherché à lui faire connaître, dont on a au contraire cherché et réussi, tout le temps qu'il a vécu, à lui dérober la connaissance; la demanderesse trouverait dans l'art. 325 du Code civil, une barrière contre laquelle viendraient se briser tous les efforts qu'elle fait pour obtenir la cassation de l'arrêt qui la relègue dans la classe des enfans adultérins.

>> Examinons donc si c'est réellement d'après le Code civil, qu'a dû être jugée la question d'état sur laquelle cet arrêt a statué.

le

"Le Code civil n'existait pas encore, projet n'en était même pas encore conçu, lorsque la demanderesse a reçu la vie; la demanderesse a reçu la vie sous l'empire des anciennes lois; dès-lors, n'est-ce pas aux anciennes lois à déterminer le mode de preuve d'après lequel on doit juger de qui elle l'a reçue?

» La négative ne souffrirait aucune espèce de difficulté, si le mode de preuve d'un fait appartenait à ce que les jurisconsultes appellent ordinatoria litis, c'est-à-dire, à l'instruction, à la forme de procéder car il est de principe que l'instruction et le mode de procéder dependent, non de la loi du temps où l'action a pris naissance, mais de la loi du temps où elle s'exerce tout ce qui touche à l'instruction des affaires, tant qu'el les ne sont pas terminées (est-il dit dans le célèbre arrêté du gouvernement du 5 fructidor an 9), se règle d'après les formes nouvelles, sans blesser le principe de non-rétroactivité, que l'on n'a jamais appliqué qu'au fond du droit. Et voilà pourquoi nous n'avons pas hésité à ne raisonner que d'après le Code civil, dans la discussion du premier moyen de la demanderesse, lequel ne concerne que la forme de procéder sur les actions en désaveu de paternité.

» Mais, est-ce à l'instruction, est-ce à la forme de procéder, qu'appartient le mode d'une preuve d'un fait? Oui et non; il faut distinguer.

>> Dans le mode de preuve d'un fait, on doit discerner deux choses: l'admissibilité de ce mode, et la manière de procéder à la preuve, après que tel mode de preuve a été reconnu ou juge admissible.

» Sans contredit, lorsqu'une preuve testimoniale, par exemple, est jugée ou reconnue admissible, on ne doit, pour régler la forme de l'enquête, consulter que la loi du temps où l'enquête même se fait : Pourquoi ? Parceque la forme d'une enquête ne tient qu'à l'instruction, parcequ'elle est purement ordinatoria litis.

ce

» Mais s'agit-il de savoir si la preuve testimoniale est admissible ou non? Alors, n'est plus une question de procédure, c'est une question qui doit avoir la plus grande influence sur le fond; c'est un point que les jurisconsultes appellent decisorium litis; et par conséquent alors, ce n'est pas à la loi du temps où l'action s'exerce, que l'on doit s'arrêter la loi du temps où l'action a pris naissance, la loi du temps où se sont passés les faits qui sont la source de l'action, est la seule que l'on doit consulter. S'arrêter, dans ce cas, à la loi du temps où l'action s'exerce, ce serait la faire rétroagir; car il y a nécessairement rétroactivité, toutes les fois qu'on applique au fond une loi qui n'existait pas encore au moment où l'action est née.

» Aussi avez-vous rejeté, le 18 novembre 1806, au rapport de M. Pajon, la demande du sieur Canosio en cassation d'un arrêt par lequella cour d'appel de Turin avait admis, postérieurement à la promulgation du Code civil qui la prohibait, la preuve testimoniale de faits passés sous l'empire des lois sardes qui ia permettaient.

>> Et pourquoi les mêmes principes ne nous conduiraient-ils pas ici à dire que ce n'est pas le Code civil, que c'est la loi du temps de la naissance de la demanderesse, qui doit ici nous servir de boussole?

» Il se présente cependant, à cet égard, une difficulté assez spécieuse, et la voici : si la demanderesse réclamait, non l'état de fille légitime, mais l'état de fille naturelle de Jean Brunet, pourrait-elle employer le mode de preuve qui était autorisé par la loi du temps de sa naissance? Non certainement : elle serait soumise à la loi actuelle qui n'admet pas la recherche de la paternité non avouée ; et, à défaut de reconnaissance de son prétendu père, elle serait déclarée non-recevable. Comment donc pourrait-elle être admise à prouver sa filiation légitime, par les voies autorisées à l'époque de sa naissance?

» L'argument paraît d'abord insoluble mais quelques explications le feront dispa

raître.

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» Un enfant naturel, qui, né sous l'empire des anciennes lois, forme aujourd'hui une demande en déclaration de paternité, peut se trouver dans trois positions différentes : ou son père est mort depuis la publication de la loi du 12 brumaire an 2; ou il était mort avant la publication de cette loi, mais depuis celle de la loi du 4 juin 1793; ou enfin, était mort avant cette dernière époque.

il

>> Au premier cas, il est non-recevable, s'il ne représente un acte authentique par lequel son père l'a reconnu. A la vérité, la loi sous l'empire de laquelle il est né, l'autorisait à prouver sa filiation par de simples indices; il pouvait alors dire au premier venu: Vous avez fréquenté ma mère, vous avez eu des familiarités avec elle, donc je suis votre fils.

» Mais cette même loi ne lui donnait action contre son père, que pour des alimens. La loi du 12 brumaire an 2 a fait plus en sa faveur: elle lui a accordé des droits successifs dont elle a renvoyé la fixation au Code civil; mais elle y a mis une condition: plus rigoureuse, à cet égard, que l'ancienne jurisprudence, elle a voulu qu'il ne fût admis à prouver sa filiation, que par une reconnaissance authentique de son père; en cela, elle a sans doute rétroagi; mais elle a cru pouvoir compenser, par l'avantage dont elle gratifiait l'enfant, le tort qu'elle lui faisait en lui imposant un mode de preuve plus difficile; et comme l'état de l'enfant est indivisible, comme il ne peut pas, à défaut de reconnaissance, être réputé fils de tel père à l'effet d'obtenir de fui des alimens, lorsqu'il ne peut pas l'être à l'effet de lui succéder, il a bien fallu, même pour les alimens, le priver du mode de preuve que la loi sous laquelle il est né, lui aurait permis de faire valoir, s'il s'était pourvu avant l'abrogation de cette loi.

» La cour l'a ainsi jugé le 26 mars 1806, au rapport de M. Ruperou, en faveur de Jacques Marthe contre la fille Linstruiseur, attendu qu'il résulte.... de la loi du 12 brumaire an 2, qu'à compter de la publication de cette loi, toute recherche de la paternité non reconnue est abolie, non seulement par rapport aux droits successifs, mais même relativement aux alimens pour l'enfant, aux frais de gésine et aux dommages-intérêts pour la mère, par la raison que la paternité étant indivisible, un homme ne peut pas être père pour un cas, et ne pas l'être pour un autre.

» Dans la seconde hypothèse, c'est-à-dire, si le père est mort avant la publication de la loi du 12 brumaire an 2, mais après celle de la loi du 4 juin 1793, qui a posé le principe de la successibilité des enfans naturels, l'enfant n'a, pour établir sa filiation, ni toutes les facilités qu'il aurait trouvées dans la jurisprudence sous laquelle il est né, ni toutes les difficultés qu'oppose la loi du 12 brumaire an 2 à ceux dont les pères sont morts depuis sa publication. L'art. 8 de cette loi porte que, pour être admis à l'exercice des droits ci

dessus dans la succession de leurs pères décédés, les enfansnés hors du mariage, seront tenus de prouver leur possession d'état....., preuve (qui) ne pourra résulter que de la représentation d'écrits publics ou privés du père, ou de la suite des soins donnés à titre de paternité et sans interruption, tant à leur entretien qu'à leur éducation.

» Ainsi, la loi du 12 brumaire an 2 rétroagit dans ce cas comme dans le précédent; mais elle ne le fait également que parcequ'elle appelle l'enfant né hors du mariage, à des droits successifs auxquels il ne pourrait pas aspirer d'après la loi du temps de sa nais

sance.

» Reste le troisième cas, celui où le père est décédé avant la publication de la loi du 12 brumaire an 2. Alors, l'enfant naturel n'a point de droits successifs à exercer, il ne peut réclamer que des alimens; et comme il ne participe pas aux bienfaits de la nouvelle loi, il n'est pas non plus assujeti, pour la preuve de sa filiation, aux nouveaux modes qu'elle établit; il peut justifier sa filiation par tous les genres de preuve qu'autorisait la loi sous laquelle il est né.

» C'est ce que la cour a jugé, au rapport de M. Audier-Massillon, dans l'espèce que voici.

» Le nommé Lavarde, se disant fils naturel de Jacques-Philippe Dethoury, mort en 1780, demande à ses héritiers une pension alimentaire. Les héritiers nient sa filiation; il en offre la preuve, mais il ne représente, ni acte de reconnaissance, ni écrit quelconque de son prétendu père; il n'articule même pas que son prétendu père lui ait donné, à titre de paternité, les soins non interrompus qui, suivant l'art. 8 de la loi du 12 brumaire an 2, peuvent, à l'égard des enfans dont les pères sont morts depuis la loi du 4 juin 1793, suppléer au défaut de reconnaissance authentique ou sous seing privé; en un mot, il se borne à offrir la preuve des faits que l'ancienne jurisprudence regardait comme suffi

sans.

» Le tribunal civil du département du Calvados le déclare non-recevable, attendu (ditil) que l'art. 8 de la loi du 12 brumaire an 2 n'admet plus d'autres preuves que celles résultant d'écrits publics ou privés du père, ou de la suite des soins donnés à titre de paternité et sans interruption.

» Lavarde appelle de ce jugement au tribunal civil du département de la Manche, qui le confirme le 9 fructidor an 7.

» Il se pourvoit en cassation; et le 14 ther

midor an 8, arrêt qui casse ce jugement, attendu que l'art. 8 de la loi du 12 brumaire an 2 n'exige des preuves écrites ou une suite de soins donnés à titre de paternité et sans interruption, que de ceux des enfans nés hors du mariage, qui réclament des droits successifs dans la succession de leurs pères et autres ouvertes depuis l'époque déterminée par les nouvelles lois, et qu'elle n'arien changé aux droits acquis sur les successions qui avaient été ouvertes avant ce temps; qu'il s'agissait au procès d'une demande en alimens réclamés par un enfant naturel sur la succession d'un père décédé avant cette époque; et qu'en écartant cette demande, sur le fondement que la preuve offerte n'avait pas ractère exigé par la loi du 12 brumaire, le tribunal civil du département de la Manche a confondu la nouvelle législation avec l'an cienne, fait une fausse application de la loi du 12 brumaire an 2, et créé une fin de nonrecevoir qui n'était autorisée par aucune

loi.

le ca

» Vous voyez donc, Messieurs, que, si les enfans naturels dont les pères sont morts depuis la publication des lois des 4 juin 1793 et 12 brumaire an 2, sont prives de l'avantage de prouver leur filiation par les voies qu'autorisait la loi sous laquelle ils sont nés, c'est par une raison qui leur est tout-à-fait particulière, c'est par l'effet de l'impossibilité de les réputer enfans pour un objet et non enfans pour un autre. Vous voyez donc que cette raison particulière cessant à l'égard des enfans naturels dont les pères sont morts avant la publication de la loi du 4 juin 1793, le principe général qui veut que la loi sous l'empire de laquelle s'est passé un fait, en règle seule le mode de preuve, reprend toute son intensité. Vous voyez donc que l'argument tiré du mode de preuve de la filiation des enfans naturels, qui, du premier abord, paraissait devoir renverser ce principe, ne fait au contraire que la conso. lider et l'affermir. Il ne peut donc plus rester de doute sur la nécessité où nous sommes, quant au mode de preuve de la filiation de la demanderesse, de fermer le Code civil, de recourir aux lois antérieures.

et

» Ces lois, quelles sont-elles? Ce sont le décret de la convention nationale du 19 floréal an 2 et le droit romain.

» Le décret du 19 floréal an 2 n'a été, il est vrai, rendu et publié qu'environ trois ans après la naissance de la demanderesse. Mais comme il ne contient qu'une disposition déclarative du droit preexistant, comme il est, par cette raison, applicable aux enfans déjà

nés, aussi bien qu'aux enfans à naître, il devient nécessaire de l'examiner ici.

» Il est ainsi conçu : La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation sur l'exposé qui lui a été fait, que l'officier public de la commune de Paris a refusé de recevoir la décla ration faite par une citoyenne, que l'enfant dont elle est devenue mère, est d'un autre que son mari; considérant qu'il est dans les principes de notre législation, que la loi ne reconnait d'autre père que celui qui est désigné par le mariage; qu'une déclaration contraire est immorale, et qu'une mère ne saurait être admise à disposer à son gré de l'état des enfans de son mari; approuve le refus fait par l'officier public de la commune de Paris, de recevoir une semblable déclaration; et décrète que l'acte de naissance énoncé dans celui fait par le commissaire de la section de Chalier, le 23 pluviôse, no 85, sera rédigé sans faire mention de cette déclaration ; et que si elle a été insérée sur le registre de la section, elle y sera rayée.

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Que doit-on, que peut-on, conclure de ce décret? Que la règle du droit romain, is pater est quem nuptiæ demonstrant, EST DANS LES PRINCIPES DE NOTRE LÉGISLATION? D'accord. Que cette règle n'est limitee par aucune exception? Ce serait une absurdite.

» Ce décret ne porte que sur un cas particulier et l'unique chose qu'il décide, c'est que la seule déclaration d'une mère ne suf fit pas pour priver son enfant des avantages de la Legitimite; c'est que la seule déclaration d'une mère ne suffit pas pour faire cesser, à l'égard de son enfant, la règle générale qui veut que, dans le mariage, la preuve de la maternité emporte la preuve de la pa

ternité.

» Il n'est donc pas, il ne peut donc pas être, dans l'intention du décret du 19 floréal an 2, d'assujetir à cette règle générale tous les cas possibles, même celui où l'impuissance du mari à l'époque de la conception de l'enfant serait légalement constatée, même celui où la conception de l'enfant se reporterait à une époque où le mari se serait trouvé au-delà des mers, etc. Le décret du 19 floréal an 2 a donc nécessairement laissé subsister les exceptions par lesquelles le droit romain avait limité cette règle.

» Voyons donc quelles étaient ces exceptions.

» Ulpien, dans la loi 6, D. de his qui sui vel alieni juris sunt, les fixe en ces termes : Nous appelons fils, celui qui est né du mari

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