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Boubert à la société Morain, Hornez et Desfontaines, n'étaient pas, de plein droit, pro. ductives d'Intérêts.

» Mais une autre question se présente : c'est celle de savoir si ces avances n'ont pas dû produire des Intérêts d'après une convention faite, soit avec la société en corps, soit avec le cit. Desfontaines individuellement. >> De convention avec la société en corps, il n'en existe point. C'est une vérité reconnue et constatée par le jugement du tribunal d'appel de Douai; et les efforts qu'on a faits pour la détruire par l'article de l'acte du 11 juin 1784, dans lequel il est parlé des Intérêts des avances à faire par les associés, n'ont servi qu'à la confirmer de plus en plus, en faisant sortir de cet article même, par argument à contrario, la preuve qu'il n'a été promis aucune espèce d'Intérêts au cit. Boubert pour ses avances.

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Quant à la convention que le cit. Boubert prétend être intervenue, pour les Intérêts de ses avances, entre lui et le cit. Desfontaines individuellement, de quel titre prétend-on la faire résulter?

» Est-ce de l'acte du 11 mai 1784? Il n'en dit pas un mot.

» Est-ce de la correspondance qui a eu lieu entre les cit. Boubert et Desfontaines? Mais de quoi est-il question dans cette correspondance? Uniquement des Intérêts que le cit. Desfontaines se croyait obligé de payer et qui ont été payés effectivement aux créanciers de la société, remboursés depuis par le cit. Boubert.

» Or, nous venons de voir qu'avant la loi du 2 octobre 1789, les stipulations d'Intérêts n'étaient permises à Dunkerque et à Donai, même entre négocians et banquiers, que pour un an. Le cit. Desfoutaines aurait donc pu refuser, même aux créanciers de la société, les Intérêts qu'ils ont exigés et reçus au-delà d'une année; il aurait pu par conséquent ne pas allouer au cit. Boubert le paiement qu'il en avait fait; et de ce qu'il a bien voulu se relâcher à cet égard de la rigueur de son droit, certes on ne peut pas conclure qu'il se soit obligé envers le cit. Boubert lui-même aux intérêts des avances faites par ce dernier, pour acquitter ces Intérêts et les capitaux auxquels ils étaient accessoires.

» Les lettres écrites par le cit. Desfontaines au cit. Boubert, et par lesquelles il se reconnaissait débiteur d'Intérêts envers les créanciers de la société, ne formaient pas pour ceux-ci des titres capables de leur donner action en justice pour le paiement de plus

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d'une année d'Intérêts. Comment donc ces mêmes lettres pourraient-elles servir de titres au cit. Boubert pour exiger les Intérêts de ces Intérêts, lui à qui elles ne promettent rien, lui au profit duquel elles n'établissent

aucune reconnaissance?

» Si le cit. Boubert, en payant les créaneiers de la société, s'était fait subroger expressément à leurs droits, il ne pourrait exiger du cit. Desfontaines qu'une année d'Intérêts. Il les a payés purement et simplement, il les a payés sans subrogation, et l'on voudrait qu'il eût plus de droits qu'eux-mêmes? C'est une véritable dérision.

formation de la société, il s'était obligé envers » Et remarquez encore qu'au moment de la le cit. Desfontaines à une avance de 20,000 livres; remarquez qu'il s'y était obligé sans stipuler aucune espèce d'Intérêts pour cette avance, parcequ'il en était bien dédommagé par les droits de commission qui lui étaient assurés; remarquez que, pour sûreté de cette avance, il s'était fait donner en nantissement des contrats au moyen desquels il pouvait, d'un moment à l'autre, s'en faire remettre le montant intégral; remarquez surtout que jamais il n'a été en avance de plus de 20,000 livres; ce qui est si vrai que, par le jugement attaqué, toutes ses prétentions contre le cit. Desfontaines sont réduites à 15 mille et quelques cents livres.

» Comment, d'après tout cela, a-t-il osé prétendre pour 47 à 48 mille livres d'Intérêts ? Comment a-t-il osé les prétendre à raison d'avances qui presque toutes ont été couvertes avant même d'avoir été effectuées, au moyen des rentrées de fonds opérées dans ses mains, soit par les versemens du cit. Desfontaines, soit la vente des marchandises appartepar nant à la société?

» Il n'y a donc eu, de la part du cit. Desfontaines, ni convention expresse ni convention implicite, de payer au cit. Boubert les Intérêts aujourd'hui en litige; et dès-là, nécessité de rejeter le premier moyen de cassation qui vous est proposé.

» Le second moyen consiste à dire qu'au moins le tribunal d'appel de Douai n'a pas pu se dispenser d'allouer au cit. Boubert les Intérêts des billets à ordre et des lettres de change qu'il avait remboursés pour le compte du cit. Desfontaines; et qu'en les lui refusant, ce tribunal a violé les art. 3 du tit. 5, et 7 tit. 6 de l'ordonnance du mois de mars 1673.

du

» Nous ne nous arrêterons pas aux réponses que fait à ce moyen le mémoire des défendeurs; elles ne sont pas, à beaucoup près,

satisfaisantes. Mais nous commencerons par distinguer, comme l'a fait le tribunal d'appel de Douai, entre les Intérêts prétendus des billets à ordre, et les Intérêts prétendus des lettres de change remboursées par le cit. Boubert après les protèts qui en avaient été faits à la requête des porteurs.

» Pour les billets à ordre, il est bien sûr qu'ils ne sont compris, ni dans l'art. 3 du tit. 5, ni dans l'art. 7 du tit. 6 de l'ordonnance. Ces deux articles, en effet, ne parlent que des lettres de change.

» Et vainement dit-on que les dispositions de l'ordonnance de 1673, concernant les lettres de change, s'appliquent de plein droit aux simples billets à ordre.

» S'il en était ainsi, il faudrait donc étendre aux billets à ordre l'art. 21 du tit. 5 de l'ordonnance de 1673, qui déclare les lettres de change prescriptibles par cinq ans ! Cependant il est bien constant, et il a été jugé cent fois que les billets à ordre ne sont pas compris dans cet article, qu'ils ne sont soumis qu'à la prescription ordinaire de trente ans.

» S'il en était ainsi, il faudrait donc aussi étendre aux billets à ordre l'article du même titre qui porte que le protét ne pourra être suppléé par aucun acte! Et cependant il est généralement reconnu que le protêt propre. ment dit n'est nécessaire que pour les lettres de change, et qu'une simple sommation suffit à l'égard des billets à ordre.

» Sans doute, il y a dans l'ordonnance de 1673, plusieurs dispositions communes aux billets à ordre et aux lettres de change. Mais pourquoi le sont-elles? Parceque la loi les a déclarées telles.

» Ainsi, entre négocians, les billets à ordre emportent, comme les lettres de change, soumission à la juridiction commerciale et à la contrainte par corps, parceque tel est le vœu formel de l'art. 1er du titre de l'abrogation des contraintes par corps de l'ordonnance de 1667, et de l'art. 2 du tit. 12 de l'ordonnance de 1673.

» Mais partout où il n'y a pas de disposition expresse pour adapter aux billets à ordre, les articles de l'ordonnance de 1673 qui ne concernent que les lettres de change, ces articles ne peuvent, sous aucun prétexte, faire la loi aux billets à ordre; et les étendre aux billets à ordre, ce serait un excès de pouvoir manifeste sur les attributions de la puissance législative.

» Le tribunal d'appel de Douai n'a donc violé, ni l'art. 3 du tit. 5, ni l'art. 7 du tit. 6 de cette ordonnance, en les déclarant inapplicables aux billets à ordre.

» Il importerait d'ailleurs fort peu qu'en refusant de les étendre aux billets à ordre, le tribunal d'appel de Douai eût mal jugé. Le mal jugé n'est pas un moyen de cassation. Mais le jugement attaqué n'a pas même ce reproche à craindre; la décision qu'il ren. ferme, est conforme à la doctrine des auteurs les plus accrédités. Les billets à ordre (dit Pothier, dans son Traité du contrat de change, no 221), les billets à ordre qui ne sont point billets de change, différent aussi des billets de change. La première et principale différence est en ce que celui qui a subi un billet de change pour lettres fournies, peut s'obliger valablement à payer pour droit de change quelque chose au-delà de la somme portée par les lettres qui lui ont été fournies, pourvu que cela n'excède pas ce que les lettres gagnent sur l'argent dans le lieu et au temps où elles lui ont été fournies; au l'eu que le débiteur d'un simple billet à ordre ne peut valablement s'obliger à payer autre chose que la somme qu'il a reçue, et les intérêts n'en sont dus que du jour de la demande qui lui en est faite en justice; toute autre chose qu'on exigerait de lui, serait un Intérêt usuraire qui devrait s'imputer sur le principal.

» A l'égard des lettres de change, il se présente, pour justifier la décision du tribunal d'appel de Douai, une observation extrêmement simple: c'est que les actes qualifiés de lettres de change par le cit. Boubert, n'en ont que le nom, et ne peuvent être que comme de simples billets.

considérés

>> En effet, ces prétendues lettres de change sont toutes tirées de Dunkerque sur Dunkerque même.

» Celle qui se trouve la première en ordre dans la production du cit. Boubert, et à laquelle les deux autres sont conformes, est ainsi conçue: Dunkerque, le 1er juillet 1784. A quinze mois de date, payez par cette première de change, à mon ordre, la somme de mille livres tournois, valeur en moi-même et à vous livrée en marchandises à votre satisfaction, par votre très-humble et très-obéissant serviteur, Fockedey-Godefroy. Et plus bas: A messieurs Jean Morin, Jean-Baptiste Hornez et Desfontaines Delacroix, à Dunkerque....

» Or, un acte ainsi conçu, a-t-il le caractère d'une lettre de change? Non certaine

ment.

» Une lettre de change (dit Jousse, sur le tit. 5 de l'ordonnance de 1673) est une cession ou transport d'une somme d'argent, que le

tireur de la lettre fait à celui au profit duquel il l'a tirée, ou à l'ordre de ce dernier, pour être payée par le correspondant de ce tireur, DANS UN AUTRE LIEU QUE CELUI D'OU LA LETTRE EST TIRÉE.

» Il y a (dit Pothier, Traité du contrat de change, no 30) trois choses principalement qui constituent l'essence de la lettre de change. 1o......, 2o Il faut qu'il y ait remise d'un lieu dans un autre, c'est-à-dire, qu'on donne dans un lieu pour recevoir dans un autre lieu; cette remise d'un lieu dans un autre, étant ce qui constitue L'ESSENCE DU CONTRAT DE CHANGE, dont la lettre de change est l'exécution.

» Aussi voyons-nous l'art. 2 du tit. 12 de l'ordonnance de 1673, définir les mots lettres de change, par ceux-ci, ou remise d'argent faite de place en place.

» Et la nécessité de la remise de place en place pour constituer une lettre de change, est si bien établie, elle est tellement incontestable, que l'on a douté si l'on devait regarder comme valable, une lettre de change, tirée d'un village sur une ville de commerce. Salviat, dans sa Jurisprudence du parlement de Bordeaux, page 351, rapporte trois arrêts de 1716, 1731 et 1739, qui ont jugé pour l'affirmative. Mais, ajoute-t-il, si la lettre de change est tirée d'une place sur la méme place, elle n'a pas la même faveur ni le même privilége; ce n'est, dans ce cas, qu'un change simulé; c'est ce qui a été jugé le 12 août 1739, au rapport de M. de Navarre.

» Ce n'est donc pas de véritables lettres de change qu'il est ici question; et dès-là, nul doute que le tribunal d'appel de Douai n'ait bien jugé, n'importe par quel motif, en ne leur appliquant pas les dispositions des art. 3 et 7 des tit. 5 et 6 de l'ordonnance de 1673.

» Par ces considérations, nous estimons qu'il y a lieu de rejeter la demande en cassation, et de condamner le demandeur à l'amende ».

Ces conclusions ont été adoptées par arrêt dů 5 vendémiaire an 11, au rapport de M. Audier-Massillon,

« Attendu qu'il ne conste pas au procès, que Boubert eût stipulé les Intérêts des avanlui faites à Desfontaines;

ces par

» Que, dans le traité de société passé entre Desfontaines, Morin et Hornez, le 11 juin 1785, souscrit par Boubert, en qualité de procureur fondé de Desfontaines, il y est dit que les associés se tiendront compte respectivement des Intérêts à cinq pour cent l'an, des avances que chacun d'eux aura faites au-delà de sa mise, sans que, dans cet acte,

ni dans aucun de ceux par lesquels Boubert a été chargé de faire des avances pour Desfontaines, il ait été fait mention des Intérêts à supporter par ce dernier au profit de Boubert;

» Que la loi du 2 octobre 1789 a autorisé la stipulation des intérêts pour simple prêt à terme fixe; mais qu'elle n'a rien décidé pour les cas où les Intérêts sont dus sans stipulation;

» Que, lorsque cette loi a déclaré ne vouloir rien innover aux usages du commerce, il résulte seulement de cette disposition, qu'on ne peut pas se prévaloir de cette loi pour combattre des usages autorisés par le commerce, mais non qu'elle ait voulu donner à ces usages, un caractère et une autorité différens de ceux qu'ils auraient eus auparavant, encore moins qu'elle ait voulu en régler ou en déterminer l'application;

» Que l'usage de la place de Dunkerque, d'allouer les intérêts, sans stipulation et sans demande en justice, pour les avances faites entre négocians, n'est pas établi au procès; et que la violation d'un usage qui n'a été fixé et reconnu par aucune loi, ne serait pas un motif suffisant pour autoriser la cassation;

» Sur le second moyen fondé sur les art. 3 du tit. 5, et 7 du tit. 6 de l'ordonnance de 1673, qui autorisent celui qui a payé une lettre de change à la charge d'un autre, en réclamer les intérêts du jour du protêt, sans qu'il y ait eu demande en justice,

à

» Attendu que ces articles ne parlent que des lettres de change, et non des billets à ordre, ni des autres paiemens faits entre négocians; et que Boubert n'a payé à la décharge de Desfontaines que trois lettres de change, montant ensemble à 13,614 livres;

» Que ces trois lettres n'avaient pas même le véritable caractère de lettres de change, puisqu'il n'y avait pas transport de place en place, et qu'elles étaient tirées de Dunkerque, sur les cit. Morin, Hornez et Desfontaines, à leur domicile à Dunkerque;

» Qu'en supposant que ces trois lettres, et même les billets à ordre protestés et payés par Boubert, à la décharge de Desfontaines, eussent pu faire courir des intérêts en sa faveur, il résulte du jugement attaqué que Boubert a été couvert de ses avances , par la rentrée des fonds qu'il a retirés pour le compte de la société; et qu'il a dû imputer les premiers fonds sur la dette la plus dure, sur celle qui était susceptible de produire des intérêts ».

Hors le cas particulier sur lequel est fondé

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S. V. 10 La disposition de l'art. 19. de la loi du 11 brumaire an 7 qui n'accorde au créancier inscrit, et utilement colloqué, comme tel, dans l'ordre, que deux années d'Intérêts de son capital, et celle de l'art. 2151 du Code civil qui ne lui accorde que deux années et l'année courante, sont-elles applicables au vendeur dont le privilége a été conservé, soit par une inscription prise à sa diligence, soit par la transcription que son acquéreur a fait faire du contrat de vente? Le vendeur doit-il, au contraire, être colloqué au rang du privilége acquis à son capital, pour tous les intérêts qui lui sont dus?

20. S'il y avait, à cet égard, quelque différence entre la loi du 11 brumaire an 7 et le Code civil, lequel des deux devrait être pris pour règle dans le cas où le contrat de vente ayant été passé et même transcrit sous la loi du 11 brumaire an 7, la nouvelle mutation sur le prix de laquelle s'ouvrirait l'ordre, n'aurait eu lieu que depuis la promulga tion du Code civil?

Ces deux questions se sont présentées dans une affaire qui a été portée successivement à un tribunal de première instance, à une cour royale, à la cour de cassation et aux sections réunies de la même cour.

Le 1er thermidor an 8, vente par le sieur Jouberthou au sieur Mahé-de-Villeneuve, de

la terre de Molac, pour le prix de 80,000 francs. L'acquéreur paie comptant 23,600 francs. Le restant est stipulé payable, savoir, 16,400 francs, sans Intérêts, le 1er brumaire an 9; 20,000 francs, le 1er thermidor de la même année; et 20,000 francs, le 1er thermidor an 10. Ces deux dernières sommes portent Intérêt à 6 pour 100 par an..

Le 8 brumaire an 9, transcription de ce contrat au bureau des hypothèques de Vannes; et en conséquence, inscription d'office au profit du sieur Jouberthou, qui, dans la suite, cède sa créance à M. Sapey, membre du corps législatif.

Le 24 octobre 1810, M. Sapey renouvelle nion du capital et des intérêts échus, à la cette inscription, et la porte, par la réusomme de 93,020 francs.

Le 7 décembre 1810, le sieur Mahé-de Villeneuve, qui n'a encore rien payé à son vendeur ni au cessionnaire de celui-ci, parceque la terre de Molac est chargée de beaucoup d'inscriptions dont on ne lui rapporte pas la main-levée, revend cette terre à la dame de Sivry, laquelle ouvre un ordre en

tre les créanciers inscrits.

Dans cet ordre se présentent, entr'autres, M. Sapey, représentant le premier vendeur, et les sieurs Jourdan et Lambilly, porteurs d'inscriptions qu'ils ont prises, sur le sieu r Mahé-de-Villeneuve, leur débiteur personnel, les 2 et 3 octobre 1806.

Question de savoir si M. Sapey ne doit être colloqué, outre son prix principal, que, soit pour deux années, soit pour deux années et l'année courante des Intérêts produits, depuis la date du contrat, par les deux sommes stipulées payables les 1er thermidor an 9 et 1er thermidor an 10, et par la somme de 16,400 francs depuis le 1er brumaire an 9; ou s'il doit l'être pour tous les Intérêts échus depuis l'une et l'autre époque.

M. Sapey soutient la seconde de ces propositions. Les sieurs Jourdan et Lambilly soutiennent la première, et prétendent même que la vente dont M. Sapey réclame le prix, ayant été faite et transcrite sous la loi du 11 brumaire an 7, il ne peut exercer son privilége que pour deux années d'Intérêts, sans y comprendre l'année courante, comme il pourrait le faire, disent-ils, si la vente avait eu lieu sous le Code civil.

Le 7 janvier 1813, jugement du tribunal de première instance de Vannes, qui,

« Attendu que, si le sieur Sapey a droit aux Intérêts vis-à-vis de l'acquéreur jusqu'au paiement du prix, il ne peut pas en être de même vis-à-vis des créanciers;

» Qu'à leur égard, la question doit être résolue par les principes de la loi du 11 brumaire an 7, sous l'empire de laquelle la vente et la transcription avaient eu lieu pour quatre années et quelques mois d'Intérêts échus avant la promulgation du Code civil;

» Que, pour tous les Intérêts échus depuis la publication de ce Code, on doit s'en référer à la loi nouvelle ;

» Que l'art. 29 de la loi du 11 brumaire ne conserve au vendeur, par la transcription, que le droit de préférence résultant du prix et des prestations qui en tiennent lieu et non le privilége pour les Intérêts du prix ;

» Que les art. 2103 et 2108 du Code civil sont rédigés dans le même esprit puisqu'ils ne parlent que du prix ;

» Que les art. 19 de la loi du 11 brumaire an 7 et 2151 du Code civil ont déterminé le nombre d'années pour lesquelles le créancier inscrit pour un capital produisant Intérêt a droit d'être colloqué;

» Que la loi n'a fait, pour les Intérêts, aucune distinction entre les créanciers hypothécaires; ce qui prouve qu'elle a voulu les soumettre à la même règle;

» Que, si le vendeur veut conserver son privilége relativement aux Intérêts, il doit prendre des inscriptions particulières pour tous ceux qui ne sont point conservés la transcription à mesure de leur échance;

par

» Qu'il résulte des dispositions combinées de la loi du 11 brumaire et du Code civil,

que Sapey ne doit être colloqué au rang du privilege de son capital, que pour deux années d'Intérêts et pour ceux qui ont couru dans l'intervalle de l'aliénation à la distribution du prix;

» Que, pour les autres Intérêts, il ne doit être colloqué qu'en ordre d'hypothèque ordinaire, et seulement à la date du 24 octobre 1810, jour de la nouvelle inscription;

» Ordonne que le sieur Sapey ne demeurera colloqué, au rang du capital, que pour deux années échues et l'année courante, plus les Intérêts courus pendant les poursuites d'ordre ».

M. Sapey appelle de ce jugement. Le sieur Lambilly en appelle aussi incidemment, en ce qu'il accorde à M. Sapey, non deux années d'Intérêts seulement, mais deux années et l'année courante.

Le 2 avril 1814, arrêt de la cour d'appel de Rennes, après partage, ainsi conçu :

« Considérant que c'est sous l'empire de la loi du 11 brumaire an 7 qu'ont eu lieu tant le contrat de vente du 1er thermidor an 8, que

la transcription et l'inscription d'office prise, le 8 brumaire suivant, au profit de Jouberthou, vendeur, aujourd'hui représenté par Sapey; que conséquemment les dispositions seules de cette loi doivent servir de règle pour décider la question qui divise les parties, et sur laquelle la cour se trouve partagée d'opinion ainsi qu'elle l'a énoncé par son arrêt du 9 février dernier ;

» Qu'aux termes de l'art. 2 de la loi précitée, les privileges sur les immeubles n'ont d'effet que par leur inscription dans les registres publics à ce destines;

» Que la disposition finale du même article n'admet d'autres exceptions à ces principes que celles autorisées par l'art. 11, où l'on ne trouve aucune mention du privilege du vendeur pour ce qui lui reste dû sur le prix de l'immeuble vendu;

» Que ce privilége est même formellement assujeti à l'inscription par l'art. 29;

» Que, suivant l'art. 17, no 3 (chap. 6, du mode d'inscription des hypothèques et priviléges), toute inscription doit contenir le montant des capitaux et accessoires, ainsi que l'époque de leur exigibilité;

» Que le vendeur, sous le règne de la loi de brumaire an 7, n'ayant de privilége pour les capitaux qui lui étaient dus sur l'immeuble vendu, qu'au moyen d'une inscription énonciative de la somme à laquelle ils se montaient, il s'ensuit qu'une inscription était également nécessaire pour lui assurer le paiement des Intérêts de ces mêmes capi

taux;

»>Que, faute à lui d'avoir rempli cette formalité, il ne peut prétendre que les deux années d'Intérêts pour lesquelles l'art. 19 donne au créancier la faculté de s'inscrire en même temps que pour le capital; que, s'il en était autrement, le principe de la publicité des priviléges et hypothèques, qui formait la base du système hypothécaire établi par la loi du 11 brumaire an 7 serait anéanti;

» Qu'en effet, les Intérêts du capital inscrit pouvant s'accumuler pendant un laps de temps indéfini, la situation du possesseur de l'immeuble grevé du privilége du vendeur, ne serait pas publique, puisque les tiers n'auraient aucun moyen de vérifier d'une manière certaine le montant des charges existant sur cet immeuble;

» Qu'accorder au vendeur privilégié toutes les années d'Intérêts échus en quelque nombre qu'elles fussent, ce serait donner à son privilége une extension que la loi ne comporte pas, ou plutôt créer en sa faveur un nouveau privilége qu'elle ne lui a pas accordé, et,

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