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cités du 1er mars 1842 et du 25 novembre 1853 semblent être en désaccord. Tandis que l'un regarde l'injonction d'avoir à interrompre le travail des métiers à marteaux pendant plusieurs heures de la nuit, comme étant de la compétence des maires, l'autre voit un excès de pouvoir dans l'arrêté municipal qui interdit le travail des moulins à vent à des heures également déterminées. Mais ce désaccord est plutôt apparent que réel. Dans le premier cas, en effet, où il s'agit d'opérations manuelles, le travail devant être forcément interrompu tous les jours, pendant les heures de repos nécessaires aux ouvriers, l'ordre de l'autorité municipale qui fixe cette interruption aux heures habituellement consacrées au sommeil ne fait que concilier les exigences de la tranquillité publique avec les coutumes et les nécessités de ces exploitations. On ne peut donc prétendre que cet ordre porte sérieusement atteinte à l'économie des industries en question. Mais il n'en est plus de même dans le second cas, où il s'agit de l'industrie des moulins à vent. Pour un établissement de cette sorte, le travail dépend avant tout des circonstances atmosphériques. L'interdiction signifiée au maître de cette usine de laisser fonctionner son mécanisme à de certaines heures doit lui faire perdre constamment des occasions précieuses de travail, et met nécessairement en péril la prospérité et l'existence même de son industrie.

Dans une autre espèce où il était également question d'industries à marteau (chaudronnerie), la Cour de cassation a déclaré qu'un maire n'avait nullement excédé ses pouvoirs en ordonnant << que les professions bruyantes ne pourraient plus désormais s'exercer que dans des ateliers fermés et cou

verts >>.

Enfin, dans une autre espèce encore, où un établissement classé et autorisé (grillage d'étoffe), bien que fonctionnant réCass., 4 août 1853 (Legay).

gulièrement, présentait quelques dangers d'incendie, la Cour suprême a constaté que le maire eût pu, sans sortir de ses attributions, « prescrire les précautions nécessaires pour prévenir les dangers d'incendie que lui paraissait faire courir aux propriétés voisines l'établissement dont s'agit. » Mais, au lieu de se contenter d'ordonner des mesures de cette sorte, ce magistrat avait pris le parti de faire cesser l'exploitation; là était l'excès de pouvoir.

Article II.

Action de l'autorité judiciaire aux cas soit de contraventions,

soit de dommages causés aux tiers.

95. Contraventions, poursuites et condamnations.

96. Des cas où les tiers sont recevables à demander la réparation du préjudice qui leur est causé par les établissements dangereux, insalubres ou incommodes.

97. Dommages résultant d'un délit ou d'un quasi-délit commis par un fabricant.

98. Dommages qui, pour les propriétés situées à la proximité d'un établissement nuisible, sont la conséquence de ce voisinage; la réparation en est due, qu'il s'agisse d'un préjudice matériel ou moral, et qu'il soit causé par un établissement autorisé ou non. 99. Celui qui exploite, sans autorisation, un établissement classé, est-il par cela même déchu du droit de réclamer judiciairement contre le préjudice que causerait à sa propriété un établissement voisin ?

100. Il ne suffit pas au réclamant d'être recevable dans son action en réparation, il faut qu'il y soit fondé; de la constatation du préjudice dommage matériel; dépréciation ou dommage moral. 101. Des réparations que les juges civils ont le pouvoir d'ordonner. 102. La réparation du dommage causé aux fruits et récoltes par les établissements nuisibles de l'industrie est de la compétence exclusive des juges de paix.

95. Il faut conclure de tout ce que nous avons dit jus

1 Cass., 23 novembre 1850 (veuve Bonjour).

qu'ici qu'il y a infraction ou contravention aux règlements de 1810 et de 1815, dans les cas suivants : formation d'un établissement compris dans la nomenclature des industries dangereuses, insalubres ou incommodes, sans qu'au préalable on en ait obtenu l'autorisation, ou même malgré le refus de cette autorisation'; reprise des travaux sans cette autorisation, après une interruption volontaire de l'exploitation durant six mois entiers 2; continuation de l'exploitation, après que le bénéfice de la situation légale antérieure a été perdu à raison de la transformation de l'établissement; exploitation en dehors des conditions de l'autorisation ou des prescriptions de police municipale compétemment et régulièrement portées, etc.

Bien que le décret de 1810 et l'ordonnance de 1815 n'aient expressément sanctionné leurs dispositions par aucune pénalité judiciaire, il n'est pas douteux néanmoins que les infractions commises contre ces règlements ne tombent sous le coup de l'article 471, § 15, du Code pénal: « Sont punis d'amende, depuis 1 franc jusqu'à 5 francs inclusivement..., ceux qui auraient contrevenu aux règlements légalement faits par l'autorité administrative, et ceux qui ne se seront pas conformés aux règlements ou arrêtés publiés par l'autorité municipale, en vertu des articles 3 et 4, titre II, de la loi du 16-24 août 1790, et de l'article 46, titre ler, de la loi du 19-22 juillet 1791. »

Les contraventions dont s'agit peuvent être dénoncées soit par les autorités administratives chargées de la police municipale et générale, soit par les particuliers qui auraient à

' V. n. 20.

2 V. n. 32.

3 V. n. 30.

+ V. n. 68.

8 V. n. 90 et suiv.

6 Cass., 17 janvier 1829 (Crombet).

souffrir de la manière délictueuse dont s'effectuerait l'exploitation d'un établissement classé. Elles peuvent être également poursuivies d'office par le ministère public. Ce n'est là, d'ailleurs, que l'application des principes généraux en matière pénale.

Ce sont les tribunaux de simple police qui, à raison de la peine encourue, prononcent sur les contraventions dont il s'agit. Ils ne pourraient, sans méconnaître leur compétence, refuser de statuer ou renvoyer devant l'autorité administrative'.

Le jugement, tout en réprimant la contravention commise, doit pourvoir à l'exécution postérieure du règlement. Si donc la contravention consistait dans l'exploitation d'un établissement dépourvu de l'autorisation légale, le tribunal devrait, sous peine de violer la loi, non-seulement prononcer l'amende édictée, mais encore enjoindre la discontinuation de l'exploitation, jusqu'à ce que l'autorisation faisant défaut ait été obtenue ".

Toutes les fois que la contravention se répète, il peut y avoir lieu pour le ministère public de se livrer à une nouvelle poursuite, et, pour le tribunal, de prononcer de nouvelles condamnations".

Il ne faut pas oublier, d'ailleurs, que la disposition pénale applicable en pareil cas a son complément dans l'article 474 du même Code, ainsi conçu : « La peine d'emprisonnement contre toutes les personnes mentionnées en l'article 471 aura toujours lieu au cas de récidive, pendant trois jours au plus. >>

96. Fréquemment, les propriétaires des fonds situés dans

1 Cass., 20 février 1830 (Breton); id., 4 octobre 1834 (Lieutaud).

2 V. art. 161, Code d'inst. crim.

Cass, 10 avril 1830 (Tissier-Morel).

Cass., 28 janvier 1832 (Piédel); id., 19 août 1836 (René).

le voisinage d'établissements de la nature de ceux qui nous occupent ici croient avoir à se plaindre d'un préjudice qui leur serait causé par ces établissements, et, pour en obtenir la réparation, ils invoquent le bénéfice des articles 1382 et 1383 C. Nap. '. Examinons les cas où ces propriétaires seraient recevables et bien fondés dans leur réclamation.

97. Aucune difficulté ne se présente lorsque le préjudice allégué résulte d'un délit ou d'un quasi-délit.

Ainsi, un fabricant établit sans permission une industrie comprise dans la nomenclature légale; ou bien il exploite cette industrie avec autorisation, mais sans user des précautions de sûreté et de salubrité publiques que l'administration lui a imposées en pareil cas, les voisins lésés sont recevables et fondés à se plaindre et à réclamer une réparation. Ils ont le choix de porter leur action en dommages-intérêts soit devant les juges civils, soit devant les tribunaux de police, à l'instant où ceux-ci sont saisis, par l'action publique, de la répression pénale de la contravention 2.

Quand le préjudice, sans provenir d'une contravention, d'un délit proprement dit, résulte simplement de négligence, d'imprudence, d'irrégularité dans l'exploitation ou de tout autre quasi-délit, le droit à l'indemnité subsiste également. Là encore vient s'appliquer, sans difficulté possible, le principe général de la responsabilité prévue par la loi civile.

98. Mais en est-il encore pareillement en dehors de tout cas de délit ou de quasi-délit? Et le préjudice résultant exclusivement, pour les propriétés et leurs produits, du voisinage même, sans autre circonstance, d'un établissement industriel, suffit-il pour donner ouverture à la demande en réparation?

Les règlements spéciaux aux ateliers dangereux, insalubres et incommodes n'ont résolu la question qu'en ce qui concerne

V. ces art. au numéro 9.

2 V. art. 3, Code d'inst. crim.

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