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» Le premier moyen de cassation des demandeurs est donc, à tous égards, mal fondé.

» Le deuxième consiste à dire que la cour d'appel de Douai reconnaît elle-même que la suppression de la banalité n'a fait perdre au sieur Descamps que le tiers du produit annuel des moulins de l'archevêché de Cam bray; que l'art. 1769 du Code civil n'accorde de remise au fermier dont le bail est fait pour plusieurs années, que dans le cas où la totalité ou la moitié d'une récolte au moins est enlevée par des cas fortuits; qu'ainsi, l'art. 1769 du Code civil est violé par l'arrêt de la cour d'appel de Douai.

» Deux réponses.

» D'abord, ce n'est pas, nous l'avons déjà dit, dans le Code civil, c'est dans les lois romaines que l'on doit chercher les règles qui, dans la contestation agitée devant elle entre les parties, ont du diriger la cour d'appel de Douai. Or, les lois romaines déterminentelles la quotité du dommage que le fermier doit avoir souffert, pour qu'il soit en droit de demander une remise sur ses fermages? Non : elles disent seulement que le fermier ne peut pas se plaindre d'un dommage peu considérable. Modicum damnum æquo animo ferre debet colonus, cui immodicum lucrum non aufertur. Ce sont les termes de la loi 25, S. 6, D. locati conducti. De là (dit Pothier, dans son Traité du contrat de louage, no 156), nait la question quelle doit être la quantité du dommage causé par une force majeure sur les fruits encore pendans, pour que le fermier puisse prétendre une remise de partie de l'année de ferme. Il y a plusieurs opinions assez incertaines sur cette question. Brunnemann, sur la loi 15, D. locati conducti, estime qu'il faut que deux choses concourent: 1o que ce qui a échappé à l'accident arrivé sur les fruits pendans, soit au-dessous de la moitié de la quantité qu'on a coutume de percevoir dans les années ordinaires; 2o que la valeur de ce qui reste soit au-dessous de la moitié de la valeur du prix de la ferme. LA DÉCISION DE CETTE QUESTION DOIT ÊTRE LAISSÉE A L'ARBI

TRAGE DU JUGE.

» Ensuite, n'oublions pas qu'il s'agit ici, non d'un dommage causé par l'intempérie des saisons, ou par des actes de violence, mais de la suppression, prononcée par la loi, d'un droit de banalité qui avait été expressément compris dans le bail du sieur Descamps.

» Cela posé, que la cour nous permette une question : si, sur un procès élevé entre l'archevêque de Cambray et ses baniers, il TOME IX.

avait été jugé que le droit de banalité affermé au sieur Descamps, n'existait pas, aurait-on pu refuser au sieur Descamps une remise de fermages, sous le prétexte que la banalité n'était pas entrée pour moitié dans la stipulation du prix de la ferme? Vous en jugerez, Messieurs, par l'analogie qu'il y a entre cette hypothèse et celle que propose Pothier, no 158 du traité que nous venons de citer : La perte des fruits à recueillir sur une partie de la métairie, ne donne lieu, à la vérité, à aucune remise de la ferme, à moins qu'elle ne fut la partie la plus considérable de la métairie : il en est autrement, lorsqu'un fermier a été évincé, ou, de quelque autre MANIÈRE QUE CE SOIT, PRIVÉ DE L'OCCUPATION D'UNE PArtie des terres de LA MÉTAIRIE ; quellui doit faire raison de la non-jouissance de que petite que soit cette portion, le locateur cette portion; car le locateur est obligé de le faire jouir de toutes les parties de la chose qu'il lui a donnée à ferme, DEBET PRÆSTARE

EI FRUI LICERE.

» Il est donc clair que, si l'archevêque de Cambray eût été évincé de son droit de banalité, pendant le bail du sieur Descamps, le sieur Descamps aurait droit à une remise de fermages proportionnée à la somme pour laquelle ce droit serait entré dans le prix de la location, n'importe que cette somme se fût ou ne se fût pas élevée à la moitié de ce prix.

» Eh bien ! Il en est, dans les rapports du bailleur avec le fermier, d'une éviction opérée par la loi, comme d'une éviction opérée par un jugement. Dans le cas de l'une comme dans le cas de l'autre, la chose a péri pour le compte du bailleur. Le bailleur ne peut donc plus, dans le cas de l'une comme dans le cas de l'autre, exiger le fermage de la chose qui lui est enlevée. Il faut donc, dans le cas de l'une comme dans le cas de l'autre, que le fermage de la chose enlevée au bailleur, soit retranché du prix total de la ferme.

» Et voilà pourquoi l'art. 37 du tit. 2 de la loi du 15-28 mars 1790 permet à ceux qui ont pris à bail aucuns droits abolis, conjointement avec d'autres biens, de demander une réduction de leurs pots-de-vin et fermages, proportionnée à la quotité des objets frappés de suppression. Voilà pourquoi cet article veut que cette réduction soit accordée, quelque modique que soit la quotite des droits abolis.

» Par ces considérations, nous estimons qu'il y a lieu de rejeter les requêtes des demandeurs, et de condamner M. de Rohan,

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ainsi que les héritiers Rodesse, à l'amende de 150 francs ».

Par arrêt du 5 avril 1810, au rapport de M. Borel,

« Sur le premier moyen, résultant de la loi 78, D. de contrahenda emptione, et de la loi 23, D. de regulis juris,

» Attendu que la première de ces lois est inapplicable à l'espèce sur laquelle il s'agissait de prononcer, cette loi étant uniquement relative à l'action de l'acheteur en cas de dommage ou perte de la chose vendue;

Attendu que la loi 23, D. de regulis • juris, qui autorise les stipulations de nongarantie, n'a été aucunement violée par l'arrêt attaqué qui a dû déterminer les effets de la clause contenue au bail de 1781, d'après les circonstances et les lois existantes à l'origine de l'instance; que la loi du 15-28 mars 1790, art. 37, a établi la nécessité de la réduction des fermages, lorsqu'ils comprenaient des droits abolis, sans avoir aucun égard aux stipulations des baux qui renfermaient, pour la plupart, les clauses générales de non-garantie; et que la cour d'appel de Douai a régulièrement appliqué à l'espèce ces principes;

>> Sur le second moyen, résultant d'une prétendue violation de l'art. 1769 du Code civil et de la loi 25, D. locati conducti,

>> Attendu le Code civil, en supposant que qu'il contînt une disposition applicable à l'espèce, ne pouvait la régler, puisque sa publication est postérieure aux stipulations et aux circonstances qui ont donné naissance à la contestation;

» Attendu que la loi 25, D. locati conducti, laisse à l'appréciation des juges la fixation de la quotité du dommage qui peut donner lieu à la garantie du propriétaire; et que d'ailleurs la loi du 15-28 mars 1790 avait introduit un droit spécial au cas dont il s'agissait;

» La cour rejette le pourvoi du sieur Fer. dinand-Maximilien-Mériadec de Rohan et des héritiers de Claude-Alexandre Rodesse....; rejette également le pourvoi des administrateurs de la régie de l'enregistrement et des domaines >>.

S. II. De la prescription des fermages.
V. l'article Prescription, §. 16.
LORRAINE (ci-devant ). V. les articles
Acquisition, Cantonnement, Remembrement,
Tiers denier et Usage ( droit d' ), §. 2.

LOTS. V. l'article Partage, S. 4 et 5.
LOTS A DOUAIRE. V.l'article Partage,§.6.

MAINETÉ. Le droit de Maineté, ou le préciput établi en faveur du puîné par les coutumes de Cambray et de Valenciennes, a-t-il été, ipso facto, abrogé par la loi du 15-28 mars 1790, portant suppression du régime féodal? V. le plaidoyer du 9 ventôse an 11, rapporté à l'article Féodalité, §. 3.

MAINFERMES. V. l'article Coteries.

MAIN-MORTE (DROIT DE ), §. I. 1o Les main-mortables pouvaient-ils posséder des biens en propriété?

2o. De ce qu'une commune était anciennement assujétie à la Main-morte, s'ensuit-il, ou que les bois dont elle n'a aujourd'hui que l'usage lui appartenaient alors en propriété, ou qu'ils appartenaient dès lors à son seig

neur?

V. les plaidoyers et les arrêts des 18 et 25 brumaire an 11, rapportés à l'article Communaux, S. 2 et 4.

S. II. 10 Quel était le sens de la règle établie par la coutume de Troyes, que l'argent rachète la Main-morte? Cette règle était-elle, avant l'abolition de la Main morte, commune à tout le bailliage de Troyes?

20 Le droit de taille à volonté em. portait-il, sans autre preuve, celui de l'échúte main-mortable?

Ces deux questions et une troisième qui est indiquée sous les mots Chose jugée, §. 6, sont traitées dans le plaidoyer suivant, que j'ai prononcé à l'audience de la cour de cassation, sections réunies, le 17 floréal an 11: « Un jugement du tribunal d'appel de Paris, du 13 fructidor an 9, est attaqué devant vous par les mêmes moyens qui déjà ont motivé la cassation d'un jugement semblable du tribunal civil du département de Seine et Marne, du 13 prairial an 6; et vous êtes réunis pour décider si cette cassation a été prononcée d'après le vœu de la loi, ou si elle n'est que l'effet d'une surprise faite à la religion des magistrats suprêmes.

» Dans le fait, un grand procès s'était élevé entre la dame de Nassau, les habitans et les propriétaires de plusieurs communes composant ce qu'on appelait alors la châteltellenie de l'Isle-sous-Montréal, régie par la coutume de Troyes. Il avait pour objet divers droits que, d'une part, la dame de Nassau prétendait exercer sur les habitans et les

biens de la châtellenie, et que, de l'autre, lui déniaient les habitans et les propriétaires forains.

» Ce procès a été terminé par un arrêt du parlement de Paris, du 23 juillet 1763; et dans cet arrêt, quatre dispositions principales sont à remarquer.

» 10 Il confirme plusieurs sentences, qui avaient envoyé la dame de Nassau en possession d'échûtes main mortables.

» 20 Il maintient la dame de Nassau dans un droit de tierce ou champart sur tous les biens fonds qui ne seront pas justifiés être tenus en fief, ou sujets à des cens en argent ou en grains, ou affranchis par des titres particuliers.

» 3o Il la maintient pareillement dans le droit de Main-morte, de poursuite, de taille, et autres accessoires dudit droit, dans toute l'étendue de la terre de l'Isle, sur tous les biens, hommes et femmes, qui, par des titres généraux ou particuliers, n'en sont pas exempts où affranchis; ledit droit de Mainmorte ou de taille à volonté payable une fois l'an, en monnaie courante, le jour de saint Remy, premier octobre de chaque année, croissant et décroissant suivant la faculté des gens.

4o Il la maintient enfin, dans les droits de corvées, devoirs, obligations, redevances en argent, volailles, grains, fruits, etc., dus au seigneur de l'Isle, en vertu de la charte d'affranchissement du droit de Mainmorte, donnée aux habitans dudit bourg de l'Isle, le 12 juillet 1279, par Béatrix de Champagne, duchesse de Bourgogne, et Huguenin de Bourgogne, son fils, seigneur de ladite terre de l'Isle.

» Il résulte clairement de cette dernière disposition, que les habitans du bourg de l'Isle avaient été affranchis de la Main-morte, proprement dite, en 1279, et que par conséquent leurs successions ne pouvaient plus, depuis ce temps, tomber en échûte au profit du seigneur.

» Mais observons bien que l'affranchissement de 1279 n'avait été accordé qu'aux habitans du bourg de l'Isle; et de là il suit nécessairement que les autres communes dépendantes de la terre de l'Isle-sous-Montréal, n'y étaient pas comprises.

» Sans doute, elles pouvaient avoir été depuis affranchies par d'autres titres; et en effet, nous trouvons, dans le vu d'un arrêt du parlement de Paris, du 6 mai 1784, produit par les défendeurs, des chartes de 1319, 1357, 1368 et 1425, qui affranchissent également

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d'autres communes; mais aucun de ces actes ne parle nommément de la commune de Sainte-Colombe, et nous verrons bientôt que cette circonstance n'est pas indifférente pour la solution de la difficulté qui vous oc

cupe.

» Une autre observation qui ne doit pas nous échapper, c'est que Pierre BreuiHard, de la succession duquel il est ici question, Louis Breuillard et Joseph Breuillard, ses frères, étaient, comme membres de la commune de Sainte-Colombe, parties au procès juge par l'arrêt du 23 juillet 1763.

» Pierre Breuillard était mort quelque jours avant cet arrêt (le 16 juillet).

» Le 23 novembre suivant, Pierre-PhilippeAndré Mingaud, marquis de la Hage, usufruitier de la terre de l'Isle sous-Montréal, obtint une sentence qui l'envoya, à titre d'échûte main mortable, en possession de tous les biens qu'avait laissés ce particulier.

» Le 16 mars 1764, Joseph Breuillard, l'un des frères du défunt, acheta ces mêmes biens de Pierre-Philippe-André Mingaud, qui les lui vendit comme les ayant recueillis par droit de Main-morte.

» Le 14 mai de la même année, une transaction importante fut passée entre la dame de Nassau, comme propriétaire, et Mingaud, comme usufruitier de la terre de l'Isle-sousMontréal, d'une part, et les habitans de cette terre, parmi lesquels figurent en nom Louis et Joseph Breuillard, de l'autre.

» Par cet acte, qui fut homologué au parlement de Paris, le 12 juillet suivant, la dame de Nassau et l'usufruitier de sa terre firent remise aux habitans, et même aux propriétaires forains qui y adhéreraient par leurs signatures, de plusieurs des droits que leur avait adjugés l'arrêt du 23 juillet 1763, notamment de la servitude de la Main morte et accessoires ; ils déclarèrent même qu'ils voulaient bien remettre toutes les échútes, à l'exception 1o de celles dont la dame de Nassau était en possession avant l'arrêt; 2o de celle de la veuve Sachet, dont la succession était échue par droit de Main-morte au marquis de la Hage; 30 de toutes celles dont le marquis de la Hage s'était mis en possession depuis ledit arrét.

» Cette dernière exception, comme vous le voyez, frappait directement sur l'échûte de Pierre Breuillard; elle confirmait par conséquent la disposition qu'en avait faite Mingaud en faveur de Joseph Breuillard ; et vous n'avez pas oublié que Louis Breuillard, père des défendeurs, était partie dans la transaction dont il s'agit.

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» Cependant en 1785, les enfans de Louis Breuillard se sont pourvus au bailliage de Troyes, et y ont demandé le partage de la succession de leur oncle Pierre Breuillard.

» Après des procédures et des jugemens provisoires dont il est inutile de vous entretenir, il est intervenu au tribunal civil du département de l'Yonne, le 27 floréal an 5, un jugement qui a ordonné le partage.

» Anne Breuillard et consorts, enfans de Joseph Breuillard, ont appelé de ce jugement; mais il a été confirmé par le tribunal civil du département de Seine et Marne, le 13 prairial an 6, sur le fondement 1o que, par l'art. 59 de la coutume de Troyes, l'argent rachète la Main-morte; 2o qu'il résulte de l'arrêt du 23 juillet 1763, que la Main-morte à laquelle étaient alors assujétis les habitans de la terre de l'Isle-sous-Montréal, ne consistait que dans une redevance en argent, et que par conséquent elle était exclusive du droit d'échûte; 3o que cet arrêt faisait loi entre le seigneur et les habitans; 4o que le droit d'échûte ne pouvait, en aucun cas, appartenir à l'usufruitier; et qu'ainsi, Mingaud n'avait pas pu vendre le produit de ce droit à Joseph Breuillard.

» Sur le recours en cassation forme contre ce jugement par Anne Breuillard et consorts, la section civile l'a cassé le 13 prairial an 8, au rapport du cit. Coffinhal,

» Attendu que la loi du 25 août 1792, et les subséquentes ont maintenu les droits des tiers acquéreurs d'héritages cédés pour prix d'affranchissement de Main-morte, et que Joseph Breuillard est tiers-acquéreur;

nonob.

» Que l'arrêt du 23 juillet 1763 a jugé formellement que plusieurs héritages étaient demeurés assujétis à la Main-morte, stant la charte de 1279, puisqu'il confirme des sentences d'envoi en possession de successions main mortables, et que la disposition postérieure qui condamne les habitans à dif. férentes prestations en argent ou denrées, ne peut être relative qu'à la taille et autres droits seigneuriaux qui y sont rappelés, et qui, dans le principe, étaient l'unique objet de l'opposition formée par les habitans des communes enclavées dans la terre de l'Isle, et non la Main morte qui ne paraît pas même avoir été contestée;

» Que l'acte, en forme de transaction, du 14 mai 1764, homologué par l'arrêt du 12 juillet suivant, avait fixé plus particulièrement le sens de l'arrêt; que l'affranchissement absolu de la Main-morte, qui y est accordé par le seigneur et accepté par les habitans, annonce qu'ils y étaient encore assujétis en

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tout ou en partie; que la confirmation des échútes antérieures et postérieures a été le prix de l'affranchissement; que l'échúte de la succession de Pierre Breuillard se trouve conservée par cet acte..... ; ·

» Que le seigneur usufruitier et le propriétaire étaient parties l'un et l'autre dans la transaction; ce qui ne permettait plus d'agiter la question de savoir si Breuillard avait pu acquérir de l'usufruitier, puisque son droit était reconnu par le propriétaire ;

» Que cette transaction a été opposée devant les tribunaux de première instance et d'appel; qu'elle n'a été anéantie, au chef de la maintenue dont il s'agit, par aucun des tribunaux saisis de la contestation, NI PAR AUCUNE AUTRE autorité ;

» Que l'art. 56 de la coutume de Troyes, qu'elles qu'en fussent les dispositions, ne serait pas un motif d'y déroger, ayant dû être 2 et non depuis, l'arrêt et la invoqué avant transaction homologuée ;

» Que le jugement attaqué étant en contrariété manifeste avec ces actes, le respect dů à l'autorité de la chose jugée et aux transactions, ne permet pas de le laisser subsister.

» L'affaire reportée en conséquence au tribunal, d'appel de Paris, jugement du 13 fructidor an 9, qui prononce, comme l'avait fait le tribunal civil de Seine et Marne,

» Attendu que, dans l'instance pendante au ci-devant parlement, jugée par arrêt du 23 juillet 1763, la feue dame de Nassau a reconnu que, suivant les anciens titres et notamment la charte de 1279, la Main-morte et la taille, auxquelles étaient assujétis les habitans et domaines dépendans de la terre de l'Isle, ne consistaient que dans un droit de MAIN MORTE ET DE TAILLE IMPOSARLE A VOLONTÉ, UNE FOIS L'AN, PAYABLE EN MONNAIE COURANTE, LE JOUR DE SAINT-REMY, 1er OCTOBRE DE CHAQUE ANNÉE, CROISSANT ET DÉCROISSANT SUIVANT LES FACULTÉS DES GENS; que, par les différentes requêtes signifiées de sa part en ladite instance, elle a seulement demandé à et qu'elle ÊTRE MAINTENUE DANS LEDIT DROIT y a été maintenue par ledit arrêt; d'où il résulte que les héritages délaissés Pierre par Breuillard, n'étaient pas soumis à la mainmise et appréhension en nature, en quoi consiste le droit de Main-morte proprement dit ; et qu'au contraire, ils devaient être recueillis par ses héritiers, et partagés entre eux ;

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ainsi

» Attendu que la transaction du 14 mai 1764, dont a excipé Joseph Breuillard, que l'arrêt homologatif du 12 juillet de la même année, ont été cassés et annulés par arrêt du ci-devant conseil, du 13 avril 1773.

» Tels ont été les motifs du jugement dont on vous demande la cassation; et il n'est pas inutile de remarquer que le tribunal d'appel de Paris n'a pas adopté tous ceux qui avaient déterminé le jugement du tribunal civil de Seine et Marne.

» Le tribunal civil de Seine et Marne s'était fondé particulièrement sur ce que Mingaud, vendeur de Joseph Breuillard, n'étant qu'usufruitier de la terre de l'Isle, ce n'eût pas été à lui, mais à la dame de Nassau, propriétaire, qu'eût dû appartenir la succession de Pierre Breuillard, si elle eût été sujette à l'échûte main-mortable; et en cela il avait fait un très - mauvais raisonnement, même indépendamment de la transaction du 14 mai 1764, dans laquelle, comme l'a très bien observé le jugement de cassation, du 13 prairial an 8, la dame de Nassau avait reconnu le droit de l'usufruitier Mingaud, aux échûtes arrivées pendant son usufruit.

» En effet, il était assez douteux, sous le régime de la Main-morte, si les échûtes appartenaient, comme profits de fief, à l'usufruitier de la seigneurie, ou si elles devaient se réunir à la nue-propriété.

» Le parlement de Besançon, suivant le témoignage de Grivel et de Dunod, jugeait constamment en faveur de l'usufruitier.

» Dumoulin, Coquille, le président Favre, Voët et le président Bouhier tenaient la doctrine contraire, et nous devons convenir qu'elle était justifiée par des raisons trèspuissantes.

» Mais ce n'était là qu'un objet de discussion entre le propriétaire et l'usufruitier; et jamais. on n'a prétendu que l'usufruitier fût sans qualité envers les tiers, pour réclamer les échûtes. Tant que le propriétaire ne réclamait pas, l'usufruitier pouvait les appréhender et en disposer comme de sa propre chose. » Or, dans notre espèce, la dame de Nassau n'a jamais réclamé contre l'appréhension que Mingaud avait faite de l'échûte de Pierre Breuillard. Cette appréhension était donc lé. gale envers les tiers. Elle formait donc, pour Mingaud, un titre de propriété envers tout autre que la dame de Nassau. La dame de Nassau était donc la seule qui fût recevable à inquiéter l'acquéreur de Mingaud.

» Le tribunal civil de Seine et Marne s'était encore fonde sur l'art. 59 de la coutume de Troyes, aux termes duquel les héritages chargés de coutume échéable, c'est-à-dire, de redevances annuelles en nature, sont exempts de l'échûte main-mortable, lorsqu'à ces redevances en nature, sont mêlées des redevances en argent, parcequ'argent rachète

Main-morte, c'est-à-dire, parceque la redevance en argent n'a été imposée sur les héritages, en sus des redevances en nature, que pour prix de leur affranchissement.

» Mais il n'avait pas fait attention que cet article ne parle que des héritages situés en la prévôté de Troyes, et que, comme on le voit par un état imprimé dans le coutumier général à la suite de la coutume, ce n'est pas dans l'arrondissement de la prévôté, mais dans celui du bailliage de Troyes, que se trouve la ci-devant châtellenie de l'Isle-sous-Montréal.

» Et encore remarquons bien, avec le cit. Henrion, dans le Répertoire de jurisprudence, au mot Main-morte, que, même pour les héritages situés dans la prévôté de Troyes, la coutume n'établit qu'une simple présomption. Ainsi, dans cette partie de la coutume, lorsqu'un héritage est chargé d'une redevance en argent, en même temps que d'une redevance en nature, on doit présumer que la première n'a été constituée que pour le rachat de la Main-morte, et par suite que l'héritage n'est plus échéable.

» Mais assurément cette présomption doit cesser dans deux cas.

» Elle doit cesser, lorsque des titres formels établissent le contraire, et le cit. Henrion le dit expressément.

» Elle doit cesser encore, lorsque la redevance en argent est de telle nature, que, bien loin de supposer l'absence de la Main-morte, elle est, en quelque sorte, inherente à cette servitude, lorsqu'elle en forme un des prin. cipaux attributs.

» Or, d'un côté, l'arrêt du 23 juillet 1763 juge à la fois, et qu'il appartient à la dame de Nassau un droit de taille en argent, concurremment avec un droit de tierce ou champart, et des rentes en grains, cire et volailles, et qu'elle a le droit de recueillir, par échûte main-mortable, les successions qui s'ouvrent en ligne collatérale dans les parties de sa terre non encore affranchies."

» D'un autre côté, la taille en argent, dans laquelle l'arrêt du 23 juillet 1763 maintient la dame de Nassau, n'est pas une redevance fixe et immuable: c'est une taille à volonté. Or, il est généralement reconnu que la taille à volonté, non seulement n'est point exclusive du droit d'échûte main-mortable, mais qu'elle le suppose naturellement, et qu'elle en est à la fois l'accessoire et la preuve. La plupart des gens de Main-morte, dit le président Favre, en son Code, liv. 7, tit. 3, déf. 3, sont connus sous le nom de taillables à volonté ; ex iis plerique dicuntur taillabiles ad domini voluntatem et misericordiam. Le président Bou

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