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41. Par ordre du préfet, la demande est affichée dans toutes les communes à cinq kilomètres dans le rayon de l'établissement projeté. La durée de l'affichage est d'un

mois.

Pendant ce délai, dans chaque mairie de ces communes, il se fait une enquête de commodo et incommodo, c'est-à-dire une information sur les inconvénients que pourrait offrir l'exécution de l'entreprise. C'est alors que sont présentés les moyens d'opposition par les tiers, intéressés à faire repousser la demande. Les maires eux-mêmes peuvent formuler leurs réclamations au nom collectif de leurs administrés.

Ce délai cependant n'est nullement de rigueur pour ceux qui veulent former opposition. Le droit de plainte est permanent, et la suite va nous montrer que, tant qu'il n'a pas été statué sur la demande, les tiers sont toujours à temps pour exercer ce droit.

Le certificat de l'apposition des affiches et le procès-verbal de l'enquête et des oppositions sont dressés par les maires. Ils seraient dressés par les adjoints, au cas où les maires se seraient rendus parties en réclamant au nom de leurs com

munes.

L'affiche de la demande, la réception des oppositions pendant un mois, la constatation de ces formalités par les autorités locales, sont autant de règles substantielles dont l'inobservation totale ou partielle permettrait à ceux qui ont subi les conséquences de cette irrégularité, de réclamer l'annulation de la décision prise sur la demande.

C'est ainsi qu'au cas où cette demande n'aurait pas été affichée dans une commune du rayon, les propriétaires et habitants de cette commune pourraient former tierce opposition, par la voie contentieuse, à l'acte d'autorisation qui

Art. 3, décret, 1810; art. 2, ordonn., 14 janvier 1815.

serait intervenu sans qu'ils aient été mis en demeure de produire préalablement leurs réclamations 1.

42. Lorsque l'enquête est terminée, les pièces sont remises par les maires au sous-préfet qui, après examen des résultats de l'information administrative, donne son avis sur la demande, sous forme d'arrêté; ensuite il adresse le tout au préfet.

43. L'instruction continue devant ce fonctionnaire. C'est donc à lui qu'on doit adresser les oppositions qui n'auraient pu se produire durant l'enquête faite au sein des communes.

44. Toutes les oppositions formulées jusqu'au moment où le préfet, déclarant son information complète, se met en mesure de statuer, doivent être soumises à l'appréciation du Conseil de préfecture. «S'il y a des oppositions, dit l'article 4 du décret de 1810, le Conseil de préfecture donnera son avis, sauf la décision du Conseil d'Etat. » C'est bien d'un simple avis qu'il s'agit ici, et non d'un acte de juridiction 2. Aussi cet avis ne peut-il être déféré au Conseil d'Etat par la voie contentieuse 3. Les derniers mots de l'article 4 précité, relatifs au recours possible devant ce haut tribunal administratif, n'ont trait qu'à la sentence qui serait rendue par le Conseil de préfecture, sur l'appel que les tiers opposants auraient cru devoir porter devant lui, à la suite de la décision prise par le préfet sur la question d'autorisation. Dans un instant nous allons parler du pouvoir juridictionnel du Conseil de préfecture, bien distinct de ce droit d'intervention officieuse et antérieure à la décision préfectorale, qui lui est ici réservé par l'article 4 du décret de 1810.

45. Le préfet, avant de statuer, s'éclaire encore soit de l'avis du Conseil d'hygiène et de salubrité dans les départe

1 Conseil d'Etat, 6 mai 1853 (Perrache); id., 22 août 1853 (Danglade).

2 Conseil d'Etat, 2 juillet 1812 (Grosjean).

3 Conseil d'Etat, 22 juin 1825 (Barsotier); id., 8 mars 1827 (Guerineau); id., 19 mars 1828 (Holland).

▲ V. n. 46.

ments où ce Conseil existe, soit de l'avis des ingénieurs des mines, là où le Conseil de salubrité n'existe pas. Il peut même, dans les cas délicats, s'adresser au Comité central des arts et manufactures, et lui transmettre les pièces de l'affaire1. Lorsqu'il s'agit d'une usine à feu, les agents forestiers de la localité doivent être également consultés 2.

46. Arrivée à ce point, l'instruction, aux termes du décret de 1810, suivait la marche que voici : Le préfet, au vu de toutes les pièces, donnait son avis sous forme d'arrêté, et transmettait le tout au ministre de l'agriculture et du commerce. La demande subissait alors un nouvel examen; puis, si elle était jugée digne d'être prise en considération, elle était renvoyée au Conseil d'Etat pour la préparation du décret d'autorisation, lequel était rendu par le chef de l'Etat, en la forme des règlements d'administration publique 3. La nature de cette décision empêchait d'ailleurs qu'elle pût être l'objet d'un recours par la voie contentieuse.

Cette procédure vient, en dernier lieu, de subir un changement complet.

Le décret du 22 mars 1852 « sur la décentralisation administrative» porte, art. 2: « Les préfets des départements statueront, sans l'autorisation du ministre, sur les divers objets concernant la police sanitaire et industrielle dont la nomenclature est fixée par un tableau B annexé. » Or, dans ce tableau, nous lisons: « 8° Autorisation des établissements insalubres de première classe dans les formes déterminées pour cette nature d'établissements et avec les recours existant aujourd'hui pour les établissements de deuxième classe. »

Le droit d'autorisation, qui n'appartenait ici qu'au gouvernement, se trouve donc désormais confié aux préfets.

1 Circulaire ministérielle, 15 décembre 1852.

? V. n. 114.

Art. 1, 5, décret, 1810.

Ceux-ci, toutefois, n'ont reçu ces nouveaux pouvoirs qu'à la condition d'observer les formes anciennement prescrites. C'est ce que fait fort bien remarquer une circulaire du 6 avril 1852, dans laquelle le ministre s'adresse aux préfets en ces termes : Veuillez dorénavant suivre la nouvelle marche indiquée dans le décret et prononcer, selon qu'il y aura lieu, l'admission ou le rejet des demandes, après accomplissement des formalités prescrites par le décret du 15 octobre 1810 et l'ordonnance du 14 janvier 1815, et après que vous aurez pris l'avis du Conseil d'hygiène et de salubrité de l'arrondissement dans lequel l'établissement sera projeté. Le Conseil de préfecture devra d'ailleurs être consulté comme par le passé, sur les oppositions qui se produiraient dans le cours de l'instruction, tout en conservant sa juridiction pour le cas où les opposants croiraient devoir y recourir après la décision d'autorisation. >>

La modification la plus grave introduite dans la matière consiste dans l'adoption des recours contentieux qui jusqu'alors n'étaient permis que pour les établissements de la deuxième classe. De cette innovation il résulte que c'est devant le Conseil d'Etat que l'impétrant doit se pourvoir contre l'arrêté préfectoral portant rejet de sa demande ou qui ne l'admettrait qu'à des conditions trop onéreuses; — que c'est devant le Conseil de préfecture que les tiers intéressés doivent recourir contre l'arrêté qui n'aurait pas accueilli leurs oppositions, sauf appel au Conseil d'Etat; - enfin, et ce point est fort grave, que ce recours des tiers devant le Conseil de préfecture n'est soumis à aucun délai et reste suspendu comme une menace permanente sur les établissements de la première classe. Pour le développement de ces différentes règles, nous renvoyons aux ateliers de la deuxième catégorie 1.

1 V. n. 51 et suiv.

47. Insistons cependant sur ceci. C'est exclusivement deyant les juges que nous venons d'indiquer, que le recours contre la décision préfectorale doit être porté. Il y a bien, en matière administrative, une règle générale qui permet de déférer les actes des préfets, par la voie d'appel, à celui des ministres que l'objet de la décision concerne. Mais cette règle qui est, au surplus, consacrée de nouveau par l'article 6 du décret du 22 mars 1852, n'a trait évidemment qu'aux actes préfectoraux intervenus sur des sujets pour lesquels des règlements particuliers n'ont point institué de recours spéciaux. Ce n'est pas ici le cas, puisque tout un système de recours a été organisé par le décret de 1810 et par l'ordonnance de 1815. Ce serait donc mal s'engager que de vouloir, en matière d'établissements nuisibles, se pourvoir contre les décisions préfectorales devant le ministre du commerce plutôt que devant le Conseil d'Etat ou devant le Conseil de préfecture 1. La perte de temps qui résulterait d'une fausse manœuvre de cette sorte serait le plus souvent assez notable pour entraîner la déchéance du droit de recours et la forclusion.

48. Le décret précité du 22 mars 1852 porte encore: art. 7. « Les dispositions des art... 2... ne sont pas applicables au département de la Seine. » On en a voulu conclure 2 que, pour les établissements projetés dans ce département, il fallait encore se référer aux anciennes règles et que, par conséquent, l'autorisation ne pouvait être accordée que par un décret rendu en Conseil d'Etat. Mais, d'une rectification insérée, sous forme d'erratum, au Bulletin des Lois, à la suite du bulletin 524, n° 4017, page 1180, il résulte que l'exception concernant le département de la Seine, n'est relative qu'à « l'administration départementale proprement dite et à celle de la ville et des établissements de bienfaisance. » Elle ne s'étend donc pas aux

Circulaire ministérielle, 15 décembre 1852.

1 Avisse, Décent. admin., Établ. indust., p. 10; Dalloz, Répert., n. 37.

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