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du père? Point du tout: il n'y est question que des enfans qui, au moment où le père a été retranché du nombre des citoyens, existaient déjà et jouissaient déjà de leurs droits de famille. La loi fait marcher de front, et par conséquent rapporte au même temps, la perte que le père fait de ses droits de cite, et la perte qu'il fait essuyer à ses enfans de la succession qu'il leur aurait transmise, s'il était mort citoyen: eum qui amiserit civitatem, nihil aliud juris adimere liberis, quàm quod ab ipso perventurum esset ad eos, si in civitate moreretur; elle déclare donc que les enfans perdent tout droit à la succession de leur père, à l'instant même où leur père est frappé de mort civile; elle n'a donc en vue que les enfans qui existent déjà, lorsque leur père est frappe de mort civile; elle ne s'occupe donc pas des enfans qui naîtront après la mort civile de leur père.

» La loi 7, D. de his qui sui vel alieni juris sunt, ne peut pas être et n'a jamais été entendue dans un autre sens : si le père, dit-elle, est condamné à une peine qui emporte la mort civile, le fils prend sa place dans la famille de l'aieul : si quá pœná pater fuerit affectus, ut vel civitatem amittat, vel servus poenæ efficiatur, sine dubio nepos filii loco succedit. Il est évident qu'il ne s'agit là que du fils qui était né avant la mort civile du père; et c'est ce que dit nettement Brunnedans son commentaire sur ce texte : quandò aliquis habet filiumfamilias et ex eo nepotem, tunc si filius ob delictum deportetur, nepos procul dubio in locum filii succedit, ità ut avus eum instituere heredem vel exheredare teneatur.

mann,

» La loi dernière, D. undè legitimi, et la loi 1, S. 10, D. de suis et legitimis heredibus, disent que les enfans nés après la mort, la captivité ou la déportation de leur père, nati post mortem patris, vel post captivitatem, sive deportationem, jouissent entre eux des droits de consanguinite et succèdent les uns aux autres. Mais cela ne peut s'entendre que des enfans qui, sans être nés antérieurement à la mort, à la captivité ou à la déportation de leur père, étaient conçus auparavant. La chose est évidente pour les enfans que la loi dit être nés après la mort de leur père; car s'ils n'avaient pas été conçus avant sa mort, ils ne seraient pas ses enfans; et il en est nécessairement de même des enfans que la loi dit être nés après la captivite ou la déportation de l'auteur de leurs jours. Comment, en effet, cette loi pourrait-elle être entendue autrement, tandis que les deux textes cités du titre

de captivis et de postliminio, établissent clairement que l'enfant conçu après la captivité de son père, est, par lui même, étranger à sa famille, et qu'il ne peut entrer dans la famille de son père , que par le retour de son père et de sa mère dans leur patrie?

» Mais, au surplus, voici une autre loi romaine qui lève, à cet égard, toute espèce de doute.

» Une femme institue son fils héritier, et le charge, en cas qu'il vienne à mourir sans enfans, de rendre sa succession à son frère. L'héritier institué se marie, et est ensuite condamné à la déportation. Dans cet état, il lui naît des enfans de son mariage. Question de savoir si l'existence de ces enfans à l'époque de sa mort naturelle, fait faillir la condition du fideicommis. La loi 17, §. 5, D. ad senatusconsultum trebellianum, répond qu'il faut distinguer entre les enfans conçus avant la déportation et les enfans conçus après; que les premiers empêchent l'ouverture du fideicommis; mais que les seconds n'y font point obstacle, parceque leur père n'existant plus aux yeux de la loi, et la loi ne le connaissant plus, ils sont censés être nés d'un autre que de lui: rogaverat quædam mulier filium suum ut, si sine liberis decessisset, restitueret hereditatem fratri suo. Is posteà deportatus in insula liberos susceperat. Quærebatur an fideicommissi conditio defecisset. Nos igitur hoc dicemus: conceptos quidem antè deportationem, licet posteà edantur, efficere ut conditio deficiat; post deportationem verò susceptos, quasi ab alio non prodesse.

» Il serait, d'après cela, fort indifférent que l'art. 277 de la coutume de Normandie renfermât une disposition contraire. Ce ne serait qu'une exception locale au droit commun, et l'on ne pourrait en tirer ici aucune conséquence.

» Mais la vérité est que cet article, en disant que les enfans des condamnés et confisqués ne laisseront de succéder à leurs parens, tant en ligne directe que collatérale, pourvu qu'ils soient conçus lors de la succession échue, n'entend pas déclarer successibles les enfans des condamnés et confisqués, qui ne sont nés ou n'ont été conçus que postérieurement à la mort civile de leur père ; et que sa disposition a toujours été restreinte aux enfans des condamnés et confisqués nés ou conçus avant que leur père fût retranché de la société; et c'est ce qu'atteste Basnage sur cet article même. Tous les enfans d'un condamné et confisqué (dit-il ) ne sont pas habiles à succéder....; ceux qui seraient conçus depuis la

condamnation.... ne pourraient rien demander (1).

» Le même auteur, après s'être ainsi expliqué, se fait cette question: les enfans d'un homme condamné à mort ou banni à perpétuité, issus d'un mariage contracté depuis la condamnation, sont-ils capables de succéder avec les autres enfans nés avant la condamnation, ou au préjudice des héritiers collatéraux? Et voici sa réponse : Tous nos auteurs conviennent que la condamnation qui emporte une mort civile, est un empêchement au mariage quoad effectus civiles; et bien que le mariage soit bon, et que les enfans qui en sont issus, soient légitimes, néanmoins ils sont incapables de succéder ; et c'est en cette rencontre que l'on peut dire que non omnis filius est patris heres; le nom de fils et d'héritier n'est pas seulement un nom de nature, mais aussi de justice et de loi; de sorte que, pour succéder à son père, il ne suffit pas d'être son enfant naturel, il faut aussi l'être suivant la loi. Louet, Brodeau, Mornac et Le Bret ont rapporté plusieurs arrêts qui l'ont jugé de la sorte, quoique le comdamné eût obtenu des lettres de commutation de peine, parceque la commutation de peine n'était point l'effet de la condamnation, et la bonne foi de l'un des conjoints ne suffisait pas pour rendre les enfans capables de suc

(1) C'est même (comme l'a fort bien remarqué Me Mailhe, défenseur du sieur Duval, dans le mémoire aussi savant que lumineux qu'il a publié dans cette affaire, sous le nom de Me OdillonBarrot, son digne successeur) ce qui résulte clairement des circonstances qui ont amené l'insertion de l'article dont il s'agit, dans la coutume de Normandie. Les voici, telles que les retrace Richer dans son Traité de la mort civile:

« L'ancienne coutume de Normandie, chapitre » d'Assise, portait que les enfans à ceux qui sont » damnés (condamnés) n'auraient rien aux fiefs et

» échoites qui à eux dussent venir; car aucun qui

» soit engendré de sang damné, ne peut avoir, » comme hoir, aucune succession d'éritage. On » avait étendu cette disposition même aux enfans » nés avant le délit mais cet usage fut trouvé » injuste et trop rigoureux; et le parlement de >> Rouen l'abrogea par un arrêt solennel du 26 » août 1558, donné, toutes les chambres assem» blées, sur les conclusions du procureur général, >> sur enquêtes faites par turbes. Cet arrêt, avec » les moyens des parties, est inséré dans le Coutu»mier général de France, après la coutume de » Normandie, dans laquelle on a réformé l'article » qui vient d'être cité, en cette manière : Les en» fans des condamnés et confisqués ne laisseront de » succéder à leurs parens, pourvu qu'ils soient » conçus avant la succession (échue) ».

céder; ce qui a été jugé, non seulement en faveur des enfans issus du premier mariage du condamné, mais aussi en faveur des héritiers collatéraux.

» Le demandeur reconnaît l'existence des arrêts que cite ici Basnage; mais il prétend que ce qu'ils ont jugé relativement à la succession du condamné, ne s'étend point aux successions de ses parens collatéraux: il prétend que les enfans conçus après la condamnation de leur père à une peine emportant la mort civile, sont, quoiqu'incapables de succéder à leur père lui-même, capables de succéder aux parens qu'ils ont de son côté ; et il invoque un arrêt du parlement de Paris, du 6 juillet 1637, qui l'a ainsi jugé.

» Il est très-vrai que cet arrêt a admis à succéder à un frère consanguin de leur père, les enfans nés d'un mariage qu'un condamné à mort par contumace avait contracté postérieurement à sa condamnation; et qu'il les y a admis nonobstant un arrêt précédent du bles de succeder à leur père même. 13 février 1625, qui les avait déclarés incapa

» Mais cet arrêt était trop étrange, il heurtait trop ouvertement les premiers principes, pour faire jurisprudence; et à peine était-il rendu, que le législateur a cru devoir interposer son autorité pour empêcher qu'on n'en rendit de semblables à l'avenir. De là, l'art. 6 de l'ordonnance du 26 novembre 1639, qui déclare incapables de toutes successions les enfans procréés par ceux qui se marient après avoir été condamnés à mort, même par les sentences rendues par défaut, si, avant leur décès, ils n'ont été remis au premier état, suivant les lois.

» Aussi Bretonnier, dans ses observations sur Henrys, liv. 6, quest. 6, après avoir retracé, avec son auteur, l'arrêt du 6 juillet 1637, comme jugeant que les enfans nés d'un mariage contracté en état de mort civile, succèajoute-t-il: mais aujourd'hui la jurisprudence dent aux parens collatéraux de leur père, est changée au moyen de l'ordonnance de 1639, qui déclare les enfans procréés par ceux qui se marient après avoir été condamnés à mort par défaut, incapables de toutes successions, aussi bien que leur postérité.

» A la suite de l'arrêt du 6 juillet 1637, qui a été si hautement et si promptement condamné par le législateur, le demandeur vous en cite un autre du 5 juillet 1746, qui, s'il faut l'en croire, a été bien plus loin, et a jugé, contre ce qu'avaient constamment décidé même les arrêts antérieurs à l'ordonnance de 1639, que l'enfant né d'un mariage con

tracté en état de mort civile, succède à son propre père.

» Mais s'il avait bien lu Denisart, d'après lequel il vous le cite, si surtout il avait bien medité les conclusions de M. l'avocat-general Gilbert qui l'ont provoqué, il se serait probablement abstenu de vous en parler.

» Dans le fait, le 5 avril 1735, sentence de la juridiction de Bourg, qui condamne Antoine Desverneys à la peine de mort par

contumace.

» Le 28 du même mois, et avant que cette sentence soit exécutée par effigie, Antoine Desverneys épouse publiquement à Lyon Adrienne Decolony.

» Le 5 octobre suivant, la sentence de condamnation à mort est exécutée par effigie à Bourg.

» Le 13 du même mois, l'épouse d'Antoine Desverneys accouche d'une fille qui est nommée Etiennette.

» Cette fille meurt peu de temps après; et alors, s'élève la question de savoir à qui appartient la succession d'Antoine Desverneys, succession qui est unanimement reconnue avoir été ouverte par sa mort civile.

» La mère d'Antoine Desverneys la réclame, comme plus proche parente.

» L'épouse d'Antoine Desverneys soutient, au contraire, qu'elle lui est dévolue en sa qualité d'heritière d'Etiennette Desverneys sa fille, qui, dit-elle, a été héritière de son père et m'a par conséquent transmis tous ses droits.

» La mère d'Antoine Desverneys réplique que son fils était mort civilement à l'époque de la célébration de son mariage, et que, deslors, la fille qu'il a eue de son mariage n'a pas pu lui succéder. Elle ajoute que le mariage de son fils est nul dans la forme, et elle en ap pelle comme d'abus.

» L'épouse d'Antoine Desverneys réplique, à son tour, que son mari n'a pas été frappé de mort civile par le seul effet de sa condamnation; qu'il ne l'a été et n'a pu l'être que par l'exécution en effigie de sa condamnation même; et que telle est la disposition expresse de l'art. 29 du tit. 17 de l'ordonnance de 1670; qu'ainsi, il jouissait encore de tous ses droits civils, non seulement à l'époque de son mariage, mais encore à celle de la conception de sa fille. Du reste, elle répond victorieusement à tous les moyens d'abus de sa bellemère.

» Là-dessus, M. l'avocat-général Gilbert commence par écarter les moyens d'abus et prouver qu'il ne manque rien à la forme du

mariage dont il s'agit, pour en assurer la validité. Il examine ensuite, ce sont les propres termes de Denisart, si ce mariage est bon quant au for extérieur et s'il peut produire des effets civils ; et il fait voir que cetle question dépend du point de savoir si la seule condamnation à mort emporte la mort civile, ou s'il ne faut pas que le jugement ait été exécuté. La mort civile, dit-il, est l'état d'un homme qui est retranché de la société et qui ne peut plus contracter avec elle. Cela posé, comment veut-on qu'un jugement prononcé dans le secret d'une chambre criminelle, fusse connaire à la société qu'elle ne peut plus contracter avec le condamné? Il faut donc qu'elle en soit instruite, que le jugement ait été rendu public; or, il ne peut l'éire que par l'exécu tion; et par conséquent la mort civile ne peut commencer que du jour de l'exécution du jugement, soit par contumace, soit autrement. En un mot (continue Denisart), ce magistrat dit que le tit. 17 de l'ordonnance de 1670 devait régler la matière en question; et sur juillet 1746, qui a prononcé en ces termes : ses conclusions, il est intervenu arrêt le 5 La cour faisant droit sur l'appel comme d'abus interjeté par les parties de Daugy (les heritiers de la mère d'Antoine Desverneys), dit qu'il n'y a abus...; en tant que touche l'appel simple.., évoquant le principal et y fai sant droit, condamne les parties de Daugy à rendre compte à la partie de Simon (la mère d'Etiennette Desverneys), des biens de la succession d'Antoine Desverneys, à l'affirmer véritable, etc.

beaucoup que cet arrêt ait jugé qu'Étiennette >> Vous voyez, Messieurs, qu'il s'en faut Desverneys avait succede à son pere, quoique son père se fût marié et l'eut conçue en état de mort civile; qu'au contraire, elle n'a été jugée avoir succédé à son père et en avoir transmis la succession à sa mère, que parce. ni au moment où il s'était marié, ni au moque son père n'était encore mort civilemeut, ment où il l'avait conçue.

» Mais voici quelque chose de plus encore.

» Postérieurement à l'exécution par effigie de la sentence qui l'avait condamné à mort, et dans l'intervalle du 28 novembre 1739 au 30 novembre 1747, Antoine Desverneys avait eu d'autres enfans de la femme qu'il avait épousée avant cette exécution.

>> Antoine Desverneys étant mort, en 1752, sans avoir purgé sa contumace, ses enfans réclamérent, à titre d'héritiers, divers immeubles qui lui avaient appartenu avant sa condamnation, et que leur mère avait alié

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nés, comme héritière de leur sœur Étien- dant point réclamé sa portion, parcequ'il

nette.

>> Les tiers acquéreurs soutinrent qu'ils étaient non-recevables, parceque, nés d'un père qui avait encouru la mort civile avant leur conception, et par conséquent frappés comme lui de mort civile des leur naissance, ils n'étaient ni ne pouvaient être ses heritiers.

» Les enfans d'Antoine Desverneys ne contestèrent pas directement le principe sur lequel était fondée cette fin de non-recevoir; mais ils nierent que leur père eût jamais encouru la mort civile; et à l'appui de leur dénégation, ils produisirent un certificat du greffier de Bourg constatant qu'il n'existait dans son greffe aucune trace de l'exécution par effigie du jugement de condamnation porté contre leur père en 1735.

» Le 14 fructidor an 8, jugement du tribunal de premiere instance de Lyon, qui,

accueillant la fin de non-recevoir des tiersacquéreurs, declare les demandeurs sans droit et sans qualité.

» Et sur l'appel, arrêt du 6 floréal an 11, qui, attendu qu'il résulte de l'arrêt du parlement de Paris du 5 avril 1746 et d'autres pièces produites par les tiers acquéreurs, des preuves suffisantes que le jugement de condamnation de 1735 a été exécuté par effigie le 5 octobre de la même année, et que par conséquent Antoine Desverney's est mort en état de mort civile, dit qu'il a été bien juge.

>> Recours en cassation de la part des enfans d'Antoine Desverneys; et le 26 thermidor an 12, arrêt contradictoire, au rapport de M. Cochard et apres un ́long délibéré, qui rejette ce recours, attendu, entr'autres motifs, que les preuves de l'exécution par effigie du jugement de 1735, se montraient dans le degré le plus capable de convaincre dans le cas actuel, où la condamnation même de Desverney's a donné lieu à un arrêt célèbre qui a fixé la jurisprudence sur le point de savoir de quelle époque datait la mort civile; où il serait absurde de supposer que le parlement de Paris se fut occupé du soin de fixer l'époque de la mort civile d'Antoine Desverneys, sans que sa condamnation et son exécution eussent été constantes; où Antoine Desverneys a vu sa succession contestée et adjugée devant lui, sans y opposer la moindre réclamation; où Henri, l'un de ses enfans, né avant la mort d'Étiennette, sa sœur, et par conséquent habile à lui succéder conjointement avec sa mère, n'a cepen

était né après la mort civile encourue par son père (1).

» Par cet arrêt, Messieurs, vous avez bien formellement reconnu, vous avez bien solennellement proclamé, le principe que la mort civile du père se communique à l'enfant conçu et né pendant que le père est dans cet état, et que l'enfant conçu et né pendant la mort civile du père, est incapable de toute succession.

» Mais, s'écrie le demandeur, peut-on ainsi assimiler les effets de la mort civile qui résulte de l'émigration, aux effets de la mort civile opérée par une condamnation à des peines afflictives ou infamantes?

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Pourquoi non? Où la loi ne distingue pas nous ne pouvons pas distinguer. Mais d'ailleurs veut-on une preuve sans réplique qu'il en est, à cet égard, des enfans nés pendant la mort civile dont leur père a été frappé par son émigration, comme des enfans nés pendant la mort civile dont leur père a été frappé par une condamnation judiciaire? Il n'y a qu'à bien peser les termes dans lesquels l'avis du conseil d'état, du 8 thermidor an 10, approuvé le 9 du même mois, répond à la question de savoir si les prévenus d'émigration non rayés définitivement, dont le décès a précédé la publication du sénatusconsulte du 6 floréal de la même année, peuvent être amnistiés. Le conseil d'état (y est-il dit) pense que l'amnistie ayant été principalement accordée en faveur des familles des émigrés, il est tout-à-fait conforme à l'esprit du sénatusconsulte, d'étendre la grâce aux héritiers, quand la mort a mis le prévenu lui-même hors d'état d'en profiter. S'il eût vécu, il serait rentré dans les biens dont l'art. 17 du sénatusconsulte fait remise aux amnisties; comment refuser la même grace à ses enfans républicoles et nés avant l'émigration?

Pourquoi n'y a-t-il que les enfans nés avant l'émigration qui soient admis à faire amnister la mémoire de leur père émigré? C'est évidemment parcequ'eux seuls sont Français; c'est évidemment parcequ'eux seuls composent, aux yeux de la loi, la famille de leur père; c'est évidemment parceque la loi ne reconnaît pas ceux qui sont nés pendant l'émigration.

>> Mais ouvrons le procès-verbal de la

(1). l'article Succession, S. II.

discussion qui a eu lieu, au conseil d'état, les 6 et 14 thermidor an 9, sur l'art. 10 du Code civil, et nous en verrons jaillir de nonveaux traits de lumière qui acheveront de dissiper tous les doutes..... (1).

» Disons donc, en résumant toute cette partie de notre discussion, que le père du mineur Grimod d'Orsay était mort civilement à l'époque du mariage qu'il a contracté à Francfort en 1799; que ce mariage était nul; qu'issu d'un mariage nul et mort lui-même civilement dès sa naissance, le mineur Grimod d'Orsay a été, dès sa naissance, doublement incapable de succéder.

» A la vérité, le sieur Grimod d'Orsay père, rendu à ses droits de cité, et la demoiselle de Franquemont ont réparé, par un mariage célébré solennellement à Paris en 1809, la nullité de celui qu'ils avaient contracte, en 1799, à Francfort; à la vérité, ils ont, par ce mariage, légitimé les enfans qu'ils avaient eus précédemment de leur union illégale.

» Mais la nullité de leur premier mariage n'a pu être réparée par le second que pour l'avenir; elle n'a pas pu l'être pour le passé; et le seul effet de la légitimation qui est résultée du second mariage, pour le mineur Grimod d'Orsay, c'est que le mineur Grimod d'Orsay doit être traité comme s'il était né du second mariage, comme si le second mariage, au lieu de suivre sa naissance, l'avait précédée; en un mot, comme si, au lieu de naître en 1801, il était né en 1810.

» Or, si le mineur Grimod d'Orsay n'était né qu'en 1810, très-certainement il ne pourrait pas se porter héritier de la dame de Trazegnies qui est morte en 1802.

» Sur tout cela, MM., il ne peut rester dans vos esprits aucune ombre de difficulté, Nous n'avons donc plus qu'à nous fixer sur la dernière branche du second moyen de cassation du demandeur, c'est-à-dire, sur la partie de ce moyen par laquelle le demandeur prétend que la demoiselle Franquemont ayant épousé le sieur Grimod d'Orsay père, en 1799, dans la bonne foi qu'il jouissait de tous ses droits civils, le mariage de 1799 doit, quoique nul en soi, produire en faveur de l'enfant qui en est issu, les mêmes effets que s'il eût été valable; et que, par suite, cet enfant doit être admis à succéder même à ses parens paternels qui sont morts depuis sa naissance.

(1) V. le Répertoire de jurisprudence, au mot Mariage, sect. 3, S. 1, no 3.

TOME IX.

» Réduit à ces termes, le second moyen de cassation du demandeur présente deux questions; l'une, si l'on peut présumer que la demoiselle de Franquemont ignorait, au moment où elle a épousé, à Francfort, le sieur Grimod d'Orsay père, l'état de mort civile dans lequel il se trouvait par rapport à la France, sa patrie; l'autre, si, cette ignorance supposée, il en doit résulter, pour succéder même aux parens de leur père. les enfans issus de ce mariage, la capacité de

»De ces deux questions, la cour d'appel de Douai a laissé la première indécise, et elle ne s'est occupée que de la seconde. Sans appré cier les raisons de droit qui se présentaient en foule pour lui démontrer que la demoiselle de Franquemont n'avait pas pu, en épousant à Francfort le père du mineur Grimod d'Orsay, croire de bonne foi qu'elle épousait, soit un Français naturalisé allemand, soit un Français jouissant en France de tous les droits civils, la cour d'appel de Douai a raisonné dans la supposition contraire; et c'est d'apres cette supposition, toute gratuite qu'elle est, que nous devons juger son arrêt c'est d'après cette supposition, que nous devons examiner si son arrêt viole quelque loi.

» A entendre le demandeur, il viole les lois romaines, les décrétales et le Code civil. » Mais d'abord, ni les lois romaines, ni les décrétales ne disent, à beaucoup près, ce que le demandeur leur fait dire.

Les lois romaines que le demandeur vous cite, sont la loi 57, S. 1, D. de ritu nuptiaet la loi 4, C. de incestis et inutilibus

rum,

nuptiis.

» La première de ces lois ne décide qu'un cas particulier. Flavia Tertulla avait été, très jeune encore, mariée par sa grand'mère à un de ses oncles. Ignorant que le mariage était prohibé entre l'oncle et la nièce, elle avait vécu pendant quarante ans dans une union paisible avec celui qu'elle regardait comme son mari, et elle en avait eu un grand nombre d'enfans. Son prétendu mari mort, l'état de ses enfans fut contesté, et la question fut soumise aux empereurs Marcus et Lucius. Quelle fut leur réponse? Movemur et temporis diuturnitate quo ignara juris in matrimonio avunculi tui fuisti, et quòd ab aviá tuá collocata es, et numero liberorum vestrorum. Idcircòque cùm hæc omnia concurrant, confirmamus statum liberorum vestrorum in eo matrimonio quæsitorum, quod antè annos quadraginta contractum est, perinde atque si legitimè concepti fuissent. Par là, les empereurs Marcus et Lucius décidèrent ils que la seule ignorance

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