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s'il remplace les objets devenus, par la vétusté, incapables de servir, il les remplacera par des objets identiques de forme et de position. Tous deux sont, par l'effet des travaux publics, privés de leur force motrice. Le second ne perdra rien, il sera indemnisé complétement. Le premier, au contraire, ne pouvant réaliser les bénéfices en vue desquels il avait fait les dépenses, sera, en définitive, puni de son intelligence et de son activité. Autre chose est de décourager l'usinier qui serait tenté d'employer une plus grande force motrice; autre chose de décourager celui qui veut seulement employer sa force motrice... Si l'on décourage l'usinier qui améliorerait l'emploi d'une force motrice déterminée, si on l'amène à laisser subsister une disposition reconnue vicieuse de roue et de coursier, on fera un mal dont il est impossible de tirer ailleurs profit pour la production; ce sera, abstraction faite de toute raison de droit, méconnaître les conseils de l'économie politique d'accord à cet égard avec le simple bon sens.»>

Par arrêt du 5 juillet 1855, le Conseil d'Etat a statué en ces termes : « ...Sur la question de savoir s'il y a lieu de tenir compte du surcroît de force motrice utile, résultant des modifications apportées depuis l'an IV aux coursiers et aux roues, considérant que ces modifications ont été autorisées par l'ordonnance royale du 20 mars 1847, qui a réglementé le moulin d'Isle; que, sans accroître la force motrice dont disposait le moulin, elles ont eu pour résultat de mieux utiliser la même force; que si cette amélioration dans l'exploitation de la force ancienne était soumise, à raison des travaux extérieurs qu'elle exigeait, à la nécessité d'une autorisation, elle ne peut néanmoins être considérée comme constituant une nouvelle prise d'eau qui aurait été concédée par l'ordonnance du 29 mars 1847, et qui serait susceptible, dès lors, d'être retirée sans indemnité, par application de l'article 26 de ladite ordonnance; que, dès lors, c'est à tort que le Conseil de préfecture,

refusant de tenir compte de l'augmentation de force utile qui résulte des changements apportés depuis l'an IV aux roues et aux coursiers, a évalué la force utile à la moitié, et non aux trois quarts de la force motrice1. »

397. Il peut arriver qu'à l'instant où l'indemnité est réclamée, il ne soit pas encore possible aux juges de se rendre compte de la nature, du caractère du dommage, non plus que de la dépréciation définitive que doit subir l'usine. Cette difficulté se présente toujours lorsque, les travaux n'étant pas achevés au moment de la demande, il n'y aura aucun moyen de déterminer le régime nouveau qui doit en résulter pour le cours d'eau alimentaire de l'établissement. En pareil cas, les juges doivent prononcer comme s'il s'agissait d'un simple dommage temporaire. Ils statuent sur l'indemnité qui serait due à raison du chômage jusqu'au jour de la réclamation, renvoyant le demandeur à se pourvoir pour le dommage à venir et définitif quand il y aura lieu, et devant qui de droit 2."

398. Il est de jurisprudence constante qu'en cette matière les intérêts du dédommagement ne sont alloués qu'autant qu'ils sont réclamés, et seulement à compter du jour de la réclamation. C'est là un détail que les usiniers ne doivent point perdre de vue, au moment où ils forment une demande d'indemnité.

399. Lorsque le principe et le taux d'une indemnité pour chômage d'usine, ou suppression de forces motrices, sont contestés, et encore bien que la demande soit formée pour un établissement dont le titre légal serait reconnu, le Conseil de préfecture doit, à peine de nullité, faire procéder à une

1 CONF. Conseil d'Etat, 29 janvier 1857 (Flusin).

* Conseil d'Etat, 31 mars 1846 (de Boisset); id., 22 novembre 1851 (Bonlogne).

Conseil d'Etat, 23 février 1844 (Bayard de la Vingterie); id., 29 novembre 1851 (Rouyer).

expertise contradictoire dans les formes prescrites par l'article 56 de la loi du 16 septembre 1807 '.

En conséquence, « l'un des experts est nommé par le propriétaire, l'autre par le préfet, et le tiers expert, s'il en est besoin, est de droit l'ingénieur en chef; s'il y a des concessionnaires, un expert est nommé par le propriétaire, un par le concessionnaire, et le tiers expert par le préfet. »

Les experts doivent également, à peine de nullité, prêter serment avant leurs opérations 2.

Les frais d'expertise tombent naturellement à la charge de la partie qui succombe. Mais si c'était tant par l'exagération de la demande de l'usinier que par l'insuffisance des offres de l'administration ou de ses concessionnaires, que l'expertise aurait été rendue nécessaire, il y aurait lieu de laisser à la charge de chaque partie les frais de son expert 3.

400. L'usinier qui, à l'occasion d'un premier fait de chomage, aurait formé une demande d'indemnité dans laquelle il aurait succombé faute d'avoir établi l'existence légale de son établissement, serait-il désormais non recevable à réclamer de nouveau, au cas de faits postérieurs? L'exception de la chose jugée lui serait-elle opposable? Nous ne le pensons pas, puisque la seconde demande ne serait pas, dans tous les cas, fondée « sur la même cause» que la première.

Dans une espèce où le demandeur s'était vu repousser, une première fois et à l'occasion d'un premier chômage, parce qu'il n'avait pas fourui dans le délai à lui imparti les titres justificatifs de l'existence légale de son usine, le Conseil d'Etat a fait observer avec raison que ce rejet « ne pouvait consti

1 Conseil d'Etat, 12 février 1857 (Bullot).

2 Conseil d'Etat, 8 juin 1850 (Compagnie de la navigation du Dropt); id., 29 novembre 1851 (id.).

3 Conseil d'Etat, 29 novembre 1851 (Rouyer).

Article 1351 C. Nap.

tuer une fin de non-recevoir contre des demandes ultérieures d'indemnité, à raison d'autres chômages; que, d'un autre côté, la négligence de l'usinier à produire dans une instance spéciale les titres du moulin ne peut avoir pour effet de frapper ces titres d'une déchéance absolue, ni faire obstacle à ce que, dans des instances nouvelles, ils puissent être produits par le propriétaire et le fermier, et appréciés par le Conseil de préfecture 1... >>

Article II.

Dégâts et chômages occasionnés par le flottage.

401. Des indemnités qui sont dues aux usiniers pour les dégâts et les chômages que le flottage leur occasionne.

402. Les contestations relatives à ces indemnités sont de la compétence des tribunaux civils.

401. Les marchands qui désirent livrer leurs bois au flottage sont astreints, par les règlements, à diverses formalités préalables, dont le but est de prévenir de leurs desseins les riverains et les usiniers, et de mettre ceux-ci en demeure de n'y point porter obstacle.

Ces marchands sont tenus de faire annoncer à ces propriétaires intéressés l'époque où le flot doit partir. C'est l'autorité municipale de chaque commune riveraine qui, avertie par eux, se charge de ce soin, au moyen de publications faites dix jours au moins avant le jour d'ouverture 2. Ils doivent, en outre, faire dresser contradictoirement avec les propriétaires d'usines ou d'écluses, ou eux dûment appelés, procès-verbal de l'état extérieur de ces usines et écluses. Quand, au moment

1 Conseil d'Etat, 11 décembre 1856 (Compagnie du canal de Saint-Quentin). Article 6, chap. II, ordonnance de décembre 1672.

TOME 1.

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de la visite, il apparaît qu'il existe des réparations à exécuter aux pertuis, on doit y pourvoir immédiatement, sinon les agents du commerce des bois, après mise en demeure des propriétaires, peuvent y faire procéder aux frais de ceux-ci1. Lorsque les marchands de bois n'ont pas rempli ces formalités préalables, les propriétaires peuvent refuser le passage; ou bien, s'ils croient devoir laisser passer le flot pour ne pas entraver les opérations du commerce, les marchands sont alors tenus de payer toutes les réparations, et ne sont point admis à soutenir que les dégradations existaient avant le passage du flot 2.

Après le flot, il est fait un récolement contradictoire en la forme indiquée pour la visite préalable3.

Quant à l'indemnité motivée, non plus sur les dégradations que le flot aurait pu causer aux usines, mais sur le chômage même des établissements, elle est l'objet des dispositions que nous allons reproduire. L'ordonnance de 1669, titre xxvii, article 45, porte: « Réglons et fixons le chômage de chaque moulin qui se trouvera établi sur les rivières navigables et flottables, avec droits, titres et concessions, à quarante sols, pour le temps de vingt-quatre heures, qui seront payés aux propriétaires des moulins, ou leurs fermiers et meuniers, par ceux qui causeront le chômage par leur navigation et flottage, faisant très-expresses défenses à toutes personnes d'en exiger davantage, ni de retarder en aucune manière la navigation et le flottage, à peine de mille livres d'amende, outre les dommages et intérêts, frais et dépens, qui seront réglés par nos officiers des maîtrises, sans qu'il puisse y être apporté aucune modération. » Pareille disposition se retrouve dans l'édit

1 Articles 11, 12, chấp. XVII, ibid.

2 Lettre du directeur général des ponts et chaussées; voir Dupin, Code des bois et charbons, p. 758.

3 Article 12, chap. xv11, ordonnance de 1672.

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