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d'eau suffit à justifier. Il est donc inutile de la faire déri ver de l'appropriation qui existerait, en principe, au profit de l'Etat, de tous les cours d'eau quelconques qui aboutissent à Paris, par la haute Seine. L'arrêté de l'an V suppose, à la vérité, cette appropriation; mais, outre qu'il s'exprime sur ce point en termes énonciatifs et nullement en la forme impérative, il ne constitue pas un acte législatif qui, seul, aurait la force de faire passer dans le domaine de l'Etat des cours d'eau que leur nature n'y place pas virtuellement. Les cours d'eau simplement flottables à bûches perdues n'offrent pas, en effet, le caractère d'un chemin public.

168. En parlant de ces cours d'eau, n'oublions pas de rappeler la servitude de marchepied qui, en vue de la direction du flot, frappe les propriétés riveraines.

L'édit de décembre 1672 permet aux marchands de bois flotté de faire jeter leur bois à bûches perdues dans les rivières et ruisseaux, après un avertissement donné aux propriétaires riverains. Nous parlerons plus loin de cet avertissement 1. L'édit ajoute ensuite, chap. xvn, art. 7 : « Afin que le flottage desdits bois puisse être commodément fait, seront tenus, les propriétaires des héritages étant des deux côtés desdits ruisseaux, de laisser un chemin de quatre pieds pour le passage des ouvriers préposés par les marchands pour pousser aval l'eau desdits bois. »

Cette disposition a été reproduite dans un arrêté réglementaire du Directoire exécutif, à la date du 13 nivôse an V, art. 3.

168 bis. Terminons en prenant note de ceci les cours d'eau du domaine de l'Etat n'entrant dans ce domaine qu'à partir du point où ils commencent à être navigables et flottables, il s'ensuit que toute la partie supérieure de ces

1 V. n. 399.

2 V. n. 235.

fleuves et rivières doit être rangée parmi les eaux dont nous nous occupons en ce moment.

$ 2.

Des droits distincts dont les cours d'eau non havigables ni flottables comportent l'exercice: droits des riverains, droits de l'administration.

169. Des droits respectifs que les riverains et l'administration possèdent sur ces cours d'eau; controverse à laquelle la nature légale de ces droits donne lieu.

170. La propriété des cours d'eau non navigables ni flottables est attribuée par les uns aux riverains, par les autres à l'Etat. 171. Mais, en réalité, ces cours d'eau n'appartiennent à personne et sont seulement soumis à des usages communs.

172. De l'opinion qui, distinguant dans les cours d'eau le lit de ces cours d'avec l'eau, ne reconnaît que l'eau comme n'appartenant à personne, mais attribue la propriété du lit aux riverains.

173. Jurisprudence des Cours sur la question.

174. La pente, résultant de la disposition du lit, suit la condition légale de ce lit.

175. Transition.

176. Droits des riverains: article 644, C. Nap.

177. Condition de contiguïté des fonds.

178. L'usage ne peut être exercé que sur les cours d'eau naturels. 179. Il est plus ou moins étendu, selon qu'il s'agit de fonds traversés ou de fonds bordés par les eaux.

180. De l'emploi des eaux pour l'exploitation d'une industrie. 181. De l'irrigation lois des 29 avril 1845 et 11 juillet 1847. 182. Obligation de rendre à leur cours ordinaire les eaux employées. 183. L'usage des eaux, en tous les points où il n'est pas réglé par l'administration, se comporte de particulier à particulier, comme le droit de propriété.

184. Il peut être l'objet de conventions ou règlements particuliers. 185. Il peut constituer une possession légale.

186. Des entreprises sur les cours d'eau servant à l'irrigation et au mouvement des usines; action possessoire.

187. De la prescription entre riverains.

188. Suite; effets acquisitifs d'un barrage.

189. Suite; s'il n'y a que le propriétaire d'un établissement autorisé qui puisse prescrire à son profit à l'encontre de ses coriverains?

190. Des usages locaux concernant l'emploi des eaux.

191. Des concessions effectuées par les anciens seigneurs. 192. Ce sont les tribunaux civils qui prononcent sur les contestations privées relatives aux eaux, mais à la condition d'observer les règlements administratifs et particuliers: article 645, C. Nap. 193. Transition.

194. Des droits de l'administration sur les cours d'eau non navigables ni flottables textes.

195. Son pouvoir réglementaire se manifeste par des injonctions de police ou par l'octroi d'autorisations.

196. C'est l'autorisation administrative qui donne l'existence légale aux jouissances privées exercées sur les cours d'eau non navigables ni flottables.

197. L'administration n'intervient d'ailleurs, en ce qui concerne les jouissances privées, que lorsque l'intérêt public l'exige.

198. Le domaine du pouvoir réglementaire n'excède pas les limites du cours d'eau.

199. Des autorités auxquelles est dévolu l'exercice de ce pouvoir; décret du 25 mars 1852.

200. Les maires peuvent, en cette matière, procéder par mesures de police.

201. L'exercice des droits privés qui appartiennent aux riverains est subordonné au pouvoir réglementaire.

202. Il en est ainsi, même du droit légal d'irrigation.

203. De la réserve qui, généralement, est faite dans les actes du pouvoir réglementaire des droits résultant des titres du droit commun; sa portée, ses conséquences.

204. Si les particuliers peuvent déroger entre eux à l'exécution des actes administratifs portant règlement des eaux.

205. Retour au commentaire de l'article 645 précité.

206. De l'obligation, pour les tribunaux civils, d'observer les règlements d'eau administratifs.

207. Ces tribunaux sont également tenus d'observer les règlements particuliers.

208. Quand et comment les juges peuvent opérer la répartition des eaux entre les cointéressés.

169. C'est en prenant pour guides les lois physiques aux

quelles obéissent les eaux courantes, que, dès le principe de cette matière, nous avons pu déterminer les droits dont ces. eaux comportent l'exercice. Pour les riverains, c'est un droit d'usage, puisque, propriétaires des bords, ils sont les seuls qui puissent s'approcher des eaux et les recueillir au passage. Quant à l'autorité publique, c'est un droit de réglementation, puisque le bon sens indique qu'à elle seule doit être attribuée la gestion du domaine commun1. Nous eussions éprouvé plus de difficultés à déterminer la nature de ces droits, si, négligeant le point de vue que nous offre l'état matériel des choses, nous ne nous étions aidé que de la législation positive. C'est en présence de ces difficultés que se sont trouvés tous ceux qui, parmi les auteurs et les jurisconsultes, n'ont, dans cette étude, voulu s'appuyer que sur les textes de la loi ancienne et moderne. Il en est résulté qu'ils ont attribué, soit au droit des riverains, soit au droit de l'administration, une portée, une étendue qui nous paraissent répugner à la nature des choses, et qui, d'ailleurs, ne grandissent l'un qu'en limitant l'autre outre mesure et contre toute justice.

Ainsi, suivant certains auteurs, ce serait un véritable droit de propriété sur les cours d'eau non navigables ni flottables qui appartiendrait aux riverains 2.

D'autres auteurs, au contraire, attribuent cette propriété à l'Etat3.

Ces deux opinions, quoique opposées, ont cependant la même base.

C'est dans l'ancien droit politique de la France qu'on en

1 V. n. 151.

* Toullier, Droit civ., t. III, n. 144; Pardessus, Servit., n. 77; Troplong, Prescript., t. I, p. 217; Daviel, t. II, n. 529 et suiv.; Cotelle, Droit adm., t. I, p. 353; Championnière, Propr. des eaux.

3 Merlin, Répert., vo RIVIERE, n. 2; Proudhon, Dom. publ., t. III, n. 933 et suiv.; Foncart, Droit adm., t. III, p. 417 et suiv.; Rives, Propr. des cours d'eau; Répert. du Journal du Palais, vo Cours d'eau, n. 325 et suiv.

TOME I.

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trouve le point de départ. Selon les partisans de ces opinions, le droit féodal accordait la propriété des cours d'eau non navigables ni flottables aux seigneurs hauts justiciers, comme indemnité des charges qui pesaient sur eux pour l'administration de la justice. En 1791, quand la féodalité fut abolie et que le droit de justice revint complétement à l'Etat, celui-ci aurait par cela même succédé aux seigneurs dans la propriété des cours d'eau dont s'agit. Maintenant, l'Etat, une fois nanti de ce droit, l'a-t-il rétrocédé aux riverains ou l'a-t-il conservé? C'est là que commence la controverse.

170. L'Etat ne l'a pas conservé, disent les uns, car dans l'énumération que l'article 538 C. Nap. donne des objets qui composent son domaine, il n'est pas question des cours d'eau non navigables ni flottables. Seuls, les cours d'eau navigables et flottables y sont mentionnés 1. Ce qui prouve mieux encore qu'il y a eu dépossession au profit des riverains, c'est que l'article 561 du même Code leur attribue à titre d'accessoires « les îles et les atterrissements qui se forment dans les rivières non navigables et non flottables; » et que l'article 2 de la loi du 15 avril 1829 leur reconnaît le droit de pêche sur les mêmes cours d'eau. L'article 563 C. Nap., à la vérité, refuse aux riverains l'ancien lit abandonné par les cours d'eau navigables, flottables « ou non », et le donne comme indemnité aux maîtres des fonds que le nouveau lit vient à occuper; mais c'est là une simple exception. Elle rompt avec le système et ne le détruit pas; l'Etat, en cédant aux riverains son droit de propriété, y a mis une réserve, voilà tout. La loi elle-même, d'ailleurs, a donné, dans l'article 645, la qualification de propriété aux droits des riverains : «< S'il s'élève une contestation entre les propriétaires auxquels ces eaux peuvent être utiles, les tribunaux, en prononçant, doivent concilier l'intérêt de l'agriculture avec le respect dû

1 V. cet article au numéro 232.

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