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flottables, on verra que le fait d'établir des constructions ou d'exécuter des travaux quelconques sur ces eaux, sans la permission préalable de l'autorité compétente, constitue, dans tous les cas, une contravention et entraîne une pénalité. Il n'en est pas de même pour les cours d'eau non navigables ni flottables. La loi, pour ceux-ci, n'a pas défendu expressément d'y construire, comme elle l'a fait pour les premiers. C'est une remarque que déjà nous avons eu l'occasion de faire et dont nous avons tiré la conséquence': sans doute, le particulier qui établit une usine ou une prise d'eau sur une rivière ou sur un ruisseau, sans en avoir obtenu la permission, court le risque de voir son entreprise supprimée en tant que formant obstacle au libre cours des eaux ; mais il ne commet, nonobstant, aucune contravention; et, dans le silence de la loi pénale, il n'est, pour son fait, exposé, ni à une poursuite devant les juges de police ni à une répression personnelle 2.

229. Pour que l'entreprise, usine ou prise d'eau, etc., constituât une contravention, il faudrait que le cours d'eau sur lequel elle aurait lieu eût été l'objet d'un règlement d'eau spécial, porté par l'autorité compétente, et prohibant en termes exprès toute construction dans les limites du lit des eaux. Le fait tombe alors sous le coup de l'article 471, 15° C. pén., déjà cité3, qui punit d'une amende de cinq francs à un franc les infractions « aux règlements légalement faits par l'autorité administrative. »

Il y a donc également contravention à ces règlements toutes les fois qu'il y a inobservation des conditions auxquelles aurait été autorisé l'établissement d'une usine, d'un barrage,

1 V. n. 189.

↑ Cass., 5 janvier 1839 (Folliot) ; id., 30 mars 1849 (Richemont). 3 V. n. 95.

d'une dérivation, d'une prise d'eau ; ou des prescriptions de l'autorité, relatives soit aux heures pendant lesquelles les usiniers et les irrigants doivent se servir successivement des eaux, soit aux saisons ou périodes de temps durant lesquelles ceux-ci doivent en laisser l'usage exclusif aux propriétaires d'usines. 230. La loi du 6 octobre 1791, article 15, et le Code pénal, article 457, punissent d'amende et même de prison les propriétaires ou fermiers d'usines et moulins qui, par la trop grande élévation des eaux de leur retenue, inondent les propriétés riveraines, ou qui transmettent les eaux d'une manière nuisible.

Mais, comme ces délits peuvent être commis, quelle que soit la nature de l'eau employée, nous ne ferons qu'en signaler ici l'existence, nous réservant d'exposer ailleurs les règles qui, en cette matière, sont applicables à tous les cas 3.

231. Le Conseil d'État, à la date du 24 ventôse an XII, a émis l'avis : « que les contraventions aux règlements de police sur les cours d'eau non navigables doivent être portées, suivant leur nature, devant les tribunaux de police munici pale ou correctionnelle. »>

En conséquence, il est constamment décidé que les Conseils de préfecture sont incompétents d'une manière absolue pour statuer sur les infractions commises en cette matière 3. Il n'y a donc, en ce qui concerne la recherche, la pour suite, la prescription des délits ou contraventions commis sur les cours d'eau non navigables ni flottables, aucune règle spéciale qui les fasse, pour quoi que ce soit, sortir de la classe des délits et des contraventions ordinaires.

Ici se termine ce que nous avions à dire des cours d'eau non navigables ni flottables. Nous allons passer à la seconde classe

1 Cass., 31 mai 1845 (Boucher).

2 V. n. 403 et suiv.

3 Conseil d'Etat, 19 mars 1840 (Jouannet); id., 10 juillet 1840 (Hacot).

des eaux publiques, c'est-à-dire aux fleuves, rivières, canaux navigables et flottables, qui sont la propriété de l'État.

Article III.

des fleuves, rivières et cANAUX NAVIGables et floTTABLES,

231 bis. Division.

231 bis. Nous suivrons dans cet article la même marche à peu près que dans le précédent. Le sujet des fleuves, rivières et canaux navigables et flottables se divisera en quatre paragraphes où nous traiterons successivement: 1o de la circonscription du domaine de l'État en cette matière, 2o des servitudes imposées aux fonds riverains des cours d'eau en question, 3o de l'endiguement, conservation et curage desdits cours d'eau, 4o enfin des contraventions qui peuvent y être commises et de leur répression.

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232. Les fleuves et rivières navigables et flottables dépendent du domaine de l'État et sont inaliénables; textes.

233, Portée de l'article 41 de l'ordonnance d'août 1669, qui ne plaçait dans le domaine que les fleuves et rivières portant bateaux de leurs fonds.

234. Exception au principe de l'inaliénabilité pour les droits acquis sur les cours d'eau du domaine, avant l'année 1566.

235. Les cours d'eau ne sont domaniaux qu'à partir du point où ils sont réellement navigables et flottables.

236. Navigabilité, flottabilité.

237. A l'administration seule appartient le droit de prononcer sur la domanialité des cours d'eau et de leurs dépendances.

238. Reconnaissance et déclaration de la navigabilité et de la flottabilité pour le présent et l'avenir.

239. Suite: ordonnance royale du 10 juillet 1835.

240. Des actes du gouvernement qui ordonnent que telle rivière sera rendue navigable.

241. Quand la navigation ou la flottaison a été établie sur un cours d'eau, l'interruption qui en aurait lieu ne ferait pas cesser la domanialité du cours.

242. Reconnaissance de la navigabilité et de la flottabilité dans le cas où la question de domanialité se présente comme préjudicielle à une contestation principale.

243. A qui appartient-il de décider quand la domanialité des cours d'eau navigables et flottables cesse de produire ses effets légaux, à raison de ce qu'elle se trouve en présence de titres ou de possessions antérieurs à 1566? - Renvoi.

244. Les dépendances des fleuves et rivières navigables et flottables sont également domaniales.

245. Rives et berges; les limites en sont reconnues et fixées par l'administration.

246. Bras naturels et artificiels; canaux de dérivation effectués dans le but d'amener l'eau à des usines.

247. Courants non navigables qui se séparent des cours d'eau navigables.

248. Fossés, noues, boires.

219. Affluents.

250. Canaux de navigation; leurs francs-bords.

232. Dès l'origine du droit moderne, on a compris que tout cours d'eau qui présente quelque aptitude à la navigation ou à la flottaison est, à ce point de vue, frappé d'un caractère prédominant : celui de chemin public; que les services d'autre sorte qu'on en peut tirer, tels que forces motrices, dérivations, revenus de péages, etc., ne sont qu'accessoires et subordonnés. Considéré avant tout comme voie de communication, ce cours d'eau s'est, à ce titre, trouvé exclu du nombre des choses susceptibles d'appropriation privée et de celles qui, n'appartenant à personne, sont communes à tous. Il a été placé de la manière la plus immédiate entre les mains de

l'autorité même chargée de veiller sur les intérêts généraux de la société, parmi les propriétés du roi, dans le domaine de la Couronne: viæ publicæ, flumina navigalia quæ sint regalia '. Mais aux époques reculées où l'autorité sociale vit son caractère modifié et méconnu par la féodalité, ces principes ne furent pas toujours respectés dans leurs conséquences naturelles. Plus d'une fois les fleuves et rivières navigables ou flottables cessèrent d'être considérés comme devant rester avant tout des voies de communication publique. On ne vit en eux trop souvent qu'une source de produits à raison de la facilité qu'ils offrent de procurer quelques revenus au moyen des concessions de péages, de droit de pêche, de prises d'eau, de forces motrices, etc.

Dès le douzième siècle, les souverains avaient même fini par ne plus distinguer leurs droits d'administration supérieure sur les cours d'eau navigables ou flottables d'avec les priviléges utiles qu'ils y exerçaient. Tout y était devenu pour eux objet de profits. A partir de cette époque, des particuliers en grand nombre obtinrent à prix d'argent ou par faveur des permissions d'établir des moulins sur le cours ou sur les dérivations des fleuves et des grandes rivières. Le mal fut porté à un tel excès et les empêchements à la navigation se multiplièrent de telle sorte qu'on dut prendre à plusieurs reprises des mesures qui eurent l'avantage de rappeler peu à peu à l'observation des règles véritables. En 1390 notamment, un arrêt du Parlement ordonna la destruction de tous les moulins et établissements qui encombraient la Seine et la Marne.

Mais ce n'était là que des palliatifs; l'édit rendu à Moulins, au mois de février 1566, sur les grands domaines de la Couronne, œuvre du chancelier de l'Hôpital, eut des effets plus

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