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ment de cette amende. D'abord, il est évident que cette question ne prétente quelques difficultés que lorsque la condamnation est devenue définitive; car si le condamné était décédé avant que le jugement fût revêtu du caractère de la chose jugée, l'amende serait éteinte par ce décès (1), c'eat ce qui résulte de l'art. 2 du C. Inst. Crim. portant que l'action publique. pour l'application de la peine s'éteint par la mort du prévenu.

Mais si le jugementa acquis, avant le décès, le caractère de la chose jugée, des doutes graves s'élèvent sur son exécution. Car l'amende est une peine, et il est de l'essence des peines d'être purement personnelles et de ne pas passer aux héritiers. Elle diffère de la condamnation civile, en ce que celle-ci est la réparation d'un dommage causé, tandis que l'amende est la réparation d'un devoir violé : les héritiers sont responsables du dommage causé par leur auteur; ils ne le sont pas de la violation qu'il a commise de ses devoirs moraux. On objecte que l'art. 2, G. Inst. Crim., ne prévoit que l'extinction de l'action et non l'abolition de la condamnation. Mais cet article n'est qu'une application du principe que les peines sont personnelles pourquoi distinguer entre les peines pécuniaires et les peines corporelles? cette distinction n'est-elle pas d'ailleurs exclue par le 2o S dụ même article qui ne laisse subsister contre des représentants que l'action civile pour réparation du dommage? (2).

Toutefois ces motifs, quelque spécieux qu'ils soient, ne suffisent pas pour entraîner la solution de cette question. Aux termes de l'art. 2, G. Inst. Crim., l'action pour l'application de la peine s'éteint par le décès du prévenu; mais, lorsque ce prévenu a été frappé d'une condamnation devenue définitive, ce n'est plus une simple action qui se présente, c'est un droit acquis. Si ce droit ne peut s'exercer, par suite de la nature même des choses, à l'égard des peines corporelles, il en doit être autrement pour les peines pécuniaires, parce que la condamnation à l'amende est devenue une dette au profit de l'état, du moment où le jugement qui l'a prononcée a passé en force de chose jugée. Or, les biens du débiteur étant, aux termes de l'art. 2093, C. C., le gage commun de ses créanciers, ces biens ont été affectés à cette dette, dès qu'un jugement définitif l'a prononcée, et c'est avec cette charge qu'ils sont passés aux héritiers. Au surplus, il existe dans ce sens une autorité imposante qui semble devoir écarter toute discussion. En effet, on lit dans les procès verbaux du conseil d'état, que cette question fut soulevée dans les discussions qui préparèrent le code d'instruction criminelle, et qu'il fut reconnu par le conseil, dans la séance du 31 mai 1808, que le jugement qui prononce une amende et qui est devenu définitif

(1) Arr. cass. 28 messidor an 8 et 9 décembre 1813.-M. Bourguignon, Manuel d'inst. cr.

(2) M. Carnot, Comm. du Code pén., cite dans ce sens, sans exprimer son opinion personnelle, deux arrêts, dont l'un du 18 avril 1811 a échappé à toutes nos recherches, et dont l'autre du 28 messidor an 8, a été rendu dans une espèce différente. On peut citer encore à l'appui du même système un avis du conseil d'état du 20 fructidor an XIII, approuvé le 26. (Bull. des lois, an 13, 2o s., p. 608.)

avant le décès du condamné, doit recevoir son exécution, nonobstant le dé cès (1).

Les amendes peuvent-elles se cumuler indéfiniment? La cour de cassation a décidé par arrêt du 21 octobre 1827; que l'art. 365, C. Inst. Cr., n'est point applicable aux amendes et peines pécuniaires portées par les lois relatives aux matières qui n'ont pas été réglées par le Code pénal. La première conséquence qu'on doive inférer de cet arrêt, est que le principe de la non cumulation des peines, s'applique aux amendes portées par le Code pénal; et, en effet, les amendes ne sont-elles pas des peines, et la régle de l'art. 365 n'est-elle pas générale? comment donc y faire une exception que la loi n'a nulle part autorisée ? A l'égard de la restriction de cette règle relativement aux législations spéciales, nous pensons qu'il est nécessaire, pour lui refuser application, que cette restriction soit exprimée, Car le principe qui veut que les peines ne se cumulent pas hors le cas de récidive est un principe général de droit criminel qui domine toutes les branches de la législation, parce qu'il se fonde sur un motif d'équité qui se reproduit à l'égard de tous les délinquants : c'est qu'il est inutile et injuste à la fois de faire peser plusieurs peines sur un individu pour des faits commis avant qu'il n'ait reçu le solennel avertissement d'une première condamnation. Au reste, dans l'espèce de l'arrêt cité plus haut, il s'agissait de l'application de la loi du 15 ventose an XIII, relative à l'indemnité à payer aux maîtres de poste, et la Cour de cassation a sur-tout motivé sa décision sur ce que l'esprit formel de cette loi était de cumuler les amendes d'après le nombre des contraventions. On doit donc induire de là, et telle est la règle que notre intention a été de poser, que, même dans les matières spéciales, le principe de l'art. 365 doit être appliqué, à moins qu'il ne soit exclu par les dispositions mêmes de ces lois exceptionnelles.

Lorsque plusieurs individus ont commis une même contravention, ne doivent-ils encourir qu'une seule amende collective? La négative a souvent été jugée, notamment par arrêt du 7 janvier 1814, qui décide qu'en

(1) M. Locre, t. XXV, p. 118, rapporte la discussion suivante « M. le comte de Cessao demande si l'héritier d'un déserteur est affranchi, par la mort de ce dernier, du paiement de l'amende et des autres condamnations pécuniaires.-S. A. S. le prince archichancelier, dit que la mort du coupable n'éteint que l'action publique.-M. le comte de Cessao, dit que cependant l'article a semble remettre toute espèce de peine. 2 -M. Treilhard observe que l'article ne fait cesser que l'application de la peine; ce qui ne convient pas à l'amende et aux autres réparations pécuniaires.-M. Merlin distingue entre le cas où l'amende est prononcée et celui où elle ne l'est pas. Dans le premier cas, la condamnation doit avoir ses effets; dans le deuxième, la mort du prévenu le faisant réputer innocent empêche qu'aucune peine, même pécuniaire, puisse lui être appliquée.-S. A. S. le prince archichancelier dit que ce sont-là les vrais principes. L'explication de M. Merlin étant consignée dans le procès-verbal, lévera les doutes et fixera le sens de l'article. Il sera bien entendu que le jugement qui prononce l'amende recevra son exécution, nonobstant la mort du condamné. ■

matière de délits forestiers, il doit être prononcé autant d'amendes qu'il y a de délinquants surpris, et par arrêt du 7 décembre 1826, lequel déclare que l'amende encourue par divers individus pour une même contravention de police, doit être prononcée contre chacun d'eux individuellement (1). Cependant la Cour de cassation a décidé depuis, dans une affaire forestière, que de ce que plusieurs personnes ont concouru à un même fait d'enlèvement ou extraction d'objets existants dans une forêt, il ne s'ensuit pas qu'on doive prononcer l'amende contre chacune de ces personnes; et que, n'y ayant qu'un seul fait répressible, il n'y avait lieu qu'à l'application d'une seule amende (2). Cette décision contraire à la jurisprudence générale de la même cour, ne paraît pas devoir être suivie. Il est évident que dans la perpétration d'un fait puni par la loi, il y a autant de contraventions qu'il y a de contrevenants; l'infraction n'est pas seulement dans le fait matériel, mais dans la violation de la défense de la loi. Et d'ailleurs, si une amende unique était distribuée entre un grand nombre de délinquants, il se trouverait que la disposition répressive de la loi n'aurait plus d'effet, et que son vœu qui a été d'atteindre toutes personnes convaincues du délit, ne serait pas rempli.

Cependant, ce principe doit lui-même être restreint dans un cas spécial : c'est celui où les individus auteurs du délit, forment réunis un être collec tif, un être moral. Ainsi une société commerciale peut encourir une conJamnation par suite de la responsabilité du fait de l'un de ses agents; mais cette condamnation ne frappe que sur l'être collectif, et non sur chacun des associés individuellement, lorsque la contravention est punissable d'une amende: le juge ne peut donc en prononcer qu'une, alors même que plusieurs associés ont été mis en cause individuellement. (3)

La solidarité qui existe à l'égard des amendes entre les individus condamnés pour un même crime ou pour un même délit (art. 55, C. P.) doit-elle être étendue en matière de contraventions de police ? Il nous semble que la négative résulte du silence du Code à cet égard. Différent en cela de la loi du 22 juillet 1791, tit. II, art. 42, le Code pénal ne prononce point la solidarité des amendes encourues pour de simples con. traventions; on doit conclure que les juges ne pourraient la suppléer, puisqu'il est de principe que la solidarité ne peut résulter que de la convention ou d'une loi spéciale. (4)

Il suffit pour que le lien de la solidarité existe, que les accusés aient été condamnés pour le méme délit ; il n'est pas nécessaire qu'ils aient été condamnés aux mêmes peines. C'est ainsi qu'il a été décidé que deux prévenus condamnés l'un à 200 fr., l'autre à 400 fr. d'amende, étaient tenus solidairement du paiement de ces condamnations, parce qu'ils avaient commis le

(1) Voy. aussi les arrêts des 22 avril 1813, 21 octobre 1824, et 18 octobre 1822, 7 janvier 1814, etc.

(2) Arr. cass. 24 avril 1828.

(3) Arr. cass. 6 août 1829, rapp. dans notre art. 205.

(4) Carnot, comm. de l'article 55, CC. p.—Voy. l'art. 156, Déc. 2 juin

1811.

délit ensemble, au même lieu, dans le même tems, envers les mêmes personnes, et que dès lors, il existait entre eux une communion de fait et d'intention qui rendait indispensable la solidarité des amendes (1). La même solution s'étend même au cas où les prévenus n'auraient point commis le délit par suité d'un concert réfléchi et prémédité entre eux (2). Mais en pourrait-il être de même si plusieurs condamnés pour le même crime ou délit ne l'avaient pas été par le même jugement? La raison de douter est que l'art. 55, C. P., n'exige pas que les prévenus aient été condamnés par le même jugement. Mais il paraît difficile d'admettre que la condition d'un condamné puisse être aggravée après son jugement, par la condamnation postérieure de ses complices; et ce motif porte M. Carnot à résoudre négativement cette question. (3)

Il est sans doute inutile de rappeler qu'un tribunal de police ne peut, sous prétexte de l'insolvabilité du prévenu, se dispenser de prononcer contre lui l'amende qu'il a encourue pour contravention. En effet, la question de solvabilité est hors des attributions de l'autorité judiciaire ; il peut, dans ce cas, y avoir obstacle à l'exécution; mais cette circonstance de fait ne peut rien sur le principe. (4)

Mais si le législateur, en établissant une amende comme sanction d'une disposition prohibitive, n'en a fixé ni le maximum, ni le minimum, les tribunaux peuvent-ils arbitrairement suppléer à cette omission ? Les amendes arbitraires sont bannies de notre législation, et dès-lors on ne peut qu'adopter l'interprétation de la Cour de cassation qui décide que, dans le cas proposé, l'amende applicable doit être réduite au taux le plus faible des amendes, c'est-à-dire, à celles de simple police. (5)

Toutefois cette règle d'interprétation a présenté quelques difficultés dans l'application du nouvel art. 463, C. P. Le dernier paragraphe de cet article autorise les tribunaux, lorsque les circonstances paraissent atténnantes, à substituer la peine de l'amende à celle de l'emprisonnement: on a demandé quelle est, dans ce cas, la quotité de l'amende que les tribunaux doivent appliquer. Ainsi, un délinquant est prévenu de voies de fait envers un garde forestier; et la peine, aux termes de l'art. 230, C. P., est un emprisonnement d'un mois à six mois sans amende; or, s'il existe des circonstances atténuantes telles que le juge croit devoir profiter de la faculté que lui donne la loi de n'infliger qu'une amende au prévenu, quelle sera la quotité de cette amende qu'il substitue à l'emprisonnnement ? la difficulté naît de ce que l'art. 463 n'a déterminé que le minimum de cette amende : elle ne peut descendre au-dessous des peines de simple police; mais le législateur a omis de déterminer à quel taux elle peut s'élever. Cette difficulté fut sentie dans la discussion on lit dans le procès-verbal de la Chambre des Députés (6), ), que plusieurs membres demandèrent quelle serait l'amende que les

(1) Arr. cass. 3 novembre 1827.

(2) Arr. cass. 8 octobre 1813 et 2 mars 1814.

(3) Code pénal, T. 1er p. 160.

(4) Arr. Gass. 3 novembre 1826.

(5) Arr. Cass. 18 mars 1825 et nos art.

(6) Voy. Code pénal progressif, p. 348.

tribunaux pourraient substituer à l'emprisonnement? Il fut répondu que ce serait l'amende fixée par les lois suivant les circonstances, c'est-à-dire, que la question demeura sans réponse, puisqu'il est des cas, où, comme dans l'espèce proposée, la loi n'a fixé aucune amende. S'ensuit-il que le juge puisse, suivant les circonstances, prononcer une amende dans les limites qui lui paraîtront convenables? ce serait retomber dans le système des amendes arbitraires : nulle peine ne peut être infligée si ce n'est dans les limites posées par la loi. A notre avis, le seul moyen de solution est de n'appliquer, dans cette hypothèse, qu'une amende de simple police. A la vérité, rien dans la loi n'enchaîne précisément le juge dans le cercle de ces amendes; mais il suffit qu'il n'y ait pas de maximum indiqué pour que, conformément à la règle ci-dessus indiquée, la peine la plus faible soit seule applicable. Ensuite, on peut encore inférer que cette solution est conforme au véritable esprit de la loi, du rapprochement des différents termes de ce paragraphe de l'article. En effet, on y lit que les tribunaux correctionnels sont autorisés à réduire l'emprisonnement même au-dessous de six jours, et l'amende même au-dessous de 16 francs; et ces peines, ainsi réduites, prennent évidemment la nature des peines de simple police. Or, l'article ajoute: «Ils pourront aussi prononcer séparément l'une ou l'autre de ces peines » c'est-à-dire, des peines ainsi réduites, des peines de simple police; et si on lit ensuite après ces mots et même substituer l'amende à l'emprisonnement » cette restriction: « sans qu'en aucun cas elle puisse être audessous des peines de simple police, il est évident qu'elle n'a d'autre but que d'empêcher que l'amende descende au-dessous d'un franc, et l'emprisonnement au-dessous d'un jour.

ART. 1269.

PRESSE.-JOURNAL.-SUPPLÉMENT.-OBLIGATION DE L'IMPRIMEUR. Une feuille additionnelle à un journal existant, destinée à paraître régulièrement et à jours fixes, à être vendue et distribuée séparément et livrée à des abonnés pour un prix distincts, ne saurait être considérée comme un supplément pour lequel la loi du 14 décembre 1830 n'exige aucune augmentation de droits.

L'imprimeur n'est pas ienu de se faire justifier par le gérant ou propriétaire d'un journal du versement du cautionnement.

Ces deux questions neuves et importantes pour la presse périodique et la liberté de l'imprimerie, ont été résolues par l'arrêt suivant, qui rappelle suffisamment les faits qui ont donné lieu aux poursuites.

ARRÊT. (La Tribune.)

LA COUR, statuant sur l'appel du procureur du roi; Considérant, en fait, que Lionne, gérant du journal ta Tribune, a publié dans le numéro de ce journal du 15 novembre dernier, un avis portant qu'à l'avenir la Tribune paraîtrait régulièrement tous les dimanches, avec un supplément, qui serait vendu par des crieurs spéciaux, dans les rues de Paris, au prix de 10 centimes, et qu'elle recevrait des abonnements annuels, pour les

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