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DE

L'ÉGLISE DE FRANCE

PÉRIODE MODERNE.

LIVRE NEUVIÈME.
(1669—1700 )

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I.

Suites de la Paix de Clément IX. - Estime dont jouit Arnauld à Rome et auprès du clergé de France. Correspondance intime d'Arnauld avec Le Camus, evêque de Grenoble. Les religieux, et surtout les Jésuites, ennemis de l'épiscopat et de la paix. Une calomnie des Jésuites démentie. Mort de Gondrin, archevêque de Sens. De Harlai, archevêque de Paris; son caractère. Sa politique à l'égard de Port-Royal et des Jésuites.-Sa duplicite dans l'affaire de Henri Arnauld, évêque d'Angers. -Mort de Clément X.- Ce pape avait accordé à Bossuet le gratis de ses bulles pour l'abbaye de Saint-Lucien. Suite des actions de Bossuet

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Conseils qu'il donna à Louis XIV sur sa conduite

privée. Innocent XI pape. - Rapports d'Arnauld avec Innocent XI et le cardinal Cibo, son ministre. Intrigues contre Arnauld, à propos d'un projet de lettre à innocent XI contre la morale des Casuistes. - Mallet attaque PortRoyal, et le roi refuse à Arnauld la permission de le défendre. On rend Arnauld suspect au roi, à cause des visites qu'il reçoit. Arnauld, pour se soustraire à la persécution, quitte la France et se retire en Hollande. Affaire de la Régale. Les Jésuites et les Gallicans parlementaires contre le pape. Les évéques d'Aleth et de Pamiers, et l'école de Port-Royal avec le pape contre le gallicanisme exagéré. Mort de Pavillon, évéque d'Aleth. Lettre de l'évêque de Saint-Pons à propos de son rituel. Suite de l'affaire de la Régale. Le temporel de l'évèque de Pamiers est saisi. Aumônes faites à cet évêque. Il a recours à Innocent XI. Les deux premiers brefs du pape à Louis XIV. Lettres de l'évêque de Pamiers à ce roi et au P. de La Chaise. Lettres du pape à l'évêque de Pamiers. Troisième bref du pape à Louis XIV. - Intervention du cardinal d'Estrées. Mort de l'évêque de Pamiers. Lettre de l'assemblée du clergé au roi, au sujet de ses discussions avec la cour de Rome. Suite de l'affaire de la Régale à Pamiers, après la mort de Caulet. Intervention de l'archevêque de Toulouse et du pape. - Les choses se compliquent par l'affaire des religieuses de Charonne. - Assemblée extraordinaire du clergé en 1681. Elle émet le vœu d'une assemblée générale.

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CLEMENT IX ayant donné la paix à l'Église, de concert avec Louis XIV, les dissensions et les querelles furent apaisées pour

ΧΙ.

quelque temps. Péréfixe, archevêque de Paris, était naturellement pacifique ; et si les Jésuites et le roi l'eussent abandonné à sa propre nature, on ne l'eût jamais trouvé mêlé aux discordes, dans lesquelles il joua un rôle si peu honorable. Le Père Ferrier, qui succéda alors au P. Annat en qualité de confesseur du roi, eut moins d'influence à la cour que son prédécesseur; il avait, du reste, montré quelque velléité de pacification, lors des conférences qu'il avait eues avec plusieurs docteurs de Port-Royal, en présence de l'évêque de Comminges.

Clément X, qui succéda à Clément IX sur le Saint-Siége, se montra disposé à donner suite à l'œuvre de pacification de son prédécesseur. Les Jésuites essayèrent bien de lui inspirer des sentiments contraires; mais leurs efforts furent inutiles; et, malgré leurs intrigues, d'Estrées, évêque de Laon, qui avait été particulièrement chargé, par Clément IX, de négocier la paix, fut élevé au cardinalat.

D'Estrées partit pour Rome au commencement de 1671, avec l'intention d'être utile, auprès du pape, à l'école de Port-Royal.

« Ce prélat est bien intentionné, écrivait Arnauld à l'évêque d'Aleth, et a grande envie de servir la vérité en tout ce qu'il pourra; mais il souhaite surtout de faire sentir à ces messieurs de Rome la faute qu'ils ont faite par les deux brefs de Clément IX, l'un contre votre rituel, et l'autre contre le Nouveau-Testament 2. Il demande des mémoires sur l'un et sur l'autre ».

D'Estrées écrivit de Rome à Arnauld que ses adversaires lui avaient surtout fait un crime, auprès de Clément X, d'avoir travaillé à la paix. Le docteur lui répondit 3:

« Puisque Votre Éminence a bien voulu me faire savoir que le plus grand moyen que ses ennemis avoient trouvé pour la traverser a été de lui faire un crime du service qu'elle avoit rendu à l'Église en travaillant à lui redonner la paix, elle ne peut pas douter qu'autant qu'un procédé si déraisonnable nous a dù causer d'indignation, nous n'ayons eu autant de joie d'apprendre qu'il n'a apporté que de la confusion à ceux qui s'en sont servis, et que,

Arnauld, Lettre 255.a à l'évêque d'Aleth, t. 1 des OEuvres complètes. Traduction dite de Mons.

Arnauld, Lettre 263.e au cardinal d'Estrées.

nalgré tant d'injustes oppositions, le pape a enfin reconnu publiquement ce qu'il avoit déjà fait en votre faveur 1».

1

Le cardinal d'Estrées accomplit parfaitement la tâche qu'il avait entreprise, et donna au pape et à la cour de Rome la plus haute opinion de l'École de Port-Royal et d'Arnauld en particulier, Depuis longtemps le cardinal Bona avait, pour ce grand théologien, l'estime qu'il méritait, et lui avait fait hommage de ses doctes travaux sur la liturgie 2. Les prélats romains les plus éminents avaient pour lui la même estime. Nous trouvons, à ce sujet, des renseignements précieux, dans une lettre qu'écrivit de Rome à Arnauld un prêtre de la paroisse de Saint-Eustache, nommé l'Escot, qu'il avait chargé de plusieurs de ses ouvrages pour les cardinaux. Voici quelques extraits de cette lettre 3.

« Je vous dirai donc, monsieur, que depuis que j'eus présenté vos livres, dont vous eûtes la bonté de me charger, et que j'eus salué messeigneurs les cardinaux Fr. Barberin, Altiéri patron, Rospigliosi et Bona, ainsi que je vous le fis savoir par la lettre que je vous écrivis sur le bon accueil qu'ils firent à vos présents et au porteur, depuis, dis-je, cet heureux moment, ils m'ont, en toute rencontre, fait paraître les marques de l'estime qu'ils font de votre mérite. Je ne vous parlerai pas de Monseigneur Bona; vous le connaissez suffisamment. Il a tous les justes sentiments pour vos rares qualités; et quoiqu'il ait appris le silence dans le cloître, ce qui fait que, comme il parle peu, ses paroles sont autant d'oracles, néanmoins, toutes les fois que je l'ai vu, il s'est toujours fort étendu sur vos louanges.

» Pour ce qui est de Monseigneur le cardinal Rospigliosi, il suffira de vous dire que c'est un des plus civils de tous les cardinaux, et un de ceux qui connaissent mieux ce que vous méritez. Pour ce qui est de toute votre noble et illustre famille, il est dans les sentiments du feu pape, d'heureuse mémoire, Clément IX, son oncle, qui, dans les occasions où l'on parlait de votre famille, disait qu'elle était comme celle de ces grands héros, que l'on reconnais

1 D'Estrées avait été nommé cardinal le 24 août 1671. Il ne fut déclaré que l'année suivante.

V. une lettre de ce cardinal et la réponse d'Arnauld, dans la correspondance de ce dernier, Lettres 261.e et suivantes.

* On trouve cette lettre dans la correspondance d'Arnauld, après la 264.o, t. I des OEuvres complètes, p. 700 et suiv.

sait à quelque signe et quelque marque, qui faisaient connaître la race dont ils avaient pris naissance; mais que la vôtre se reconnaissait par la science, la profonde doctrine et l'éloquence qui lui était propre et particulière, nommant votre plume une plume d'or, et votre personne le Chrysostôme de notre siècle.

» Monseigneur le cardinal-patron 1, nonobstant les grands embarras et les occupations continuelles dans toutes les affaires de cet État et de l'Église, qui passent toutes par ses mains et auxquelles il s'applique avec une assiduité toute particulière, a eu la bonté de me discerner, dix ou douze fois, parmi le grand nombre de personnes qui lui font la cour; et, à toutes les fois, il m'a parlé de vous et m'a demandé de vos nouvelles; et, touchant vos livres, il m'a dit que, quoique les affaires lui laissassent peu de temps, il en prenait tous les jours ce qu'il en faut pour s'en faire lire un chapitre. Il m'a dit plus de vingt fois que l'Église vous était redevable, et concluait toujours par ces paroles: Cet homme ne devrait jamais mourir, m'obligeant de vous assurer de ses sentiments >>.

Le 29 novembre, (1672) L'Escot fut reçu en audience particulière par le pape, et on lui recommanda surtout d'avertir Sa Sainteté que c'était lui qui avait apporté au cardinal-patron les livres d'Arnauld. Dès qu'il se fut fait ainsi connaître, Clément X lui parla avec éloge de ce docteur et de ses livres, surtout de la Perpétuité de la Foi, dont il s'était fait lire le premier volume, dédié à Clément IX. Il manifesta le plus vif désir d'avoir les autres livres d'Arnauld, et témoigna qu'il avait pour sa science la plus grande admiration.

- Au mois de février de l'année suivante, Arnauld adressa au pape les livres qu'il désirait. Il y joignit deux lettres pour Clément X et pour le cardinal-patron; elles sont l'une et l'autre remplies des sentiments d'un fils dévoué de l'Église catholique.

En France, comme à Rome, les plus dignes évêques avaient pour Arnauld une confiance sans bornes et le respect le plus profond. Plusieurs le consultaient comme leur oracle. De ce nombre était l'évêque de Grenoble, Le Camus, qui fut depuis cardinal et qui éditia l'Église de France par la pratique continuelle de vertus vraiment apostoliques.

Le Camus avait aimé le monde dans sa jeunesse. Il était sincère

Altieri, neveu du pape Clément X.

2 Arnauld, Lettres 267.e et 268.e.

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