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le classement même provisoire, mais vous en référerez à mon ministère, afin que la mesure puisse être l'objet d'un décret, vous bornant à suspendre au besoin la formation ou l'exploitation de l'usine. >>

26. Dans tous les cas, et alors même qu'il s'agit d'établissements nouveaux assimilables aux industries de la deuxième et de la troisième classe, les décisions des préfets ne sont encore que des mesures provisionnelles. Elles doivent, tout comme lorsqu'elles concernent les établissements de la première classe, être transmises au ministre, pour que la situation soit réglée définitivement. La recommandation de la circulaire précitée, expresse pour ceux-ci, n'est pas moins formelle pour les autres. « A l'égard des établissements non encore classés, y est-il dit aux préfets, qui vous paraîtraient devoir rentrer dans l'une ou l'autre des deux dernières classes, vous pouvez, d'après l'article 5 de l'ordonnance du 14 janvier 1815, en permettre provisoirement la formation, en portant immédiatement cette permission à ma connaissance. Toutefois vous comprendrez facilement qu'il convient de n'user de cette faculté que dans les cas urgents, et je vous recommande de me soumettre, en général, la question de classement, avant de laisser ouvrir l'usine, même à titre provisoire. C'est le moyen de prévenir, pour l'administration, l'inconvénient d'avoir à revenir sur ses décisions, et, pour les industriels, des dépenses qui deviendraient inutiles, si le classement primitif n'était pas maintenu. La marche que je viens d'indiquer aura, en outre, l'avantage de permettre à l'administration de procéder par mesure générale, de telle sorte qu'une même industrie ne soit plus rangée dans des classes différentes, suivant les appréciations diverses des autorités départementales. »

Nous ferons remarquer ici que les arrêtés des préfets, pris aux termes de l'article 5 de l'ordonnance du 14 janvier 1815,

étant seulement des mesures provisoires soumises au contrôle de l'administration supérieure, il en résulte qu'ils ne sont pas, en principe, susceptibles d'être déférés aux Conseils de préfecture ni au Conseil d'Etat par la voie contentieuse '.

27. C'est devant le ministre seul que doivent être portées toutes les réclamations contre les arrêtés en question.

Ces réclamations, qui ont pour auteurs les usiniers ou les tiers intéressés, peuvent être fondées sur des motifs différents. Un usinier, notamment, peut se plaindre d'abord de ce que son industrie aurait été considérée comme nouvelle, dans le sens de l'article 5 précité, alors qu'elle avait, au contraire, tous les caractères d'une industrie ancienne; ensuite, de ce qu'en supposant même qu'elle fût d'une pratique postérieure à 1815, elle aurait été rangée dans la première classe plutôt que dans la deuxième, ou dans la deuxième plutôt que dans la troisième. Il peut enfin soutenir que, bien que nouveau, son établissement était assez inoffensif pour qu'il ne dût être compris dans aucune des classes des industries dangereuses, incommodes ou insalubres.

D'autre part, les voisins d'un établissement qu'ils considèrent comme nouveau ont la faculté de réclamer, lorsque le préfet a refusé, par un motif quelconque, de le faire rentrer dans l'une des trois classes, ou lorsqu'il ne l'a pas placé dans une classe en rapport, selon eux, avec les inconvénients qu'ils lui attribuent.

Le ministre de l'agriculture et du commerce tranche toutes ces difficultés en approuvant ou en réformant l'arrêté préfectoral.

Cependant, s'il se décidait pour le classement de l'industrie exploitée dans l'établissement, objet de l'arrêté, il paraîtrait convenable qu'au préalable, il provoquàt, dans les formes du

Conseil d'Etat, 4 septembre 1841 (Gravier).

décret du 30 janvier 1852', un décret de classement général. Il lui suffirait, ensuite, de faire l'application particulière de cette mesure d'administration publique à l'établissement qui en a été l'occasion.

En tous cas, la décision définitive du ministre, qu'elle confirme ou réforme l'arrêté préfectoral, peut être déférée au Conseil d'Etat, sur l'appel des intéressés. La question de savoir quand un établissement se rencontre dans les conditions qui le soumettent ou le font échapper à la réglementation, est éminemment contentieuse, puisqu'au lieu de laisser ces conditions à l'appréciation arbitraire de l'administration, le législateur a eu le soin, au contraire, de les déterminer et de les définir.

28. Tels sont les développements du principe qu'à la fin du numéro 20 nous avons formulé en ces termes : « La nécessité de l'autorisation pour la formation d'un établissement résulte de ce fait que l'industrie qu'on se propose d'y exploiter ou que déjà l'on y exploite a été l'objet d'un classement dans la nomenclature des industries dangereuses, insalubres ou incommodes. »>

Il nous fallait rappeler cette règle avant de parler de l'exception qu'y apporte le principe plus général encore de la non-rétroactivité des lois et des règlements.

L'article 11 du décret du 15 octobre 1810 est ainsi conçu : « Les dispositions du présent décret n'auront point d'effet rétroactif: en conséquence, tous les établissements qui sont aujourd'hui en activité continueront à être exploités librement, sauf les dommages dont pourront être passibles les entrepreneurs de ceux qui préjudicient aux propriétés de leurs voisins; les dommages seront arbitrés par les tribu

naux. >>>

' V. D. 22.

2 V. n. 24, Conseil d'État, 2 août 1826 (Delvaux-Goulliard).

La question de savoir quand un établissement, bien que compris dans la nomenclature, échappe, comme étant antérieur au décret de 1810, à la nécessité de l'autorisation prescrite par cet acte réglementaire, est de la compétence administrative. Tranchée, au premier degré, par un arrêté du préfet, que le ministre doit être appelé à confirmer ou à réformer, elle est susceptible de recours devant le Conseil d'Etat1.

29. Le même décret de 1810 porte encore : « Art. 13. Les établissements maintenus par l'article 11 cesseront de jouir de cet avantage dès qu'ils seront transférés dans un autre emplacement, ou qu'il y aura une interruption de six mois dans leurs travaux. Dans l'un et l'autre cas, ils rentreront dans la catégorie des établissements à former, et ils ne pourront être remis en activité qu'après avoir obtenu, s'il y a lieu, une nouvelle permission. >>

30. On comprend, en effet, que le maître d'une manufacture ou d'un atelier classés, dont la position légale se trouvait régularisée soit par l'existence antérieure à 1810 de son exploitation, soit, dans le cas contraire, par l'obtention de l'autorisation exigée, puisse perdre le bénéfice de cette position, s'il fait subir à son établissement des modifications telles qu'on en puisse conclure que cet ancien établissement ne subsiste plus et qu'il a fait place à quelque chose de nouveau.

Cette situation, quand elle se produit, rentre, comme le fait observer avec justesse l'article 13 précité, dans celle d'un établissement à former; dès lors, la manufacture ou l'atelier modifiés ne peuvent être remis en activité qu'après l'obtention d'une autorisation nouvelle.

L'application de ces règles se fera mieux comprendre par des exemples.

31. La translation d'une industrie, de l'ancien emplace'Conseil d'État, 29 janvier 1814 (Pinel); Dufour, n. 586.

ment où jusqu'alors elle avait été exploitée, dans un emplacement nouveau, enlève évidemment à cette industrie tous les avantages légaux de son passé. C'est ce que l'article 13 indique expressément, au sujet des établissements maintenus pour leur antériorité au décret de 1810. A plus forte raison en est-il ainsi, en ce qui concerne les établissements simplement autorisés. L'autorisation, en effet, a été concédée au local considéré dans ses rapports avec les opérations qui doivent y être effectuées, bien plutôt qu'à l'industrie envisagée en elle-même. L'agrément administratif ne saurait donc suivre cette industrie dans tous les lieux où il plairait au fabricant de la transporter. S'il convient à celui-ci d'en changer le siége, il doit se munir d'une permission nouvelle s'appliquant spécialement à ce nouvel emplacement1.

Pour les machines à vapeur, par exemple, l'indication de la place qu'elles doivent occuper au sein d'un atelier est fréquemment une des conditions expresses de la permission administrative. Le dérangement d'une machine autorisée dans cette condition d'emplacement déterminé, et sa translation à un autre endroit, fût-ce toujours dans l'intérieur du même atelier, ferait donc perdre à l'exploitant de cette machine le bénéfice de l'autorisation antérieure. Celui-ci serait en faute s'il ne sollicitait pas une permission administrative comme s'il s'agissait d'un emploi nouveau 2.

32. Un établissement classé est également déchu de ses priviléges antérieurs par l'interruption des travaux durant six mois. Il faut toutefois que l'interruption ait été volontaire, sinon l'on ne pourrait en induire une renonciation à ces priviléges, un consentement tacite à ce qu'ils soient considérés comme abandonnés et désormais sans effet.

L'interruption est donc inefficace et ne saurait être oppoCass., 30 mai 1834 (Lannelet).

2 Conseil d'État, 6 mai 1853 (Perrache).

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