Page images
PDF
EPUB

de décembre 1672, spécialement applicable aux rivières et ruisseaux servant à l'approvisionnement de Paris. On y lit, chapitre xvn, article 13: « Quand aucuns moulins, construits par titres authentiques sur les rivières et ruisseaux flottables, tournant et travaillant actuellement, chômeront au sujet du passage des bois flottés, il sera payé pour le chômage d'un moulin, pendant vingt-quatre heures, de quelque nombre de roues que le corps du moulin soit composé, la somme de quarante sous, etc. » Enfin, l'article 1er d'une loi du 28 juillet 1824 est ainsi conçu: « Les droits réglés par l'article 13, chapitre xvi, de l'ordonnance du mois de décembre 1672, seront portés à quatre francs au lieu de quarante sous pour chômage d'un moulin, pendant vingt-quatre heures, quel que soit le nombre des tournants.>>

On remarquera que cette dernière loi ne se réfère expressément qu'au prix d'indemnité fixé par l'édit de 1672, lequel est seulement applicable aux cours d'eau servant à l'approvisionnement de Paris. Faut-il en conclure qu'en cas de flottage sur des cours d'eau autres que ceux-ci, l'indemnité pour le chômage des moulins serait évaluée à deux francs, conformément à l'ordonnance de 1669? Les auteurs s'accordent généralement à penser « que la loi de 1824 doit s'étendre à l'ordonnance de 1669, puisque l'analogie est parfaite 1. »>

Des textes qui précèdent il résulte que l'indemnité n'est due qu'aux moulins et usines ayant « droits, titres ou concessions. >> Mais il n'en est pas ici comme lorsqu'il s'agit de l'indemnité pour travaux d'utilité publique ; il n'est pas nécessaire que les usines situées sur les eaux domaniales fassent preuve d'une existence antérieure à 1566; il suffit, dans tous les cas, que cette existence soit légale, à quelque date d'ailleurs que s'en reporte l'origine.

1 Tarbé de Vauxclairs, Dict. des travaux publ., p. 138. — Conf. De Gerando, Droit administ., t. III, p. 96; Jousselin, Servit. publ., t. II, p. 232.

Il faut, en outre, qu'au moment où le flottage se produit les moulins et usines soient « travaillant et tournant. » Si, pour l'exercer, on choisissait une époque où ces usines auraient cessé leur roulement pour avaries, réparations, etc., il n'y aurait lieu à aucun dédommagement, parce qu'en réalité ce ne serait pas le flottage qui en aurait causé le chômage.

Dès qu'une seule des roues d'une usine chôme à raison du flottage, l'indemnité est due en entier. La loi l'a établie unique, et, par conséquent, indivisible. On ne peut pas plus la diminuer qu'il n'est permis de l'augmenter proportionnellement au nombre des roues de l'usine.

402. En cas de difficultés, le règlement de l'indemnité doit être fait par les tribunaux civils; il ne s'agit là, en effet, que d'une contestation entre particuliers'.

QUATRIÈME SECTION.

DES ABUS DANS LA MANUTENTION DES EAUX AFFECTÉES

AUX ÉTABLISSEMENTS HYDRAULIQUES.

403. La surélévation et la transmission nuisibles des eaux peuvent constituer des délits; textes.

404. De la surélévation des caux.

405. Suite surélévation produite par une usine autorisée.

406. Suite surélévation produite par une usine non réglementée.

407. De la transmission des eaux.

408. Suite remous.

409. Suite éclusées.

410. Suite eaux salies ou corrompues.

411. Pour les délits de cette sorte, si l'usine est l'objet d'un bail, c'est le locataire qui est responsable.

403. La manière dont l'usinier emploie les eaux affectées

1 Rouen, 1er février 1844 (Rohan ). Daviel, n. 502.

[ocr errors]

Nadault de Buffon, t. Ier, p. 323;

au roulement et au service de son établissement est soumise au principe général de la responsabilité, écrit en l'art. 1382 C. Nap., déjà cité', et à des règles particulières qui ne sont que l'application du principe. Voici ces règles:

Le décret du 6 octobre 1791, titre II, s'exprime ainsi : << Article 15. Personne ne pourra inonder l'héritage de son voisin, ni lui transmettre volontairement les eaux d'une manière nuisible, sous peine de payer le dommage et une amende qui ne pourra excéder la somme du dédommagement. Art. 16. Les propriétaires ou fermiers des moulins ou usines construits et à construire seront garants de tous les dommages que les eaux pourraient causer aux chemins ou autres propriétés voisines, par la trop grande élévation du déversoir ou autrement; ils seront forcés de tenir les eaux à une hauteur qui ne nuise à personne... »

D'autre part, le Code pénal porte, article 457: «< Seront punis d'une amende qui ne pourra excéder le quart des restitutions et des dommages-intérêts, ni être au-dessous de cinquante francs, les propriétaires ou fermiers, ou toute personne jouissant de moulins, usines ou étangs, qui, par l'élévation du déversoir de leurs eaux au-dessus de la hauteur déterminée par l'autorité compétente, auront inondé les chemins ou les propriétés d'autrui. S'il est résulté du fait quelques dégradations, la peine sera, outre l'amende, un emprisonnement de six jours à un mois. >>

Ces textes prévoient donc et répriment un double abus dans la manutention des eaux alimentaires des usines: la surélévation et la transmission nuisibles de ces eaux.

404. Parlons d'abord du fait de surélévation.

Il y a lieu, à cet égard, de distinguer entre le cas où le fait s'est produit au moyen d'usines pour lesquelles la hau

V. au numéro 9, p. 16.

teur maximum des eaux a été fixée administrativement, et le cas où il s'agit d'usines non réglementées, soit que les propriétaires aient négligé de se faire autoriser, soit qu'ils n'aient pas eu à solliciter la permission de l'autorité, leurs établissements fonctionnant à l'aide des eaux privées.

405. Dans la première hypothèse, le fait seul que le point d'eau fixé administrativement a été dépassé, n'en fût-il résulté ni inondation, ni dommages pour les tiers, constitue une contravention. Il y a là, dans tous les cas, une de ces infraction à un règlement administratif que prévoit et réprime l'article 471 du Code pénal'.

Ce n'est toutefois qu'avec une extrême réserve que l'administration poursuit un fait pur et simple de surélévation. Elle ne saurait se montrer rigoureuse, alors qu'il s'agit de la manutention d'un élément si naturellement et si soudainement variable dans son volume. Elle apprécie toujours les circonstances, et elle n'agit que si, par négligence ou imprudence, l'usinier se trouve évidemment en faute.

Le plus souvent, d'ailleurs, elle accorde aux maîtres d'usines, pour le niveau de leurs eaux, une tolérance de plusieurs centimètres, suivant l'importance et la hauteur des berges; et elle les considère comme n'étant en faute, que si, les eaux dépassant la hauteur tolérée et les mettant, pour ainsi dire, en demeure de leur procurer un débouché suffisant, ils ont négligé d'ouvrir les vannes en temps opportun.

La faute s'aggraverait, bien entendu, si, de la surélévation, résultaient des inondations sur les propriétés et les chemins d'autrui. Ce ne serait plus alors d'une simple infraction à un règlement administratif qu'il s'agirait; il y aurait là un délit puni par l'article 457 du Code pénal précité.

Il est vrai que, dans ce cas, et dès qu'il est considéré comme

1 V. n. 229.

Nadault de Buffon, t. II, p. 534; Daviel, n. 999, d,

délit, le fait n'est pas punissable par cela seul qu'il aurait été matériellement constaté; il faudrait, en outre, que la surélévation des eaux fût moralement imputable à l'usinier. Mais toujours est-il que la responsabilité devrait être présumée. Jusqu'à preuve du contraire, la surélévation des eaux ne saurait être attribuée qu'à la négligence, à l'incurie de l'usinier, ou bien à l'insuffisance des mesures qu'il était obligé de prendre, pour livrer passage au volume éventuellement possible du cours d'eau. Pour que sa responsabilité cessât, il faudrait donc qu'il prouvât que la surélévation et, par suite, l'inondation, ont été occasionnées par un cas de force majeure, et qu'il n'a pu ni les prévoir ni les empêcher. Seule, la réunion de ces deux circonstances pourrait dégager så responsabilité morale et matérielle, et rendre inapplicable la pénalité de l'article 4571.

Le remous qui serait causé, sous la roue d'une usine supérieure, par la surélévation des eaux, ne devrait pas être considéré, ni puni comme une inondation, dans le sens de l'article susmentionné. Il n'y aurait là qu'un de ces faits de transmission nuisible des eaux, dont nous allons nous occuper un peu plus loin.

406. Nous arrivons à la seconde hypothèse, c'est-à-dire au cas où la surélévation des eaux a été produite par une usine non réglementée.

Ici, bien entendu, le fait ne peut jamais constituer d'infraction à un règlement quelconque, puisqu'il n'en existe pas. La faute ne commence que si, par suite de la hauteur des eaux, il se produit des inondations sur les propriétés publiques ou particulières. Mais alors, ce n'est nullement l'article 457 du Code pénal qu'il faut y appliquer, cet article ne disposant que pour les cas où il s'agit d'usines dont le point d'eau a été fixé administrativement 2; c'est l'article 15 précité de la loi

1 Cass., 12 juin 1846 (Morillon).

2 Cass., 4 novembre 1824 (Parrain).

« PreviousContinue »