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a été supprimé; et la cause s'est reportée au tribunal civil de l'arrondissement d'Espalion, qui l'a jugée en faveur des cit. Salesses, le 14 floréal an 9.

» Son jugement a été attaqué par appel au tribunal de Montpellier; et parmi les juges qui ont prononcé sur cet appel, nous remarquons un cit. Alboise Giscard.

» Ce cit. Alboise Giscard est-il le même cit. Giscard qui avait assisté, comme membre du tribunal civil de l'Aveyron, au jugement préparatoire du 1er pluviôse an 8? Rien ne le prouve.

» Mais en supposant qu'il y avait identité entre l'un et l'autre, peut-il en résulter un moyen de cassation contre le jugement du tribunal d'appel de Montpellier?

>> Sans contredit, les demandeurs auraient pu, en cause d'appel, récuser le cit. Giscard. L'art. 6 du tit. 24 de l'ordonnance de 1667 leur en donnait bien clairement le droit: Le juge POURRA être récusé, s'il a donné conseil, ou connu auparavant du différend COMME JUGE ou comme arbitre.

» Mais les défendeurs n'ayant pas exercé la récusation que leur permettait la loi; ayant, au contraire, consenti par leur silence à ce que le cit. Giscard demeurât juge en cause d'appel, comme il l'avait été en première instance, vous penserez, sans doute, qu'ils ne sont pas aujourd'hui recevables à se plaindre de ce que le cit. Giscard ne s'est pas abstenu d'office.

» Si l'abstention du cit. Giscard eût été nécessaire, à peine de nullité du jugement, l'ordonnance ne dirait pas qu'il pouvait être récusé; en laissant aux parties la faculté de le récuser ou de ne le récuser pas, elle a clairement fait entendre qu'à défaut de récusation, il pourait connaître, en cause d'appel, du différend dont il avait déjà connu en première instance.

» Un moyen semblable vous a été proposé le 14 ventôse an 10, par la demoiselle Gillat; et vous l'avez rejeté, au rapport du cit. Cochard... (1).

» D'après une décision aussi positive, nous ne pouvons que vous proposer de résoudre au désavantage des demandeurs, la première question que nous avons annoncée.

>> La seconde exigera, de notre part, beaucoup plus de détails.

>> Vous connaissez les actes auxquels elle doit l'être.

(1) V. l'article Recusation, S. 10.

» Le 20 août 1696, contrat notarié, par lequel le seigneur de la terre de Saint-Côme cède et abandonne à Jean Salesses, le droit du moulin banal de cette terre, avec les bâtimens et terrains en dépendans, pour en jouir par forme de Locatairie perpétuelle, de trois en trois, neuf en neuf, et vingt neuf en vingt-neuf ans, afin d'éviter prescription de possession; et cela moyennant une rente annuelle de 450 livres payable en deux termes égaux.

» Le 19 septembre 1760, le seigneur de Saint-Côme transporte cette rente à Bernard Daigouy; et par l'acte de transport, il la qualifie de foncière et seigneuriale.

» Qu'elle soit foncière, c'est ce qu'on ne peut révoquer en doute; car elle est due pour concession 'de fonds, et elle est nécessairement perpétuelle, comme le bail dont elle forme le prix.

» Vainement dirait-on que ce bail n'est accordé que de trois en trois, de neuf en neuf, de vingt-neuf en vingt-neuf ans. Cette clause n'empêche pas qu'il ne transfère au preneur le droit de jouir à perpétuité des objets concédés; elle n'est imaginée, et l'acte lui-même le dit formellement, que pour éviter prescription de possession, c'est-à-dire, pour mettre le concessionnaire dans la position d'un fermier qui ne peut jamais prescrire contre son bailleur.

» Mais la rente dont il s'agit, est-elle en même temps seigneuriale? C'est là le vrai point de la difficulté.

» Si elle est seigneuriale, elle est abolie par la loi du 17 juillet 1793; et en la maintenant, le tribunal d'appel de Montpellier a viole cette loi.

» Si elle n'est pas seigneuriale, si élle est purement foncière, la loi du 17 juillet 1793 en commande elle-même le maintien; et le tribunal d'appel de Montpellier a très-bien jugé à cet égard.

» C'est entre ces deux partis que nous devons nous décider; et une première chose bien constante, c'est que, pour le faire avec certitude, ce n'est pas l'acte de transport du 19 septembre 1760, que nous devons consulter. Cet acte, en effet, ne constitue pas la qualité de la rente, il ne fait que l'énoncer : et il est de principe que ce n'est point par la dénomination d'une redevance, mais par sa nature intrinsèque, que l'on doit déterminer si elle appartient ou non au régime féodal. Cela est si vrai, que le 6 vendémiaire et le 29 thermidor an 10, la section des requêtes a jugé, en rejctant, au rapport des cit. Chasle et Gandon, le recours en cassation d'Etchecopar

et de Roux contre des jugemens des tribunaux d'appel de Pau et de Dijon, que des rentes purement foncières par leur nature, n'étaient pas devenues seigneuriales par la dénomination que leur en donnaient les titres primitifs de leur constitution même (1).

» C'est donc à l'acte du 20 août 1696 que nous devons remonter, pour connaître le caractère de la rente litigieuse.

» Or, que remarquons-nous dans cet acte? Deux choses, sa qualité et sa matière. Sa qualité est celle d'un bail à Locatairie perpétuelle.

Sa matière est le droit du moulin banal de la seigneurie de Saint-Come, avec les bâtimens et les terres qui en dépendent.

» De là, deux questions : la première, si la qualité de bail à Locatairie perpétuelle, donnée par les contractans à l'acte du 20 août 1696, peut être de quelque influence pour la détermination de la nature de la redevance dont il s'agit; la seconde si, dans le cas où cette qualité serait, à cet égard, indifférente, la redevance dont il s'agit, devrait être réputée seigneuriale par cela seul qu'elle a été créée pour prix d'un droit de moulin banal, et par conséquent d'un droit de fief. » La première question revient à celle de savoir ce qu'on doit entendre dans les pays méridionaux de droit écrit par un bail à Locatairie perpétuelle, c'est-à-dire, s'il se confond, soit avec l'emphyteose, soit avec le bail à cens, soit avec le bail à rente foncière, ou s'il est distingué de chacun de ces contrats par des traits particuliers.

» Vous savez que, par l'emphyteose, le bailleur se dépouille du domaine utile, sous trois conditions principales la première, qu'en reconnaissance du domaine direct qu'il retient, le preneur lui paiera chaque année une redevance; la seconde, que, s'il est, pendant trois ans, en demeure d'acquitter cette redevance, son domaine utile tombera en commise; la troisième, qu'il ne pourra pas aliéner ce domaine sans au prea lable en avoir prévenu le bailleur et lui avoir présenté le marché pour le même prix qu'en offre l'acquéreur qu'il a en vue.

» Vous savez que le bail à cens emporte également translation du domaine utile, et réserve de la directe; mais qu'il n'expose pas le preneur à la commise, faute de paiement de la rente censuelle, et qu'il lui laisse la liberté entière d'aliener, sauf au seigneur à retraire l'héritage, s'il le trouve à propos.

(1) V. l'article Rente foncière, §. 13.

» Vous savez encore que le bail à rente foncière transfère l'une et l'autre espèce de domaine, quand le bailleur les réunissait toutes deux dans sa personne; qu'il rend le preneur aussi absolu propriétaire que le bailleur, et que celui-ci ne retient précisément que la rente.

» Mais, s'il en faut croire quelques auteurs, par le bail à Locatairie perpétuelle, le preneur n'acquiert que la possession naturelle et utile ; quant à la propriété foncière et à la possession civile, elles demeurent toujours dans la main du bailleur.

» C'est ce que soutient notamment Boutaric, dans son Traité des droits seigneuriaux, chap. 14: le bail à Locatairie perpétuelle diffère du contrat emphyteotique, en ce que, pour donner un fonds à titre d'emphyteose, il faut en avoir la pleine propriété, c'est-à-dire, le posséder allodialement et indépendamment de toute seigneurie directe; au lieu que, pour bailler à titre de locatairie perpétuelle, il suffit d'avoir la dominité utile. On ne regarde point ce contrat comme translatif de propriété...... Ce n'est proprement qu'un CISAILLEMENT de la dominité en deux parties, dont l'une demeure à titre de propriété à celui qui donne le fonds, et l'autre passe à titre d'usufruit sur la tête du locataire.

>> Fonmaur, Traité des lods et ventes, no 536, nous donne les mêmes idées sur cette matière le bail à locatairie perpétuelle (ditil) diffère, à quelque égard, du bail à rente, non qu'il y ait réservation de directe dans l'un ni dans l'autre, mais en ce que le bailleur se réserve la propriété et la possession civile, et qu'il ne baille que la POSSESSION NATurelle au preneur chargé du paiement de la rente tant qu'il jouira.

» On cite, à l'appui de cette doctrine, un arrêt du parlement de Toulouse, du 14 août 1705, rapporté dans le Journal du palais de cette cour, tome 2, §. 166. La question était de savoir si le seigneur direct qui avait baillé un fonds à Locatairie perpétuelle, sans s'être réservé de cens, pouvait, outre la rente qu'il avait stipulée, exiger la redevance censuelle à laquelle étaient assujétis les héritages tenus de la seigneurie. L'arrêt jugea pour la négative, sur le fondement, dit-on, que le contrat de Locatairie ne transférait pas la propriété utile, et que le cens supposait cette propriété dans cèlui qui le payait.

>> On ajoute que ce principe a encore dicté trois arrêts de la même cour, des 1er juillet 1737, 9 août 1746 et 7 janvier 1749. Il s'agissait de savoir si le bailleur pouyait, sans dé

cret et en vertu d'une simple ordonnance de justice, rentrer dans sa chose, faute de paiement de la rente pendant trois ans ; ou s'il était obligé de faire décréter le bien sur le preneur, comme on le fait dans le cas du bail à rente foncière. Ces trois arrêts ont adopté le premier parti, et l'on prétend qu'ils l'ont adopté par le motif de la retention du domaine utile dans la personne du bailleur. Le plus ancien est rapporté au Journal du palais de Toulouse, dans l'ordre de sa date; les deux autres sont cités par Fonmaur, sous le n° que nous venons d'indiquer.

»Enfin, on dit, pour justifier cette opinion, que le preneur à Locatairie perpétuelle est spécialement tenu d'améliorer l'heritage qui lui est concédé; que la coupe des bois de haute-futaie lui est interdite; qu'il ne peut pas démembrer ni diviser les objets de sa concession; et qu'à défaut de paiement de la taille et des autres impositions foncières de la part du preneur, l'ancien gouvernement était dans l'usage de les faire payer par le bailleur personnellement.

>> Si nous pouvions adhérer à cette doctrine, si nous pouvions regarder comme une vérité constante que, par le bail à Locatairie perpétuelle, le concessionnaire n'acquiert pas même le domaine utile de la chose qui en est l'objet, bien évidemment nous serions forces de dire que jamais la rente stipulée par un pareil acte, n'a pu être seigneuriale.

>> Celles - là seules, en effet, ont ce caractère, qui sont le prix de la concession du domaine utile et qui se paient en reconnaissance de la directe retenue par le bailleur. Ce principe (dit le cit. Henrion, dans le Répertoire de jurisprudence, aux mots Rente foncière) sort de la nature des choses. L'essence des droits seigneuriaux est d'être attachés à un domaine direct, DOMAINE QUI suppose NÉCES

SAIREMENT LA CONCESSION D'UNE PROPRIÉTÉ
UTILE. Cette règle, fondamentale en cette ma-
tière, est reconnue, adoptée, consacrée par
tous les auteurs. Dumoulin la présente, à la
tête de son Commentaire sur les droits seig-
neuriaux, comme la base inébranlable de
toutes ses décisions: APUD NOS CONTRACTUS
CENSUALIS EST, QUANDÒ DOMINIUM UTILE CERTI

FUNDI TRANSFERTUR SUB ANNUA ET PERPETUA PEN-
SIONE NOMINE CENSUS, RETENTO DOMINIO DIRECTO
ET JURIBUS DOMINICALIBUS; ET ITA GENERALITER
ACCIPITUR ET USITATUR IN TOTO HOC REGNO.

» De là vient qu'un fermage n'est jamais réputé seigneurial, quoiqu'il soit dû à un seigneur, et qu'il soit le prix de la jouissance d'un fonds de la seigneurie.

» De là vient encore, et c'est un point que

vous avez consacré par plusieurs jugemens célèbres (1), de là vient encore qu'une rente constituée par une emphyteose temporaire ou par un contrat d'engagement révocable à volonté, n'est pas considérée comme seigneuriale, quoique le titre de sa constitution la qualifie telle, quoique, par ce même titre, elle soit déclarée productive de lods et ventes, quoique l'auteur de la concession emphytéotique ou engagère soit véritablement seig

neur.

>> Dans notre espèce, c'est bien au profit d'un seigneur qu'est constituée la rente dont il est question. Mais, d'une part, elle n'est pas même qualifiée seigneuriale par le titre qui la constitue; et de l'autre, si le titre qui la constitue, n'exproprie point le seigneur de son domaine utile, il est bien impossible qu'elle soit seigneuriale, il est bien impossible par conséquent qu'elle soit comprise dans l'abolition prononcée par la loi du 17 juillet 1793.

>> Prétendre, comme le font les demandeurs, que toute rente foncière doit être rangée dans la classe des prestations seigneuriales, par cela seul qu'elle est due à un ci-devant seigneur, c'est un système beaucoup trop général; vrai dans certain cas, il est faux dans d'autres (2); et sans entrer ici dans les distinctions dont il est susceptible, nous nous contenterons d'observer que, quand même il serait indistinctement vrai, que, quand même nous accorderions aux demandeurs que toute rente foncière due à un ci-devant seigneur, doit, à ce seul titre, être présumée seigneuriale, au moins ce ne serait là qu'une présomption; et certes, dans notre espèce, en admettant la doctrine de Boutaric et de Fonmaur, cette présomption s'évanouirait devant le titre primitif du 20 août 1696, qui ne présente qu'un bail à Locatairie perpétuelle, bail qui, suivant cette doc c'est-à-dire qu'un trine, ne stipule, ni cession de la propriété utile, ni par conséquent redevance recognitive de la directe, qu'un bail dont l'essence même répugne à toute idée de jeu de fief et de bail à cens, qu'un bail essentiellement exclusif du caractère de féodalité dans la rente qui en forme le prix.

» Mais la doctrine de Boutaric et de Fonmaur est-elle exacte ? Est-il bien vrai que le bail à Locatairie perpétuelle ne transfère pas au preneur, même la propriété utile des cho

(1) V. les articles Emphyteose et Engagement. (2) V. l'article Rente foncière, §. 10.

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» Ce qui doit d'abord nous tenir en garde contre cette opinion, c'est qu'elle est contredite par Duperrier, tome 1, liv. 4, quest. 25; par la Touloubre, dans sa Jurisprudence féodale, part. 2, page 112; par Julien, sur les statuts de Provence, tome i, page 289.

» Mais ce qui doit nous la faire rejeter toutà-fait, c'est qu'elle a été proscrite par l'assemblée constituante; voici comment.

» Les décrets du 4 août 1789 ayant déclaré rachetables toutes les rentes foncières qui avaient été constituées jusqu'alors, soit pure. ment et simplement, soit avec la clause expresse d'irrédimibilité, il s'est agi de savoir si l'on devait soumettre à la disposition de ces décrets, les rentes foncières constituées par baux à Locatairie perpétuelle.

>> On disait pour la negative, que ces décrets n'atteignaient pas les rentes foncières constituées par baux emphytéotiques à temps que la raison en était que les baux emphyteotiques à temps ne transféraient pas la propriété; que, dès-là, il en devait être de même des rentes constituées par baux à Locatairie perpétuelle ; et pour justifier cette conséquence, on invoquait toutes les autorités, toutes les raisons, à l'aide desquelles Boutaric et Fonmaur cherchent à établir que les baux à Locatairie perpétuelle ne sont pas plus translatifs de propriété que ne le sont les emphythéoses temporaires.

» Le cit. Tronchet, dans un rapport qu'il fit sur cette question, au nom du comité des droit féodaux, réfuta ce système avec sa logique ordinaire :

» Il faut convenir (ce sont ses termes) que les raisons sur lesquelles on fonde la différence que l'on veut mettre entre le bail à Locatairie perpétuelle et le bail à rente, paraissent plus subtiles que solides.

» Une LOCATAIRIE n'annonce, à la vérité, qu'une succession de la jouissance des fruits; mais un droit perpétuel de jouissance est incompatible avec l'idée d'un simple bail à loyer. Un usufruit perpétuel est une idée sauvage et peu conciliable avec les idées communes. Il en est de même de l'idée que ce contrat est un cisaillement de la propriété en deux parties, lequel réserve à l'un la propriété et à l'autre une jouissance perpétuelle. Cette idée ne signifie rien, ou ne signifie autre chose que ce genre de propriété fictive que l'on sup

pose également réservée au bailleur dans le bail à rente ordinaire.

» La stipulation qui assujétit le preneur à des améliorations, et celle qui lui ințerdit toute dégradation, sont communes au bail à rente ordinaire; ce sont des conditions qui ont pour objet la sûreté du service de la

rente.

» La défense de couper les bois de hautefutaie n'est qu'une réserve d'une partie de la propriété, qui n'empêche point que le surplus n'ait pu être aliéné. Cette réserve n'est pas une chose particulière aux baux à Locatairie perpétuelle, elle se trouve quelquefois dans les baux à rente; et tout ce qu'elle peut produire, c'est d'obliger le preneur, lors du rembour sement de la rente, à payer la valeur des bois réservés.

» La prohibition de diviser et aliéner avait autrefois lieu dans les inféodations et les acensemens, ce qui n'empêchait pas que ces actes n'emportassent aliénation de la propriété, et cette prohibition est encore une condition qui a pour objet la sûreté et la facilité du service de la rente.

» Si le locateur peut rentrer sans décret dans sa propriété, c'est une simple faculté dérivant de la convention, ou attachée par la jurisprudence à ce contrat. Les baux à rente peuvent être résiliés faute de paiement d'un certain nombre d'arrérages. La différence introduite par la jurisprudence de Toulouse, ne consiste que dans le mode de la procédure suivie pour la rentrée dans le fonds.

» Ce ne peut être que comme propriétaire, que le locataire acquitte, sans diminution sur sa redevance, les charges réelles et publiques. La garantie que le fisc exerce contre le locateur, n'est qu'une extension abusive de ses priviléges, extension qui pourrait d'ailleurs avoir un prétexte, si le locateur ne payait point d'impositions à raison de la rente.

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Enfin, dans les pays où ce genre de contrat est en usage, on ne conteste pas que le fonds est hypothéqué aux dettes du locataire, et qu'au contraire il ne peut être affecté aux dettes du locateur: circonstance qui seule décide la question, et prouve que ce contrat emporte une véritable aliénation de la propriété....

» Nous ne voyons donc (conclud le cit. Tronchet) aucune raison qui puisse faire excepter les Locatairies perpétuelles de la loi prononcée par le décret du 4 août.

» En conséquence, la loi du 18-29 décembre 1790, après avoir déclaré, art. 1, que la faculté de rachat n'était pas applicable aux rentes stipulées, soit par des baux à rente ou em

soit

par

phyteose non perpétuels, et non excédant quatre-vingt-dix-neuf ans, des baux à vie qui ne fussent pas sur plus de trois têtes, a ajouté, art. 2, qu'à cette faculté étaient soumises les rentes ou redevances foncières, établies par les contrats connus en certains pays sous le titre de Locatairie perpétuelle.

» Par là, il est nettement décidé que le bail à Locatairie perpétuelle ne diffère en rien du bail à rente foncière; et il doit, dès-lors, demeurer bien constant que, pour juger non abolie la rente dont il est ici question, le tribunal d'appel de Montpellier s'est mal à propos fondé sur la prétendue maxime, que le bail à Locatairie perpétuelle n'est pas translatif de propriété.

» Mais ici se présente notre seconde question: de ce que l'acte du 20 août 1696 doit être considéré comme un bail à rente foncière, et de ce qu'il a pour objet un droit de moulin banal faisant partie du gros d'un fief, s'ensuitil que la redevance stipulée par cet acte, doive être rangée dans la classe des prestations seigneuriales? S'ensuit-il par conséquent qu'elle ait été abolie par la loi du 17 juillet 1793?

» Cette question revient à celle de savoir si le bail à rente foncière, sans stipulation expresse d'un cens, doit être assimilé à un bail à cens proprement dit, lorsqu'il comprend des objets qui auraient pu être la matière d'un véritable acensement, ou, en d'autres termes, lorsqu'il comprend, soit des droits féodaux, tels que des banalités, soit des portions foncières d'un domaine seigneurial.

» En deux mots, la rente foncière constituée pour prix d'un objet féodal, est-elle par soi recognitive de la seigneurie directe? Voilà ce que nous avons à examiner.

» Il est certain que, sous le régime féodal, un seigneur pouvait, par un bail à rente, comme par un bail à cens, détacher une portion quelconque du gros de son fief; mais les effets de ces deux manières d'aliéner n'étaient pas, à beaucoup près, les mêmes.

» S'il aliénait par bail à cens, le concessionnaire possédait roturièrement la chose qui lui était concédée; il n'en devait point le droit de franc-fief; quoiqu'il fût de la classe qu'on nommait alors roturière; il devenait l'homme de son bailleur, et n'avait aucune relation de féodalité avec le suzerain de celui-ci.

» Si, au contraire, l'aliénation se faisait par bail à rente, on distinguait: ou le bailleur s'était chargé de la foi-hommage à porter à son suzerain pour raison de l'héritage ou du droit qu'il alienait, et par là, il avait

voulu que cet héritage, que ce droit fût tenu du gros de sa seigneurie; ou il ne s'était imposé aucune charge de ce genre, et le bail à rente ne présentait, de sa part, que la retenue d'un simple devoir patrimonial.

» Au premier cas, le bail à rente prenait le caractère, tantôt d'une sous-inféodation, tantôt d'un acensement d'une sous-inféodation, s'il paraissait, par ses clauses, que le preneur dût tenir l'objet concédé en arrièrefief: d'un acensement, si, au contraire, il résultait de ses clauses que l'objet concédé dût être tenu par le preneur en roture.

» Au second cas, le seigneur qui baillait à rente, soit une portion foncière de sa seigneurie, soit un droit seigneurial qui y était inhérent, s'expropriait absolument de son domaine direct, comme de son domaine utile. La rente foncière était bien encore pour lui un droit dans la chose aliénée, mais elle n'avait rien de féodal : elle ne représentait pas, aux yeux du suzerain, la portion de fief dont elle était le prix.

:

» Il y a plus le preneur à rente ne possédait pas en roture cette portion de fief; cette portion de fief formait dans sa main un fief partiel, ou même, dans plusieurs coutumes, un nouveau fief entièrement distinct de celui que retenait le bailleur ; il devenait, pour raison de ce fief, le vassal direct et immédiat du seigneur suzerain du bailleur même; et par suite, il en devait le droit de franc-fief, s'il n'était point de la caste nobiliaire.

>> Ces principes sont reconnus et proclamés par Dumoulin, sur l'art. 51 de l'ancienne coutume de Paris, nos 28 et 29. Il y a, dit-il, une grande différence entre le bail à rente et le bail à cens ou la sous-inféodation de la totalité ou d'une partie du fief. Si le vassal aliène, par sous-inféodation ou par bail à cens, une partie ou même la totalité de son domaine féodal, le fief n'est pas pour cela ouvert à l'égard du suzerain; le vassal est censé alors avoir retenu la seigneurie directe, quoiqu'il n'en ait pas fait la réserve expresse: Amplio tertiò conclusionem principalem in concessione totius vel partis feudi ad certum reditum annuum; super quo adverte quod concessio ad reditum multùm differt à concessione in subfeudum vel in censum; quia in subinfeodatione vel in concessione ad censum, eo ipso ex natură actús inest retentio dominii et omnis dominicalis juris, respectu recipientis, in re concessá; et sic non censetur fieri alienatio nec dismembratio feudi, et nulla indè causatur apertura, etiamsi concedens non expresserit penès se

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