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3 du même mois, à la requête de JeanneÉtiennette Roy, le sieur Crombette, notaire au même lieu, a procédé publiquement à la vente aux enchères d'une partie de la récolte de prés dépendans de la succession de cette femme, et qu'ils s'en sont rendus adjudicataires.

Le 15 juillet suivant, le receveur dresse, contre le sieur Crombette, un procès-verbal auquel il annexe la déclaration des sieurs Bourgeois et Jacquet, et qui impute à ce notaire deux contraventions : l'un, en ce qu'avant de procéder à la vente publique de la récolte des prés dont il s'agit, il n'a point fait la déclaration prescrite par la loi du 12 pluviôse an 7; l'autre, en ce que le procès-verbal de cette vente n'a pas été présenté à l'enregistrement dans les dix jours.

Le 5 février 1809, le receveur décerne, contre le sieur Crombette, une contrainte en paiement d'une amende de 100 francs pour la première contravention, et d'une autre amende de 50 francs pour la seconde.

Le sieur Crombette forme opposition à cette contrainte, et soutient que ce n'est point une vente de la récolte des prés dépendans de la succession de Jeanne-Étiennette Roy qu'il a faite le 3 juillet 1808; qu'il n'a fait, ce jourlà, qu'un bail de ces mêmes prés; qu'il l'a fait, non en qualité de notaire, mais comme fondé de procuration des héritiers de Jeanne-Étiennette Roy; que ce bail a même été enregistré au bureau de Salins, le 22 février 1809.

L'administration de l'enregistrement répond 1° Que la déclaration souscrite par deux des adjudicataires, le 12 juillet 1808, et relatée dans le procès-verbal du receveur, prouve que ce n'est pas un bail, mais une vente, qu'a faite le sieur Crombette;

2o Que cette preuve est singulièrement fortifiée par la circonstance du temps où a été fait l'acte dont il s'agit, temps où il ne peut être question que de vendre l'herbe des prés, quand on n'annonce pas l'intention de les affermer pour plusieurs années;

3o Qu'elle est encore corroborée par une affiche que le sieur Crombette avait fait apposer pour une vente de la récolte d'autres biens provenans de la même succession, qu'il avait indiquée au 24 du même mois de juillet 1808; qu'en effet, cette affiche annonce assez que le sieur Crombette est dans l'habitude de faire de pareilles ventes, sans déclaration préalable au bureau de l'enregistrement;

4o Que le bail présenté par le sieur Crombette, ne peut pas atténuer la foi due au procès-verbal du 13 juillet 1808, attendu que la

date n'en a été fixée par l'enregistrement que dix-huit jours après la signification du procèsverbal meme et de la contrainte;

5o Enfin que, si, dans l'état actuel de la législation, on ne peut pas contester au sieur Crombette le droit bien dangereux de faire à volonté des actes notariés ou sous seing-privé, du moins, en procédant, comme simple particulier, à l'adjudication dont il s'agit, il a encouru une amende, dont le maximum porté à 1000 francs par l'art. 7 de la loi du 22 pluviose an 7, doit lui être appliqué, tant à raison de la gravité des circonstances, que parcequ'il convient lui-même avoir admis des enchères.

Par jugement du 22 mars 1809,

« Considérant, d'une part, 1o que les poursuites sont pour une prétendue vente du 3 juil let de l'an dernier, aux enchères publiques, ensuite d'affiches apposées, des fruits pendans par racines, sur plusieurs pièces de terre situées au territoire de Mièges, provenant de la succession de Jeanne-Étiennette Roy, et à la requête de ses héritiers maternels, sans avoir préalablement fait la déclaration prescrite par l'art. 2 de la loi du 22 pluviôse an 7, et pour n'avoir pas présenté à l'enregistrement le l'art. 20 de la loi du 22 frimaire an 7; procès-verbal de vente, par contravention à

» 2o Que le procès-verbal du receveur de l'enregistrement au bureau de Noseroy ne porte point la dénomination de ces pièces de terre; qu'il en est de même des déclarations du 12 du susdit mois par Anatoile Jacquet et dits adjudicataires de fruits d'herbes pendans Jean-Nicolas Bourgeois, de Mièges, qui se sont par racines sur plusieurs pièces de terre situées au même territoire, et provenant de la même succession;

» Considérant, d'autre part, 1o que le défendeur justifie d'un bail sous seing privé, fait double le 3 juillet susdit, en qualité de fondé de pouvoir par acte authentique, par lequel il a laissé aux dits Jacquet et Bourgeois, comme derniers enchérisseurs, quatre héritages situés au territoire de Mièges, appelés Champs de la Perrière, dépendans de ladite succession, en contenance d'environ 5 journaux (vieux style), pour une année à commencer au 25 mars précédent, pour finir à pareille époque de l'an suivant;

» 2o Que ce bail paraît devoir écarter toute idée de contravention aux articles précités, puisque le défendeur n'a pas agi en sa qualité de notaire, encore que l'amodiation ait été faite aux enchères; puisqu'aussi les amodiataires ont retenu pour une année entière ; ce qui suppose nécessairement une culture;

» Mais attendu qu'il n'y a pas identité

quant aux héritages laissés à titre de bail, avec les pièces de terre, dont les fruits d'herbes ont été amodies, selon le procès-verbal et le certificat des amodiataires avantdits, il a été estimé que le défaut de cette identité donnait matière à la preuve testimoniale prévue par le dernier §. de l'art. 8 de la loi du 22 plu

viose an 7;

"Par ces motifs, le tribunal, avant faire droit, appointe les demandeurs à faire preuve à l'audience du 17 avril prochain, tant par titres que par témoins, que les fruits d'herbes pendans par racines, sur plusieurs pièces de terre situées au territoire de Mièges, provenant de la succession de Jeanne-Etiennette Roy, vendus aux enchères publiques, le 3 juil let 1808, en l'étude et pardevant le sieur Crombette cadet, notaire à Nozeroy, défendeur, à Anatoile Jacquet et à Jean-Nicolas Bourgeois, demeurant à Mièges, moyennant la somme de 89 livres, n'ont pas crû dans les héritages également situés au territoire de Mièges, appelés Champs de la Perrière, provenant de la même succession, circonstances et dépendances; appointe ledit défendeur à la preuve des faits contraires et de droit; pour ensuite des preuves acquises, ou non, être requis et statue ce qu'il appartiendra, les dépens réservés ».

L'administration de l'enregistrement se pourvoit en cassation contre ce jugement, et propose ainsi ses moyens :

« Quoique les poursuites n'aient eu pour cause qu'une vente d'herbes de prés, le tribunal n'a voulu voir dans l'objet de ces poursuites, qu'une vente de fruits pendans par racines sur des pièces de terre; et au lieu d'être déterminé à prononcer la condamnation contre Crombette, par le défaut d'identité qu'il reconnaît entre les fonds compris au bail dont le sieur Crombette se prévaut, et les prés dont Jacquet et Bourgeois ont déclaré avoir acquis la récolte à faire, le tribunal, pour faciliter des moyens de défense au contrevenant, a appointé l'administration à faire la preuve ordonnée l'art. 8 de la loi du par 22 pluviose an 7 (1), afin d'anéantir une déclaration qui n'est point attaquée, dont la date est authentique depuis le 13 juillet 1808,

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et s'attacher au moyen que le défendeur prétend tirer d'un bail qui n'a de date fixe que depuis le 22 février dernier ; bail que le tribunal n'aurait pu se dispenser de reconnaître avoir été imaginé après coup, s'il eût voulu considérer qu'annoncé fait par adjudication et conséquement à des particuliers qui, avant ce prétendu bail, ne pouvaient avoir eu aucune possession, il eût fait remonter leur jouissance à une époque antérieure de près de quatre mois à sa date.

» Il est constant que le jugement Interlocutoire rendu par le tribunal de première instance séant à Arbois, le 22 mars dernier, ordonne une preuve qui préjuge le fond, puisque, si cette preuve et celle contraire à laquelle il admet le sieur Crombette, ont lieu, les adjudicataires, qui ont donné leur déclaration au receveur de l'enregistrement, s'étant depuis concertés avec Crombette pour souscrire un bail, et ayant même ajouté à ce bail une déclaration contraire à la première, ils déposeront qu'ils se sont trompés sur la nature de l'adjudication du 3 juillet 1808, qu'il s'agissait alors d'adjuger une jouissance à titre de bail, et non pas une récolte de fruits; et que, quand même ils ne rétracteraient pas leur première déclaration, il serait facile au sieur Crombette, en raison de ce que les moyens qu'il tire du bail, sont accueillis par le tribunal, de faire constater que Jacquet et Bourgeois n'ont pas fait sur les biens de la succession de la demoiselle Roy, d'autres récoltes en 1808 que celle des fruits pendans par racines sur les héritages désignés audit bail; et d'obtenir ainsi le rejet de la demande de l'administration, rejet que le tribunal annonce assez vouloir prononcer, et auquel il cherche à donner une ombre de justice, en l'étayant desdites preuves; car il n'ignore point que les herbes récoltées par Jacquet et Bourgeois, en vertu de l'adjudication du 3 juillet 1808, sont celles qui ont crû sur les pièces d'héritages détaillées dans ce bail qui lui paraît devoir écarter toute idée de contravention: ce fait résulte des mémoires fournis par l'administration et par le sieur Crombette; et en prétextant le défaut d'identité, pour ordonner la preuve, il est remarquable que le tribunal ne qualifie plus l'adjudication du 3 juillet 1808, constatée par le procès-verbal du receveur, de vente publique de récolte, mais d'amodiation de fruits d'herbes; et qu'en la considérant ainsi, quand même il pourrait être prouvé qu'il a été fait par Jacquet et Bourgeois d'autres récoltes sur les biens dépendans de la succession de la demoiselle Roy, la demande de l'administration

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ne paraîtrait point encore fondée, puisqu'il ne doit être exigé de déclarations préalables pour les adjudications de baux à loyer.

pas

» Mais le tribunal d'Arbois, par son jugement du 22 mars dernier, a fait une fausse application de l'art. 8 de la loi du 22 pluviose an 7, et en a méconnu les dispositions, 1o en ordonnant une preuve déjà faite d'une manière authentique par la déclaration de deux adjudicataires, et le procès-verbal dûment affirmé et enregistré, qui a été rédigé en conséquence; 2o en admettant le contrevenant à la preuve contraire, sans considérer que cet art. 8 n'ordonne la preuve testimoniale sur les ventes faites en contravention aux autres

dispositions de la loi du 22 pluvióse an 7, qu'a fin d'en faciliter la découverte et la répression quand elles ne peuvent pas être autrement constatées, et non point pour donner aux contrevenans un moyen de se soustraire à la peine qu'ils ont encourue par des contraventions établies des actes authentiques. par

» D'ailleurs, en ordonnant que l'adminis tration prouverait que Jacquet et Bourgeois avaient fait des récoltes sur les terres dépendantes de la succession de la demoiselle Roy, autres que celles énoncées au bail produit par Crombette, et en considérant que ce bail paraît devoir écarter toute idée de contravention, le tribunal a admis la preuve que Crombette prétend tirer d'un acte sous seing-privé, qui n'a eu de date certaine que le 22 février 1809, contre des faits constatés par le procèsverbal du 15 juillet, dûment affirmé, et par la déclaration du 12'du même mois y annexée. Il a donc contrevenu aux dispositions de l'art. 1328 du Code civil, portant: les actes sous seing-privé n'ont de date contre les tiers, que du jour où ils ont été enregistrés, du jour de la mort de celui ou de l'un de ceux qui les ont souscrits, ou du jour où leur substance est constatée dans des actes dressés par des officiers publics ».

L'affaire portée à l'audience de la section des requêtes, le 17 mai 1810, M. Bailly, rapporteur, après avoir rendu un compte sommaire de ces moyens, observe que la première question à résoudre, est de savoir si le recours en cassation est recevable, quant à présent.

« Cette question (ai-je dit à la même audience) paraît ne pas devoir souffrir la plus légère difficulté, d'après les quatre arrêts que vous avez rendus le 19 décembre 1809, le 4, le 11 et le 12 avril dernier.

» Vous avez décidé, par ces quatre arrêts, que l'art. 14 de la loi du 2 brumaire an 4 n'est

ni abrogé ni modifié par les art. 451 et 452 du Code de procédure civile; qu'il est applicable aux jugemens préparatoires qui préjugent le fond, c'est-à-dire, aux jugemens que l'art. 452 du nouveau Code qualifie d'Interlocutoires, comme aux jugemens préparatoires qui ne font que régler la procédure, c'est-àdire, comme aux jugemens auxquels la dénomination de préparatoires est exclusivement réservée par le nouveau Code; et qu'en conséquence, le recours en cassation n'est ouvert contre les premiers, comme il ne l'est contre les seconds, qu'après le jugement définitif.

» La décision que vous avez consacrée par ces quatre arrêts, serait-elle affaiblie par une objection que nous avons entendu proposer depuis, et qui consiste à dire que la cour de cassation est chargée par l'art. 66 de l'acte constitutionnel du 22 frimaire an 8, d'annuler tous les jugemens en dernier ressort qui contreviennent aux lois; qu'ainsi, les jugemens Interlocutoires en dernier ressort, qui contreviennent aux lois, sont nécessairement soumis au recours en cassation.

» Non assurément : car la question n'est pas de savoir si les jugemens Interlocutoires

en dernier ressort sont soumis au recours en cassation; elle est seulement de savoir s'ils sont soumis à cette voie avant le jugement définitif.

» Or, la question ainsi posée, est décidée négativement par l'art. 14 de la loi du 2 brumaire an 4; et il est certain que la disposition de cette loi n'est pas abrogée par l'art. 66 de la constitution de l'an 8.

» L'art. 66 de la constitution de l'an 8 n'a fait que renouveler la disposition de l'art. 3 de la loi du 27 novembre 1790; et personne n'oserait soutenir qu'en la renouvelant, il a dérogé à la manière dont la loi du 2 brumaire an 4 avait voulu que cette disposition fût exécutée par rapport aux jugemens Interlocutoires; il est évident, au contraire, qu'il s'y est tacitement référé: posteriores leges ad priores pertinent, nisi contrariæ sint, dit la loi 28, D. de legibus.

» Toutefois, nous ne devons pas, en interprétant trop littéralement l'art. 14 de la loi du 2 brumaire an 4, lui donner une extension qui répugnerait à son esprit.

» Il est des jugemens qui, bien qu'Interlocutoires dans leurs termes et dans leur forme, décident tellement le fond, que le juge n'a plus rien à examiner en definitive, et que tout son ministère se réduit à déclarer la conséquence que la loi en fait sortir. Non desunt tamen (dit Voët, sur le digeste, liv. 42, tit. 1, no 4) interlocutoriæ sententiæ quæ

vim definitivæ habent, dùm definitiva, ex juris necessitate, ad eas sequi debet. Ainsi, le jugement par lequel le serment est déféré d'office à une partie, ne peut plus être changé par le juge qui l'a rendu; parcequ'une fois ce serment prêté, la condamnation de la partie adverse en devient une suite nécessaire : Veluti (dit encore Voët), si judex deferat actori vel reo jusjurandum, tanquam in causa dubiá, ut secundùm eum qui juravit, judicetur, Arg. l. 31, D. de jurejurando. Il n'entre sûrement pas dans notre opinion d'appliquer à des jugemens Interlocutoires en dernier ressort de cette nature, la disposition de la loi du 2 brumaire an 4.

» Il est encore des jugemens Interlocutoires en dernier ressort, qui, sans préparer aussi nécessairement la décision du fond, et même laissant le fond absolument intact, infèrent à l'une des parties des griefs irréparables en définitive. Ces sortes de jugemens sont également passibles du recours en cassation; et nous en avons la preuve et l'exemple dans l'arrêt rendu par la section civile, le 21 mars 1809, en faveur de la demoiselle Folignier.

>> C'est ainsi que les lois romaines qui, faisant ce qu'a fait depuis la loi du 3 brumaire an 2, interdisaient l'appel des jugemens Interlocutoires, lors même qu'ils ordonnaient des instructions qui préjugeaient le fond, permettaient néanmoins d'appeler de ceux de ces jugemens qui n'étaient pas réparables en définitive (1).

» C'est ainsi que, bien que l'ordonnance de Philippe de Valois, du mois de décembre 1344, défendit expressément de prendre la voie de la proposition d'erreur contre les arrêts Interlocutoires (Statuimus etiam quod nulli concedatur gratia proponendi errores contrà arresta Interlocutoria), néanmoins la proposition d'erreur, tant qu'elle a été en usage, a toujours été admise contre les arrêts Interlocutoires non réparables en definitive; et telle était la disposition textuelle de l'art. 2 de l'édit du mois d'avril 1688, concernant les révisions et propositions d'erreurs au parlement de Flandre; disposition qui est ici d'autant plus remarquable, que, par l'art. 1 du même édit, il était défendu de se pourvoir en cassation contre les arrêts du parlement de Flandre; en sorte qu'à l'égard de ces arrêts, la voie de cassation était remplacée par la proposition d'erreur ou révision.

I

>> Enfin, il est encore des jugemens Interlocutoires en dernier ressort, que l'on serait peut-être fondé à considérer comme définitifs, et par conséquent, comme passibles de recours

(1) V. la loi 2, D. de appellationibus recipiendis.

en cassation avant le jugement du principal. Ce sont ceux qui, après contestation sur l'admissibilité ou l'inadmissibilité d'une preuve, d'une vérification, ordonnent, avant faire droit, qu'il sera procédé à cette vérification, à cette preuve.

>> Ce qu'il y a de certain, c'est qu'avant le Code de procédure, la section civile a plusieurs fois jugé que de pareils jugemens, lorsqu'ils étaient rendus en premiere instance, ne pouvaient pas être rangés dans la classe des jugemens préparatoires préjugeant seulement le fond, qui, par l'art. 6 de la loi du 3 brumaire an 2, étaient affranchis de l'appel et qu'ils appartenaient à celle des jugemens definitifs.

» Le 14 pluviôse an 9, les sieurs Latour font assigner la dame Girard, leur sœur, pour voir dire qu'ils seront admis à prouver par témoins que, par acte du 7 mai 1787, leur père commun a fait devant notaires un testament, par lequel ils étaient institués ses héritiers universels, et que ce testament a péri dans l'incendie de la ville de SaintClaude, le 1er messidor an 7.

» La dame Girard comparaît, et soutient que la preuve offerte par ses frères, est inadmissible.

» Le 11 prairial suivant, jugement du tribunal civil de Saint-Claude, qui admet la preuve offerte par les sieurs Latour, sauf la preuve contraire.

Ce jugement est exécuté de part et d'autre. » Le 8 frimaire an 11, jugement définitif qui, attendu que l'enquête des sieurs Latour ne constate, ni la régularité du testament, ni sa destruction par l'incendie, ordonne que la succession sera partagée ab intestat. » Les sieurs Latour appellent de ce jugement.

» Le 13 messidor an 12, arrêt de la cour d'appel de Besançon, qui, réformant, ordonne que le testament sera exécuté.

>> La dame Girard se pourvoit en cassation, et propose pour premier moyen, l'inadmissibilité de la preuve ordonnée par le jugement Interlocutoire du 11 prairial an 9.

» Mais, par arrêt du 17 février 1807, au rapport de M. Buschop, la cour, en cassant, par d'autres motifs, l'arrêt attaqué, rejette expressément ce moyen, attendu que le point de savoir si, dans l'espèce de cette affaire, la preuve par témoins pouvait ou non être admise, a fait, entre les parties, la matière d'une contestation particulière et incidente devant le tribunal de première instance; que l'affirmative, sur ce point, a été définitivement décidée par le jugement du même tribunal, du 11 prairial an 9, lequel étant passé

en force de chose jugée, soit parceque la demanderesse l'a librement exécuté, soit parcequ'elle a laissé expirer le délai pour en interjeter appel, il s'ensuit qu'elle n'est pas recevable à remettre ledit point en question pour en tirer un moyen de cassation.

» Les héritiers du sieur Bloche attaquaient, comme frauduleux, des actes qu'il avait faits au profit du nommé Mautor, son domestique; et ils articulaient, dans cette vue, un grand nombre de faits de dol et de fraude, dont ils offraient la preuve par témoins.

>> Mautor a soutenu que cette preuve était prohibée par l'art. 2 du tit. 20 de l'ordonnance de 1667.

» Par jugement du 20 messidor an 13, le tribunal civil de Pont-l'Evêque, considérant qu'il ne peut s'environner de trop de lumieres, et qu'il y aurait de la légéreté à juger le fond, sans avoir admis préalablement la preuve offerte, ordonne, avant faire droit et toute chose tenant au principal, que les hé ritiers feront preuve par témoins des faits qu'ils ont articulés.

» Mautor appelle de ce jugement. Les heritiers soutiennent, d'après l'art. 6 de la loi du 3 brumaire an 2, qu'il est non-recevable, quant à présent, dans son appel.

» Le 22 janvier 1806, arrêt de la cour d'ap. pel de Caen qui rejette la fin de non-recevoir, attendu que Mautor ayant soutenu que la preuve offerte par les héritiers Bloche, était inadmissible, le tribunal de première instance a eu à prononcer préalablement sur une exception péremptoire; qu'il ne pouvait admettre la preuve vocale, sans rejeter sans retour cette exception; et qu'ainsi, le jugement qui admet la preuve par témoins, et par conséquent rejette l'exception péremptoire, est définitif et irrévocable.

» Recours en cassation de la part des héritiers Bloche; mais par arrêt du 24 octobre 1808, au rapport de M. Liborel, attendu que la cour d'appel, en reconnaissant que le jugement du tribunal de Pont-l'Évêque, du 20 messidor an 13, était définitif et irrévocable, et en décidant, en conséquence, que l'appel en était recevable, n'a point contrevenu à l'art. 6 de la loi du 3 brumaire an 2; la cour rejette le pourvoi.

» Voilà donc deux arrêts qui décident nettement que, même dans le sens de l'art. 6 de la loi du 3 brumaire an 2, on doit considérer comme définitif, irrévocable, et sujet à l'appel, tout jugement qui, après contestation sur l'admissibilité ou l'inadmissibilité d'une preuve offerte par l'une des parties

ordonne, avant faire droit au fond, qu'il sera procédé à cette preuve.

» Et de là, sans doute, on peut inférer, par identité de raison, qu'en pareil cas, un jugement en dernier ressort qui admet une preuve, est soumis au recours en cassation.

» Ainsi, d'une part, ils demeurent hors de toute atteinte, ils conservent toute l'autorité que vous leur avez imprimée par la sagesse de vos délibérations, les quatre arrêts par lesquels vous avez jugé que l'art. 14 de la loi du 2 brumaire an 4 n'a été ni abrogé ni modifié par les art. 451 et 452 du Code de procédure civile; et que depuis, comme avant le Code de procédure civile, les arrêts Interlocutoires qui préjugent le fond, peuvent pas, tant que le fond n'est pas jugé définitivement, être attaqués par recours en

cassation.

ne

» Mais, d'un autre côté, on ne peut appliquer cette jurisprudence, ni aux arrêts qui, bien qu'extérieurement Interlocutoires, ne se bornent pas à préjuger le fond, et le décident irrévocablement; ni aux arrêts Interlocutoires qui, même en laissant le fond indecis, infèrent à l'une des parties des griefs irréparables en définitive; ni aux arrêts Interlocutoires qui, en ordonnant une preuve ou une vérification, rejettent définitivement l'exception par laquelle l'une des parties cherchait à repousser cette vérification ou cette preuve.

» Ces bases posées, venons à notre espèce.

» Le jugement en dernier ressort qui vous est dénoncé par l'administration de l'enregistrement, la charge, avant faire droit, d'une preuve par témoins, et par conséquent il préjuge que, si elle n'atteint pas cette preuve, elle succombera en définitive. C'est donc un de ces jugemens préparatoires qui préjugent le fond, ou, si l'on veut, un de ces jugemens que l'art. 452 du Code de procédure civile qualifie d'Interlocutoires.

» Mais ce jugement ne décide irrévocablement le fond, ni en termes exprès, ni implicitement; il le laisse, au contraire, absolu

ment intact.

l'enregistrement aucun grief irreparable en » Ce jugement n'infère à l'administration de définitive. La preuve dont il la charge, peut être inutile, illégale même; mais si, en définitive, elle est jugée telle, l'administration de l'enregistrement en recouvrera les frais; et par là, tout sera réparé.

» Enfin, ce jugement ne statue définitivement sur aucune exception, sur aucune fin de non-recevoir, sur aucun incident. C'est d'office qu'il ordonne la preuve dont il charge l'administration; et il laisse à l'administration

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