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sement et l'autorisation des manufactures et ateliers qui répandent une odeur insalubre ou incommode, et le pouvoir conféré aux préfets par l'article 5 de l'ordonnance du 15 janvier 1815 de faire suspendre la formation ou l'exploitation des établissements nouveaux qui, n'ayant pu être compris dans la nomenclature jointe à cette ordonnance, seraient cependant de nature à y être placés, ne sont point exclusifs du droit général de police confié à l'autorité municipale par les lois (de 1789 et 1791) et ne s'opposent point à ce qu'un maire ordonne, par mesure de police, dans le cas dudit article 5, le déplacement d'un dépôt de matières ou d'objets, tels que des os, quand ils répandent une odeur putride qui présente des dangers pour la salubrité publique; Attendu que le jugement attaqué, en refusant la force obligatoire à un arrêté de police du maire de Lons-le-Saulnier, pris dans ces circonstances, a violé les articles précités des lois des 14 décembre 1789, 24 août 1791 et 22 juillet 1791, etc.; - Casse... >>

Mais, avant cet arrêt, la Cour suprême avait, à la date du 1er mars 1842, jugé précisément le contraire, et elle a de nouveau maintenu cette dernière doctrine par un autre arrêt du 25 novembre 1853. Comme nous devons trouver l'occasion de plusieurs observations importantes dans toutes ces décisions, nous allons reproduire ici celles de 1842 et de 1853.

Voici l'arrêt du 1er mars 1842 : « La Cour...; Attendu que les ateliers des chaudronniers et des ferblantiers ne sont point compris dans la nomenclature des établissements que concerne le décret du 15 octobre 1810, et que l'article 5 de l'ordonnance du roi, en date du 14 janvier 1815, n'accorde qu'aux préfets le droit de faire suspendre la formation ou l'exercice des établissements nouveaux, qui, quoiqu'ils ne figurent pas dans cette nomenclature, leur paraissent de nature à y être placés; que le maire de Nîmes peut sans doute, en vertu du pouvoir dont l'autorité municipale est investie par

le numéro 2 de l'article 3, titre XI, de la loi des 16-24 août 1790, fixer le temps pendant lequel tous ceux qui exercent des professions à marteau dans cette ville seront tenus d'interrompre leurs travaux, afin de ne pas troubler la tranquillité des habitants; mais qu'aucune loi ne lui confère le droit de déterminer les lieux dans lesquels l'exercice de ces professions devra seulement être autorisé; qu'en déclarant donc que l'arrêté qu'il a pris à ce sujet ne saurait obtenir la sanction pénale du numéro 15 de l'article 471 du Code pénal', le jugement dénoncé n'a fait que se conformer à cette disposition; Rejette... »

L'arrêt du 25 novembre 1853 expose cette doctrine avec plus de netteté encore : « La Cour; vu le décret du 15 octobre 1810, et les ordonnances des 14 janvier 1815 et 9 février 1825 sur les établissements insalubres, incommodes ou dangereux; vu l'arrêté du maire de Tarascon, en date du 25 avril 1852, dont l'article 3 est ainsi conçu: « Ceux de ces <«< moulins (moulins à vent) qui sont situés à moins de dix mè<«< tres d'une voie publique, comptés de l'arête extérieure du « fossé, ne pourront être mis en mouvement que pendant cer«<taines heures de la journée, savoir : du 1er avril au 1er sep«tembre, de cinq heures du soir à sept heures du matin; « du 1er septembre au 1er avril, de trois heures du soir à neuf << heures du matin ; » Attendu que les pouvoirs généraux de police et de sûreté que l'autorité municipale tient des lois des 24 août 1790 et 29 juillet 1791 ne sauraient s'étendre aux matières qui font l'objet de lois spéciales ou de règlements généraux; Attendu que le décret du 15 octobre 1810 et l'ordonnance du 14 janvier 1815 et du 9 février 1825 sur les établissements insalubres, incommodes ou dangereux, ont pour but de déterminer les conditions d'existence et d'action de ces établissements; que les moulins à vent doivent être rangés parmi les usines de cette nature, si leur situation présente

1 V. cet article au n. 95.

quelque danger pour la sûreté et la commodité des habitants; Attendu qu'il appartient seulement aux préfets ou à l'autorité administrative de statuer par des règlements pris selon les distinctions indiquées dans les lois et ordonnances ci-dessus visées, sur le lieu où peuvent être formés les établissements qui en font l'objet et sur les restrictions dont l'industrie qu'ils comportent est susceptible dans l'intérêt de la sûreté, de la salubrité ou de la commodité publique; Attendu que si des mesures spéciales de police peuvent être prises à l'égard des établissements dont il s'agit, elles ne sont obligatoires et légales qu'autant qu'elles n'empiétent pas sur le pouvoir confié à l'autorité supérieure par les décrets et ordonnances précités; qu'elles n'ont pas, conséquemment, pour objet de régler le lieu où peuvent être formés les établissements, de modifier ou d'altérer les conditions d'existence de l'industrie des propriétaires; Attendu que l'arrêté du maire de Tarascon, du 25 avril 1852, en réglant les heures de travail des moulins à vent, modifiait et altérait les conditions nécessaires d'action de cette industrie; Attendu que si cet arrêté a été approuvé par le préfet, cette approbation, à raison de la nature de l'acte et de ses formes, ne constituait pas, de la part de ce magistrat, l'exercice du pouvoir conféré par l'ordonnance du 14 janvier 1815; Attendu, dès lors, que cet arrêté du maire avait été pris en dehors des limites de l'autorité municipale; Attendu que Mourret était prévenu d'avoir fait mouvoir son moulin à une heure prohibée par cet arrêt; Attendu que le jugement attaqué, en relaxant Mourret des poursuites dirigées contre lui à raison de ce fait, en se fondant sur le caractère inobligatoire de l'arrêté pour les tribunaux, n'a violé aucune loi; - Rejette, etc. »

Ces deux arrêts, contrairement à ce qu'a décidé l'arrêt du 21 décembre 1848, ont donc jugé que, même pour les in

'Ces trois arrêts sont successivement cités par M. Dufour, n. 599 et suiv., sans que cet auteur paraisse s'être aperçu de leur antinomie.

dustries non classées, les maires n'ont ni le pouvoir de désigner ou d'interdire les lieux où elles peuvent être exploitées, ni le droit de prescrire les conditions essentielles de leur exercice.

Nous adhérons, pour notre part, à cette opinion à laquelle d'ailleurs nous conduisaient naturellement les prémisses que nous avions posées. Il paraît certain, en effet, que l'action conférée à l'administration départementale par les règlements de 1810 et de 1815 est exclusive du droit de la police municipale pour tout ce qui concerne les conditions d'emplacement et d'existence des industries dangereuses, insalubres et incommodes. Nous rappellerons à cet égard que c'est précisément pour affranchir ces industries de l'arbitraire des autorités communales que la réglementation en a été attribuée à l'autorité supérieure, qui se trouve beaucoup mieux placée pour prendre, contre les établissements offensifs, des mesures dégagées de passions, de préjugés, et qui ne soient dictées que par des considérations d'intérêt général 1.

Mais si nous acceptons la solution donnée par les arrêts du 1er mars 1842 et du 25 novembre 1853, ce n'est pas à dire que nous en approuvions tous les motifs. Ainsi, nous ne pouvons admettre, avec la Cour de cassation, la légalité des mesures administratives qui, aux termes de l'article 5 de l'ordonnance du 14 janvier 1815, auraient été prises, non plus par un maire, mais par un préfet même, à l'égard d'industries telles que celles des chaudronniers, des moulins à vent, ou des dépôts d'os dont il est question dans l'arrêt du 21 décembre 1848.

En ce qui concerne l'application de l'article 5 à ces industries, les trois arrêts précités tombent tous également dans une erreur que nul jurisconsulte, à notre connaissance, n'a

1 V. n. 14.

songé à relever. Il est évident qu'aucune de ces industries ne pouvait être regardée, dans le sens de la disposition ci-dessus, comme un de ces établissements nouveaux, les seuls à l'égard desquels les préfets ont reçu compétence et pouvoir. Pratiquées bien avant la nomenclature annexée à l'ordonnance de 1815, les industries susdésignées eussent pu, à coup sûr, y être comprises, si cela eût alors convenu à l'auteur de ce règlement général. Mais, quel qu'en soit le motif, elles ont été omises dans cette nomenclature. Ce sont dès lors des industries anciennes qui, dans l'avenir, peuvent bien encore être l'objet d'un classement dans les formes décrites aux numéros 20, 21 et suivants, mais vis-à-vis desquelles les préfets n'ont aucun droit de suspension dans les termes de l'article 5 de l'ordonnance de 1815.

Cela dit, à titre de digression, revenons au sujet principal, et répétons qu'il n'y a pas lieu de distinguer entre les établissements classés et ceux qui ne le sont pas, pour l'application des pouvoirs de police qui, en cette matière, ont été conservés aux autorités municipales. Pour les uns comme pour les autres, ces pouvoirs ne sauraient trouver à s'exercer que dans les occasions où la mesure à prendre ne met en question ni l'emplacement où l'industrie s'exerce, ni cet exercice même dans ses conditions essentielles.

94. Mais l'appréciation de mesures même ainsi limitées est encore une chose bien délicate. A combien d'incertitudes et d'hésitations n'est-on pas livré dès qu'il s'agit de déterminer si des arrêtés municipaux sont en quelque sorte assez indifférents, au point de vue de l'existence même des établissements, pour être légaux et obligatoires!

Un maire, par exemple, peut-il ordonner que, pendant les heures du jour ou de la nuit, où les inconvénients d'une industrie redoublent d'ordinaire pour le voisinage, le travail de cette industrie restera interrompu? Sur ce point, les arrêts pré

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