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cours d'eau, vient adhérer aux chemins de halage et de contre-halage, appartient au riverain en vertu de l'accession, sauf à reporter sur cette alluvion, ainsi qu'il vient d'être dit, les chemins exigés par les règlements.

La servitude en question n'est établie sur les propriétés riveraines que dans l'intérêt et au profit de la navigation; l'usage n'en est point public. L'accès des chemins de halage et de contre-halage ne saurait être réclamé, notamment par les maîtres d'usines hydrauliques et de moulins, quelque rapprochés que ces établissements puissent être de ces chemins, et quelque utilité que les usiniers puissent en tirer. Seuls, les navigateurs et les pêcheurs y ont droit, et encore dans des limites déterminées. La lettre de la loi ne donnant aux uns et aux autres que la faculté d'y tirer leurs bateaux, il faudrait voir une aggravation de la servitude dans tous les actes qui, hors le cas de naufrage, seraient étrangers au halage même, tels que l'amarrage des nacelles et bâtiments, et le dépôt des marchandises. Quant aux pêcheurs, s'ils voulaient, par exemple, tirer sur les chemins dont s'agit leurs filets hors de l'eau pour les y faire sécher, ils devraient traiter avec les riverains de la jouissance des terrains dont ils ont besoin.

Un décret du 22 janvier 1808 a prévu le cas où la navigation, étant établie à nouveau sur un cours d'eau, nécessiterait la création de chemins de halage et de contre-halage. En pareil cas, les riverains ont droit à une indemnité proportionnée au dommage que leur cause l'établissement de la servitude. En vue de diminuer autant que possible la perte qu'ils éprouvent, ce décret autorise l'administration, pourvu toutefois que le service n'en souffre pas, à restreindre la largeur du nouveau chemin, si de cette restriction peut résulter le maintien et la conservation de maisons, travaux d'art,

1 V. n. 245.

2 Article 35, loi du 15 avril 1899.

murailles, clôtures, haies vives, que, sans cela, il eût fallu détruire.

Sous le rapport de la police, les chemins de halage et de contre-halage sont, comme les cours d'eau qu'ils bordent, soumis au régime de la grande voirie: telle est la disposition de la loi du 29 floréal an X, dont nous parlons plus loin '.

252. Aux termes de l'ordonnance de 1669, titre XXVII, article 40, et de l'arrêt du Conseil de 1777, article 4, il est défendu aux propriétaires riverains de faire aucunes fouilles et extractions, à moins de six toises (11,70) des rivières navigables et flottables, à peine de cinq cents livres d'amende. Cette prohibition a le double objet de préserver les chemins de halage et d'empêcher la filtration et la déperdition de l'eau nécessaire à la navigation.

$3. Endiguement, conservation, curage des cours d'eau navigables

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et flottables.

253. Défense aux riverains et autres de construire, faire des prises d'eau, changer le cours, etc.; textes.

254. Prohibitions spéciales à certains cours d'eau.

255. Conséquences juridiques de ces défenses et prohibitions, relativement aux possessions privées existant ou prétendues sur les cours d'eau du domaine de l'État.

256. Travaux d'amélioration, d'endiguement.

237. Travaux d'entretien, curage.

258. Suite; cas où les riverains et les usiniers peuvent être contraints d'y contribuer.

253. En vue de conserver les voies affectées à la navigation et à la flottaison, les anciens règlements ont prohibé toute entreprise qui pourrait diminuer la hauteur des eaux,

V. n. 259.

modifier ou dégrader leur lit ou leurs bords, en un mot changer leurs cours.

Ainsi, l'exécution de constructions, ouvrages, travaux sur les fleuves, rivières, canaux navigables et flottables, ou au long de ces cours d'eau, est défendue par l'arrêt du Conseil du 24 juin 1777. L'article 1er en est ainsi conçu : « Sa Majesté fait défense à toutes personnes, de quelques qualité et condition qu'elles puissent être, de faire aucuns moulins, pertuis, vannes, écluses, arches, bouches, gords ou pêcheries, ni autres constructions ou autres empêchements quelconques sur et au long des rivières et canaux navigables, à peine de mille livres d'amende, et de démolition desdits ouvrages. » Cette défense est la reproduction d'une prohibition semblable faite par l'ordonnance d'août 1669, titre XXVII, article 42, mais qui n'était sanctionnée que par une amende arbitraire, c'està-dire abandonnée au gré du juge. Plus loin, nous verrons que le système de notre législation moderne admet plus l'application d'une pénalité de cette sorte, et que le taux des amendes, anciennement arbitraires, a été déterminé par une loi du 23 mars 1842. Toutefois, en ce qui concerne l'amende édictée par l'ordonnance de 1669, il est à remarquer qu'elle ne peut plus, en aucun cas, former la base d'une condamnation, puisque l'arrêt du Conseil de 1777 l'a remplacée par l'amende de mille livres 2.

Ce même arrêt s'oppose encore à ce qu'on laisse subsister un obstacle quelconque, apporté, volontairement ou non, à la navigation: «Art. 3. Ordonne pareillement Sa Majesté à tous riverains, mariniers ou autres, de faire enlever les pierres, terres, bois, pieux, débris de bateaux et autres empêchements étant de leur fait ou à leur charge, dans le

1 V. n. 265.

2 Conseil d'Etat, 20 juillet 1836 (Raousset-Boulbon); id., 23 février 1841 (Roussay).

lit desdites rivières ou sur leurs bords, à peine de cinq cents livres d'amende, confiscation desdits matériaux et débris, et d'être, en outre, contraints au payement des ouvriers qui seront employés auxdits enlèvements et nettoiements. »

L'article suivant prononce la même pénalité et les mêmes réparations contre les auteurs de prises d'eau, saignées, dérivations, modifications quelconques aux cours d'eau dont s'agit : « Art. 4. Défend Sa Majesté, sous les mêmes peines, à tous riverains ou autres de jeter dans le lit desdites rivières et canaux, ni sur leurs bords, aucunes immondiees..., ni d'en affaiblir et changer le cours par aucunes tranchées ou autrement. » Antérieurement déjà, l'ordonnance d'août 1669, titre XXVII, article 44, avait défendu « à toutes personnes de détourner l'eau des rivières navigables et flottables, ou d'en affaiblir et altérer le cours par tranchées, fossés et canaux, à peine contre les contrevenants d'être punis comme usurpateurs, et les choses réparées à leurs dépens. »

254. Ces prohibitions sont générales et concernent tous les cours d'eau navigables et flottables pour lesquels il n'a pas été fait, sur les points en question, de règlements particuliers. Il existe, en effet, des règlements qui sont d'autant plus à remarquer, qu'ils punissent certaines contraventions de peines différentes de celles qui sont portées dans les dispositions générales. Ces règlements particuliers sont toujours en vigueur, et le Conseil d'Etat ne manque jamais d'en faire, au besoin, l'application.

Voici notamment ceux de l'application desquels nous trouvons trace dans les recueils d'arrêts et les auteurs.

Un arrêt du Conseil, du 17 juillet 1782, relatif au cours de la Garonne, à partir de la vallée d'Arau (cette vallée est aujourd'hui comprise dans le département de la Haute-Garonne), porte, titre III, article 6: «Fait Sa Majesté très-expres

ses inhibitions et défenses à tous ceux qui ont des moulins sur bateaux, nommés vulgairement moulins à nef, de placer lesdits moulins, sous quelque prétexte que ce soit, dans le courant de la rivière servant à la navigation, à peine de cinq cents livres d'amende contre les propriétaires... » Application de cette disposition et de la pénalité qui y est édictée a été faite à un sieur Pujol, par le Conseil d'Etat, à la date du 19 mai 1835.

Un arrêt du Conseil, du 23 juillet 1783, concernant le cours de la Loire depuis Roanne, et les rivières navigables et flottables qui y affluent, contient les prohibitions suivantes. Dans le titre II, l'article 9 défend, « à peine de cent livres d'amende, de rien jeter dans le lit qui puisse l'encombrer, et d'en affaiblir le cours par tranchées ou autrement. » Le Conseil d'Etat a fait l'application de cette disposition à la compagnie des riverains du haut de la Loire, par ordonnance du 25 janvier 1838. S'il eût dû prononcer, aux termes de l'article 4 précité de l'arrêt de 1777, qui porte la prohibition générale, il eût condamné le contrevenant à une amende de cinq cents livres.

Dans le titre III, l'article 6 de l'arrêt de 1783 défend, « à peine de cinq cents livres d'amende, à tous propriétaires, meuniers, maîtres de forges, de barrer en tout ou en partie la Loire et les rivières affluentes, avec pieux, piquets, pierres, fascines ou autrement. » Et l'article 8 punit de trois cents livres d'amende le placement de moulins à nef « au droit fil et plus profond de l'eau. » Or, nous avons vu que le premier fait est frappé par le règlement général de 1777 d'une amende de mille livres, et le second d'une amende de cinq cents livres par le règlement de 1782, spécial à la Garonne. M. l'ingénieur Nadault de Buffon cite encore, comme por

1 Usines, t. I, p. 479.

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