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ne sont pas susceptibles d'ètre consultés utilement aujour d'hui. Ils sont néanmoins toujours valables, comme d'anciens états de lieux, quoique généralement incomplets. Le dépôt des titres, ordonné par l'article 3 de l'arrêté, fut fait trèsincomplétement; il y eut néanmoins des états dressés pour désigner ceux des anciens établissements qui étaient fondés en titre, ou susceptibles d'être conservés, et ceux qui étaient nuisibles à la navigation. Quant à la destruction, dans le mois, de ces derniers établissements, conformément aux dispositions de l'article 5 de l'arrêté, la mesure resta d'abord à peu près sans effet; car il est constant que ce n'est que sous les gouvernements qui ont succédé au Directoire que les moulins et usines non fondés en titre ont été successivement détruits. Ladite mesure est, pour ainsi dire, encore en cours d'exécution, car lorsque l'absence du titre, mise en évidence par une éventualité quelconque, exige que l'on ordonne la suppression d'un établissement, d'ailleurs nuisible, situé sur une rivière navigable, les possesseurs de cette usine sont presque toujours dans le cas de se prévaloir de ce que son existence est très-ancienne; et cette ancienneté remonte ordinairement au delà de l'an VI. Il résulte de là une conséquence importante, que voici : c'est que les particuliers qui se trouvent dans ce cas ne pourraient valablement arguer, pour la conservation de leur usine, de ce que l'existence en a été, de fait, sanctionnée par l'autorité compétente, par cela même que cette usine subsiste encore, après les vérifications et suppressions ordonnées par l'arrêté du 19 ventôse 1. »

274. Ainsi, la démolition, la suppression de tout établissement hydraulique existant sans titre valable sur les eaux domaniales peut toujours être prononcée, comme pénalité, dans l'intérêt persistant et inaliénable de la navigation. Voilà

Usines, t. I, p. 293.

donc tout d'abord une première raison d'examiner quand l'existence d'une usine, d'un moulin, d'une dérivation, etc., repose sur une base légale, et quand ces établissements se trouvent avoir une origine régulière qui les protége contre cette funeste extrémité.

Une autre circonstance non moins importante motive encore cet examen. C'est le cas où des travaux d'amélioration et d'utilité publique nécessiteraient, de la part des propriétaires des usines ou des prises d'eau existantes, le sacrifice plus ou moins prolongé, plus ou moins complet, de leurs forces motrices ou de leurs dérivations. Nous verrons plus tard qu'ils ont ou n'ont pas le droit d'en être indemnisés, selon que leurs usines ou prises d'eau ont ou n'ont pas d'existence légale. Nous nous contentons de poser ici les principes, nous réservant d'en tirer, à ce dernier point de vue, les conséquences, lorsque nous traiterons des dommages causés aux usines et autres établissements hydrauliques par les travaux publics et par les projets d'utilité générale 1.

275. Les règles à suivre pour apprécier l'existence légale des usines diffèrent selon la situation topographique de ces usines et l'époque à laquelle l'origine en remonte.

On comprendra mieux, d'ailleurs, les développements auxquels nous allons nous livrer à cet égard, si l'on jette un coup d'œil sur le tableau suivant, où, sous une forme synoptique, nous donnons une division générale des établissements hydrauliques, en les classant par catégories :

I. Etablissements anciens ou antérieurs à l'arrêté du 19 ventose an VI précité :

A..... Situés sur des cours d'eau qui, dès 1566, étaient tout à la fois navigables et flottables, et compris dans le territoire français;

1 V. n. 363 et suiv.

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B..... Situés sur les cours d'eau du territoire français, tel qu'il était dès cette même époque, lesquels ne seraient devenus navigables que postérieurement à 1566.

c..... Situés sur les cours d'eau navigables et flottables des pays réunis à la France postérieurement à 1566.

II. Etablissements modernes, ou postérieurs à l'arrêté du 19 ventôse an VI:

A..... Existants.

B..... A créer

276. Sous la dénomination générique d'établissements anciens, nous comprenons donc toutes usines, constructions, dérivations, etc., actuellement existantes, dont les possesseurs prétendent faire remonter le titre légal d'origine à une époque antérieure à l'arrêté du Directoire exécutif du 19 ventôse an VI.

Ces établissements anciens se divisent, comme l'indique notre tableau, en trois catégories. Le motif de cette division se présente de lui-même. L'édit de Moulins, du mois de février 1566, en proclamant l'inaliénabilité du domaine de la couronne, n'a frappé de ce caractère que les cours d'eau compris dès lors dans le territoire français, et offrant dès cette époque une aptitude reconnue à la navigation et à lá flottaison. Mais, quant aux fleuves et rivières de ce territoire, qui ne sont devenus navigables et flottables qu'ultérieurement, à la suite de travaux et d'ouvrages d'art, l'édit y est évidemment resté inapplicable jusqu'au moment où ils ont reçu l'aptitude à la navigation ou à la flottaison. A plus forte raison cet édit n'a-t-il pu régir les cours d'eau même navigables et flottables des pays réunis à la France postérieurement à 1566, qu'au fur et à mesure de la réunion de ces pays.

Examinons rapidement les trois catégories d'établissements anciens.

277. Dans la première catégorie, nous avons placé les usines, constructions, dérivations, etc., situées sur des cours d'eau qui, dès 1566, étaient navigables et flottables et se trouvaient compris dans le territoire français.

De tout temps, on n'a regardé ces établissements comme valablement autorisés qu'autant que les titres d'origine en émanaient des souverains eux-mêmes. Ni les concessions consenties par des seigneurs féodaux, ni les longues possessions ne peuvent remplacer les actes d'autorisation délivrés par nos anciens rois. Les premières, en effet, doivent être écartées. comme illégales au point de vue même des principes politiques de l'époque et comme constituant autant d'usurpations sur le domaine de la couronne1. Quant aux secondes, elles se trouvent naturellement impuissantes à prévaloir contre la règle prédominante de l'inaliénabilité de ce domaine, d'où découle nécessairement l'imprescriptibilité des biens qui le composent.

Il n'y a, en matière de possessions sur les cours d'eau domaniaux, d'exception à faire que pour les jouissances antérieures au 1er avril 1566; c'est-à-dire pour celles qui, ayant commencé avant la promulgation de l'édit de Moulins, n'ont pu en subir l'effet à raison du principe de la non-rétroactivité des lois.

Nous nous sommes déjà expliqué sur cette exception, qui est expressément consacrée par un édit d'avril 1683, reproduit plus haut.

Pour compléter ce que nous devions en dire, il suffira d'indiquer un exemple des preuves qui sont de nature à éta

V. article 5 de l'arrêté du 19 ventôse an VI, n. 272.

2 V. n. 234.

blir le fait d'où résulte naturellement, au profit de celui qui possède une usine, un titre légal de jouissance à savoir l'existence de cette usine antérieurement au mois d'avril 1566.

Dans une espèce où il s'agissait d'un moulin, dit de Montjean, et situé sur la Loire, près Chalonnes (Maine-et-Loire), le Conseil d'Etat a admis, comme prouvant l'existence légale de cette usine, les titres suivants : un aveu et dénombrement fait, en 1460, par le seigneur de Montjean à René, duc d'Anjou, et dans lequel il était fait mention dudit moulin ; une transaction de 1541, passée entre la dame de Montjean et le fermier de la baronnie, relative à cette usine; un bail à rente viagère du 22 juin 1693, dans lequel il était déclaré que ledit moulin était d'origine très-ancienne 1.

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278. Les usines, constructions, dérivations situées sur les cours d'eau qui, bien que faisant partie du territoire français en 1566, n'étaient cependant pas encore navigables et flottables, forment la deuxième catégorie des établissements anciens.

Pour ceux-ci, ce sont les règles à l'empire desquelles était soumis le cours d'eau au moment où l'on prouve que remonte l'existence de l'usine, qu'il faut consulter pour savoir si l'établissement a été formé régulièrement ou non, et si, en conséquence, il a ou n'a pas d'existence légale.

La navigabilité, la flottabilité, constituant des faits purement physiques, il en résulte que si, en 1566, un cours d'eau n'en présentait pas les indices, il n'était pas alors domanial. Si, postérieurement, il est devenu la propriété de l'Etat, c'est que des travaux et des œuvres d'art lui ont procuré artificiellement l'aptitude à la navigation et à la flottaison que la nature lui avait refusée.

En ce qui concerne les canaux, lesquels ne sont pas navi

1 Conseil d'Etat, 10 mars 1848 (Faucheux).

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